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La première mention d'un castrum de Entrevals, dans une
reconnaissance de vassalité, remonte au tout début du XIIIe siècle, date à
laquelle ce château constitue une entité distincte de la ville, ancien
civitate siège d'un diocèse, alors connue sous le toponyme de La Seds, après
avoir porté le nom de Glandèves depuis le Haut Moyen-Âge. Au début du XIIIe
siècle, le château d'Entrevaux est détenu par Pierre de Saint-Alban (alias
Pierre Balps), seigneur de Montblanc, Villevieille, Saint-Cassien, Le Thoët,
fils du gouverneur de Provence Guillaume de Saint Alban. Toutefois, cette
position fortifiée est de celles, avec Puget, dont les seigneurs demeurent
réfractaires à une soumission au comte de Provence Raimond Béranger V, et
qui ne figurent donc pas dans la liste des châteaux sur lesquels le pouvoir
comtal a la mainmise, liste établie en 12353. A cette dernière date,
Anselme, fils de Pierre de Saint-Alban, lui a succédé depuis deux ans dans
la possession de la majeure partie de ses fiefs, et s'intitule seigneur de
Montblanc, Glandèves, La Sedz, et Entrevaux, ces trois derniers toponymes
concernant le même lieu, sur une étendue plus vaste que le bourg actuel,
mais formant des fiefs distincts: le ressort du premier correspondait au
territoire du diocèse primitif du haut Moyen-Âge et comportait des
arrière-fiefs, le second, sans doute démembré du premier, était un fief lié
au diocèse couvrant la partie de l'habitat aggloméré dans laquelle s'élevait
l'église cathédrale, sur un site différent du bourg actuel, en aval sur le
Var, le troisième était la seigneurie du château, qui s'étendait peut-être à
un hypothétique peuplement castral perché, sinon à l'habitat aggloméré
pérennisé par le bourg actuel .
A ce propos, il faut préciser non seulement que le château est assez distant
du bourg actuel même s'il semble le surplomber directement, mais encore
qu'il n'existait avant le XVIIe siècle aucun chemin direct du bourg au
château, et que par conséquent ce dernier était complètement indépendant à
la fois dans ses accès et dans sa capacité défensive. Si l'état actuel du
site donne l'image d'un ensemble fortifié de type "bourg castral" dont le
château n'est qu'un sous-ensemble, cette image est complètement illusoire et
fausse pour la période médiévale, la réunion de l'enceinte de
l'agglomération et du château dans un complexe défensif interdépendant étant
une création de la fin du XVIIe siècle. Comme le fief le plus ancien et le
plus important territorialement était celui de Glandèves, Anselme prit et
transmit à sa postérité le titre de baron de Glandevez. Anselme de Glandevez
et son frère cadet Jean, détenteur de quelques fiefs secondaires, avaient
fait hommage de leurs possessions au comte Raimond-Béranger, en même temps
que l'évêque de Glandèves, Pons Irmet, co-seigneur de La Sedz, en 1238. A la
possession du château d'Entrevaux était associé un droit de péage portant
sur le passage entre la vallée du Var et celle de La Chalvaigne. Le fait que
le château ne commande que de très loin ce point de passage a fait supposer
sans preuves qu'un premier site castral pouvait se trouver dans le bourg, et
non sur le sommet de l'éperon rocheux. Cette hypothèse est peu
vraisemblable, le contrôle du péage lié au château n'imposant pas une
stricte contiguïté topographique du château et du point de passage, surtout
dans le cas de seigneurs du château également possesseurs des droits
seigneuriaux sur l'ensemble du site, ville et fief diocésain.
En 1249, alors que Charles d'Anjou est comte de Provence, Jean de Foley,
bâtard de Savoie, s'intitule seigneur du château d'Entrevaux et entreprend
une guerre féodale avec Albino de Bueil, seigneur de Puget. Par la suite,
les barons de Glandevez semblent avoir tôt recouvré la possession du château
d'Entrevaux. A la fin du XIIIe siècle, le baron de Glandevez (à cette époque
Isnard de Glandevez dit Le Vieux, qui était viguier de Marseille) s'intitule
seigneur de Glandèves et Entrevaux (avec en outre les seigneuries de
Montblanc, Le Castellet-Saint-Cassien, Villevieille,Thorame, Bueil et un
tiers du château de Tournefort), le dénombrement qu'il fait des possessions
de sa famille en 1310, mentionne un partage de droit entre les barons de
Glandèves et l'évêque sur le fief de La Sedz et l'épiscopat de Glandèves,
dont les barons détiennent un tiers. Réciproquement, l'évêque détient un
tiers du castrum d'Entrevaux. L'un de ses frères, Anselme, devint évêque de
Glandèves officiellement en 1316 et fit hommage de sa part au comte de
Provence le 20 avril de cette année. Durant les quarante années (1343-1382)
de possession du comté de Provence par la "reine Jeanne" (Jeanne de Naples,
petite-fille de Charles II d'Anjou), trois barons de Glandèves se succèdent:
Guillaume Féraud, Boniface Féraud, Isnard de Glandevez dit Le Grand. La mère
de Guillaume Féraud, épouse d'Isnard le Vieux, était Ermengarde d'Agoult, de
la famille des Agoult, barons de Sault, qui gouvernèrent le comté en tant
que sénéchaux de Provence à partir de 1348, par délégation de la reine
Jeanne résidant à Naples.
Cette situation dut favoriser la position des barons de Glandevez seigneurs
d'Entrevaux sur l'échiquier féodal de la Provence. En 1350, le toponyme
d'Entrevaux, attaché au seul château, devint le nom officiel de la petite
ville, le nom de La Sedz n'apparaissant plus de façon résiduelle que pour
désigner l'un des trois fiefs locaux et le territoire correspondant, et
celui de Glandèves perdurant pour désigner la baronnie et le diocèse. Durant
la guerre de succession du comté de Provence et du royaume de Naples
(1382-1384) entre Charles de Duras, héritier présomptif désavoué et assassin
de la reine Jeanne, et Louis I d'Anjou, frère du roi de France Charles V,
Isnard de Glandevez Le Grand prit le parti de Louis d'Anjou. Après la mort
de celui-ci en 1384, sa veuve et régente Marie de Blois parvint à maintenir
les droits de son fils Louis II d'Anjou en Provence contre les partisans de
Charles de Duras grâce au soutien du pape d'Avignon Clément VII et du
sénéchal de Provence Foulques d'Agoult. Par lettres du 12 aout 1385, Marie
de Blois confirma Isnard de Glandevez dans ses droits territoriaux sur les
seigneuries d'Entrevaux, La Sedz (en totalité), Montblanc, (Le Castellet)
Saint-Cassien, Villevieille. En 1387, après la mort de Charles de Duras,
Louis II d'Anjou, encore mineur sous tutelle de la régente Marie de Blois,
est reconnu par l'ensemble des seigneurs et des villes de Provence
occidentale et centrale, mais un seigneur influent de Provence orientale,
Jean de Grimaldi, baron de Beuil, maître des vigueries et bailies de Nice et
de Puget-Theniers, et de la baillie de Barcelonette, fait sécession en se
plaçant sous le protection du comte de Savoie. Ce dernier, avec l'aval de
l'empereur d'Allemagne, annexe en 1388 la viguerie de Nice qu'il érige en
comté et y rattache la partie de celle de Puget-Théniers qui ne résiste pas
à cette emprise.
La haute vallée du Var est désormais partagée entre les deux mouvances: les
parties est et nord, avec Puget-Théniers, Beuil, Entraunes, passe au comté
de Nice sous tutelle savoyarde, tandis que la partie occidentale, dont
Entrevaux, Daluis et Guillaumes, restent sous la souveraineté des comtes de
Provence de la maison d'Anjou. Ces circonstances donnent au castrum
seigneurial d'Entrevaux le statut de place frontière, mais la présomption
d'une campagne de renforcement des fortifications du lieu à cette époque,
assurément utile pour la défense du comté, ne peut être que conjecturale.
Quoiqu'il en soit, les rares éléments médiévaux actuellement conservés dans
le château remontent vraisemblablement à une période plus ancienne (XIIIe
siècle) et ne présentent aucun caractère défensif. En 1398, Isnard Le Grand,
baron de Glandevez et seigneur d'Entrevaux fut mis par les États de Provence
réunis à Aix à la tête de la répression contre la guerre d'indépendance
conduite depuis 1389 par Raymond Roger de Beaufort, vicomte de Turenne et
vicomte de Valerne en Provence10, dont le patrimoine Provençal résultait
d'aliénations sur le domaine comtal consenties par la Reine Jeanne et
révoquées par Marie de Blois. A la fin de cette guerre, en 1399, Pierre de
Glandevez succéda à son père Isnard Le Grand et fit hommage de ses terres à
Louis II d'Anjou, roi de Sicile et comte de Provence, transmises à sa mort
en 1409 à son fils Baudouin de Glandevez. A l'heure de la réunion du comté
de Provence à la couronne de France sous le règne de Louis XI et de Charles
VIII, les barons de Glandevez avaient augmenté leur assise territoriale:
dans l'hommage qu'il rend au roi Louis XII le 14 février 1505, Jacques de
Glandevez se déclare seigneur de Glandèves-Entrevaux, Castellet
Saint-Cassien, Villevieille, Montblanc, La Colle, Saint-Michel,
Entrecasteaux et Vintimille.
En juillet 1536, sous François 1er, le même Jacques de Glandevez et son fils
Balthazar furent assiégés dans leur château d'Entrevaux, où s'étaient
réfugiés les habitants du bourg, par un détachement de l'armée des impériaux
de Charles Quint. Dépossédés, il dut céder place à l'occupant, en
l'occurrence Erasme Gallien, capitaine de mercenaires niçois, et son
lieutenant le capitaine Louis Dupin, commandant une garnison à la solde des
impériaux. En 1540, René Grimaldi, baron de Beuil (descendant de celui qui
avait provoqué plus tôt le passage de la Provence orientale dans la mouvance
savoyarde) acheta le château d'Entrevaux aux capitaines qui en avaient la
garde, mais cette acquisition, négociée durant une période de trêve de cinq
ans (1538-1543) entre l'Empire et le royaume, était illégale. Début juillet
1542, les habitants d'Entrevaux révoltés surprirent la garnison et, ayant
pris possession du château, chassèrent les occupants. Aussitôt après ce coup
de force, pour se libérer de la tutelle seigneuriale, tant de Beuil que des
Glandevez, suspects de trahison en 1536, ils se placèrent sous la protection
directe du roi de France. Leur représentant, Jérome Bernard fut dépêché par
procuration pour remettre au roi représenté par son fils Henri, Dauphin de
France, lieutenant général du royaume, les clefs de la ville et du château
d'Entrevaux. Le Dauphin, par charte datée d'Avignon le 31 juillet 1542, et
le roi, par ratification du 29 septembre suivant, acceptèrent la ville,
château et forteresse d'Entrevaux comme de propre patrimoine... sans que
jamais ils en soient ou puissent être séparés, aliénés ni démembrés, vendus,
baillés ni inféodés à autre seigneur ni vassal quelconque, se réservant la
jouissance du château et le droit d'y nommer un capitaine, et accordèrent
aux habitants l'exemption de tout impôt, de tout logement des gens de
guerre, et de tous autres subsides si ce n'est pour la garde et défense
desdits lieux.
Entrevaux, qui n'a jamais été un château des comtes de Provence, fut donc
réuni à la couronne dans des circonstances extraordinaires, au prix d'une
dépossession de ses seigneurs légitimes, les Glandevez. Gaspard de Glandevez
fit valoir ses droits auprès du parlement de Provence, mais aux termes d'une
transaction du 3 mai 1553, il n'obtint qu'un dédommagement de mille écus
d'or versé non pas par l'administration royale, mais par la communauté des
habitants d'Entrevaux, cette somme constituant la valeur de rachat des
droits seigneuriaux perdus au bénéfice de la ville. Devenue de facto
place-forte d'intérêt public digne d'être dotée sinon d'un commandement
militaire, au moins d'une garnison, comme l'annonce flatteusement la charte
royale de juillet 1542: "icelle place et château qui est fort et de bonne et
grande importance pour le service dudit seigneur (le roi)", Entrevaux ne
vaut pourtant que par sa position stratégique commandant la route de la
vallée du Var et par la topographie avantageuse de son site. En effet, le
château n'est qu'une ancienne résidence seigneuriale sans doute très peu
fortifiée. Une première époque justifiant une remise en état de défense est
celle des guerres de Religion (de la décennie 1560 à 1598). Au château
d'Entrevaux, un élément architectural post médiéval important date à coup
sûr de cette époque: il s'agit d'un pseudo bastion occupant l'angle nord-est
du château dont il forme une partie du mur d'enveloppe, ouvrage triangulaire
à deux faces réunies en angle aigu tourné vers le secteur dominé et le
chemin d'accès à la porte alors unique du château.
Par sa nature, le mur d'enveloppe de la terrasse haute du "donjon", au point
haut du rocher qu'occupe le château, peut être considéré par hypothèse comme
une réalisation de la même période. Autre ouvrage qu'on pourrait croire
construit ou réaménagé vers la fin du XVIe ou le début du XVIIe siècle est
l'enceinte basse extérieure ou fausse braie qui enveloppe de près le tiers
sud-est du château en suivant les contours irréguliers du rocher. Cet
ouvrage divisé en quatre segments par trois traverses successives abrite
l'itinéraire d'accès à la porte haute du château depuis la porte extérieure
ouverte du côté dominé au nord. Le dessin du topographe piémontais, très
imprécis et assez mal exprimé, n'indique en place que la quatrième partie de
cette fausse braie, celle attenante à la porte du château, qui abrite une
rampe en escalier. Il y a lieu de penser qu'à l'époque de ce dessin, la
fausse braie et la porte extérieure nord n'existaient pas encore et que
seule la rampe en escalier montant à la porte haute était protégée par un
mur d'enveloppe, le cheminement précédent étant ménagé à découvert sur le
rocher escarpé au pied des murs est. Ces travaux de fortification non
documentés pourraient être mis par hypothèse au crédit de Raymond de
Bonnefons qui dans la dernière décennie du XVIe siècle était ingénieur pour
le roy en Provence, Daulphiné et Bresse. D'autres travaux complémentaires de
fortification doivent être reportés au XVIIe siècle, plutôt dans la première
moitié, à en juger par l'état de délabrement relatif dans lequel Vauban va
trouver le château en 1700, indice d'une incurie de plusieurs décennies.
Sommairement entretenu et laissé aux soins d'une modeste garnison jusqu'en
1690, délaissé par ses capitaines en titre, le château d'Entrevaux fut jugé
à cette date, avec la ville close, digne de reprendre un statut plus
opérationnel de place-forte royale. La guerre de la Ligue d'Augsbourg
(1688-1697) plaça au printemps 1690 le duc de Savoie, d'abord allié de Louis
XIV, en position d'hostilité armée face à la France du fait de diverses
opérations militaires lancées sur son territoire contre les Vaudois. Le
marquis de Sabran-Beaudinard fut dépêché pour prendre le commandement de la
place d'Entrevaux le 26 juin 1690, ce qui lui fit constater l'insuffisance
notoire de la mise en état de défense de la ville et du château. S'ensuivit
immédiatement la création d'un poste permanent (pendant la durée de la
guerre) de gouverneur militaire responsable de la place dans son ensemble,
et non seulement du château, à la différence des capitaines nommés depuis le
milieu du XVIe siècle. Dans l'urgence, les ingénieurs militaires furent
chargés par Louvois de procéder à des travaux de renforcement des
fortifications qui furent mis en chantier consécutivement à un mémoire
rédigé le 15 octobre 1690 principalement sur les places de Seyne, Colmars,
Digne et Entrevaux par l'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des
fortifications de Provence. A Seyne et Colmars, les chantiers étaient
pleinement actifs à partir de décembre 1690; S'il en de même à Entrevaux,
ces premiers travaux ne paraissent pas avoir concerné le château.
Les succès du maréchal de Catinat contre les savoyards, couronnés par la
prise des places-fortes de Villefranche et de Nice (25-30 mars 1691)
coupaient en principe la voie aux entreprises des armées de la Ligue
d'Augsbourg sur la Provence. Les travaux d'Entrevaux n'étaient donc plus
prioritaires, et laissés en attente ou interrompus. Dans un rapport daté de
décembre 1691, un informateur de Louvois en rappelle la nécessité toujours
actuelle: "les lieux de la comté de Beuil qui sont vis à vis d'Entrevaux et
qui sont soumis sembleroient devoir mettre à couvert ce poste qui est un des
plus importants de la frontière de Provence. Mais comme ce pays conquis
n'est tenu en bride par aucunes troupes du Roy et que les habitants n'auroient
ny le pouvoir, ny peut-être la volonté d'empêcher des troupes ennemies de
s'y introduire on peut dire qu'Entrevaux est toujours fort exposé. Il me
paroit qu'on ne doit pas négliger de le fortifier bientôt". En 1692, après
une incursion avortée de l'armée de Victor-Amédée de Savoie dans le nord du
comté de Nice, les travaux de fortifications d'Entrevaux avaient repris,
toujours sous la direction de Niquet. A la fin de l'été, Vauban entreprend
une tournée d'inspection dans les Alpes, du Dauphiné à la Haute Provence,
qui dure de septembre à décembre 1692. S'il visite alors Embrun et Sisteron,
il renonce à voir Entrevaux, découragé par la difficulté des accès en hiver.
Il rédige un premier projet général pour Entrevaux dans une lettre du 23
janvier 1693 expliquant à Michel Le Peletier de Souzy, directeur général des
Fortifications, à propos de ces trois places: j'ai fait venir les ingénieurs
au moyen desquels et de M. Niquet, j'ai réglé les dessins avec autant de
connaîssance comme si j'avais été sur les lieux.
Le château est traité rapidement par ce premier projet sommaire, et y est
considéré comme très imparfait, mal bâti est si petit qu'il ne peut contenir
le tiers des couverts nécessaires à sa garnison. En dehors d'un projet de
principe préconisant une démolition d'une bonne partie du bâti existant,
pour construire en lieu et place des bâtiments voûtés portant terrasse,
Vauban affirme la nécessité immédiate d'établir une rampe de communication
praticable qui y conduise depuis la ville, avec une nouvelle avant porte au
sud de la fausse braie, qui deviendrait l'entrée principale. Pour le reste,
Vauban s'en remettait dans les faits à Niquet et ses collaborateurs, dont
Hercule Hue de Langrune et les ingénieur Jacques Laurens16, N. Boniquet, N.
du Gazel, pour poursuivre les améliorations qu'ils avaient jugé nécessaires
depuis 1690. Ces travaux, qui connurent des phases très actives en 1692-1693
et en 1697, sous traités à des maîtres maçons et entrepreneurs civils (les
noms de François Grasset, Jacques Solloment, Alexi Paben nous sont parvenus)
aboutirent a la reconstruction complète des bâtiments dits du "donjon"
(1697), à la suppression d'une chapelle qui régnait au dessus de la porte
haute du château, à la démolition et reconstruction partielle de bâtiments
au sud-est du château (1697). Le bâtiment principal de la grande salle fut
sommairement réparé, pour l'étage supérieur et le toit (1693). Les autres
gros travaux furent la création de l'ouvrage d'entrée sud de la fausse
braie, à pont-levis, et en la reconstruction de l'avant porte nord formant
ouvrage saillant avec pont-levis (1693) et corps de garde (1697).
A la Toussaint de 1'année 1700, Vauban, en tournée d'inspection, séjourne
huit jours à Entrevaux pour élaborer un nouveau projet général plus
renseigné et détaillé que le précédent, et pour corriger certaines erreurs
d'appréciation antérieures. A la différence de ce qui fut le cas en 1693,
Vauban accorde beaucoup d'attention au château, dont il juge la réalité
architecturale et défensive aussi médiocre que sa position topographique est
avantageuse. A l'issue de la longue description de l'état des lieux qui ne
fait l'impasse sur aucun des défauts des constructions, Vauban, dans une
rhétorique destinée à justifier son projet de refonte radicale, donne une
conclusion fortement dépréciative, qui n'épargne pas les travaux récents
dirigés par Niquet: "voila en quoy consiste le chasteau d'Antrevaux qui
devant les réparacions qu'on y a faites avoit bien plus l'air d'une ancienne
gentilhommière ruinée que d'une forteresse. On voit bien que les premiers
qui se sont nichez là ont eu envie d'y estre les plus forts, mais on voit
aussi qu'ils n'ont jamais eu les moyens ny l'industrie de s'y assez bien
establir, car à le bien prendre, ce n'est qu'un taudis deslabré, bon a fort
peu de choses dans l'estat qu'il est mais qui se pourra très bien
accommoder, la situation en estant excellente et les dispositions très
favorables. Ce n'est pas que je sois content de ce qu'on y a fait, il s'en
faut beaucoup hors le petit bastiment du donjon qui n'est pas sans faute, il
ny a pas un bout de mur de 3 thoises de long qui ne soit répréhensible de
quelque malfaçon à laquelle le peu de cas qu'on a fait de cette place n'a
pas moins contribué que l'incapacité et le fréquent changement des gens qui
s'en sont meslez par les suites, si sa Majesté a la bonté d'agréer le projet
cy après".
Vauban propose de façon distincte la démolition et reconstruction de la
travée de bâtiment située entre la porte du château et l'ouvrage en "angle",
soit un magasin voûté ancien sur lequel a été reconstruit en 1697 un local
d'étage unique, à remplacer par deux étages à utiliser pour des moulins à
bras et de grenier, le magasin reconstruit devant servir de magasin à
poudres. Dans le prolongement de cette travée de bâtiment, il propose de
construire un grand magasin dans le vide intérieur du grand angle, adossé
sur sa face droite, de même hauteur que les autres bâtiments, voûté et percé
d'évents en bas, avec salle d'armes au premier étage, et réserve de mèches
au deuxième étage sous le toit. Ce grand magasin n'a pas été réalisé, non
plus que les deux petits souterrains voûtés prévus dans les espaces laissés
vides entre ses murs et les faces intérieures du grand "angle", au nord et à
l'ouest, celui de l'ouest proposé comme citerne. Par contre la travée
existante a été effectivement reprise sans grande démolition avant 1710,
prolongée d'une travée supplémentaire au nord-est, appuyée sur le mur de
l'ouvrage en "angle" en recomposant toute la distribution intérieure.
Celle-ci est dotée comme prévu de deux étages le tout desservi par un
escalier intérieur. Les deux portes à pont-levis, la porte nord, dite "de
secours", refaite en 1693 mais inachevée en élévation, et la porte sud vers
la ville, créée ex nihilo la même année, ne seront pas aussi profondément
restructurée que le proposait Vauban, qui voulait substituer des ponts-levis
à bascule à leur pont-levis à flèches. Ce changement ne sera pas fait, et
l'ouvrage d'entrée sud restera dans son état de 1693, sans épaississement de
ses murs...
Vers 1960, la municipalité loua le château à un industriel d'Antibes, M.
Poirier, de qui on espérait la mise en œuvre de travaux de restauration dans
une logique de mécénat privé: "...le château sera dans les jours qui
viennent transformé. Son accès deviendra facile et pratique et permettra à
tous les touristes, tout en bénéficiant des transformations, embellissements
et commodités intérieures qu'apportera M. Poirier, de jouir d'une vue
splendide sur la vallée du Var et les montagnes environnantes". Cet espoir
resté sans lendemain, la dégradation du château continua, aggravée de
pillages et de vandalisme; la porte de secours, en, particulier, tombait en
ruines (bretèche détruite). Une volonté d'implication des habitants dans la
sauvegarde du château fut suscitée par l'équipe municipale après 1974 sans
trouver dans un premier temps les moyens appropriés. En 1984, la
municipalité fit délégation de sa maîtrise d'ouvrage sur les travaux de
restauration et mise en valeur à entreprendre à l'Association Culturelle
Intervalles, promue par Roger Greaves, qui avait également la co-gestion de
l'office de Tourisme. S'ensuivit une étude préalable à un projet de
restauration, avec relevés du château, conduite par l'architecte en chef des
Monuments Historiques Francesco Flavigny, datée du 1er octobre 1985. Les
travaux exécutés à partir de 1986 d'après cette étude furent le déblaiement
des ruines du bâtiment de 1916 sur la plate-forme du donjon, la restauration
de la porte de secours, la réfection des couvertures et charpentes des
bâtiments, la restauration des traverses et des parapets de la rampe
d'accès. (1)
Éléments protégés MH : le château : inscription par arrêté du 18 février
1927. La porte principale à pont-levis et le pont qui forment l'entrée de la
ville : classement par arrêté du 19 mars 1921. L'ensemble des fortifications
et la citadelle (sauf parties déjà classées) : classement par arrêté du 23
décembre 1937.
château d'Entrevaux 04320 Entrevaux, propriété de l'État, visite des
extérieurs uniquement.
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