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En remontant par la vallée
du Rhône le ravin de Durtail, à quelques kilomètres à peine, dans un site
pittoresque, un beau donjon octogonal se dresse devant nous, dominant les
ruines qui l’entourent et le ravin qui gronde à ses pieds. Solidement
construit sur un rocher inaccessible du côté de la rivière, Durtail n’était
abordable que d’un seul côté. Sa situation rappelle celle de Rochebonne.
Plus ou moins déchiquetées, ces forteresses en ruines font, aujourd’hui,
fort bel effet dans les gorges où elles s’élèvent, et ajoutent au
pittoresque du paysage, la vie de tout un passé mouvementé. Ce sont dans
tous les cas de beaux restes qui nous aideront à connaître l’importance du
château et la puissance de ses seigneurs. Durtail est une de ces forteresses
du moyen-âge dont les seigneurs jouèrent un rôle dans l’histoire du
Vivarais. Le plus ancien seigneur de Durtail que nous trouvions est, aux XIe
et XIIe siècles, un personnage du nom de Arnaud de Christo. Puis les de
Presles qui, dès le XIIIe siècle, possédaient en Vivarais Vaussèche, près de
Vernoux, La Tourette, Durfort, Gluiras, Saint-Fortunat, Durtail, les
Peschier, près Vernoux, Chambon et Geys. Le fief et château de Presles, son
berceau, est situé dans la baronnie de Chalencon. Roger de Presles rendit
hommage, en 1414, au seigneur de Joyeuse. Durtail passa successivement aux
Tournon, aux Levis-Ventadour, La Motte, Bouvier-Montmeyran et Coston. La
garde de ce fief était confiée à un châtelain. En 1429, le châtelain de
Durtail était noble Pierre de Montmeyran, marié en 1417 à Jeanne Veyronde;
en 1672, le châtelain se nommait Jean de Bouvier de Montmeyran qui devint
ensuite, par mariage, seigneur et baron de cette terre. Jacques-Antoine
Poncer donne l’état des terres et baronnies qui dépendaient des seigneurs de
Tournon, en l’année 1570. Nous notons parmi les 34 seigneuries que cite cet
auteur: Tournon, Roussillon, Beauchastel, Le Bousquet, Désaignes,
Colombier-le-Vieux, Colombier-le-Jeune, Vocance, Durtail, Vion, Mahun,
Satillieu, Serriè-res, etc...
Les Levis-Ventadour qui possédèrent la baronnie de Durtail la vendirent, le
24 février 1672, à Claude Ferrand-Teste, seigneur de La Motte, fils de
Claude, bailli de la comté de Crussol, et de Catherine de Geys. Claude II,
qui fit construire le château de Beauregard sur les dernières pentes de la
montagne de Crussol, du côté de Saint-Péray, fut, comme son père, bailli de
Crussol, et lieutenant du bailliage du Haut et Bas-Vivarais, chevalier de
Saint-Michel. La terre et baronnie de Durtail comprenait la paroisse de
Cornas en partie et celle de Saint-Romain-de-Lair. Les Lévis-Ventadour comme
les Tournon sont trop connus pour que nous ayons autre chose à faire qu’à
renvoyer le lecteur ou le chercheur aux articles qui leur sont consacrés
dans l’Armorial du Vivarais. Claude Ferrand-Teste, qui acquit Durtail,
épousa successivement Magdeleine Dubreuil, puis Barbe du Chernay. Il ne
laissa pas d’enfant, et par sa mort, arrivée en 1682, il laissa tous ses
biens à son neveu, Jean de Bouvier-Montmeyran. Sa sœur, Catherine
Ferrand-Teste de La Motte, avait épousé, le 14 mars 1627, noble Jean-Pierre
Bouvier-Montmeyran. Leur fils, Jean de Bouvier-Montmeyran, se trouva, à la
mort de son oncle, Claude Ferrand de La Motte, appelé à recueillir tous les
biens de cette maison: Durtail, Beauregard, etc... Il épousa, le 17 février
1659, demoiselle Gabrielle du Muy, dont un fils tué en duel, sans alliance,
et Louise de Bouvier, qui épousa, en 1682, Claude-François de Coston, auquel
elle apporta la baronnie de Durtail. Nous avons vu la famille Bouvier
ancienne en Vivarais. Elle venait du Dauphiné et fit sa résidence au château
de Cachard, paroisse de Saint-Didier-de-Crussol, près Saint-Péray.
La famille Ferrand-Teste était venue, elle aussi, du Dauphiné. Claude
Ferrand dit Teste fut anobli, en 1490, par le roi Charles VIII. François
Ferrand-Teste était chevalier de Malte en 1590. Cette famille se divisa en
deux branches: François Ferrand-Teste, sieur de Guimettières, chef de la
première, fut gouverneur de Savilhan et de Chèvas en 1671. L’autre, passée
en Vivarais, a donné un chevalier de l’ordre du roi, bailli de Crussol en
1602. Rivoire de La Bâtie commence la généalogie des Coston de Durtail à
Pierre de Coston, lieutenant dans le régiment de Piémont, en 1620. Au
troisième degré, Claude-François de Coston, né en 1652, capitaine au
régiment de Picardie et mousquetaire du Roi, se distingua par la prise de
Valenciennes, en 1677. Il épousa, comme nous l’avons vu, en 1682, Louise de
Bouvier-Montmeyran, seule héritière de la branche aînée de cette famille, il
mourut chevalier de Saint-Louis, en 1732, laissant entre autres:
Jean-Charles de Coston, baron de Durtail, né en 1699, capitaine dans le
régiment de Tallard. Il prit part au siège de Philippsburg et hérita de la
baronnie de Durtail, Cornas et Saint-Romain, en Vivarais, que lui légua
Jeanne de Bouvier, sa mère. Jean-Charles de Coston épousa, en 1736,
Marie-Emérantienne du Cloup, fille d’un Président en l’élection de
Montélimar, et mourut en 1745. Cette famille est actuellement représentée à
Lyon par un magistrat très distingué. (1)
Le château de Durtail occupe un éperon approximativement orienté nord-sud,
barré par un imposant fossé taillé dans le granit. Cet éperon s’étage sur
deux niveaux: un tertre, de petite taille, surmonte de près de sept mètres
ce qui s’apparente à une basse-cour. Ce tertre porte les vestiges très
arasés d’un donjon inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments
Historiques en 1927 et pourtant soigneusement démonté depuis cette date pour
récupérer les blocs de granit dont il était bâti. Toutefois, les
descriptions de l’abbé Garnodier vers 1860 ainsi qu’une photographie prise
vers 1927 nous permettent d’avoir une idée approximative de l’architecture
de cette tour avant sa destruction. De plan octogonal à l’extérieur et
circulaire à l’intérieur, elle présentait un diamètre intérieur de 3,30 m
pour une épaisseur de mur d’environ 1,80 m (soit un diamètre extérieur de
5,10 m). Elle comptait une quinzaine de mètres de hauteur pour trois niveaux
avec une porte d’accès au premier étage, couverte d’un arc en tiers point,
et très peu d’ouvertures. Il semble que la tour ait été pourvue, au second
étage, de latrines installées dans une logette en saillie sur la face ouest.
Les rares éléments en notre possession ne nous permettent pas une analyse
précise de ce bâtiment. À l’exception du plan, original en Vivarais, et de
la porte en arc brisé, le donjon de Durtail présente des caractéristiques
plutôt archaïques: faible surface au sol, accès à l’étage, rez-de-chaussée
aveugle, rareté des ouvertures. Ce donjon est peut être contemporain des
rares donjons circulaires vivarois qui représentent, de façon encore très
marginale, une nouvelle expérience architecturale dans la première moitié du
XIIIe siècle. La tour était accompagnée d’une étroite chemise maçonnée dont
subsistaient quelques pans au début du XXe siècle. Au pied du donjon, dans
la basse-cour au sud, se dressent encore les ruines d’un bâtiment
quadrangulaire percé d’une porte ouvrant vers le midi. Ce bâtiment paraît
avoir été très remanié notamment sur sa face méridionale ; en effet, le mur
sud a été doublé à trois reprises. À l’est, sur les pentes s’étageant sous
la tour, subsistent les vestiges d’un petit bourg castral très ruiné. On
peut y recenser au moins une dizaine de constructions, protégées par une
enceinte encore très partiellement conservée. Un terrier de 1481 mentionne
une quinzaine de maisons dans le castrum ainsi que diverses rues et une
place publique. Au XVIe siècle, des maisons sont encore occupées à Durtail,
au moins temporairement. Mais, au début du siècle suivant, le château de
Durtail et son bourg sont déjà totalement abandonnés. (2)
Éléments protégés MH: la tour : inscription par arrêté du 31 mai 1927.
château de Durtail 07130 Saint-Romain-de-Lerps, visite des extérieurs,
vestiges.
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Crédit photos : Sequajectrof Jacques Forêt
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