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En face de Saint-Georges-les-Bains, de l’autre côté
d’une vallée profonde et sauvage, les ruines d’un bourg fortifié, que
dominent celles d’un donjon, prennent d’assaut la montagne rocheuse et
d’aspect ruiniforme. Le voyageur pressé et distrait peut fort bien admirer
en passant les formes bizarres que présentent ces rochers de calcaire sans
se douter qu’au milieu de ce chaos s’élevait une ville fortifiée, car tout
se confond sur ces pentes rapides de rochers croulés. Et cependant nous nous
trouvons en face d’une réédition de Crussol. Enceintes crénelées, portes
fortifiées, tours et donjon qui enserraient entre plusieurs enceintes les
maisons des vassaux, pour les protéger contre les attaques des routiers
pillards où des incursions des seigneurs voisins. Au faîte de la montagne et
de la cité se dressaient les massives murailles du donjon d’où la sentinelle
veillait, embrassant du regard les moindres replis de terrain au loin de
Saint-Marcel. A ses pieds, la vallée du Rhône s’étend verdoyante. La vue que
l’on a du donjon, nous l’avons plusieurs fois admirée de Châteaubourg, de
Crussol et de La Voulte. Ce château dépendait de celui de Crussol, aussi son
histoire est-elle intimement liée à celle de ce dernier. Il est difficile de
trouver dans son passé des faits ayant un réel intérêt et autres que ceux
qui se rapportent à l’illustre famille de Bastet. Le capitaine-châtelain qui
y commandait était un personnage quelconque et ne laissait souvent aucune
trace de son passage. Aussi, malgré ses imposantes ruines qui se dressent
devant nous, Saint-Marcel n’a pas laissé de traces dans l’histoire du
Vivarais.
Dès les temps les plus reculés du moyen-âge, ces murailles crénelées, ces
tours massives, ces portes fortifiées et ce donjon orgueilleux, couronnés de
créneaux, défendaient la vallée du Rhône et le défilé du Turzon. "Le 2 des
nones de juin 1284, une transaction passée devant Jean de Vienne, notaire,
établissait certains droits entre noble Giraud, seigneur de Crussol, et
Hugon, seigneur de Pierregourde. Ledit seigneur de Crussol disait que les
terres cultes et incultes, prés, bois et paquerages renfermés dans les
limites ci-après décrites étaient du mandement du château de Saint-Marcel.
Ledit seigneur de Pierregourde soutenait le contraire. Par la sentence
arbitrale que Messires Guillaume Humbert, chevalier, et Jean de Crussol,
arbitres nommés par lesdites parties pour régler lesdites contestations, ont
rendu, il a été statué que les possessions renfermées dans les confins
susdits relèvent du fief et de la justice mère, mixte et impère dudit
seigneur de Crussol, que ledit seigneur de Pierregourde reconnaîtra qu’elles
sont du mandement de Saint-Marcel et qu’il les tient en fief dudit seigneur
de Crussol. Et que ledit seigneur de Crussol payera audit seigneur de
Pierregourde dix livres viennoises". Le 5 décembre 1319, un assencement ou
abbenevis reçu et signé Hugues Cellier, notaire, fut passé par noble ugon,
seigneur de Pierregourde, à Jean de Lorme et sa femme, de Saint-Marcel, "des
bains et fontaines qui sortent dans la terre desdits mariés, situés dans le
mandement dudit Pierregourde, joignant au ruisseau de Turson d’une part, à
la terre de Hugon de Chaude d’autre part, sous le cens et servis annuel de
10 sols tournois payables chaque jour et feste de Saint Jean-Baptiste".
Le jeudi avant le dimanche de Reminiscere 1325, noble Giraud de
Pierregourde, chevalier, rend foy et hommage à noble et puissant Jean,
seigneur de Crussol, chevalier, à cause des fiefs que ledit sieur de
Pierregourde possède derrière les châteaux et mandements de Tholaud,
Saint-Marcel, La Bastide et Charmes appartenant audit seigneur de Crussol.
En 1340, hommage par Hugon V, seigneur de Pierregourde, à Louis de Poitiers,
comte de Valentinois, pour partie de Pierregourde; Hugon de Pierregourde
avait épousé Judic, fille de Jean Bastet de Crussol et de Béatrix de
Poitiers. Ce mariage nous aide à comprendre comment il se fait que les
intérêts de ces deux seigneurs paraissaient si liés sur certains points du
territoire de Saint-Marcel. D’autant qu’il pouvait y avoir, entre ces deux
maisons, d’autres alliances antérieures à 1340. Le 25 juillet 1356, "noble
Barth de Malevano, notaire, reçoit un ascencement passé par noble Pons de
Meyres pour et au nom de noble et puissant seigneur Guillaume de Crussol,
tuteur de noble Hugon de Pierregourde, au profit de Pons Archimbaud. De la
fontaine et bains appelés de Saint-Georges, situés dans le mandement de
Pierregourde qui confine le ruisseau de Turzon et le mandement de
Saint-Marcel avec la coste où sont lesdits bains, joignant à ladite rivière
de Turzon d’une part, au chemin tendant du lieu des Jarries à Saint-Marcel,
d’autre part. Sous les conditions suivantes: que ledit abbenevisataire
entretiendra lesdits bains et les lits en bon et dû état, et fera une
séparation entre les bains des hommes et ceux des femmes; qu’il y aura une
amende applicable au profit dudit seigneur de Pierregourde et une autre
amende d’un pitalphe de vin applicable au profit dudit abbenevisataire,
toutes les deux contre chacun des hommes qui seront trouvés se baigner dans
les bains des femmes; que ledit abbenevisataire sera tenu de révéler les
personnes du mandement de Pierregourde qui y commettront des abus afin
qu’ils ne restent pas impunis; et qu’il lui sera loisible de prendre le bois
nécessaire pour les réparations desdits bains et pour des nouvelles
constructions dans ledit mandement de Pierregourde, toutefois avec la
permission de ceux à qui les bois appartiennent".
Nous espérons que le lecteur ne nous en voudra pas si nous avons franchi un
instant les limites du mandement de Saint-Marcel. En 1372, un terrier fut
dressé au profit de Hugon, seigneur de Pierregourde, à cause de sa directe
dépendant de son château de Pierregourde qui se place tant dans le mandement
dudit Pierregourde que dans ceux de Beauchastel, Durfort, Saint-Marcel et
autres. Le 5 décembre 1470, il est donné par noble et puissant seigneur
Claude de Pierregourde, chevalier, seigneur de Pierregourde, à noble et
puissant seigneur Louis de Crussol, dénombrement des cens et rentes que
ledit seigneur de Pierregourde perçoit dans les mandements de Tholand,
Charmes, Saint-Marcel, Saint-Georges, La Bastide et Crussol, relevant de la
baronnie dudit Crussol. Le sieur de Pierregourde, en 1470, a des droits
seigneuriaux sur Saint-Marcel, ce qui se confirme par un terrier, de 1513,
fait au profit de Messire Alexandre de Tournon, comme mari de Marguerite de
Meyres, à cause de leur directe qui se place dans les mandements de
Beauchastel, Saint-Marcel et autres lieux à présent unis à la rente noble du
château de Pierregourde. Un dénombrement du XVIe siècle dont la date est en
partie effacée, fait au Roi entre les mains de ses commissaires et députés,
par noble et puissant seigneur Messire de Pierregourde, chevalier, seigneur
de Pierregourde, Lamarette, Châteauneuf, Chanteloube et Pleinet, de la terre
et seigneurie de Pierregourde, droits, biens et fonds en dépendant, des
seigneuries, châteaux et fiefs de Toulaud, Durfort, Saint-Marcel,
Châteauneuf, Pleinet et Chanteloube, etc. Les de Barjac succédèrent aux
Pierregourde. Louis de Maugiron, maréchal des camps et armées du Roi,
maîstre de camp d’un régiment de cavalerie, épousa, le 17 février 1646,
Louise de Pierregourde, héritière de sa maison. Il devint propriétaire, en
Vivarais, de nombreuses seigneuries que possédaient les Pierregourde. Ces
ruines sont belles et méritent une visite. L’archéologue et le touriste,
tous deux seront payés de leurs peines et ne perdront pas leur temps en
consacrant à ces restes vénérables quelques heures de leur journée. (1)
château de Saint-Marcel de Crussol 07240 Saint-Georges-les-Bains, très beaux
vestiges.
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