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Château de Dortan (Ain)
 
 

 Le Christianisme, en répandant la civilisation dans les Gaules, repeupla ses déserts et les rendit à l'agriculture et à la vie. C'est ainsi qu'un pieux anachorète fondait l'abbaye de Saint-Claude. Elle acquit ses premières richesses au prix d'un labeur patient, le défrichement d'une terre rocailleuse et couverte d'épaisses forêts. Quand elle fut devenue célèbre, les princes burgondes et les rois carlovingiens contribuèrent par d'immenses libéralités à l'éclat de sa haute fortune. Au XIVe siècle, son patrimoine s'étendait sur une région d'une ampleur princière. Maître de tels domaines, l'aristocratique et opulent monastère dut assumer toutes les charges de la souveraineté, et répondre par les armes aux agressions de ses voisins. Il édifia des châteaux forts pour sa défense et les peupla de gens de guerre. Après avoir fortifié les pas-sages qui conduisaient à son territoire du côté de la Suisse, d'où partaient surtout les hostilités, il songea à se protéger du côté opposé et hérissa de forteresses les crêtes des montagnes: alors surgirent les châteaux de la Roche-Jean, Dortan, Oliferne, Châtel-Blanc, Arbent, Châtillon-Michaille et Moisant. Vers le commencement du XVIIe siècle, ces citadelles s'écroulèrent dans les flammes ou sous le fer des armées royales, dont la mission était d'assurer la libre domination du Bugey à la couronne de France; à peine en subsista-t-il quelques pierres pour attester à la contrée leur ancienne et éphémère puissance. Un seul de ces châteaux survécut à tant de ruines: ce fut celui de Dortan. On suppose qu'il dut sa conservation au peu de crainte qu'il inspirait à l'artillerie; elle peut, en effet, prendre facilement position contre lui sur un plateau de rochers qui le dominent.
Témoin muet de grandeurs évanouies, le château de Dortan reste donc comme un vestige imposant des possessions guerrières de l'abbaye de Saint-Claude. Son architecture l'a fièrement implanté dans les aspérités du roc, sur un mamelon de la chaîne du Jura, à distance égale de Nantua, qui se mire dans l'onde azurée de son beau lac, à Saint-Claude, sa vieille suzeraine. Là, comme une sentinelle avancée, le manoir féodal commandait de ses murs crénelés les trois vallées de Thoirette, d'Oyonnax et de Dortan qui affluent vers Saint-Claude, et nul voyageur, sur la route tourmentée du Bugey à la Comté, ne pouvait se soustraire à l'oeil investigateur de l'homme d'armes qui veillait à toute heure derrière le pont-levis. C'était, pour une forteresse féodale, un site digne d'envie que celui de Dortan. La possession et le soin de la défense furent confiés aux seigneurs du lieu, les comtes de Dortan, illustre famille dont les armoiries sont restées gravées sur les murs de l'église de la paroisse, à l'entrée de la chapelle seigneuriale qui gardait leurs ossements. Certains indices permettent de supposer que le château actuel a été élevé sur les ruines d'une citadelle romaine. Il était flanqué de deux tours carrées; celle du sud surtout, incrustée dans le roc qui lui sert de base, présentait une solidité qui la rendait inexpugnable avant l'invention de l'artillerie. La seconde tour, ornée de tourelles en encorbellement, fut construite en 1199 et surélevée en 1320 par Renaud de Dortan, qui eut à ce sujet un différend assez grave avec le sire de Thoire-Villars, dont il relevait. En 1447, Gaspard de Dortan fut l'un des héros du célèbre tournoi de la dame de Flours.
La seigneurie de Dortan comprenait la baronnie d'Ufelle et les fiefs de Bonaz et Esmondeux. L'église dépendait du diocèse de Lyon, le collateur de la cure était le grand prieur de l'abbaye de Saint-Claude, et la dîme appartenait à ce monastère. Le seigneur percevait un droit sur tout ce qui allait et venait de la Comté dans le Bugey et prélevait sa dîme sur la onzième gerbe. Jusqu'à l'annexion du Bugey à la France, le château de Dortan, malgré son importance, ne jette que peu d'éclat dans les annales historiques de la contrée. La forteresse ne fit cependant pas défaut à sa mission protectrice et soutint vaillamment la lutte entamée contre l'abbaye de Saint-Claude par les comtes de Genève. Fidèles à ce devoir, les seigneurs restèrent aussi fidèles à l'hommage dû par eux au saint patron du monastère. Tous les ans, la veille de la fête de monseigneur saint Claude, pendant le magnificat des premières vêpres, au son des cloches et des trompettes, une procession composée des dignitaires de l'abbaye, des gentilhommes, bourgeois et officiers, s'avançait vers la châsse où reposaient les reliques; le plus illustre des seigneurs de l'assemblée portait à cette procession un cierge de trente livres fourni par le châtelain de Dortan. Sous Louis XIII, les destinées du château furent plus agitées et la fortune adverse lui réservait de violents orages, au milieu desquels il faillit disparaître, emporté par la tempête. Il y avait peu d'années que le Bugey, dont il faisait partie, était annexé au royaume de France (1601); la Franche-Comté résistait à ce travail d'unification pour lequel nos souverains combattent depuis quatorze siècles et dont le couronnement seul nous apportera la force avec la paix.
Une guerre de dix ans allait s'allumer entre la France de Louis XIII et l'Espagne dont la Franche-Comté espagnole fut le théâtre, guerre assortie de coups de mains sur les frontières entre partisans bugistes, les gris et comtois, les Cuenais, au cours de laquelle Dortan et Arbent furent cruellement éprouvés. En 1637, ce conflit frontalier entra dans une phase aiguë de la Bresse au Haut-Bugey. L'armée comtoise s'empara du château de Martignat, brûla et détruisit celui d'Arbent; Montréal tint bon. Quant au château de Dortan, son seigneur ayant observé la tournure des évènements jugea bon de se ranger du côté des Cuenais. Et lorsque ceux-ci se présentèrent devant le pont-levis, Louis de Dortan s'empressa-t-il de le baisser avec l'approbation de son fils Philippe-François, arguant de son obligeance à l'abbé de Saint-Claude. La peine ne se fit point attendre. Les châtelains de Dortan furent condamnés à être pendus pour crime de félonie, et leurs terres confisquées au profit du Roi. Le château devait être rasé, et le terrain sur lequel il est édifié labouré à la charrue et semé de sel. Les seigneurs furent pendus en effigie et durent acquitter les frais de cette pendaison (soit 1891 livres 9 deniers 8 sols), mais le château ne fut pas démoli; on se contenta de le saccager et d'y mettre pendant quelque temps, une garnison française, le capitaine Douglas, noble écossais au service de France, commanda pendant un an cette garnison et dut à ce séjour une alliance avec l'héritière du seigneur de Montréal. C'est ainsi que cette branche de l'illustre famille des Douglas s'est implantée dans le voisinage de Dortan, à Montréal, où elle joue un rôle et tient un rang dignes du grand nom qu'elle porte.
Après quoi, le roi en fit don au sieur de Reydellet, par brevet dont voici la curieuse teneur avec son orthographe: "Aujourd'hui, le sixième du mois de febvrier mil six cent trente-sept, le Roy estant à Orléans et voulant favorablement traiter le sire de Reydellet, l'un des chevau-légers de la compagnie de sa garde. En considération de ses services, Sa Majesté luy a accordé et fait don de tous les biens meubles et immeubles des sieurs de Dortan père et fils à elle confisqués pour avoir rendu le chasteau dudit sieur de Dortan aux ennemis. Mande sa Majesté d'expédier toutes les nécessaires audict sire de Reydellet, en rapportant sentence au narrez de condamnation et cependant le présent brevet signé de sa main et contre-signé par moy, son Conseiller et Secreptaire d'Etat de ses commandemens". Soit que le présent séduisît peu le sieur de Reydellet, soit par tout autre motif, il ne garda ni la terre ni le château et deux mois après rétrocéda l'un et l'autre à leurs anciens propriétaires. C'étaient d'assez mauvaises têtes que ces descendants des sages seigneurs de Dortan, car ils disparurent du pays dans l'impénitence finale. Vers la fin de ce même XVIIe siècle, l'un d'entre eux, François de Dortan, descendit à Oyonnax à la tête d'une troupe armée et rançonna ses voisins comme l'eût fait un condottiere. Ce genre d'escapades ne fut pas du goût du parlement de Dijon. Les magistrats entamèrent une procédure et lancèrent contre François un arrêt qui le condamnait à une forte amende. Dès lors, ce seigneur quitta ses domaines et alla finir ses jours à Strasbourg, où il mourut en 1703, comme capitaine de cavalerie, laissant deux filles et beaucoup de dettes. En lui s'éteignit la descendance mâle des comtes de Dortan. Le château fut vendu en 1720 par le frère du défunt, chanoine de Lyon, à Pierre Gauthier, écuyer, conseiller-secrétaire du Roi à Lyon.
Le château de Dortan, dont la physionomie s'était modifiée sous l'influence des siècles et des événements, devait, en changeant de maîtres subir une transformation plus radicale encore. Avec le Moyen Âge déjà s'était évanoui ce reflet de poésie qui illuminait le manoir féodal. Les chevaliers bardés de fer et chaussés de l'éperon d'or ont disparu de son enceinte, les hommes d'armes ne veillent plus sur les remparts, la pertuisane à la main ou la mèche allumée; les ponts-levis ne s'abaissent plus au passage des écuyers, des destriers et des palefrois; les échos de la cour d'honneur ont cessé de redire les refrains d'amour et de guerre chantés par les jouvencelles et les notes sonores du cor du châtelain ne retentiront plus au loin dans le silence des grands bois. En descendant de l'antique donjon, la bannière des comtes de Dortan emporte dans ses plis les traditions guerrières d'une illustre maison; c'est à peine si elle laisse subsister le souvenir de leur gloire et celui d'une fidélité héréditaire à l'abbaye de Saint-Claude, souvenir qu'elle perpétuait malgré les ans, en faisant flotter sur la montagne ses couleurs au souffles des vents. Par sa transmission à la famille des Gauthier, la noble demeure délaisse l'éclat de son passé. Son histoire au XVIIIe siècle se résume dans celle d'un des fils de Pierre Gauthier, M. d'Uffelle, qui mourut à un âge avancé, dans l'année 1787.
M. d'Uffelle, le contemporain et l'ami de Voltaire, naquit à une époque où l'esprit narquois de notre race s'alliait à l'envahissement du scepticisme et où l'on préparait en riant la crise terrible dans laquelle agitateurs et victimes allaient se confondre en un même châtiment et verser les mêmes larmes. Partisan de la royauté, M. d'Uffelle n'en était pas moins partisan de la liberté de penser, comme bien des petits gentilhommes du siècle. Quand l'Encyclopédie fit son chemin, il regretta que son habileté littéraire ne lui permît pas de s'associer à Diderot et à d'Alembert, à Diderot surtout, dont il admirait La Lettre sur les aveugles, à l'usage de ceux qui voient. Lui qui possédait le château, terres et donjon, il eût volontiers traité l'article suzeraineté, non pour reconnaître les services qu'elle avait pu rendre à son heure, mais pour la sacrifier à la vindicte du vassal, sur l'autel du libre examen. Avec de telles dispositions d'esprit et de tels sentiments au cœur, il est peu surprenant qu'il ait recherché et obtenu l'amitié de Voltaire. Lorsque cet écrivain eut fixé sa résidence à quelques lieues de Dortan, à Ferney, M. d'Uffelle alla lui rendre visite. Voltaire était prompt à se familiariser. L'originalité de son sceptique voisin lui plut autant que ses tendances philosophiques et les deux libres penseurs scellèrent un pacte sympathique qui dura autant que le séjour de Ferney, c'est-à-dire près de vingt ans. M. d'Uffelle de son côté était charmé du libertinage et des témérités d'esprit de Voltaire; il applaudissait à la cause que celui-ci avait embrassée par instinct et par humeur, saluait comme le réveil de la vérité tout ce que ses œuvres produisaient de puissant et de hardi, et encourageait l'indépendance cavalière avec laquelle l'auteur du Temple du goût critiquait les vivants et les morts.
Les habitants de la ville de Saint-Claude, restés mainmortables et serfs sans qu'on ait tenu compte de la sécularisation de l'abbaye et de la réunion de la Franche-Comté à la France, portèrent à Ferney leurs justes doléances. Voltaire, qui publiait en ce moment la défense de Calas et de Lally, adressa au roi, en son conseil, requêtes sur requêtes, en faveur de l'affranchissement des habitants. Malgré le Roi, malgré Turgot et l'évêque de Saint-Claude même, partisans de la conciliation, le procès ne fut vidé qu'à la Révolution. M. d'Uffelle, en s'insurgeant avec Voltaire contre les prétentions du chapitre héritier des privilèges des moines, raillait agréablement ses prédécesseurs les châtelains de Dortan, défenseurs nés d'institutions que ses yeux pénétrants voyaient sombrer. Le chapitre invoquant la prescription en faveur de ses droits, M. d'Uffelle se regarda comme l'inspirateur d'un mot heureux par lequel riposta Voltaire: mais prescrit-on les droits de l'humanité? Le patriarche de Ferney aimait la nature, aimait les montagnes, aimait M. d'Uffelle. Cette triple prédilection suffisait pour l'attirer à Dortan, où il visita maintes fois son fidèle voisin. La tradition rapporte que la dernière fois qu'il se rendit au château, il fut obligé de s'y faire conduire en chaise à porteur. Voltaire était usé par l'âge et les infirmités et cette débilité physique lui rendait intolérables les cahots du carrosse sur une route accidentée. La nuit, car il faut plus de douze heures pour faire à pied le trajet, ses serviteurs allumaient des torches et illuminaient de lueurs rougeâtres les défilés des montagnes. Pour conclue, au XIXe siècle le château de Dortan fut de nouveau restauré (création de décors intérieurs, chapelle). La chapelle, de style néo-gothique, est l'oeuvre de l'architecte Sainte-Marie-Perrin. (1)

Éléments protégés MH : le château, y compris ses parties souterraines, avec l'esplanade ouest et le jardin sur terrasse au sud, le parc et son mur de clôture, le bâtiment de commun et le moulin-pompe : inscription par arrêté du 30 décembre 1997.

château de Dortan 01590 Dortan, parc avec parcours de golf, visible de l'extérieur.

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(1)   
Histoire du Château de Dortan, sous la direction de l'Association des Amis du Château de Dortan, Editions Historic'one, 1999.

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