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Entre Sarras et Tournon, nous apercevons,
sur une colline, les restes d’un château dont le donjon dresse encore ses
créneaux au faîte de ses épaisses murailles. Cette tour ronde, renflée par
le milieu, fait assez l’effet d’un énorme baril qui privé de ses cercles va
s’effondrer et couvrir la colline de ses ruines. Mais il paraît qu’elle est
bâtie en bonne chaux et solides pierres, car depuis longtemps déjà, elle est
à l’état de ruines. Arras appartenait, comme tous les châteaux des bords du
Rhône, au même système de défense. Il garde le fleuve et l’entrée d’une
vallée. M. E. Nicod a donné dans la Revue du Vivarais en 1905, un
intéressant article sur le château d’Arras. Nous ne saurions puiser à
meilleure source. La Tour d’Arras fut inféodée par le Dauphin à des
seigneurs particuliers. Elle fut partagée en deux coseigneuries: La Tour
Blanche et La Tour Brune. La première fut aussi appelée La Tour de Soubise
et la seconde La Tour de Jovyac. La Tour Blanche est encore debout. Elle a
vingt-huit mètres de haut. La Tour Brune était une grosse tour carrée qui
existait encore, en 1706, et dont les démolisseurs ont enlevé les matériaux.
L’une et l’autre avaient des murailles de deux mètres d’épaisseur. Quand le
Dauphin Humbert maria sa fille, Alix, le 28 mars 1296, avec Jean de Forez,
il lui donna tout ce qu’il possédait sur la rive droite du Rhône, au royaume
de France, dans la sénéchaussée de Beaucaire et au bailliage de Mâcon, mais
il en exceptait les fiefs et hommages d’Artaud et de Guigue de Roussillon,
de Hugues de Peyraud, le lieu de Champagne et tout ce qu’il prenait à
Annonay. Au nombre des fiefs que le Dauphin donnait à sa fille, était celui
que tenait Sylvion d’Arras. C’était le fief de La Tour Brune qui dépendra
désormais des comtes de Forez. Girard de Roussillon, fils de Guignes,
seigneur d’Anjou, qualifié seigneur de La Tour Blanche, reçoit en cette
qualité l’hommage de Jean de Rocoules, le 12 janvier 1331. Il vendit peu
après sa coseigneurie à Guillet de Montchal, mais en se réservant l’hommage.
Guillet de Montchal, bailli d’Annonay, avait épousé Marguerite de Vaugelas.
Leur fils Jean de Montchal, seigneur d’Arras, bailli de Vivarais, rendit
hommage, le 14 septembre 1366, pour Arras, à Humbert de Villars. De son
mariage avec Catherine de Veyre, il ne laissa que Marguerite et Isabeau.
Isabeau avait épousé, en 1366, Bermond de Brion, auquel elle apporta la part
de la seigneurie d’Arras que les Montchal possédaient. Le 11 juillet 1426,
Bermond II de Brion passa à Condrieu promesse de mariage à Marguerite de
Montchenu, fille unique d’Antoine de Montchenu, seigneur de Beausemblant, et
de Philippa de Montrevel, dame d’Argentai. Bermond II de Brion était assisté
de ses deux frères. Vers 1420, Sarras appartenait à Garin de Brion et Arras
à son frère Bermond. Marguerite de Montchenu n’avait plus qu’une fille,
mariée au marquis de Miolans. Le 26 juillet 1468, elle acquit de son cousin,
Pierre de Brion, la Tour Brune d’Arras qu’elle revendit, le 9 août suivant,
à Pierre de Fay, seigneur d’Etables. De la fin du XVe siècle, au milieu du
XVIIe, Arras avait comme suzerains les Tournon. En 1617, après la mort de
Just-Louis de Tournon, Arras est au nombre des fiefs qui dépendent de sa
succession. C’est, avec la juridiction haute, moyenne et basse, "une tour au
hault du vilage, avec rentes et blés et autres grains, vin, argent, poulies
et autres choses contenues ez terriers et lièves, droits de lods, muage et
tailhabilité aux cinq cas; le greffe et les amendes. Il y a aussi une masure
qui servait jadis de tinal quand le seigneur récoltait son vin, et un moulin
ou du moins son emplacement car le Rhône l’a emporté". Le dernier des
seigneurs de Tournon ayant été tué au siège de Philipsbourg, en 1644, les
biens de sa maison passèrent à son aïeule maternelle, Marguerite de
Montmorency, qui les transmit aux Lévis-Ventadour.
Avec les immenses possessions que les Ventadour avaient en Vivarais, Arras
passa aux Rohan-Soubise. Le 1er juillet 1785, le prince de Soubise vendit au
vicomte de Monteil, pour le prix de 80000 livres, ses titres et seigneuries
d'Iserand, Vion, Arras et Plats. Quant à la Tour Brune, elle appartint
jusqu’au XIIIe siècle à Sylvion d’Arras; elle passa ensuite aux de Moyrenc,
puis à Guillaume de La Bastide qui, le 4 mars 1457, la donna, avec tous ses
autres biens, à ses neveux Pierre et François de Fay. Par son testament, du
4 avril 1605, Jeanne de Fay institua pour héritier son neveu, Claude de
Bron. Celui-ci vendit toutes ses terres du Vivarais, le 25 mars 1615, La
Tour Brune d’Arras, et les seigneuries de Boucieu et de Saint-Romain à
Gabriel d’Angerès. Celui-ci vendit, le 6 décembre 1633, la coseigneurie
d’Arras à François de Sauzéa, lieutenant au bailliage du Vivarais, à
Annonay, pour le prix de 2400 livres. Sa fille Louise épousa, le 7 septembre
1652, François d’Hilaire de Jovyac et lui porta la seigneurie d’Arras.
François d’Hilaire de Jovyac eut à soutenir un long procès au sujet de sa
coseigneurie de la Tour Brune. Le testament de Claudine de Fay contenait une
substitution qui fut ouverte en faveur de René de La Motte, comte de Brion.
La vente de Claude de Bron La Liègue fut attaquée. Une transaction survenue,
le 21 août 1694, termina l’affaire.
Le château s’est organisé autour d’un haut donjon circulaire, encore
remarquablement bien conservé. Bâti en moellons de granit, il mesure près
d’une vingtaine de mètres de hauteur, pour un diamètre extérieur de 6,10 m
et une épaisseur de mur de 1,80 m au premier niveau. La tour conserve dans
sa partie sommitale des vestiges importants de crénelage. Celui-ci
n’appartient pas à l’état premier du bâtiment mais correspond à une reprise
générale de ses élévations supérieures qui explique, par ailleurs, l’aspect
curieusement renflé de la tour. L’accès à celle-ci se fait au premier étage
; les étages sont voûtés en coupole avec un orifice central pour permettre
la circulation par un système d’échelle de bois. Il est aujourd’hui
impossible, sans moyens techniques spécifiques, d’accéder aux étages
supérieurs du donjon. Celui-ci ne présente que très peu d’ouvertures ;
seules quelques étroites fentes de jour ou meurtrières ont été ménagées. La
morphologie générale de ce bâtiment permet de placer sa construction dans le
premier tiers du XIIIe siècle. Le donjon était accompagné d’une chemise,
dont subsiste un pan à l’ouest. Cette enceinte réduite est difficile à
distinguer aujourd’hui ; elle apparaît beaucoup plus nettement sur les
photographies anciennes du site. Plusieurs bâtiments quadrangulaires, encore
très nets au début du XXe siècle, sont associés à la tour. Le château
possédait un bourg castral, apparemment non enclos, étagé sur les pentes qui
se développent à l’est au pied de la tour, sur le coteau dominant la vallée
du Rhône. Il n’en subsiste actuellement que des pans de murs très arasés
mais des ruines sont encore bien visibles sur les photographies du début du
XXe siècle. L’église paroissiale d’Arras, dédiée à Saint-Maurice et sans
doute fondée durant le haut Moyen Âge, est établie au nord du château,
au-delà de l’Ozon, au pied du coteau. Elle était donc, au Moyen Âge, hors du
castrum ; ce dernier ne semblant pas avoir possédé de lieu de culte. (1)
Éléments protégés MH: la tour Blanche (vestiges) : inscription par arrêté
du 31 mai 1927.
château d'Arras 07370 Arras-sur-Rhône, propriété privée, ne se visite
pas, vestiges.
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