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Par sa position géographique, par la façon dont il se dresse au confluent de
l'Ariège et de l'Arget, le rocher de Foix était tout indiqué pour servir à
un établissement militaire, où l'art pouvait mettre à profit les ressources
offertes par la nature. L'histoire du château ne commence qu'avec celle des
comtes. Le premier seigneur qui ait porté le titre de comte de Foix est
Bernard-Roger, fils de Roger-le-Vieux, comte de Carcassonne. Ce dernier, en
1002, fait un testament par lequel il partage ses domaines entre ses trois
fils; à Bernard, il laisse la terre et le château de Foix. C'est le premier
document où l'on trouve la preuve authentique de l'existence du monument.
Pendant les XIe et XIIe siècles, aucun fait ne le signale spécialement à
l'attention des chroniqueurs. Durant cette période, les comtes tiennent à
faire preuve dé leur piété, qui se manifeste par des cons aux églises. Ils
constituent, au profit de l'abbaye de Saint-Volusien, un vaste domaine
autour dé la ville et dans là vallée supérieure de l'Ariège. Le 18 janvier
11118 le comte Roger II fait transférer en grande pompe, dans une nouvelle
église, les reliques du saint patron dé la cité, qui reposaient dans une
dépendance du château. A la fin du douzième siècle, la ferveur des comtes se
ralentit; comme les autres grands seigneurs du Midi, ils adhèrent à
l'hérésie albigeoise et encourent les foudres de la cour de Rome. La
croisade est prêchée contre les partisans des nouvelles doctrines. Avec les
comtes de Toulouse, leurs suzerains et leurs alliés, les comtes de Foix sont
les plus énergiques et les plus vaillants soutiens de la cause méridionale.
Quand, après la défaite de Muret en1213, le Languedoc et l'Aquitaine se
soumettent aux gens du Nord, quand Raymond VI de Toulouse renonce à la
lutte, les comtes de Foix prolongent la résistance.
C'est en 1210 que Simon de Montfort pénètre pour la première fois dans lé
pays de Foix; il se rend d'abord à Pamiers pour assister à une conférence où
se réunissent Pierre II, roi d'Aragon, Raymond VI, comte de Toulouse, et le
comte de Foix, en vue de faire cesser les hostilités. Les négociations se
rompent, Montfort s'avance vers la ville de Foix; après en avoir ravagé les
environs, il en commence l'attaque si vivement que la garnison, qui avait
fait une sortie, est même obligée de se replier en hâte vers la ville. Mais
les habitants courent aux remparts et couvrent les assaillants d'une telle
quantité de projectiles qu'ils les forcent à se retirer en désordre. Après
cette déroute, Montfort se retira vers Carcassonne. En 1211, les comtes de
Foix et de Toulouse sont réunis à Narbonne, où le légat du Saint-Siège
essaie de les réconcilier avec l'Église romaine. A l'entrevue se trouve
encore le roi d'Aragon, qui intervient en faveur de Raymond-Roger; Simon de
Montfort consent à lui accorder la paix, mais à la condition de livrer
Pamiers. En outre, le château de Foix doit être confié au roi d'Aragon, avec
autorisation de le remettre aux agents de l'Église romaine, si Raymond-Roger
n'observe pas la parole donnée. Ne tenant aucun compte de cet engagement, ce
prince, en 1212, recommence les hostilités qui ramènent l'armée de la
croisade dans le pays où elle procède à un dégât général. La ville de Foix
est prise, Simon de Montfort renonce à déloger les comtes de Foix et de
Toulouse qui s'étaient réfugiés au château.
En 1213, Raymond-Roger prend part à la bataille de Muret où périt le
roi'd'Aragon; après la défaite de ses alliés, le comte de Foix se hâte de
rentrer dans ses états, Simon de Montfort le fait poursuivre jusqu'à Foix,
dont les faubourgs sont encore brûlés. En 1214, nouvelle conférence du comte
de Foix à Narbonne avec le légat Pierre de Bénévent; cette fois le
représentant du pape ne veut plus être dupe, et, en conséquence, exige la
remise effective du château de Foix, avec l'obligation par le comte de
supporter les frais de garde. Quelque temps après, la place, occupée au nom
de l'Église romaine, est confiée à l'abbé de Saint-Tibéry. Ce dernier, en
s'éloignant du pays, la livre à Simon de Montfort pour la conserver jusqu'à
la tenue du concile général. Cette assemblée s'ouvre à Rome dans l'église de
Latran au début de novembre 1215. La principale question à régler était la
pacification du Midi de la France, dont les principaux seigneurs, vaincus
par Simon de Montfort, faisaient appel au Siège Apostolique. Quelques-uns
viennent eux-mêmes plaider leur cause et faire valoir leurs, droits auprès
du pape Innocent III. Parmi eux se trouvent les comtes de Toulouse, de
Comminges et de Foix. Ce dernier expose ses griefs, déclare qu'il n'a pas
failli à ses promesses, que néanmoins Simon de Montfort n'a pas hésité à
prendre possession d'une place dont les armes ne lui ont pas ouvert les
portes. Raymond-Roger fait alors allusion aux échecs successifs éprouvés par
les Croisés devant le château de Foix. C'est justice qu'il demande; en
conséquence, on doit lui rendre ses domaines. A cette réclamation, ses
ennemis font maintes objections qui empêchent le pape de se prononcer.
Pour connaître la vérité, il charge deux commissaires de faire une enquête;
en attendant une solution, l'abbé de Saint-Tibéry reçoit ordre de reprendre
possession du château, alors occupé par Simon de Montfort, à qui défense est
faite de faire la guerre au comte. Dom Vaissète reconnaît que, si la
conduite de Raymond-Roger fut loyale, tout autre fut celle de son
adversaire. Ce dernier exerça contre lui divers actes d'hostilité, "pour
l'obliger à se défendre, pour le rendre odieux au pape et mettre ainsi
obstacle à son entière réconciliation avec l'Egiise". Simon voulait isoler
le comte Raymond de Toulouse; dans ce but, il importait de réduire à
l'impuissance son plus fidèle allié, le comte de Foix, dont les états
s'étendaient jusqu'aux portes de Carcassonne et de Toulouse et qui pouvait
ouvrir aux Aragonais les ports des Pyrénées centrales. Au lieu d'opposer la
force à la force, Raymond-Roger s'adresse au pape qui prescrit un supplément
d'enquête. Simon de Montfort élude les assignations; s'il n'obtient pas
l'autorisation de se faire remettre le château de Foix, au moins
empêche-t-il le comte d'y rentrer. Le 27 novembre 12161, le pape Honorius
III, malgré les sollicitations dont il est l'objet, ordonne à l'abbé de
Saint-Tibéry de faire restituer le château à son légitime propriétaire.
C'était pour le comte la récompense de sa soumission aux ordres du légat
Pierre de Bénévent . En cas de désobéissance de la part de Raymond-Roger, le
château devait être confisqué au profit de l'Église romaine. D'autres
conditions étaient encore exigées avant la remise de la place, notamment le
payement d'une somme de quinze mille sous melgoriens pour frais de garde.
Les bonnes dispositions de la cour de Rome mettent obstacle aux projets de
Simon de Montfort, qui cherche querelle à Raymond-Roger sous prétexte de la
violation de la trêve.
Au commencement de 1217, il vient mettre le siège devant le château de
Montgrenier situé à quelque distance de Foix, où s'était retiré
Roger-Bernard, fils du comte. C'est en vain qe le père fait appel aux
commissaires pontificaux, en vain que ceux-ci se rendent an camp du chef des
Croisés pour lui faire des représentations. Simon de Montfort qui n'a cure
de leurs observations, fait occuper la ville de Foix; le château continue de
rester en la possession de l'abbé de Saint-Tibéry qui, chaque semaine,
réclame quarante livres en monnaie de Toulouse pour en assurer la garde. La
veille de Pâques, Montgrenier est obligé de capituler; ce résultat consolide
la situation des envahisseurs dans la vallée de l'Ariège. C'est seulement en
février 1218 que Raymond-Roger peut rentrer dans le château de Foix, dont la
cour de Rome avait fait le gage et la rançon de sa fidélité. Ce prince
mourut en mars 1223, après avoir survécu à son allié Raymond VI de Toulouse
et à son implacable ennemi, Simon de Montfort, tué au siège de Toulouse en
1218. En 1229, les Méridionaux sont vaincus; Raymond VII de Toulouse signe
la paix avec la cour de France. Après une vaine tentative de lutte,
Roger-Bernard II, le nouveau comte de Foix, imite cet exemple, et, le 16
juin, à Saint-Jean-de-Verges, village situé à une lieue en aval de Foix,
fait une soumission sans réserve aux représentants du pape et du roi. La
remise du château est encore exigée comme garantie de l'exécution du traité.
Le délai d'occupation fut fixé à cinq ans; au bout de cette période, la
forteresse fut rendue définitivement à son maître.
Après la mort du comte Alphonse de Poitiers et de sa femme Jeanne de
Toulouse, le Languedoc est réuni à la couronne de France. C'est le moment
que choisit le comte de Foix, Roger-Bernard III, pour braver l'autorité de
son suzerain en essayant de faire acte de rébellion. En 1272, Géraud de
Casaubou, seigneur de Sompuy, est en contestation avec Géraud, comte
d'Armagnac; il lui refuse l'hommage, déclarant ne le devoir qu'au roi de
France. Le comte de Foix prend fait et cause pour son beau-frère et,
unissant ses forces aux siennes, s'arroge le château en litige. Les deux
princes sont cités à la cour du roi pour rendre compte de leur conduite;
Géraud d'Armagnac se soumet et obtient son pardon. Telle n'est pas
l'attitude de Roger-Bernard; se croyant hors d'atteinte dans ses montagnes,
il pousse même l'audace jusqu'à s'attaquer au sénéchal de Toulouse, Eustache
de Beaumarchais. De suite, cet officier envahit les terres du vassal
insoumis et les fait occuper jusqu'au Pas-de-la-Barre, à une demi lieue en
aval de Foix. C'était la partie qui avait toujours relevé du comté de
Toulouse, tandis que le roi d'Aragon prétendait exercer des droits de
suzeraineté dans la vallée supérieure de l'Ariège. Malgré cet acte de
vigueur, qui ne devait lui donner aucun doute sur les intentions de ses
adversaires, Roger-Bernard refuse de se soumettre. Il était imbu de
l'opinion que, dans le pays, on se faisait du château de Foix; il le
regardait comme imprenable. N'avait-il pas déjà fait ses preuves. Plusieurs
fois il avait résisté aux attaques de Simon de Monfort, qui ne put y
pénétrer de force, bien qu'il fut maître de la ville.
Tout présomptueux qu'il soit, le comte juge prudent d'augmenter ses moyens
de défense; la garnison est renforcée; on pourvoit à la clôture des portes,
on garnit les tours de machines de guerre. Philippe le Hardi se résolut de
faire un exemple en vue d'affermir le pouvoir royal dans les provinces
réunies à la Couronne. Jugeant que sa présence était nécessaire pour
soumettre un rebelle, qui comptait sur la protection du vicomte de Béarn et
de Jacques 1er, roi d'Aragon, il vint lui-même prendre la direction de
l'expédition. L'armée française était nombreuse, plus forte même qu'il ne
semblait nécessaire pour réduire un vassal tel que le comte de Foix. Le roi
de France voulut, en faisant montre d'une grande puissance militaire, en
imposer aux alliés de Roger-Bernard. Parmi les grands vassaux, convoqués à
cette occasion, on remarque le duc de Bourgogne, les comtes de Bretagne, de
Flandre, de Boulogne, de Dreux, de Blois, de Ponthieu, suivis des chevaliers
que chacun, suivant l'importance de son fief, était tenu de fournir. Il est
impossible d'évaluer le nombre d'hommes présents devant le château de Foix.
La réunion est fixée à Toulouse. La campagne s'ouvre à la fin de mai 1272;
les troupes commencent par dévaster le pays. Arrivée à Foix le vendredi 3
juin, l'année dresse ses tentes autour du château dont les abords escarpés
lui interdisent l'approche directe. Dom Vaissete suppose, sans en fournir
une preuve bien convaincante, que Philippe le Hardi ne s'avança pas jusqu'à
Foix et s'arrêta dans Pamiers; il s'y serait trouvé encore le 4 juin 1272.
Il n'est guère admissible que le roi ne se soit pas déterminé à franchir
l'espace restreint qui sépare les deux villes pour se rendre compte des
opérations et, tout au moins, pour assister à la reddition de cette place
forte.
Le siège menaçait de traîner en longueur si on n'avisait aux moyens de
faciliter l'attaque en bloquant étroitement les défenseurs. Le roi avait
juré "que jamais il ne se partiroit du siège, devant qu'il auroit le chastel
tresbuschié et mis par terre ou que il li seroit rendu". Après avoir tenu
conseil pour examiner quel était le meilleur parti à prendre dans la
circonstance, Philippe le Hardi fait réunir un grand nombre d'ouvriers.
Ordre leur est donné de couper le pied de la montagne 'à piquois, à bêches
et à heues'. Les travailleurs se mettent à l'oeuvre avec tant d'ardeur
qu'ils tranchent la roche de manière à ouvrir une voie grande et large "où
la gent à pie et à cheval y povoit passer". Devant de pareils préparatifs,
le comte de Foix se sent ébranlé dans sa confiance; il comprend que le roi
est ferme dans ses desseins; le roi d'Aragon et le vicomte de Béarn lui
conseillent de s'accorder sans retard avec son suzerain et d'implorer son
pardon. Philippe le Hardi accueille les messagers du comte et leur enjoint
de dire à leur maître qu'il ait à se rendre à discrétion. Le 5 juin,
Roger-Bernard va trouver son vainqueur, s'agenouille devant lui et requiert
merci. Le roi, sans ménagement, le fait garotter et conduire prisonnier à
Carcassonne, dans une tour de la cité; la captivité du comte ne durera pas
moins d'une année. Avant de quitter le pays, le roi de France, pour
dédommager les habitants de Pamiers et ceux du voisinage qui avaient fait
leur soumission dès le début, leur fait distribuer 2500 livres tournois par
Guillaume, abbé de Belleperche. Le château de Foix et plusieurs autres de la
haute vallée de l'Ariège furent remis, après que le roi de France en eut
pris possession, à la garde du roi d'Aragon qui s'était interposé entre les
parties pendant le cours des hostilités. Il prétendait, en outre, exercer
des droits de suzeraineté sur toute la région qui s'étend de la montagne
jusqu'au Pas de la Barre, à une demi-lieue en aval de Foix; au-delà, le pays
relevait du comté de Toulouse. Nous ignorons pour quels motifs le roi de
France consentit à faire cette cession, dont il ne tarda pas à faire annuler
les effets.
Après la soumission du comte, Pierre de Durban, gouverneur du château, en
fit la remise à Godefroy de Roquebertin, délégué du roi d'Aragon. Le 7 juin
1272, Pierre de Durban, accompagné du vicomte de Béarn, de religieux, de
chevaliers et d'un notaire, sort du château et marche à la rencontre de
Godefroy de Roquebertin. Chacun s'assure de l'identité de son interlocuteur
et décline l'objet de sa mission. "Je viens, dit le premier, de la part du
comte, mon maître, vous confier le château en commende et en garde pour le
roi d'Aragon; tenez, voici les clefs de la première porte". Roquebertin les
reçoit, pénètre dans l'enceinte et successivement, après la répétition des
mêmes formalités, se fait remettre différentes: parties du château. Le roi
d'Aragon ne garde la forteresse en son pouvoir qu'a peine un mois; le 7
juillet, elle est livrée à Philippe le Hardi; ce jour-là, Euslache de
Beaumarchais, sénéchal de Toulouse, Guillaume de Cohardon, sénéchal de
Carcassonne, et Pierre de Villars, sénéchal royal du pays de Foix, s'y
réunissent et rédigent un acte déterminant quelles sont les limites du comté
qui venait d'être mis sous séquestre au nom du roi de France. Avec le
château de Foix, le roi d'Aragon avait reçu en gage ceux de la vallée
supérieure de l'Ariège; s'il avait mis de l'empressement à faire l'abandon
de Foix, il n'en fut pas de même pour les autres places. Malgré les
réclamations qui lui sont adressées, il refuse de faire évacuer le pays,
alléguant qu'il relève de sa couronne. Cette prétention a pour résultat de
faire prolonger l'emprisonnement du comte; Jacques 1er ne persiste plus dans
sa résolution et fait abandon des châteaux aux officiers de Philippe le
Hardi. Fin 1273, Roger-Bernard recouvre sa liberté, mais rentre en
possession de ses domaines en 1275.
A partir du XIVe siècle, le château, s'il conserve sa valeur stratégique,
n'a pas la même importance politique, car Foix n'est plus l'unique capitale
des comtes qui viennent, en héritant du Béarn, de la Bigorre, du Marsan et
de grands domaines en Catalogne, d'augmenter leur puissance; ils sont
obligés de se transporter et de s'arrêter là où sont engagés leurs intérêts.
Pau, Orthez, font tort à Foix. Une,ville située dans le pays de Foix,
Mazëres, à partir de Gaston-Phoebus jusqu'à Gaston IV, c'est-à-dire, pendant
la seconde moitié du XIVe siècle et pendant la première partie du XVe,
devint une des résidences préférées des comtes. C'est dans cette ville qu'en
1390 Gaston-Pheebiis reçut le roi Charles VI, et qu'en 1412 mourut le comte
Jean 1er. Le 4 novembre 1331, le comte Gaston II obtient du roi Philippe de
Valois l'autorisation de faire incarcérer sa mère Jeanne d'Artois, dont il
avait à se plaindre. On lui reprochait la façon dont elle avait administré
les états et le patrimoine de ses enfants mineurs; on l'accusait de ce
qu'étant encore "juvenis et lasciva", elle menât une vie licencieuse et
donnât de mauvais exemples. Enfermée d'abord au château de Foix, puis
envoyée en 1333 à Orthez, elle est transférée de prison en prison jusqu'en
1343, époque où, grâce à l'intervention du roi de France, elle recouvre sa
liberté. Gaston Phoebus est né en 1331: le fait est certain, dans le comté
de Foix ou en Béarn? On ne sait pas. De ce que ses parents ont fait
restaurer le château de Foix, de ce qu'il y a passé une partie de sa
jeunesse, faut-il en conclure que Foix est sa ville natale? En 1357 Gaston
était au château avec son cousin, le fameux Jean de Graiily, captal de Buch,
et plusieurs gentilshommes du Midi; ils se préparaient à partir pour la
Prusse, afin de répondre à la demande de secours adressée par le
Grand-Maître de l'ordre Teutonique à la chevalerie d'Occident.
En 1362, ranimant les anciennes querelles de leurs familles au sujet de la
succession de Béarn, les comtes de Foix et d'Armagnac en étaient venus aux
prises à Launac. Gaston Phoebus triomphe de son rival et le fait prisonnier
avec les comtes de Comminges, de Pardiac, le seigneur d'Albret et ses deux
frères, les seigneurs de Terride et de Barbazan et neuf cents autres nobles;
c'est au château de Foix qu'il donne ordre de les conduire et qu'il fixe le
prix de leur mise en liberté. La paix entre les comtes de Foix et d'Armagnac
fut définitivement conclue le 14 avril 1363, dans l'église saint Volusien de
Foix, par l'intermédiaire des représentants du roi de France et du pape. La
guerre contre les Armagnacs avait procuré à Gaston Phoebus honneur et
profit. Entre les maisons de Foix et d'Armagnac, la paix n'est pas durable;
en 1376, les hostilités sont reprises de plus belle; un moment la fortune
semble contraire au vainqueur de Launac. Menaud de Barbazan, capitaine au
service du comte d'Armagnac, parcourt tout le pays de Foix jusqu'à Pamiers.
Effrayé des progrès de l'ennemi, Gaston Phoebus, qui était alors à Orthez,
prescrit au châtelain et aux consuls de Foix de mettre la ville en état de
défense. Pouvoir leur est donné de démolir les maisons qui nuiraient à
rétablissement de fortifications, de barrer les rues et de faire tout ce
qu'exigerait l'intérêt public. Ces précautions deviennent inutiles, grâce à
la défaite des Armagnacs près de Montant dans le pays de Foix. En 1380,
quelque temps après l'avènement de Charles VI au trône, le gouvernement de
Languedoc fut enlevé au comte de Foix et donné à l'oncle du roi, au duc Jean
de Berry. Gaston Phoebus ne se résigna pas à cette disgrâce et n'hésita pas
à résister les armes à la main.
La guerre, après avoir duré deux ans, se termina par un arrangement entre
les deux parties. Pendant les hostilités, un parti de routiers occupait le
château de Rabastens pour le duc de Berry. Gaston Phoebus assembla un corps
de troupes et délivra la contrée de celte bande qui la ravageait. Il fit
pendre ou noyer quatre cents brigands; sept de leurs chefs furent pris et
conduits aux châteaux de Foix et de Pamiers où ils moururent en prison.
Gaston n'avait qu'un fils; soupçonnant que celui-ci, à l'instigation de son
oncle maternel, Charles le Mauvais, roi de Navarre, voulait l'empoisonner,
le fit mettre en prison; le jeune prince y mourut en 1381. La mort de son
fils priva Gaston Phoebus d'un héritier direct. En 1391, son cousin, Mathieu
de Castelbon, lui succéda; étant mineur, il fut placé sous la tutelle de sa
mère Géraude de Navailles. Le 5 août 1398, s'éteignit, en la personne de
Mathieu de Castelbon, mort sans postérité, la première race des comtes de
Foix; leur succession passa dans la maison de Grailly. La soeur de Mathieu,
Isabelle, femme d'Archambaud de Grailly, captal de Buch, recueillit
l'héritage. Leur fils, Jean, leur succéda en 1412; lorsqu'il mourut, en
1436, la couronne comtale échut à Gaston son fils, encore mineur. Pour
l'installation de Gaston IV, une première cérémonie fut célébrée à Mazères;
quand il eut atteint sa majorité, il voulut ratifier les engagements pris en
son nom; le 1er avril 1448, les états furent rassemblés à Foix dans le
cloître de l'église St Volusien; là, il renouvela son serment et promit de
respecter et de faire observer toutes les libertés communales, et
provinciales accordées par ses prédécesseurs. La première partie du XVe
siècle est marquée par la construction de la tour ronde, preuve que les
comtes n'abandonnaient pas le château où était sortie leur famille et dont
ils appréciaient l'importance politique et militaire.
La fin du siècle est attristée dans toute la région pyrénéenne par la
querelle survenue entre deux branches de la maison de Foix au sujet de la
succession de François Phoebus, décédé en 1483. Jean de Foix, vicomte de
Narbonne, invoquant la loi salique, conteste les droits de sa nièce
Catherine, femme de Jean d'Albret, soeur du prince défunt. La division
s'introduit dans le Comté; chaque parti recrute des adhérents qui, les armes
à la main, cherchent à faire triompher ses prétentions. L'évêque de Pamiers,
Mathieu d'Artigueloube, se déclare ouvertement l'adversaire de Catherine,
qui soutenait son compétiteur à l'évêché, Pascal Dufour. En 1483, Mathieu se
met un jour résolument à la tête d'une bande armée et porte secours à Jean
de Château-Verdun, qui assiégeait le château de Foix pour le vicomte de
Narbonne; tous deux, unissant leurs efforts, viennent à bout de la
résistance de la forteresse qui capitule . Pendant le règne de Charles VIII,
la lutte, continuée avec des alternatives de succès et de revers, se termine
à Tarbes, en 1497, par un traité favorable à Catherine et à son mari Jean
d'Albret. L'année suivante, par suite de la mort du roi Charles VIII,
survient un changement de situation. Jean de Foix, l'oncle et le compétiteur
de Catherine, était l'époux de Marie d'Orléans, soeur du nouveau roi de
France, Louis XII. L'occasion était trop favorable pour que le vicomte de
Narbonne n'essayât pas de faire annuler le traité de Tarbes. La guerre
recommence entre les partis. L'affaire est évoquée devant les Parlements de
Toulouse et de Paris, les agents de la Couronne donnent gain de cause aux
parents du roi. En vertu de décisions le Comté de Foix est mis sous
séquestre. Un conseiller, Pierre de La Vernade, est chargé de pourvoir à
l'administration du pays en nommant les titulaires des divers offices.
Gaspard de Villemur, seigneur de Pailhès, déjà sénéchal du Comté, est
désigné comme capitaine du château de Foix. Par lettres patentes données, à
Blois, le 22 février 1510, Louis XII confirme le choix fait par son délégué
et prescrit au sénéchal de Toulouse de recevoir le serment du capitaine
châtelain.
La querelle de la succession prit fin par la mort de Gaston de Foix, fils de
Jean de Narbonne, tué à la bataille dé Ravenne, en 1513, où il commandait
les troupes de son oncle le roi de France. Le Comté de Foix est peu à peu
abandonné par ses souverains, qui n'y font plus que de courtes apparitions
de loin en loin. La venue des princes est une occasion de réjouissances
publiques, dé cérémonies officielles et aussi de dépenses pour les villes où
l'on préparait une entrée solennelle. Au mois d'avril 1535, le roi de
Navarre, Henri d'Albret et sa femme Marguerite de Valois, soeur de François
1er, visitent leur comté et se rendent à Foix où ils sont reçus avec
apparat. Jusqu'aux guerres de Religion nous ne trouvons plus aucun fait
digne d'être signalé qui se soit passé au château de Foix. L'avènement de
Jeanne d'Albret et de son mari Antoine de Bourbon, en 15555, marque le
commencement d'une période de troubles qui ne cessera que par l'intervention
de Richelieu, après un répit de courte durée sous le règne réparateur
d'Henri IV. Cette période est l'une des plus attristantes qu'ait jamais
traversée le pays de Foix. La lecture des documents donne une singulière
idée dés contemporains. Dans les deux camps, même violence, même férocité,
même mauvaise foi; le plus faible n'a pas de merci à espérer du plus fort,
les ruines s'accumulent partout, la guerre pénètre dans lés moindres
villages, aucun établissement religieux ne reste debout. Les efforts des
évêques et des abbés au XVIIe siècle ne réussiront pas à faire disparaître
les traces des désastres et à rendre leur ancienne splendeur aux
institutions relevées. Foix, mais dans des proportions moindres que Pamiers,
ne fut pas épargné.
En 1566, sous la conduite de sa mère, Jeanne d'Albret, le jeune roi de
Navarre Henri, vient dans son pays de Foix; il y retournera en mai 1578, en
avril et en novembre 1579, en juin et juillet 1584. A sa seconde visite, en
1578, il est accompagné de sa femme, la séduisante Marguerite, et fait une
entrée solennelle dans la capitale de son comté. D'après les récits de
Delescazes et d'après les documents de l'époque, Henri IV ne serait venu
qu'en ces circonstances dans le pays de Foix. Un catholique, le sire de
Lahisle, est, en 1578, gouverneur de la ville et du château; le roi lui
enlève cette charge et la donne à un Huguenot, Brignon, qu'assiste comme
lieutenant Deing, officier plus fanatique que son chef. Sous
l'administration de ces deux agents, ce ne sont qu'alertes, pillages,
destructions. Au printemps de 1580, Brignon renforce secrètement la garnison
du château en introduisant par une fausse porte des Huguenots de la région;
le 15 avril, à leur tète, il descend en ville et s'en fait remettre les
clefs par les consuls, qu'il réduit à l'impuissance. Cet attentat est le
commencement des persécutions contre les catholiques. En ce moment, le roi
de Navarre était à Montauban; les catholiques de Foix lui envoient une
députation pour lui exposer leur triste sort. Cette démarche amène la
destitution de Brignon, mais ne modifie pas sensiblement la situation. Deing,
son lieutenant, le remplace, et les catholiques sont molestés de plus fort;
ils voient un des leurs assassiné en plein jour par un soldat de la
garnison. Enfin dans le courant du mois de mai 1581, poussés à bout, ils se
soulèvent, attaquent les Huguenots, les repoussent du côté du château où ils
les forcent à chercher refuge. Mais les protestants du pays ne laissent pas
leurs coreligionnaires sans secours.
Le 15 mai, à l'entrée de la nuit, neuf cents hérétiques se réunissent sur
les bords de l'Arget et tentent l'assaut; après avoir percé les murailles,
soutenus par la garnison du château, ils pénètrent dans la ville. Pendant
trois heures, un combat s'engage à travers les rues; les deux chefs des
catholiques, ennemis mortels l'un de l'autre, ne peuvent s'entendre pour
donner des ordres et laissent la confusion se mettre dans leurs troupes. La
victoire demeure aux Huguenots qui mettent la ville au pillage, chassent les
religieux de l'abbaye et en démolissent l'église. En 1576, Brenieu,
capitaine du château, un maître des requêtes, Bertrand de Lavalade et un
auditeur des comptes, Pierre de Laroque, visitèrent le Comté, avec mission
de procéder à la mise en ferme du domaine royal et de s'enquérir des besoins
du pays. A Foix, les commissaires déléguèrent un maçon, Antoine Maurin, et
un charpentier, Etienne Poliet, pour vérifier l'état de la couverture des
trois tours du château. Quelques années après, Deing, lieutenant du château,
juge à propos de faire "dresser quelque commodité de logis en l'estaige de
l'endroit du tinel d'Armaignac"; les dépenses s'élèvent "à la somme de trois
cent septante deux escus sol et deux tiers". Le 19 août 1584, le roi
prescrit à ses agents du pays de Foix de donner satisfaction à Deing; il
déclare avoir reconnu par lui-même, pendant son dernier séjour au château,
que les réparations étaient nécessaires et d'un prix raisonnable. Sous Louis
XIII, la reprise des hostilités entre les partis remet Foix sur le pied de
guerre. En 1621, le gouvernement du château passe des mains du catholique
Matherot à celles du protestant Restinclière qui, après avoir pris
possession de son poste, laisse tous ses pouvoirs à son lieutenant
Laroubière. C'était un Huguenot fanatique, il complote de livrer la place.
Averti à temps, Restinclière envoie à Foix son frère, M. de Laforest, qui
chasse le traître et établit une garnison catholique. Laforest, qui est
catholique, remplace son frère Restinclière au château.
Après les alertes qui avaient troublé la ville en 1621, il importait de
recourir à des mesures de prudence, afin de ne pas être pris au dépourvu. En
1623, Louis XIII charge Aymeric Gafîron, commissaire de l'artillerie,
d'envoyer deux canons et des munitions au château de Foix. En 1627, la
révolte, dont le duc de Rohan est le chef, se propage dans le pays de Foix;
pendant la nuit du 13 novembre, il s'empare par surprise de Pamiers d'où
s'enfuient l'évêque et les chanoines qui se réfugient à Varilhes. Le duc
envoie sa cavalerie ravager la vallée de la Barguillère aux environs de
Foix, dans l'espérance que les traîtres, avec lesquels il entretient des
intelligences, lui livreront le château. Son attente est trompée; ne pouvant
plus tenter le coup de main qui convenait à son audace, il se retire en
Languedoc. L'année suivante, pendant le siège que l'armée royale, sous les
ordres du prince de Condé et du duc de Montmorency, entreprend au mois de
mars pour recouvrer Pamiers, Foix reste fidèle et contribue au
ravitaillement des assiégeants. La paix d'Alais, accordée par le roi en 1629
mit fin aux troubles. Après la ruine du protestantisme comme parti
politique, la royauté jugea prudent de prendre des mesures en vue d'enlever
aux rebelles les moyens de s'organiser et de se maintenir dans le pays. Les
fortifications des villes, les châteaux des seigneurs, et même ceux du roi,
furent condamnés au démantèlement, afin, dit Louis XIII, dans un ordre signé
à Toulouse le 28 octobre 1632, "que les factieux ne se puissent prévaloir
des dites places pour troubler le repos et la tranquillité de nos sujets".
On commença par Mazères, Pamiers, Saverdun, puis on continua par Montant,
Tarascon, Labastide-de-Sérou, Roquefixade. En 1638, le roi, dans le désir de
diminuer les charges supportées par la Province, et reconnaissant que les
châteaux de Montgaillard et de Mérens étaient inutiles, en prescrivit le
rasement complet.
Le 23 juin 1626, Louis XIII signe à Blois des lettres patentes pour
prescrire de réparer et de fortifier le château cle Foix. "Considérant
l'importance dudit chasteau pour arrester les courses et entreprinses des
estrangers et contenir ses subjects dudit pays dans l'obéissance, j'ordonne
estre faist fonds de la somme de mille livres par an pour estre employée aux
réparations, fortifications et magasins". En 1635, éclate avec l'Espagne une
guerre que terminera, seulement en 1659, le traité des Pyrénées. En 1638,
naissance du Dauphin qui devait être Louis XIV; c'est une occasion de
grandes démonstrations, auxquelles le château s'associe en tirant des salves
d'artillerie. Cinq ans après, il en est de même quand on rend les honneurs
funèbres à la mémoire de Louis XIII et qu'on salue l'avènement du jeune roi.
En 1672, le roi nomme comme gouverneur de la province le marquis Jean-Roger
II de Foix-Rabat. Quand il fit son entrée solennelle à Foix, il y fut
magnifiquement reçu; quand ce fut le tour de la marquise, on acheta un
quintal de poudre pour les salves à faire en son honneur. Alors Rieucla
remet le service à son successeur, M. de Gères, qui lui donne décharge des
canons, armes et munitions de guerre. On voit, d'après cet état, qu'il y
avait au château deux grosses pièces d'artillerie, quatre moyennes en fonte,
neuf petites appelées fauconneaux dont quatre rompues, une soixantaine de
mousquets, dix-huit hallebardes, des barricots de poudre, des sacs de
balles. S'il en coûtait à la ville de Foix d'avoir des gens de guerre, soit
de passage, soit en permanence, la province n'était pas non plus exempte de
charges du même genre. Chaque année, les Etats du pays étaient tenus
d'inscrire à leur budget une somme de 1000 livres pour l'entretien de la
forteresse. En 1667, une partie du crédit servit à rembourser M. de la
Fleurièque, qui avait avancé l'argent nécessaire à la pose d'une couverture
sur la tour ronde, en remplacement de celle détruite par la foudre; il lui
fut alloué trente louis d'or à onze livres pièce.
En 17031, le marquis de Ségur, nommé gouverneur en remplacement du marquis
de Mirepoix, fait son entrée solennelle avec le cérémonial accoutumé. Le
château n'est garni que d'un mobilier insuffisant; aussi est-on obligé
d'emprunter des lits et du linge. En 1712, même situation; lorsque
l'intendant annonce son arrivée prochaine, le major Dufour s'adresse aux
consuls et leur demande de vouloir bien lui prêter "du linge, de la
vaisselle d'étain et autres choses dont il a besoin pour ledit sieur
intendant, qui va venir loger deux ou trois jours au château". Pendant tout
le règne de Louis XV, l'existence est assez calme, même monotone dans la
capitale du Comté. Il y a toujours dans le château une garnison, qui devait
être encore assez nombreuse, si on en juge d'après certaines mesures prises
par l'intendant de la province. En 1720, il donne ordre de faire mettre en
état deux moulins à bras établis dans le château. En 1742, deux cents fusils
de nouveau calibre sont extraits de la citadelle de Perpignan et envoyés à
Foix. La troupe semble vivre en bonne harmonie avec les bourgeois. On est en
paix avec l'Espagne; il n'y a plus de gens de guerre à entretenir, plus de
réparations à faire aux murailles de la ville qui menacent ruine de tous
côtés, plus d'alerte pour troubler l'existence paisible des citadins. Si on
ne songe plus à démolir la forteresse, on éprouve le besoin de la
transformer, de l'approprier aux goûts modernes. Au moment de la Révolution,
l'agrandissement de la prison est nécessaire; l'armoire contenant les vieux
parchemins est transportée dans l'abbaye de St-Volusien, devenue le siège de
l'administration départementale. Les documents n'étaient pas plus à l'abri
de la destruction que les institutions dont ils émanaient. Le décret de la
Convention ordonnant la suppression des titres féodaux fut appliqué à Foix;
on trouve, sur un registre d'inventaire, la mention que des chartes ont été
brûlées. Epurées, décimées, les collections, qui avaient eu la chance
d'échapper à tant de causes de ruines, ont péri dans l'incendie qui ravagea
la préfecture au mois de septembre 1804.
Jusqu'en 1790, le château conserva un prestige officiel; quoique le
monument, déchu de son ancienne splendeur, servit de prison, de caserne, de
magasin, il n'en était pas moins le siège du gouvernement de la province. Au
début de la Révolution, la nouvelle administration dédaigne l'ancienne
résidence clés comtes; les services du département et de la justice
s'installent à l'aise dans les vastes bâtiments de l'abbaye de saint
Volusien, dont les moines venaient d'être dispersés. Ce n'est qu'après
l'incendie de la Préfecture que la partie moderne du château, élevée au
commencement du règne de Louis XV, devient le palais de justice. Quant aux
tours, elles sont exclusivement réservées aux prisonniers. A Foix, l'époque
de la Terreur n'a pas laissé trop de lugubres souvenirs. Sous l'Empire, aux
captifs politiques ou de droit commun on joint parfois les Espagnols. En
1811, l'État, pour faire face aux dépenses toujours croissantes de la
guerre, voulut se décharger de la conservation d'une grande quantité
d'édifices, auxquels on attribuait un caractère d'intérêt plutôt local que
national. Par voie d'un simple décret, l'Empereur donna aux départements les
préfectures, palais de justice, prisons, etc.. C'est ainsi que le château
des anciens comtes de Foix devint propriété du département de l'Ariège.
Jusqu'en 1862, rien à signaler dans la situation de l'édifice. Ce fut dans
le courant de cette année-là que la prison fut transférée hors de la ville.
En 1882, M. Paul Boeswihvald, l'architecte qui a remplacé Viollet-le-Duc à
la Cité de Carcassonne, fut chargé de préparer un projet de restauration.
L'État voulut bien tenir compte des sacrifices que s'était imposés le
département et de la bonne volonté dont on donnait l'exemple sans jamais se
lasser. Le projet fut évalué à 60000 francs, dont 12000 furent fournis par
le budget de l'Ariège et 48000 par le Ministère des Beaux-Arts. Préparés par
M. Paul BoeswilwakL les travaux ont commencé, en 1887, sous la direction de
M. Délia Jogna, architecte départemental; ils restent interrompus depuis
1893.
Description archéologique du château de Foix:
Le monument a subi trop de transformations pendant le cours des siècles pour
qu'il soit facile de déterminer avec exactitude l'oeuvre de chaque époque
dans les diverses parties. L'appareil n'est pas toujours d'un grand secours
pour aider à la solution du problème. Néanmoins, il est possible de
reconnaître quatre époques dans la construction du château: le XIe siècle,
date probable de la fondation; le XIIIe, dans la seconde moitié duquel on
éleva la barbacane de Fouichet, les ouvrages avancés du côté de l'Arget, une
partie de la seconde enceinte et on renforça la tour du Nord; le XIVe, au
milieu duquel eurent lieu les transformations intérieures de la tour du
centre; le XVe, auquel on doit attribuer la tour ronde et le crénelage des
deux autres. On parvient actuellement au château par un chemin, dont les
rampes se développent au nord et à l'est sur les flancs abrupts du rocher;
cette voie d'accès a été établie vers 1825. Après avoir franchi un guichet,
de style néo-gothique dans le goût de 1830, le chemin, dont la pente devient
de plus en plus raide, débouche sur un plateau de forme ovale, presque uni,
et n'offrant de ressauts que sur les bords. Un mur, refait à diverses
époques, soutient les terres et forme une première enceinte, sur laquelle
s'appuyaient plusieurs constructions indépendantes du corps de place; il ne
reste plus que des substructions qui ne permettent de déterminer ni la
nature, ni la date de ces bâtiments. Sur le grand axe du plateau se dressent
deux tours carrées, couronnées de créneaux et de machicoulis; elles sont
reliées par un bâtiment à un seul étage supportant une terrasse, que ne
déshonorent plus aujourd'hui des constructions parasites. La plus petite
tour, dite tour du Nord, est surmontée d'une couverture en ardoises, sur
laquelle est planté le beffroi de l'horloge; la tour du centre, plus
massive, est terminée par une plate-forme; à l'extrémité du plateau, au
Midi, s'élance une élégante tour ronde, constituant le donjon.
C'est en 1002 qu'apparaît pour la première fois, dans une charte, le nom du
château de Foix; le comte Bernard-Roger de Carcassonne le mentionne clans
son testament. En 1034, il est encore cité dans une charte concernant un
partage entre divers membres de la famille comtale. Après le Xe siècle, au
moment où la féodalité s'implante plus solidement sur te sol, où les
seigneurs cherchent à se fortifier dans leur fief pour se soustraire à
l'autorité du suzerain et se protéger contre les attaques des voisins, un
système nouveau de défense s'organise dans la région des Pyrénées centrales.
Généralement, la forteresse ne consiste, suivant l'importance de la place,
qu'en une ou deux tours s'élevant sur une hauteur, dont on défend les abords
par un mur d'enceinte continue; tel est le plan qui, dès l'origine, aura dû
être adopté à Foix. Nous ignorons à quelle époque fut posée la première
pierre. Au XIIIe siècle, un bâtiment existait entre les deux tours.
Plusieurs sceaux des comtes, dont le plus ancien remonte à 1215 et le plus
récent à 1241, représentent, sur un monticule baigné par un ruisseau, un
château composé de deux tours carrées, que réunit un bâtiment à un seul
étage; des fenêtres cintrées s'ouvrent dans les tours; une plateforme
crénelée règne sur toutes les parties de la construction. Tel qu'il est
reproduit sur les sceaux et d'après l'adaptation qu'on peut encore en faire,
le château de Foix serait construit sur le plan des châteaux Pyrénéens du
XIe au XIIIe siècle. Primitivement, il aurait eu deux donjons, comme
Roquefort et Montpezat près Saint-Martory, les tours de Carol ou château de
Porta. Le plus grand servait à l'habitation du seigneur, le plus petit,
relativement plus élevé, était plus spécialement affecté au guet; quant au
bâtiment reliant les tours, on le réservait à la garnison ou on le
transformait en magasin.
La disposition du château de Niort, qui date de la fin du XIIe siècle, offre
aussi des analogies avec nos châteaux du sud-ouest. Dans le pays il est un
château, dont on ne peut préciser la date de fondation, mais dont le plan et
certaines modifications postérieures rappellent Foix, c'est le château de
Montégut près Varilhes, qui appartenait à la famille de Durban. Dans sa
partie principale il comprenait deux tours carrées, orientées du Nord au Sud
et que reliaient des bâtiments. La tour du Nord, qui est sûrement du XIVe
siècle, avait une voûte en berceau au rez-de-chaussée et des voûtes sur
croisées d'ogives aux étages comme la tour du centre à Foix. La tour du sud,
en grande partie rasée et enfouie, avait des planchers aux étages. A Foix,
pendant le cours du Moyen-Age, on a modifié l'aspect du château. On a touché
d'abord aux deux tours pour les rendre plus habitables et aussi pour mettre
le système de défense en rapport avec les progrès de l'art militaire. La
tour du nord se trouvant sans doute trop faible pour opposer une résistance
suffisante aux coups de la sape, on eut l'idée d'en doubler les murailles.
Une baie cintrée du premier mur, encore distincte à l'intérieur, fut
aveuglée par la maçonnerie du revêtement extérieur; au-dessus des
constructions primitives en appareil régulier, on exhaussa le mur de
doublement. Dans l'épaisseur de la muraille faisant face au nord-ouest est
creusé un étroit couloir qui, à chaque extrémité, débouche dans le vide.
C'était une voie de pénétration, qui continuait a l'intérieur le chemin de
ronde et établissait des communications entre les logis flanquant de chaque
côté le pied de cette tour. Sur les substructions de la seconde enceinte
existant encore vers l'ouest, on distingue encore la trace du chemin de
ronde sortant de la tour. Ce mur du nord-ouest, est beaucoup moins épais au
sommet qu'à la base, quoique le parement extérieur, sauf un ressaut, soit
d'aplomb du faîte au pied; c'est au dedans, et par un retrait à chaque
étage, que le mur s'amincit en montant. Quant au chapeau d'ardoises
recouvrant le dernier étage, et dont celui rétabli il y a quelques années
est une exacte reproduction, il ne remonte pas au delà du XVe siècle et doit
être contemporain de la tour circulaire.
Le campanile, légèrement posé sur un des rampants du toit, est une oeuvre
toute moderne, qui sert d'abri à la sonnerie d'une horloge sans cadran. Le
rez-de-chaussée seul avait une voûte; les autres étages, séparés par des
planchers, communiquaient par des échelles; on ne pénétrait à l'intérieur
que par la porte de la terrasse. A une époque relativement récente on a
percé, dans l'étage inférieur, une porte ouvrant sur l'extérieur et qui
vient d'être murée. Près de la tour du nord, contre la façade
septentrionale, on aperçoit une porte ouverte dans un mur qui, d'un côté,
butait sur cette tour et, de l'autre, s'appuyait sur la première enceinte.
La construction en arc brisé est postérieure à celle des bâtiments du
château; malgré sa faible épaisseur, ce mur, jeté transversalement en ce
passage, constituait une défense sérieuse. Dans le cas où les assaillants
auraient réussi à franchir la première enceinte, ils auraient rencontré cet
obstacle empêchant toute circulation autour de la forteresse. En outre,
l'ennemi, engagé dans un étroit défilé, restait exposé directement aux
projectiles lancés par les défenseurs de la tour. Les travaux de
renforcement doivent remonter à la deuxième moitié du XIIIe siècle, époque
où on a construit la barbacane de Fouichet, les ouvrages avancés du côté de
l'Arget, et la deuxième enceinte, dont un des fronts est formé par le mur
nord de la tour. Nous donnerons les raisons qui nous portent à croire que
ces diverses parties de la forteresse sont contemporaines de cette
barbacane. La tour du centre se divise en trois étages. Au rez-de-chaussée,
une salle obscure devait servir de magasin plutôt que de cachot; comme dans
la tour du Nord, l'on n'y devait pénétrer que par un trou pratiqué clans la
partie supérieure de la voûte en berceau. A une époque toute récente, on a
ménagé la porte aboutissant à la salle basse du château et la fenêtre
ouvrant sur la cour du donjon. Le premier étage est presque de plein pied
avec la terrasse du bâtiment central. A ce niveau, dans l'angle nord-est,
s'élève, en formant légèrement saillie sur le côté, une tourelle de forme
carrée.
Dans l'intérieur se développe un étroit escalier, précédé d'un palier où
débouchent deux portes: l'une devait recevoir l'échelle de bois, aujourd'hui
remplacée par un escalier de pierre. C'était le système d'entrée adopté,
pour les donjons et les corps cle logis dans les forteresses du Moyen Age;
en cas de danger, on supprimait l'échelle, et les assaillants se trouvaient
placés sous les coups plongeants des défenseurs. La seconde porte donne
accès à un étroit couloir qui, à droite, conduit à la terrasse, et à gauche
à la salle du premier étage. Cette pièce, éclairée au Sud par une fenêtre
carrée, est recouverte d'une voûte, dont les croisées d'ogives retombent sur
des culs-de-lampe représentant des têtes grotesques. L'écusson de la clef de
voûte est écartelé de Foix et de Béarn. Au second étage, même disposition,
seulement deux fenêtres carrées ouvrent l'une à l'est, l'autre au sud; près
de la porte est pratiquée une cheminée sans hotte. La voûte est divisée en
deux travées; l'arc doubleau qui les sépare repose à droite, sur un
cul-de-lampe formé par un personnage à grande barbe soutenant avec les mains
les croisées d'ogives des côtés, à gauche, sur un cul-de-lampe représentant
trois têtes accolées. Les clefs de voûte portent en des écussons quadrilobés
des armoiries,, qui servent à déterminer l'époque des remaniements opérés
dans cette partie de l'édifice. Sur l'un des écussons se détachent les pals
de Foix accolés aux vaches de Béarn; sur l'autre sont figurées les quatre
amandes de Comminges. L'union des armes de Béarn et de Foix remonte à
l'époque où Roger-Bernard III, héritier de la maison de Foix, devint, du
chef de sa femme Marguerite de Kloncade, vicomte de Béarn, lors de la mort
de son beau-père, en 1290. Après Roger-Bernard III, son fils, Gaston 1er, et
son petit-fils, Gaston II, ont gardé les armes unies de Foix et de Béarn.Si
l'on ne tenait compte que de ces blasons, on ne saurait au juste auquel de
ces trois princes attribuer la transformation de la tour.
L'ornementation des écussons est identique, elle offre les caractères du
XIVe siècle; il est logique d'admettre qu'ils sont contemporains. Or, le
comte Gaston II, qui régna de 1315 à 1342, épousa Eléonore de Comminges, les
travaux d'appropriation intérieure remonteraient donc au règne de ce prince
après son mariage avec Eléonore, ou au plus tard à la régence de cette
princesse, tutrice de son fils Gaston-Phoebus, c'est-à-dire antérieurement à
1350. Par suite des transformations que le parement extérieur a subies, il
est difficile, voire même impossible, de déterminer ce qui reste des
constructions primitives. Il convient de noter, dans la salle du second
étage, deux particularités qu'explique seule la connaissance des anciennes
dispositions de l'édifice à l'extérieur. Dans le mur de l'ouest, s'ouvrent,
au niveau du carrelage, deux baies à cintre brisé; l'une est remplie par une
série de gradins descendant jusqu'à la paroi extérieure du mur, tandis que,
dans l'autre les gradins sont ascendants et aboutissent à une lucarne.
Quelle était la destination de ces ouvertures plus hautes que larges? Le
problème semble avoir été résolu lors des travaux de restauration. La
lucarne permettait d'observer la campagne s'étendant au-delà de l'Arget; le
passage conduisait, par une échelle, à un logis dont la partie inférieure
était voûtée ainsi que le prouvent les amorces reposant sur la tour et sur
le mur de la seconde enceinte. C'était une communication directe entre les
constructions de défense extérieure et la tour où, avant la fondation du
donjon, devaient résider les autorités. Dans l'escalier, menant dû premier
au second étage de la tour, est percée une baie, disposée au-dessus de celle
où s'appliquait l'échelle d'accès. Dans quel but avait-on ménagé ce passage,
affectant la forme d'une porte et non d'une fenêtre? Un tableau, semblant
dater du XVIIIe siècle, représente une construction placée sur la terrasse;
elle en couvre à peine le quart de la surface, le toit en appentis s'appuie
sur la tour. Une galerie, qui part de cette baie, met en communication la
tour avec le logis.
Le bâtiment central, reliant les deux tours, n'a jamais eu qu'un
rez-de-chaussée jusqu'au moment où l'administration a jugé à propos, vers
1825, d'y élever un étage pour agrandir la prison. A l'intérieur et à
l'extérieur, l'édifice fut transformé dans son aspect comme dans ses
dispositions; la salle fut partagée en plusieurs dortoirs ouvrant sur un
corridor; au milieu on disposa une chapelle, dont l'autel fut placé dans une
abside semi-circulaire débordant sur la façade de l'ouest. Quand on a
préparé les travaux de restauration, on a eu recours aux sceaux des comtes
de Foix; l'exactitude de la figuration sigillographique a été démontrée. Le
tableau du XVIIIe siècle, un autre représentant une fête célébrée à Foix, en
1815, à l'occasion du retour des Bourbons, plusieurs gravures anciennes ne
montrent entre les deux tours qu'une terrasse à peine chargée de
constructions légères. Le devis de transformation, dressé en 1825, prévoyait
l'enlèvement des dalles du pavage; on en a découvert, en outre, des
fragments, ainsi que les débris d'un chenal destiné à l'écoulement des eaux
pluviales. Les trous de hourd ont été retrouvés au moment des démolitions;
il en a été de même pour les amorces des créneaux taillés directement dans
la surélévation des murs de chaque façade. La salle ménagée sous la terrasse
est voûtée en berceau plein cintre; elle devait servir de casemate ou de
magasin à la garnison en temps de siège. De chaque côté, quelques lucarnes
plus hautes que larges, ébrasées à l'intérieur et cintrées au sommet,
éclairaient ce triste local, dont le sol n'a été qu'imparfaitement nivelé.
Dans la façade regardant la ville, l'administration pénitentiaire a fait
ouvrir de larges fenêtres carrées, qu'on a conservées avec leurs grilles. La
voûte, dans la partie supérieure, semble avoir été refaite à une époque
relativement récente, car les retombées recouvrent en divers endroits les
embrasures des lucarnes.
Malgré la construction d'une barbacane flanquant au sud-ouest le pied du
rocher et protégeant un des points les plus accessibles, un grand espace
restait à découvert entre la première enceinte et le bâtiment principal; une
fois la barbacane en son pouvoir, l'ennemi ne trouvait plus devant lui un
ouvrage capable de lui opposer une résistance sérieuse. En outre, si le
massif central de la forteresse venait à être emporté, la garnison n'avait
plus de refuge pour la résistance suprême. Il était donc nécessaire, surtout
vers l'ouest, d'élever un donjon "par lequel tout le reste d'icellui
chasteau demeure asseuré et assubjetty". Telle est, ce nous semble, la cause
à laquelle la tour ronde doit sa construction. Haute d'une trentaine de
mètres, la tour ronde est remarquable par l'harmonie de ses proportions et
par son élégance; fièrement campée à l'extrémité du rocher qui lui sert de
base, elle domine la ville, profilant sa silhouette sur l'horizon avec sa
couronne de créneaux. Elle se présente de divers côtés sous les aspects les
plus pittoresques, surtout quand le soleil fait ressortir les teintes de la
pierre, variables suivant les effets de lumière; elle contribue à donner au
paysage Fuxéen un caractère particulier, même un peu théâtral. On en
attribue à tort la fondation à Gaston Phébus. Si on examine le style de
l'édifice, si l'on observe le système de pénétration des nervures, le profil
des moulures, l'accolade surmontant la porte du rez-de-chaussée, on a la
preuve que c'est une bâtisse, non du XIVe, mais de la première moitié du XVe
siècle. Elle existait en 1446, il n'y a aucun doute sur ce point; il suffit,
pour s'en convaincre, de consulter le registre de la Réformation du pays de
Foix à cette date. Les consuls déclarent que Monseigneur le comte possède
dans la ville, assis sur un rocher, un château où il y a "tres belas tors;
la una apres l'autra, ou n'a una redonda e doas cayradas". En outre, une
mention, portée sur l'inventaire des titres de la Maison de Foix, la tour
ronde servait d'archives en 1450.
Les consoles des mâchicoulis, qui forment quatre assises en retrait
successif l'une sur l'autre, sont semblables dans les trois tours. On aura
profilé de la construction du donjon pour refaire, suivant les nouveaux
procédés, le crénelage de toute la forteresse. On en a la preuve dans les
marques des tâcherons qui se retrouvent identiques dans les couronnements
des trois tours. La tour ronde se divise en cinq étages, composés chacun,
sauf l'étage inférieur, d'une chambre hexagonale voûtée ouvrant sur un
escalier qui, vers le nord, déroule ses spirales dans le massif de la
maçonnerie. La voûte est divisée en six compartiments séparés par des arcs
qui, après leur réunion avec les formerets, pénètrent brusquement dans
l'angle de la muraille. Chaque chambre est éclairée par une vaste fenêtre,,
que coupent en croix deux meneaux ornés de moulures; un épais grillage, dont
les barreaux entrecroisés forment saillie, protège les ouvertures. Toutes
les fenêtres ne sont pas orientées dans le même sens et varient de direction
à chaque étage, les unes s'ouvrent vers le sud, les autres vers l'ouest.
Dans l'épaisseur de l'embrasure sont taillés des bancs de pierre; une vaste
cheminée à la hotte aplatie est disposée de façon à recevoir des troncs
d'arbre entiers. Deux portes, l'une au-dessus de l'autre, donnent accès dans
la tour ronde. La première, au rez-de-chaussée, est surmontée d'un arc en
accolade; la seconde, en plein cintre, garnie de moulures, s'ouvre entre
deux étages, à quelques mètres du sol; une galerie en bois la faisait
communiquer de chaque coté avec la seconde enceinte. En cas de surprise, il
était facile de détruire la galerie et d'isoler le donjon. C'était un
nouveau siège à entreprendre par les assaillants arrêtés devant celte masse
de pierres.
Les assises inférieures, disposées en talus, étaient à l'épreuve des
premiers coups de la sape; l'élévation des ouvertures rendait impossible
toute tentative d'escalade. La baie de la porte inférieure avait été
obstruée et masquée par l'exhaussement du sol de la cour à la suite de
circonstances que nous ignorons. L'on n'arrivait à la porte supérieure que
par un palier, dont on distingue les traces et supporté par une arche de
maçonnerie s'appuyant, à gauche, sur un massif dont la base subsiste encore,
à droite, sur un escalier descendant le long du mur de la seconde enceinte,
dans l'angle près de la tour. Nous avons relevé, de la base au sommet, les
marques des appareilleurs, encore visibles sur les pierres, et nous avons
reconnu qu'elles sont partout identiques; c'est bien la preuve que le donjon
est l'oeuvre d'une même époque. Les signes, qu'on voit au bas de la tour
ronde, se retrouvent parfois aussi dans le haut, mais la plupart diffère par
suite du grand nombre d'ouvriers employés à la construction. La plate-forme,
depuis la nuit du 8 au 9 septembre 1867, est débarrassée d'une toiture
conique, qui reposait lourdement sur les créneaux. Cette nuit-là, on
simulait, à l'occasion de la fête locale, l'attaque du château qui, pendant
le bouquet du feu d'artifice, devait paraître embrasé. La représentation
réussit au delà de toute prévision: des étincelles pénétrèrent dans la
charpente vermoulue et allumèrent un violent incendie; les tons roussâtres
qu'offrent les parois extérieures de plusieurs créneaux rappellent le
souvenir de cet événement. Juste deux siècles auparavant, en 1667, la foudre
était tombée sur la tour ronde. C'était probablement à cette époque, en
procédant à la réparation des dégâts, qu'on avait surmonté l'édifiée de cet
affreux chapeau; les remaniements opérés au commencement du XIXe siècle en
avaient rendu l'effet encore plus disgracieux. On avait dû remplacer la
toiture en poivrière datant sans doute au XVe siècle.
Au sud, la tour ronde est soutenue par un arc-boutant qui a la forme d'une
gigantesque arche de pont, coupée par le milieu; en cet endroit, le terrain
est en pente, et, pour retenir le poids de la maçonnerie entraînée par la
déclivité du sol, on a opposé la résistance de cet arc agissant en sens
contraire. Les marques des tâcherons ou appareilleurs sont les mêmes que
dans la tour; d'où il est facile de conclure qu'un mouvement, s'étant
produit pendant ou peu de temps après la construction, on s'est empressé
d'en arrêter les conséquences par l'adjonction de ce contrefort. En même
temps que d'archives, la tour servait aussi de prison. Au dernier étage,
était le dépôt précieux des documents historiques; dans les chambres
inférieures, sur les parois des embrasures, on distingue encore des
inscriptions datées, rappelant le séjour des détenus ou des soldats;
quelques-unes remontent au commencement du XVIIe siècle. A différentes
époques, les parois des murs à chaque étage ont été barbouillées d'un
badigeon à la chaux, tantôt jaune, tantôt blanc; aussi la plupart des
inscriptions ont été recouvertes. Nous avons constaté plusieurs fois qu'il
est question de chapelles dans le château. Si, pour rechercher ce qui se
rattache à cette question, nous consultons les textes, nous trouvons, qu'il
existait deux locaux consacrés à l'exercice du culte. En 1096, le comte
Roger III, prêt à partir pour la Terre Sainte, invoque l'assistance de saint
Volusien et fait voeu que, s'il revenait indemne, il ferait bâtir une
église. Lacoudre ajoute qu'il institua, "en son château cle Foix, deux
chapelains, dont les bénéfices subsistent encore, pour célébrer
journellement la messe dans les deux chapelles qui sont à son intention et
pour la conservation de sa personne".
Le même auteur, en racontant la destruction de la châsse de saint Volusien,
lors de l'occupation de la ville par les Huguenots en 1580, relate qu'elle
avait été portée "à la chapelle, au bas de la tour ronde du château". C'est
ce sanctuaire, dédié à saint Louis, que Laforest-Toiras, comme nous l'avons
dit, rendit au culte en 16224. Il semble qu'après les indications fournies
par Lacoudres et par les délibérations municipales, il n'y a pas de doute
sur l'emplacement de cette chapelle. Elle devait occuper l'étage inférieur
de la tour ronde, dont l'aménagement et la décoration ne semblent pas
destinés à un cachot. La salle, qu'éclaire une étroite fenêtre de forme
carrée, est rectangulaire, couverte d'une voûte surbaissée; les assises sont
de pierres appareillées. Contre le mur de l'est était appliqué un bloc de
maçonnerie s'élevant à hauteur d'appui; à côté est creusée une niche sous
une arcature dont les courbes supérieures se rejoignent en accolade.
N'était-ce pas là, avec sa crédence, l'autel qu'on avait orienté suivant les
prescriptions liturgiques? Dans les temps modernes, la salle fut transformée
en cachot, et la porte, comme nous l'avons dit, condamnée; elle vient d'être
dégagée et rouverte à la suite des derniers travaux de restauration.
L'escalier de pierre, détruit jusqu'à la hauteur du premier étage et
remplacé par un escalier de bois, a été aussi remis clans son état primitif.
C'est peut-être au moment où l'étage inférieur du donjon fut consacré au
culte que saint Louis en devint le patron. Les comtes, qui se rattachaient à
ce prince par Jeanne d'Artois, son arrière-petite-nièce et femme de Gaston
1er, avaient sans doute désiré avoir dans leur château patrimonial une
chapelle placée sous le vocable du monarque, leur parent, proclamé saint.
Antérieurement à la construction du donjon, un oratoire devait sans cloute
s'élever sur ce point.
Si l'on veut bien se rendre compte de toute l'importance stratégique du
château de Foix, il est nécessaire de ne pas négliger l'étude des ouvrages
élevés sur divers points pour défendre les approches que la nature du
terrain ne protégeait pas suffisamment. Les travaux d'époques différentes
témoignent des progrès accomplis successivement dans l'art des ingénieurs
militaires. Aussi doit-on regretter que, pendant le cours de la
restauration, on n'ait pas mieux respecté ces curieux spécimens de
fortifications du Moyen-Age. Ainsi que nous l'avons constaté, une première
enceinte, contemporaine de la fondation du monument, entourait le sommet du
plateau dont elle suivait les contours. Refait à diverses époques, le mur
n'offre plus qu'en deux endroits les traces nettement caractérisées des
constructions primitives, encore reconnaissables aux assises de moellons
calcaires sans presque aucune liaison de mortier. Ces débris sont visibles
au sud et à l'ouest: dans le rempart dominant le cours de l'Arget; à la base
du mur de la barbacane de Fouichet. Au-dessus de ces fragments, on voit
distinctement le changement opéré dans la maçonnerie, dont les assises
reposent sur un épais lit de mortier. La seconde enceinte, oeuvre du XIIIe
siècle affecte la forme d'un quadrilatère irrégulier, dont les deux grands
côtés correspondent aux deux grandes façades du château. Quant aux petits
côtés, l'un se confondant en partie avec le mur renforcé dé la tour du Nord,
constituait le front septentrional, l'autre butant à droite et à gauche la
tour du centre, servait de front méridional. Au XVe siècle, on prolongea les
deux grands côtés, pour rejoindre la tour ronde nouvellement bâtie. On peut
encore suivre au nord et à l'ouest les traces de la seconde enceinte, entre
le donjon et la tour du nord; au sud-est, entre le donjon et la tour du
centre, il est à remarquer que là partie, construite au XVe siècle, le fut
grossièrement avec des matériaux de diverses sortes; on dirait que
l'architecte n'avait ni le temps, ni le moyen de mieux faire.
Arrivons à la barbacane de Fouichet: le système de bâtisse en cet endroit,
comparé à celui de la seconde enceinte et à celui du renforcement de la tour
du nord, nous permettra de faire les déductions nécessaires à la solution du
problème, que soulève la date de fondation de ces différentes adjonctions.
Cette barbacane, située en contrebas du plateau, dont elle forme une des
premières terrasses, a dû remplacer un ouvrage avancé. On pénètre dans la
barbacane par deux portes: l'une fait suite au chemin d'accès, l'autre,
établissant les communications avec l'inférieur de la forteresse, est
pratiquée dans le mur de la première enceinte. La première des portes, comme
du reste, celle qui flanque la tour du nord, est en arc brisé; la seconde
est en plein cintre. Pas de chapiteaux pour recevoir les retombées de l'arc,
pas la moindre moulure, pas le moindre motif d'ornementation; le sommet et
les piédroits sont en briques. Ce genre de matériaux se retrouve en d'autres
points, tels que les encoignures des murailles, les encadrements des
meurtrières, les séries d'assises alternant avec des couches de galets
roulés, de fragments de pierre, le tout noyé dans du mortier. Pour le
passage de la porte intérieure, ainsi que nous venons de le constater, le
mur de la première enceinte a été coupé et raccordé. La maçonnerie de chaque
époque, par suite de la nature et de la disposition des matériaux, est
facilement reconnaissable; les points de jonction sont visibles dans les
assises. Un escalier, supporté par une voûte en briques, partait du sol pour
conduire à la porte intérieure. Les meurtrières n'existent que dans la
façade de la porte extérieure et dans celle dominant Fouichet; on accédait
aux embrasures par un empattement ménagé à la base du mur. Il était
nécessaire de défendre le passage au débouché de la première enceinte; dans
ce but, on avait établi une construction, destinée à servir de logement à un
poste de soldats et que, par suite, on désigna sous le nom de corps de
garde. Les transformations successives, dont ce local a été l'objet à
diverses époques en ont fait disparaître le caractère archéologique. On
distingue encore la trace d'un empattement qui desservait des meurtrières
semblables à celles de la barbacane.
En examinant les substructions qui en supportent les murailles, et la
reprise faite au rempart de la première enceinte pour l'ouverture de la
porte, nous avons reconnu que nous étions en présence d'une oeuvre
postérieure au corps principal du château; ce premier point acquis, il
s'agit de chercher une date. Or, d'après Violet-le-Duc et d'après le général
de la Noë, la barbacane, ouvrage de fortification avancée, fait pour
protéger un passage ou les abords d'une porte, ne s'affirme, suivant des
règles fixes, que dans le courant du XIIe siècle. A Foix, la porte en arc
brisé, les consoles au-dessus du corps de garde, taillées en quart de rond à
leur partie inférieure, sont autant de présomptions que le travail n'est pas
antérieur à la seconde moitié du XIIIe siècle. Enfin la forme des
meurtrières corrobore cette assertion; "elles apparaissent, dit
Violet-le-Duc, dans les courtines au commencement du XIIe siècle; assez
rares alors elles se multiplient pendant le cours du XIIIe". Les nôtres,
avec leurs encadrements de briques pareils à ceux des portes, très étroites
et ébrasées à l'intérieur, sont, sans contredit, de cette époque. Notre
barbacane affecte une forme oblongue et n'est pas sans analogie avec
l'ouvrage du même genre placé devant chaque porte du castrum à Caumont, dans
le Couserans. Ce seraient deux exceptions dignes de remarque, si l'on tenait
compte de la déclaration de Violet-le-Duc qui prétend que, généralement, les
barbacanes sont semi-circulaires ou semi-elliptiques. Nous retrouvons dans
le renforcement de la tour du nord, dans les empattements et les meurtrières
de la seconde enceinte, lès mêmes caractères de fabrique que dans la
barbacane de Fouichet: les chaînes de briques alternent avec les cailloux et
les fragments de pierre éclatée, le tout noyé dans un épais bain de mortier.
On accède aux meurtrières de la seconde enceinte par un empattement,
pratiqué d'après les mêmes procédés que dans la barbacane.
Avant les travaux de restauration, un bâtiment faisant saillie s'appuyait
contre la tour du nord et le corps de logis central. Si la partie supérieure
était moderne, la base, jusqu'à là hauteur du couloir, n'était autre que le
mur de la seconde enceinte avec ses meurtrières et ses empattements. La
citerne, qui est aménagée sous la terrasse, devant la façade du nord, est
toute moderne. En même temps qu'on élevait la seconde enceinte, on y
accolait, au sud,un ouvrage qui, d'autre part, s'appuyait sur la tour du
centre, comme en témoignent de chaque côté les arrachements d'un passage
voûté donnant accès à une cour intérieure, comprise entre le château et le
rempart. Ce passage, fermé en cas d'alerte, empêchait l'ennemi, après avoir
franchi la première enceinte et être parvenu au pied de la tour, de prendre
à revers les défenseurs placés sur le chemin de ronde delà seconde enceinte.
On descendait de la tour du centre dans ce logis par un escalier qui
s'amorçait à la chambre du second étage. Donc, si nous connaissons l'époque
où l'on peut faire remonter la barbacane, si nous établissons des points de
comparaison entre elle et la plus grande partie de la seconde enceinte et le
renforcement de la tour du nord, nous arrivons à cette conclusion que ces
divers ouvrages dateraient de la seconde moitié du XIIIe siècle et seraient
l'oeuvre du comte Roger-Bernard III. On peut même déterminer le temps
pendant lequel s'élevèrent ces constructions; elles précédèrent le siège de
1272. Aussi, après la capitulation, lorsque les commissaires du roi d'Aragon
et du comte de Foix s'entendirent pour la remise de la place, ils parlèrent
de la tour du centre et de la tour neuve (lurris nova)...
Consolidé, protégé contre les injures du temps, défendu contre les
entreprises d'administrations trop utilitaires, le château de Foix,
rappelant de nobles traditions, doit être par excellence le monument
historique de la région. C'est faire oeuvre de patriotisme que d'assurer à
un pays la conservation d'un semblable édifice; il perpétue le souvenir de
Gaston Phoebus, un des plus brillants chevaliers de son temps; de Gaston de
Foix, le vainqueur de Ravenne, et des autres vaillants comtes de Foix; le
dernier, et le non moins célèbre, est Henri IV, devenu roi de France, que
les gens du pays de Foix ont bien le droit d'appeler "Nostre Henric", comme
le font les Béarnais. (1)
Éléments protégés MH : le château de Foix en totalité : classement par liste
de 1840.
château de Foix 09000 Foix, Depuis 1930, le château de Foix abrite les
collections du musée départemental de l’Ariège. Préhistoire, archéologie
gallo-romaine et médiévale témoignent de l’histoire de l’Ariège depuis les
temps les plus anciens. Le musée redéploie les collections autour de
l’histoire du site du château-fort s’attachant à restituer la vie à Foix au
temps des comtes. Expositions et salle thématique : Gaston Fébus, prince
éclairé des Pyrénées. Les univers du Roi Henri IV, voyage au cœur des
Pyrénées et dans le secret des bâtisseurs médiévaux. Ouvert au public,
visites du 2 janvier au 31 décembre, les week-ends de 10h à 12h et de 14h à
18h 30. Visites guidées à 11h, 14h 30, 15h 30 et 16h 30. Fermé les mardi
hors vacances scolaires.
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Monsieur Philippe Soula pour les photos qu'il nous a adressées afin
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dans ce département. |
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