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Le château de Recoules,
depuis un demi-siècle toujours soigneusement entretenu, restauré, comme
choyé par ses possesseurs successifs, mérite une place de choix, parmi les
plus élégantes et agréables demeures du Rouergue. Bien situé dans un pays
fertile, riant, peu accidenté, peuplé et bien percé, le vieux manoir dresse
ses tours rajeunies dans la petite vallée de l’Olip, torrent minuscule, qui
va une petite lieue plus loin grossir l’Aveyron. La construction du château,
remonterait, d'après les titres des archives, à la première moitié du XIVe
siècle et serait certainement antérieure à 1360. Il rentre dans le type
assez commun dans notre province des manoirs formés de quatre corps de
logis, réunis par des tours aux angles, enfermant une cour intérieure.
Recoules au cours des remaniements subis, a conservé à peu près intacte sa
disposition primitive: les quatre corps de logis de hauteur, largeur et
longueur différentes, enserrent toujours une très étroite cour intérieure,
entourée d’arceaux aujourd’hui murés, formant jadis une sorte de cloître
intérieur. L’aspect de cette cour intérieure a été gâté par l’agrandissement
d’une pièce débordant sur sa surface déjà réduite et détruisant la
régularité de l’ensemble. Les corps de logis en façade sur le nord et le
couchant sont élevés de trois étages au-dessus du rez-de-chaussée, tandis
que les façades principales, au levant et au midi, n'en comptent qu’un, mais
ces dernières paraissent avoir été abaissées à en juger par les maçonneries
débordant encore de la tour ronde, flanquant l’angle sud-est. Deux tours
rondes inégales dans leur élévation et leur diamètre garnissent les angles
sud-ouest et sud-est du château. Une tourelle carrée supportée par un
cul-de-lampe prolongé jusqu’au sol par un soutien en maçonnerie occupe
l'angle nord-ouest, tandis qu’au nord-est s’élève une belle tour carrée
coiffée d'une toiture presque plate, reposant sur le parapet débordant d’une
plate-forme supportée par une galerie de mâchicoulis en parfait état.
Cette tour, véritable donjon du château, renferme au premier étage une vaste
pièce carrée, remarquable par l’élégance de sa haute voûte ogivale, aux
fines et légères nervures, qu’éclaire une fenêtre de même style, restaurée
ou plutôt refaite à une date assez récente. Cette belle pièce est réservée à
la bibliothèque du château. Les ouvertures, portes et fenêtres des diverses
parties du château ont été l'objet de remaniements profonds et nombreux. La
façade du midi conserve muré et encastré dans sa paroi, un précieux
exemplaire des ouvertures primitives avec une élégante double fenêtre
ogivale, séparée dans son milieu par une colonnette. Toutes les anciennes
ouvertures portes et fenêtres, trop basses, trop étroites, ont été
sacrifiées au besoin d’air, de lumière et au goût du temps. Dans le donjon
seulement les ouvertures de style gothique reproduisent exactement les
fenêtres de l’antique donjon de Tholet, le baron de Gaujal également
propriétaire de Tholet s'en inspira heureusement ici lors de la restauration
de Recoules. Si dans les tours rondes, un restaurateur du château, a
conservé ou plutôt placé des fenêtres à prétentions ogivales, mais de
facture très moderne, sur les façades principales on retrouve dans le style
des fenêtres et surtout des grandes portes, l'influence indiscutable du
XVIIe siècle et du château de Sévérac. La porte d’entrée ouvrant sur le
vestibule au couchant, plus encore la grande porte ouvrant au midi sur le
somptueux perron descendant vers le parc, rappellent dans leur ensemble et
leur décoration, dans des proportions forcément très réduites, la grandiose
entrée du château ducal. Le perron a été reconstruit sur un nouveau plan
dans les dernières années du XIXe siècle. De proportions grandioses, il
comprend un vaste palier sur lequel s’ouvrent les salons du rez-de-chaussée,
réunis par deux escaliers aux larges degrés, à une terrasse bordée par une
balustrade de pierre, richement ajourée. De cette terrasse un escalier en
demi-lune descend vers le parc par des degrés de pierre très doux. A
l'intérieur du château de Recoules on remarque la beauté des parquets et le
cachet très spécial du grand escalier de pierre, qui s’élève sous une voûte
entre deux hautes parois, jusqu’au palier du premier étage.
Comme Varès son tout proche voisin, le château de Recoules résume son
histoire antérieurement à la révolution en la possession ininterrompue d’une
même famille pendant près de cinq siècles. Les documents manquent au delà du
XIIIe siècle, mais dès cette époque les Garceval qui avaient fourni avec
Aymeric de Garceval un combattant à la VIe croisade, en étaient seigneurs et
y résidaient. La fille unique du dernier mâle de la maison de Garceval reçut
en dot la seigneurie et le château de Recoules par son contrat de mariage en
date du 21 février 1746 avec Philibert-Louis de Lastic, comte de Saint-Jal,
brigadier des armées du Roi, mestre de camp d'un régiment de cavalerie. En
possession de Recoules, les nouveaux seigneurs y établirent leurs résidence.
Le comte de Lastic Saint-Jal, veuf depuis 1756, y décéda subitement le 8
novembre 1761 et fut inhumé au tombeau des seigneurs de Recoules dans
l’église du lieu. Son beau-père, messire Jean-Jacques-Joseph de Garceval de
Pélégri, XVIe seigneur de Recoules qui, veuf lui aussi de Marie-Anne de
Guérin des Arènes avait, depuis le décès de sa fille, quitté Recoules pour
s’installer dans son château de la Roque Sainte-Marguerite, revint, comme
tuteur de son unique petite-fille Marie-Claudine de Lastic Saint-Jal, au
couvent de la Visitation de Tulle pour son éducation lors du décès de son
père, y fixer sa résidence jusqu’à sa mort. Marie-Claudine de Lastic
Saint-Jal, toute jeune, presque enfant étant née le 27 septembre 1753 fut
mariée par contrat du 7 décembre 1765 à François II de Lévezou, comte de
Vezins, qui était âgé de 29 ans.
Les Lévezou-Vezins étaient déjà alliés au Garceval, le trisaïeul du comte
François, Jean IV de Lévezou comte de Vezins, baron de Castelmus, ayant
épousé par contrat du 15 août 1615 Anne de Garceval, fille du seigneur de
Recoules, François de Garceval, capitaine de 100 archers de la garde du Roi.
Le comte de Vezins n’ayant pas émigré, Recoules ne connut pas la
confiscation révolutionnaire et après sa mort survenue le 16 mars 1816 sa
veuve se voyant sans postérité, se retira au couvent de la Visitation du Puy
où elle prit le voile et fit profession religieuse en 1818 après avoir fait
donation de tous ses biens aux neveux de son mari. Le comte François-Amé
Dieudonné de Vezins, devenu chef de famille à la mort de son oncle, dut
aliéner plusieurs terres dont Recoules, vendu le 18 novembre 1839 à M.
François-Victorin Dufour propriétaire rentier à Millau. Dès lors Recoules si
longtemps immuable dans les mêmes mains va passer successivement dans celles
de quatre familles en guère plus de 50 années. M. Dufour conserva fort peu
de temps cette habitation et la revendit le 12 septembre 1853, au baron de
Gaujal, premier président honoraire de la Cour d’appel de Montpellier,
conseiller à la cour de cassation, ancien député et conseiller d’Etat,
chevalier de Saint-Louis et officier de la Légion d’honneur, mort en 1856
lequel fit exécuter à Recoules d’importantes réparations continuées par son
fils et son petit-fils. Ce dernier, le baron Fernand de Gaujal, fit pendant
quelques années du château de Recoules sa résidence principale, mais après
s’être mêlé activement aux luttes politiques dans le but de retrouver au
Conseil général d’abord, où il siégea, puis à la Chambre des députés, où il
échoua, les situations jadis occupées, mais sur un programme tout opposé,
par son père et son grand-père, il abandonna le Rouergue et vendit quelques
années plus tard, le 17 octobre 1881, le château de Recoules à Mademoiselle
Sophie Capelle, petite-fille du baron et vicomte Capelle, ministre sous la
Restauration, originaire de Salles-Curan. Elle fit exécuter de grands
travaux d’embellissement à l’intérieur et à l'extérieur, dont le grand
perron et agrandit considérablement le parc. Recoules était devenu sa
résidence favorite quand son mariage avec le comte Robert de Puységur
l’attira vers d’autres cieux. La comtesse de Puységur ne survécut pas
longtemps à ce dépaysement car elle mourut trois jours après avoir signé la
vente de Recoules consentie le 11 avril 1895 à M. Louis de Montéty, qui
possède depuis lors cette belle résidence. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures, les deux escaliers
donnant sur le parc, le grand escalier, les deux vestibules, le salon, la
salle à manger au rez de chaussée; à l'étage la galerie, la bibliothèque et
la hambre dite "aux perroquets" : inscription par arrêté du 14 septembre
2001. (2)
château de Recoules 12150 Recoules-Prévinquières, propriété privée,
visible de l'extérieur.
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