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A quelques kilomètres de
Saint-Martin-de-Valamas, sur la rive gauche de l’Eyrieux, s’élève le vieux
château fort de Rochebonne, perché comme un nid d’aigle sur une roche
escarpée d’où il domine et commande toute la fraîche vallée de Crézenour; le
donjon est construit sur un roc à pic au pied duquel étaient élevés le
château, ses dépendances et ses murs d’enceinte; un peu plus bas, dans les
anfractuosités du rocher, sont les maisons des anciens vassaux formant le
hameau de Rochebonne. Construit vers le XIe siècle, Rochebonne joua un rôle
important dans les guerres qui désolèrent le pays à différentes époques et
notamment pendant les guerres de religion: à ce moment-là une garnison était
préposée à la garde du château ; elle fit montre le 31 août 1592, sous les
ordres de noble Antoine d’Allard, de Chanéac. La vieille forteresse, après
avoir résisté victorieusement aux injures du temps et des guerres, était à
peu près intacte au XVIIe siècle; déjà depuis longtemps elle n’était plus
habitée par ses seigneurs qui résidaient dans leur château de Leynice, en
Forez, ou dans leurs terres du Lyonnais; aussi avait-elle grand besoin de
réparations quand Messire Jean-Henri Blanc de Molines de Loire l’acquit en
1743, n’ayant plus ni portes ni fenêtres; celui-ci en fit faire la visite le
13 août 1743 par des hommes de l’art et fit exécuter les réparations les
plus urgentes; mais, en 1760, le château fut en grande partie détruit par la
foudre et il n’en reste plus maintenant que des ruines très pittoresques qui
donnent encore une idée de son ancienne puissance. Une chapelle, sous le
vocable de Sainte Agathe, dépendait du château et servait aux habitants du
village de Rochebonne; les seigneurs de Rochebonne en étaient patrons et
nommaient ses chapelains.
Dès le XIIIe siècle, Rochebonne appartenait en partie à la noble et
puissante maison de Châteauneuf qui, comme nous l’avons vu, possédait
également le château de ce nom sur la rive droite de l'Eyrieux: Pons de
Châteauneuf, seigneur de Rochebonne, fut témoin en 1243 du traité de paix
entre Guy Pagan, seigneur d’Argental, et Philippa de Fay, comtesse de
Valentinois. A la fin de ce siècle, Rochebonne et son mandement
appartenaient en parérie à Guillaume de Châteauneuf, Pons de Brion et Hugon
et Gérenton de la Mastre: par acte du 17 novembre 1273, Pons, seigneur de
Brion, vendit à Guillaume de Châteauneuf, moyennant 10.000 sols viennois,
tout ce qu’il possédait dans le château, la seigneurie et le bourg de
Rochebonne, et par le même acte, Hugues de la Tour, évêque de Viviers, en
donna l’investiture au nouveau propriétaire. Un acte de transaction passé le
9 mars 1313 entre Garin, seigneur de Brion, et Arnaud de Solignac, seigneur
de Romegier, nous apprend que la part de Rochebonne appartenant à Hugon et
Gérenton de la Mastre était passée aux maisons de Romegier et de Sauzet, et
qu’Arnaud de Solignac, héritier de Pons de Romegier, avait acquis sa part
des Sauzet par un échange avec Bermond de Sauzet, damoiseau. Gérenton de
Solignac, fils d’Arnaud, céda sa part de Rochebonne à sa tante Alasie de
Solignac, mariée en troisièmes noces à Guillaume de Châteauneuf. Depuis
cette époque les Châteauneuf possédèrent l’entière seigneurie de Rochebonne.
Rochebonne relevait pour un quart de l’évêque de Viviers et pour le reste
des seigneurs de Brion qui l'hommageaient également à l’évêque de Viviers.
La question de la mouvance de Rochebonne fut du reste la source de procès
entre les seigneurs de Brion et ceux de Rochebonne.
Le Père Anselme, dans son Histoire des grands officiers de la couronne,
donne la généalogie de la branche des Châteauneuf-Rochebonne, qu’il commence
à Antoine de Châteauneuf, vivant en 1384 avec Isabeau de Talaru, sa femme,
fille d’Antoine de Talaru et d’Alix d’Albon; elle s’est alliée aux premières
maisons de France, et a fourni une quantité de sujets remarquables à
l’armée, à l’Eglise et à l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. Pierre de
Châteauneuf, baron de Rochebonne, capitaine de 50 hommes d’armes, sénéchal
du Puy et bailly du Velay, se signala par son zèle pour la religion
catholique: il augmenta singulièrement les fortifications de la ville du
Puy, pour résister aux protestants, faisant creuser des fossés, construire
des tours; en 1568 il fit fortifier le rocher de Corneille et le relia par
de hautes murailles à l’enceinte du Puy: le chroniqueur Burel nous apprend
que le jour de la Saint Barthélemy, 1569, il se mit à la tête des habitants
du Puy avec l’évêque Antoine de Saint-Nectaire, et s’empara de Bonnefoy, Fay
et Saint-Agrève, dont il chassa les protestants. Il avait épousé Huguette de
Fougères, dame d'Oingt, en Maçonnais, fille de Claude de Fougères, baron d’Oingt,
tué à la bataille de Cérisoles, et de Jacqueline de Montdor. Le dernier de
cette vaillante race fut son arrière-petit-fils, Charles-François de
Châteauneuf, marquis de Rochebonne, comte d’Oingt, seigneur de Leynice,
Chambos, Thisy, etc., d’a bord colonel du Régiment de la Reine, puis
lieutenant-général pour le Roi en Lyonnais, Forez et Beaujolais: il avait
épousé, le 12 octobre 1668, Marie Adhémar de Monteil, fille de Louis-Gaucher
Adhémar de Monteil, comte de Grignan, et de Marguerite d’Ornano.
Charles-François de Châteauneuf eut un grand nombre d’enfants; ses cinq
filles furent religieuses à Lyon; l’aîné de ses fils, exempt des gardes du
corps, fut tué en 1709 à la bataille de Malplaquet à la tête du Régiment de
Villeroy; le cadet, Jean-Baptiste, chevalier de Châteauneuf-Rochebonne, fut
chevalier de Saint Jean de Jérusalem; les deux derniers furent d’Eglise,
Charles-François de Châteauneuf-Rochebonne, évêque et comte de Noyon, pair
de France, puis archevêque de Lyon, et Louis-Joseph de
Châteauneuf-Rochebonne, évêque de Carcassonne. Ces deux prélats partagèrent
la succession paternelle par acte du 4 septembre 1725; Monsieur de
Carcassonne eut dans sa part le château et le mandement de Rochebonne qu’il
laissa à l’hôpital de Carcassonne par son testament du 20 novembre 1729. Par
acte du 19 avril 1743, les administrateurs de l’hôpital de Carcassonne
vendirent, pour le prix de 40.000 livres, le château et la seigneurie de
Rochebonne, avec justice haute, moyenne et basse, à Messire Jean-Henri Blanc
de Molines, seigneur de Loire, Chanéac, Saint-Martin-de-Valamas, en partie,
coseigneur de Chambarlhac; celui-ci avait épousé mademoiselle
Marie-Magdeleine d'Arbalestrier, et eut pour successeur dans la seigneurie
de Rochebonne, son fils, haut et puissant seigneur Jacques-Joseph-Henri
Blanc de Loire, baron de Loire, seigneur de Rochebonne, Chanéac,
Saint-Martin-de-Valamas, etc., qui épousa, par contrat du 8 mai 1770,
Marie-Antoinette de Piolenc d’Aleyrac, fille d’illustre seigneur
Honoré-Jean-Baptiste-Jacques-Alexandre de Piolenc, de Thoury, d’Ise, de
Montauban, ancien Président à mortier au Parlement de Grenoble, et
d’illustre dame Jeanne Deschamps de Montbel, comtesse de Chaumont. Les
ruines du château de Rochebonne appartenaient par succession au début du XXe
siècle à Monsieur Auguste-Henri Le Blanc de Chanéac, ancien officier au 1er
Régiment de la Garde, petit-fils de Gilbert-Médard Le Blanc, officier à
l’armée de Condé, chevalier de Saint-Louis, et de Madame
Henriette-Magdeleine-Victoire Blanc de Loire de Chanéac; il habitait au
château des Brosses, près de Tours, et à Barruel, près du Cheylard
(Ardèche). De son union avec Mademoiselle Louise de Saint-Bauzille, il a un
fils, Lionel-Henri Le Blanc de Chanéac, marié, le 25 janvier 1910, à
Mademoiselle Marguerite de Thœux de Montjardin, dont postérité.
(Communication de Monsieur Le Blanc de Chanéac et de Monsieur de Lanauze).
(1)
Entre Le Cheylard et Saint-Martin-de-Valamas se dresse les vestiges d’un
petit donjon carré. Le pointement de migmatite portant cette tour est
aujourd’hui totalement isolé du relief environnant par un très profond fossé
réutilisant sans doute une faille naturelle. La base d’un pont de pierre,
qui devait permettre de franchir le fossé, est encore visible à proximité du
donjon. Celui-ci prend l’aspect d’un bâtiment de plan carré. Au début du XXe
siècle, il mesurait encore environ neuf mètres de hauteur mais aujourd’hui
seule la face nord est à peu près intacte. Ce donjon présentait trois
niveaux sur plancher avec une basse-fosse aveugle. Au premier niveau, la
face septentrionale ainsi que la face orientale montrent chacune deux
étroites ouvertures (surmontées d’un linteau droit ou couvertes d’un arc en
plein cintre). On ne sait rien des ouvertures qui perçaient éventuellement
les faces ouest et sud du donjon, mais c’est vraisemblablement par cette
dernière, et au premier étage, que se faisait l’accès à la tour. De nombreux
fragments de tuile à l’intérieur du bâtiment laissent supposer que celui-ci
en était couvert et sans doute avec un toit à quatre pans. Les
caractéristiques de ce bâtiment, semblable à de nombreux autres donjons
vivarois, permettent de placer sa construction dans le courant du XIIe
siècle. Sur ce même pointement rocheux, les vestiges très arasés d’une
chemise enserrant le donjon sont encore visibles. En contrebas du donjon, à
l’ouest et au sud, s’étend une étroite plate-forme rocheuse sur laquelle se
sont établis divers bâtiments plus ou moins ruinés. À l’ouest, on distingue
deux bâtiments. Au sud, trois corps de bâtiment, appuyés contre la paroi
rocheuse, se développent en enfilade. Le plus occidental de l’ensemble est
extrêmement arasé, mais c’est là que se trouvait l’entrée du château au
milieu du XVIIIe siècle. Le corps de logis le mieux conservé se trouve au
centre. Il présente une tour quadrangulaire en saillie, qui montre encore
trois ouvertures datables de la fin du Moyen Âge (XVe siècle?) et
l’emplacement de deux cheminées. Lors d’un état des lieux réalisé en 1763 le
château est déjà ruiné et pour certaines parties de celui-ci la ruine s’est
faite "de temps immémorial". Le château domine un petit bourg castral, lui
aussi largement ruiné, qui était apparemment non enclos. (2)
château de Rochebonne 07310 Saint-Martin-de-Valamas, pour atteindre les
vestiges, il faut empreinter la D 120 qui passe, vers 850 mètres d'altitude,
juste au-dessus de l'éperon rocheux qui les porte, très beau panorama...
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