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S'il fallait choisir un
château susceptible d'illustrer l’époque Louis XV, un moment de perfection
de l’art français, ce pourrait être celui de La Motte-Tilly. Grand sans être
imposant, sobre sans froideur, il exprime, tant par les lignes de son
architecture que par le tracé de ses jardins, une mesure, une harmonie et un
équilibre exceptionnels. En 1366, Marie de Châteauvillain, baronne de Baye,
fille de Jean de Trainel, chambellan du Roi et panetier de France, échangea
avec Guillaume de Melun, archevêque de Sens, la forteresse de La Mote de
Tilly sur Seine. En 1423, Charles VII fit don de la seigneurie à Jean de
Puligny, le garde de ses coffres et joyaux, et en 1470, Louis XI la donna à
Jean Raguier, son chambellan. Acquis en 1492 par Alexandre d’Elbène, le
domaine devint en 1662 la propriété du duc de Bournonville, gouverneur de
Paris, qui mourut en son château de La Motte-Tilly le 12 de décembre 1693.
La fille d’Ambroise de Bournonville épousa le duc de Noailles, ministre des
Affaires étrangères, qui obtint en 1712 l’érection de la terre en comté. Le
24 mai 1748, grâce aux bons offices d’Orry de Fulvy, l’abbé Terray et son
frère Pierre, vicomte de Rozières, acquirent la terre de La Motte-Tilly.
Tous deux tenaient leur belle fortune de leur oncle François Terray, médecin
de la princesse palatine, enrichi par le système de Law. Issu d’une ancienne
famille du Forez, clerc mais non ordonné, l’abbé Terray était une forte
personnalité, alliant à une grande capacité de travail un jugement
remarquablement indépendant. Conseiller au parlement de Paris, puis
contrôleur général des Finances en 1769, il devint ministre d'État et, avec
Maupeou et d’Aiguillon, membre du célèbre triumvirat qui tenta de réformer
l’Etat dans les dernières années du règne de Louis XV (1771-1774). A défaut
de se faire apprécier de ses contemporains, l’abbé Terray réussit à
restaurer les finances du royaume.
La superbe demeure qu'il se fit élever nous est parvenue pratiquement
intacte, comme en témoignent deux fusains de La Brunière. Un précieux plan
au rez-de-chaussée du château de La Motte-Tilly qui se construit près de
Nogent-sur-Seine en 1755 permet de préciser la date de construction et
l’auteur des plans, François-Nicolas Lancret, le neveu du célèbre peintre.
Mort en 1778, l’abbé Terray fut inhumé à La Motte-Tilly sous un monument
sculpté par Félix Lecomte (1780). Antoine-Jean, son neveu, fit redessiner le
parc dans le goût paysager. Incarcéré à Provins lors de la Révolution, mais
ramené par les habitants du village, il ne put échapper à une seconde
arrestation qui, cette fois, le conduisit à la guillotine. Le mobilier du
château, déclaré Bien national, fit en janvier 1795 l’objet d’une vente
considérable (42 cahiers). Deux ans plus tard, Claude-Hippolyte Terray
reprit possession du domaine et y emmena sa jeune épouse, née Morel-Vindé.
Il dut à nouveau le remettre en état à la suite du passage des cosaques qui,
en 1814, ruinèrent une partie des dépendances et firent brûler des parquets
pour se chauffer. En 1910, le comte Gérard de Rohan-Chabot, duc de Ravèse,
racheta le domaine aux héritiers de son oncle, le vicomte de Narcillac, et
se consacra à la restauration du château et du parc tel qu’ils se trouvaient
au XVIIIe siècle. Après sa mort, en 1964, la marquise de Maillé, sa fille,
présidente de la Sauvegarde de l’Art français, acheva les travaux intérieurs
avec le concours de l’architecte Claude Hodanger et du décorateur Victor
Grandpierre, et réunit une superbe collection de meubles, de tableaux et
d’objets d’art. En 1972, elle légua le château à la C.N.M.H.S., avec le
millier d'hectares du domaine et une importante dotation, en exprimant le
souhait qu’il soit ouvert à la visite sans perdre son caractère de demeure
habitée.
Sobre mais remarquablement équilibré dans ses volumes, le château comprend
un corps principal couvert d’un grand toit à croupes devant lequel se
profile, au-dessus de l’avant-corps central, un comble en pavillon rappelant
ceux des ailes latérales. De part et d’autre se détachent les arcades de
murs-écrans restaurés vers 1912, harmonieusement incurvés jusqu’à deux
pavillons dont l’un abrite la chapelle. Deux corps de bâtiments, abattus
après le passage des cosaques, encadraient à l’origine la cour d’honneur: le
premier fermait la cour des dépendances, le second, sur la droite, abritait
une salle de spectacle. Les appartements réunissent un exceptionnel ensemble
de tableaux, de portraits et de souvenirs de famille, de tapis et d’objets
d’art, et un mobilier du XVIIIe siècle portant des estampilles
prestigieuses: Delion, Migeon, Boudin, Tilliard, Dusautoy, Gourdin, Nadal
l’aîné, Ohnenberg, Georges Jacob. On visitera successivement le salon
d’automne; le bureau de la marquise de Maillé; la salle de billard, avec un
billard en palissandre marqueté de citronnier (1839); le grand salon; le
salon bleu, le seul qui ait gardé ses boiseries d’origine, moulurées et
ornées de motifs Louis XV, avec ses grisailles en trompe-l’oeil; la
bibliothèque; la salle à manger donnant sur la cour d’honneur. Restitués
d’après le plan de Lancret, les parterres se succèdent jusqu’à la pente qui
précède le grand miroir d’eau, débarrassé des îles paysagées qui
l’encombraient au XIXe siècle. Au-delà de la charmille qui dissimule la
petite route et de la Seine, une longue perspective encadrée de peupliers
rejoint l’autre versant de la vallée. Le parc à l’anglaise conserve une
fabrique originale, sorte de grotte artificielle en grande partie enterrée,
formée d’une sorte de rotonde en pierre, voûtée d’une coupole reposant sur
des pilastres ornés de motifs en forme de larmes. (1)
Éléments protégés MH: le château, les façades et les couvertures de la
chapelle, des pavillons sur la cour d'honneur et des communs ; la cour
d'honneur, le saut-de-loup, la grille d'entrée en fer forgé, le parc, les
terrasses et le canal : classement par arrêté du 16 septembre 1946. Les
intérieurs des communs : inscription par arrêté du 2 septembre 1943.
château de La Motte Tilly 10400 La Motte Tilly, tel. 03 25 39 99 67, ouvert
au public tous les jours sauf les lundis et mardis du 15 mai au 15
septembre, 10h à 12h et 14h à 18h et du 16 septembre au 14 mai de 14h à 17h
30.
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