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A l’extrémité d’une chaîne de montagnes qui
part de Montpezat et qui sépare les vallées de l’Ardèche et de La
Fontaulière, s’élève une des plus importantes forteresses féodales du
Vivarais. Plus massives que Boulogne, elle rappellent la puissance de ces
grands seigneurs auxquels incombait la défense de leur pays et qui avaient
élevé là le traditionnel donjon. Ce point stratégique, admirablement choisi,
nous montre que ce n’était pas au hasard et selon le bon plaisir des
seigneurs que les châteaux se dressaient menaçants au faîte d’une falaise,
qu’ils semblaient surgir du fond d’une vallée ou même d’une gorge profonde
et sauvage. Aujourd’hui on arrive à Ventadour, par un chemin ou sentier
pavé, perdu sous les ronces et les éboulis. A en juger par l’énorme masse
qui domine la montagne et tout le pays environnant, l’architecte qui édifia
cette forteresse se préoccupa surtout de l’art de la guerre. Les ouvertures
sont étroites, les étages bas étaient tous voûtés jusqu’au faîte de
l’édifice. Au rez-de-chaussée, des salles basses sont creusées dans le roc.
Nous apercevons des citernes et l’entrée d’un souterrain qui, d’après les
gens du pays, passe sous la rivière pour aboutir au château voisin. Au
milieu des ruines amoncelées poussent, maintenant, les fougères; et dans les
lézardes des murs, habitées par de nombreuses chauve-souris, s’accrochent le
chèvrefeuille et l’églantier. Quelques noisetiers même y trouvent leur vie.
Du côté nord, ces ruines sont de toute hauteur et semblent ne faire qu’un
avec les rochers de basalte qui tombent en falaise sur la route de Montpezat.
De ce côté, la forteresse est inaccessible et à l’abri des attaques de
l’ennemi. Au sud-ouest, et à cheval sur la jonction des deux façades,
s’élève une énorme guérite d’où l’on pouvait surveiller l’approche de
l’ennemi venant des quatre points cardinaux. Des remparts reliés par de
grosses tours servaient de premier ouvrage de défense. Ventadour était
vraiment un château fort dans toute l’acception du mot.
De tous côtés, ces ruines ont un aspect imposant et formidable. On se
représente mieux les seigneurs de ce château sous le harnais de guerre qu’en
pourpoint de soye et de dentelles. Bien avant le Moyen-Age, il devait
exister là un ouvrage de défense car des pans de murs, de construction
romaine, révèlent l'emplacement du camp de Meyras, appelé "Castellum majus".
Comme le château actuel, ce camp défendait l’accès des vallées, jonction de
deux routes qui conduisaient, l’une à Gergovie par Montpezat, le Béage et le
Mezenc, l’autre dans l’Aquitaine par Mayres et la Chavade. Albert du Boys,
dans son Album du Vivarais, ne fait qu’un des châteaux de Mey-ras-Ventadour
et la Croizette. Il applique à Ventadour ce qu’il est dit dans Les
Commentaires du Soldat du Vivarais, sur la destruction du château de La
Croizette, en 1626, par le sieur des Alras. Le vicomte de Montravel, dans sa
Monographie sur Meyras, nous montre l'existence de trois châteaux situés
dans la même paroisse et à peu de distance les unes des autres, mais trop
distincts pour pouvoir les confondre. L’origine du château de Ventadour,
situé sur le territoire de Meyras, est des plus anciennes. On peut supposer
qu’il a été construit par le seigneur de la Roche-en-Régnier que nous
trouvons, au XIIIe siècle, seigneur de Meyras. Cependant il semble que la
construction duchâteau de Ventadour remonte au-delà du XIIIe siècle. Nous ne
serions pas surpris que mademoiselle Jourdaine de Montlaur, fille d'Héracle,
qui l’apporta en dot, en 1232, à Guigon, seigneur de la Roche-en-Régnier, du
diocèse du Puy, lui offrit, en se mariant, autre chose que l’emplacement
dudit château. D’autant qu’il est à présumer que cette position très
importante ne resta pas inutilisée jusqu’au XIIIe siècle.
La Roche-en-Régnier portaient "Parti d’argent et de sable, au chevron de
l’un en l’autre, accompagné en pointe d’une montagne de sinople". En 1266,
Guigne ou Guigon, seigneur de La Roche-en-Régnier, qui avait épousé
Jourdaine de Montlaur, meurt, laissant un fils appelé Guigne ou Guigon,
comme lui. Il est à noter que Jourdaine avait reçu en dot, outre huit mille
sols viennois, une terre à Meyras, appelée Desportes, sur laquelle
précisément est bâti le château appelé plus tard Ventadour. "Si ce ne fut
pas à l’occasion de ce mariage, dit M. Truchard du Molin, ce ut certainement
peu d’années après que passèrent de la maison de Montlaur dans celle de
Roche, Meyras, Don, Montaigut et un groupe d’autres fiefs en Vivarais".
Jourdaine restée tutrice de son jeune fils le maria, en 1267, à une fille
d’Hugues de Jaujac et de Briande d’Anduze, celle-ci fille de Bernard
d’Anduze et de Vierne de Luc, dame de Joyeuse. Ils eurent un fils, Guigue ou
Guigon, qui reçut, comme seigneur de Meyras, les reconnaissances et
hommages, en 1280 et 1281. C’est aussi à ce titre qu’en 1285 Guigue
approuvait la convention passée en 1244 par Guillaume de Jaujac et rend
hommage à l’Eglise du Puy. Ce Guigue vécut jusqu’à un âge fort avancé, après
avoir perdu son fils unique appelé Guigonnet. Celui-ci avait laissé deux
filles, Jamage et Jourdaine. Le grand-père voulant s’assurer des héritiers
directs les maria, malgré leur mère, à deux frères de la famille de
Lévis-Lautrec, Philippe et Bertrand. Ce double mariage eut lieu en 1336, et
à peine un petit-fils fut-il né du mariage de Jamage, avec Philippe de Levis
II, comte de Lautrec, que le vieillard institua l’enfant son héritier
universel, et cette clause de son testament fut aussitôt publiée
solennellement afin d’empêcher les compétitions des Tournon ou des Montlaur,
basées sur certaines substitutions antérieures.
Guigne mourut en octobre 1344. Par son testament il fait des legs à bon
nombre d’églises ou établissements religieux, en Vivarais. (Testament passé
à Meyras par Maître Simon Aigrefeuil, notaire). Nous empruntons au vicomte
de Montravel l’intéressante note qui suit: Guigon V de La Roche-en-Régnier,
ajoutait à ses qualifications celles de seigneur de Jaujac, Meyras, Meyres,
Vachères, Pradelles, etc. Pour lui, comme pour son père, Meyras fut sa
résidence préférée et le siège de justice de toutes ses seigneuries en
Vivarais. Il testa à Meyras, étant devenu très vieux et infirme, le 14 mai
1344, en faveur de son arrière-petit-fils, Guigonnet de Lévis. Ventadour dut
être détruit et non reconstruit, lors des guerres des Anglais qui ont laissé
de nombreuses traces de leur invasion dans ces contrées, au XVe siècle. M.
A. Mazon, dans son "Essai historique sur le Vivarais pendant la guerre de
cent ans" nous apprend que les Anglais avaient occupé le château de
Ventadour, au Pont-La-Baume, sous les ordres d’un capitaine nommé Gordon.
Nous devons noter que ce château est encore appelé de Meyras, dans un acte
qui y fut passé devant Teyssier, notaire, en 1456. (Généalogie de la maison
de Chanaleilles, extraite de La France Héraldique. Paris, Pavy, éditeur,
1888). Peu après il prit le nom de ses nouveaux maîtres. Plus tard, il
appartint à la maison de Langlade, dont l’héritière, Marie de Langlade, le
porta, en 1655, à son mari, Claude de Chanaleilles, seigneur du Villars,
ainsi que de la baronnie des Eperviers. Les Langlade habitèrent à Jaujac et
à Meyras. Le 13 février 1591, Gilbert de Lévis, duc de Ventadour, vendit à
noble François de Langlade, sieur de Laval, habitant Jaujac, en Vivarais, la
terre et seigneurie des Eperviers au prix de 4.000 livres et moyennant une
pension de 150 livres, rachetable 3.000 livres. Le 8 mai 1593, Anne de
Lévis, duc de Ventadour, fils de feu duc, donne quittance des dites 3.000
livres à François de Langlade (Guillaume Robin, notaire de La Voulte,
registre de 1592-1593, Etude Dupin à La Voulte). Le 4 juillet 1655, suivant
contrat de Laffare, notaire de Saint-Cirgues-en-Montagne, passé au château
de Villard, demoiselle Marie de Langlade d'Hautségure, fille de Scipion,
baron des Eperviers, et de Louise de Teyssier des Alras, épousa Claude de
Chanaleilles. Marie-Anne de Langlade, fille de Paul de Langlade, dernier de
son nom, et d’Aimée de Bonneval, épousa, vers 1680, Annet-François de
Chanaleilles, seigneur de la Croze. Les ruines de Ventadour appartiennent,
paraît-il, encore aux de Chanaleilles (1).
Il ne sera plus habité et à la Révolution il est décrit ainsi, "cette
vieille masure n’a point porté depuis sa destruction, arrivée depuis plus
d’un siècle, de revenu". Il fut utilisé après la Révolution comme carrière
de pierres. L’élément le plus ancien du château de Ventadour semble être un
donjon carré du XIIe ou du XIIIe siècle situé à l’ouest de l’ensemble
castral. Celui-ci est englobé dans un vaste et complexe ensemble dont les
chronologies relatives et absolues, de la fin du Moyen-Âge à l’Époque
Moderne, restent à établir précisément. Déjà très ruiné au début du XIXe
siècle, le château est abondamment restauré depuis la fin des années 1960.
Un petit habitat castral semble s’être développé au Moyen Age sur les pentes
qui s’étendent au sud du château. Un hospice y est encore mentionné en 1464.
Le castrum de Meyras possédait une chapelle dédiée à Saint-Martin. Celle-ci
est un petit édifice à nef unique et abside semi-circulaire, elle est encore
utilisée au début du XVIIe siècle. Le plan du château-fort est basé sur le
modèle des châteaux savoyards, le donjon étant attaché à la muraille. (2)
Éléments protégés MH: les restes du château de Ventadour : inscription par
arrêté du 4 mai 1937.
château-fort de Ventadour 07380 Meyras, tél : 04 75 38 00 92, depuis
1969, il fait l'objet d'une restauration par Pierre et Françoise Pottier et
des bénévoles, ouvert du 7 juillet au 23 août, Visites tous les jours,
fermé le samedi, Animations médiévales le dimanche. Horaires 10h-12h et
14h-18h (départ de la dernière visite 17h). Le
castrum de Meyras possédait une chapelle dédiée à Saint-Martin. Celle-ci est
un petit édifice à nef unique et abside semi-circulaire, elle est encore
utilisée au début du XVIIe siècle.
Cette chapelle a fait l'objet de remontages presque complets ; Cette
"résurrection " de la chapelle se visite virtuelle vidéo 3d avec le lien ici
https://www.youtube.com/watch?v=47JQX14jjIg
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