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Fauguernon possède les ruines d'un château-fort,
composé de deux enceintes; la première avait des fossés peu considérables.
On y voit des bâtiments en bois, qui paraissent dater du XVIe siècle, et un
colombier octogone. L'enceinte principale, qui paraît avoir été à peu près
carrée, était défendue par des fossés d'une bien grande profondeur; car leur
creux est encore considérable, malgré tant d'années d'abandon. Le donjon, de
forme carrée, occupait à peu près la moitié de la ligne septentrionale. Il
était bâti tout entier en pierres de petit appareil, ou plutôt en silex
taillé. Deux éperons saillants formaient avant-corps, du côté du fossé. Des
amorces de voûte plein-cintre se remarquent encore au rez-de-chaussée. Vers
l'intérieur de l'enceinte, on voit des rainures pour la herse; au premier
étage, les angles sont encore garnis de colonnettes cylindriques avec
chapiteaux romans, qui servaient, sans doute, à recevoir les retombées des
voûtes des salles hautes. Le rez-de-chaussée, qui était occupé par la grande
porte, offrait, sous ce rapport, quelque ressemblance avec celui du château
de la Pommeraye et celui du Plessis-Grimoult; mais on y remarque des
coulisses ou rainures pour recevoir des herses, ce qu'on ne trouve pas dans
les deux tours précédentes. A l'angle nord-ouest du donjon , du côté de la
cour intérieure, est accolée une tourelle circulaire renfermant un escalier
en pierre, qui n'est éclairé que par d'étroites ouvertures en forme de
meurtrières. A l'autre extrémité de cette ligne septentrionale, est une tour
circulaire qui a subi des retouches à diverses époques, mais dans
l'intérieur de laquelle se voit une salle voûtée en cul-de-four. L'entrée
est garnie d'un simple tore, c'est un arc surbaissé qui peut remonter au
XIIIe siècle.
Des meurtrières, fortement ébrasées à l'intérieur, éclairent seules cette
salle obscure, au centre de laquelle s'ouvre une margelle circulaire, unique
entrée d'un caveau souterrain, voûté d'après le système de la salle
supérieure. On lui donne pompeusement le nom d'oubliettes; mais il sert
actuellement au fermier pour loger ses légumes pendant l'hiver. Toutes les
murailles du pourtour de l'enceinte sont réduites à la hauteur d'un simple
mur de clôture, de sorte qu'il ne reste plus rien des édifices qui devaient
s'y trouver adossés. Il faudrait fouiller le sol pour en retrouver le plan
et en constater l'importance. On voit encore pourtant, dans la ligne qui est
parallèle au chemin, c'est-à-dire vers l'orient, une salle basse,
souterraine, voûtée en berceau, à laquelle on accédait autrefois de la cour
intérieure, ou plutôt de l'un des bâtiments, par un escalier en pierre d'une
seule volée droite, dont on retrouve en place les derniers degrés. Le reste
est envahi par les décombres. Cette salle sert de vestibule à une cave ou
souterrain, divisé, suivant l'usage constant du moyen-âge, en une série de
cellules disposées symétriquement sur chacun des flancs. Il y en a trois de
chaque côté; une septième forme le fond du couloir. Ce château a eu un passé
historique. Au XIIe siècle, il fut pris par Geoffroy d'Anjou, après trois
mois de siége et rasé. Bien que plusieurs de ses murs accusent encore cette
époque, sans mélange de style postérieur, il est cependant impossible de
supposer qu'il n'ait point été relevé dans la suite. D'ailleurs, il était
encore en état de défense en 1449; les troupes du roi Charles VII, venant de
Pont-Audemer, s'en emparèrent, et c'est de là qu'elles vinrent, le 16 août,
asseoir leur camp devant Lisieux. D'après diverses données historiques, il
paraîtrait que ce fut seulement sous le règne d'Henri IV qu'il fut
définitivement démantelé.
Suivant une sentence du bailli de Fauguernon, datée du 7 mars 1591, "les
pieds de la vicomté se tenaient dans ce temps à Lisieux, par raison des
troubles de guerres estant en ce pays". La vicomté ou baronnie de Fauguernon
était un des grands fiefs du duché de Normandie. Elle se composait de huit
fiefs de haubert, dont plusieurs avaient eux-mêmes des forteresses
importantes. Elle s'étendait sur le Pin, Norolles, Saint-Philbert-des-Champs
et autres paroisses environnantes. Les vicomtes de Fauguernon avaient séance
à l'Échiquier. La famille que l'on trouve le plus anciennement en possession
de cette terre est celle des Bertran de Bricquebec; et comme ils remontent
par filiation suivie jusqu'au temps de Rollon, il est probable que leur
auteur l'avait obtenue dans le partage qui suivit la conquête de la
Normandie. Il ne peut entrer dans le cadre de ce travail de donner les noms
de tous ceux des membres de cette famille qui furent seigneurs de
Fauguernon: il suffira de nommer les principaux: Robert 1er, suivit à la
Croisade le duc de Normandie; il portait d'or au lion vert rampant, onglé et
couronné d'argent avec un basion de gueules, pour brisure; car ce n'était
qu'un cadet de la branche de Bricquebec. Son fils, Robert II, avait pris
parti pour Eustache, comte de Boulogne, contre le duc d'Anjou: ce qui amena
la destruction de son château en 1137. Il fut tué lui-même l'année suivante
en défendant, sans doute, toujours la même cause. Il avait épousé la fille
d'Etienne, comte d'Aumale, dont il eut un fils nommé encore Robert. Celui-ci
vit aussi une invasion étrangère ravager la Normandie; mais, instruit par
l'expérience de son prédécesseur, il ne chercha point à résister et put
ainsi conserver ses terres qui furent érigées en baronnie par le conquérant,
Philippe-Auguste.
Son alliance avec la fille aînée de Jourdain Tesson ne fit qu'augmenter son
importance. Son petit-fils, Robert V, vicomte de Roucheville, seigneur
d'Honfleur et de Fauguernon, fut nommé connétable de Normandie. Cette charge
était restée jusqu'alors dans la famille du Hommet. Il eut pour femme Alix
de Tancarville, fille de Monsieur Guillaume, sire de Tancarville et d'Alissande
de Meullent. Le traité de mariage, daté de l'an 1245, stipule une dot
considérable. Alix était héritière de sa mère et devenait dame des terres de
Sahurs, Croiset et Bapaulme près Rouen, Feuguerolles, Ifs, Alemaigne, Placy,
Savenay, le Mesnil-Patry, Estreham près Caen. Les deux fils de Robert V se
partagèrent ses possessions, et c'est au second, nommé Guillaume, qu'échut
Fauguernon avec les fiefs de sa mère. La génération suivante fut la
dernière. La terre de Fauguernon passa alors à une famille étrangère, mais
une confusion inextricable règne dans les différentes généalogies, qu'il est
impossible de faire concorder. Disons seulement que l'on trouve en même
temps qualifiés vicomtes de Fauguernon; les Painel, les Garencières, les
Fresnel et Robert VII. Bertran, maréchal de France, était neveu du dernier
possesseur mâle de cette même famille. Ces seigneurs vivaient au
commencement du XIVe siècle. En 1463, Montfaut, faisant sa recherche de la
noblesse en Normandie, trouva à Fauguernon messire Jehan de Montenay,
chevalier, baron de Garencières, seigneur de Bérangeville, de Nully en
Gastinoys et vicomte de Fauguernon, qui, six ans plus tard, en 1469, se
présentait aux montres de la noblesse du bailliage d'Évreux "en abillement
de homme d'armes, accompagnié d'un autre homme d'armes, neuf archiers et
quatre vougiés..., tous suffisamment montez et armez".
Un acte original des Archives de l'Hospice de Lisieux, du 10 mars 1493,
parle de noble et puissant seigneur Christophe de Cerisay, seigneur de Villy
et baron de La Have-du-Puits, vicomte de Fauguernon, conseiller et
chambellan du roi et son bailli en Cotentin. Comment était-il devenu
seigneur de Fauguernon? C'est ce qu'on n'a pu découvrir. De sa femme, nommée
Marie de Mayneville, Christophe de Cerisay ne put avoir qu'une fille,
appelée aussi Marie, qui épousa Gaston de Brezé, quatrième fils de Jacques,
comte de Maulévrier, maréchal et grand sénéchal de Normandie, et de
Charlotte, bâtarde de France, fille de Charles VII et d'Agnès Sorel. Gaston
de Brezé joignit donc Fauguernon aux fiefs nombreux qu'il possédait déjà.
Marie de Cerisay survécut à son époux, et elle vivait encore en 1537,
suivant un acte du 20 septembre de celte année où l'on voit qu'elle
possédait aussi le château du Pin. Elle comparut devant les élus de Lisieux,
faisant recherche de la noblesse en 1540. Elle produisit une généalogie pour
elle et "ses enfants soubz-âage, mais elle ne put la justifier, parce que
les lettres, chartes, etc., concernant leur noblesse étaient demeurées aux
mains de défunt M. Louis de Brezé, sénéchal et gouverneur de Normandie,
frère aîné de son mari". Ces enfants sous-âge étaient Louis de Brezé ,
devenu grand aumônier de France et évêque de Meaux, puis deux filles,
Catherine et Françoise. La première épousa Nicolas de Dreux, vidame et baron
d'Esneval; la seconde eut pour mari Gilles Le Roy, seigneur du Chillon.
Louis de Brezé obtint en partage les terres de sa mère. Dans un acte du 7
mai 1571, on le voit qualifié de "Révérend Père en Dieu messire Louis de
Brezey, evesque de Meaux, abbé des abbayes de Saint-Pharon et Ygny, seigneur
et baron de la Hays-du-Puis, chastellain et visconte de Fouguernon, sieur du
Chasteau du Pin et du Bois-Ravenot, etc.".
Ses sœurs n'eurent point part à son héritage, qui revint nous ne savons
comment, à son cousin, M. de Saint-Germain Fauguernon, qui tint le parti du
duc de Bouillon pendant les guerres de religion. Ensuite, Fauguernon se
retrouve entre les mains de Louis de Brezé, le mari de Diane de Poitiers, ou
plutôt entre les mains de l'une de ses filles, Françoise de Brezé, qui avait
épousé Robert IV de La Marck, duc de Bouillon, comte de La Marck, prince de
Sedan, maréchal de France, gouverneur et lieutenant-général pour le roi en
Normandie. Un acte original des Hospices de Lisieux, en date de 1617, fait
mention de "hault et puissant seigneur messire Louis de La Mark, marquis de
Maulny, vicomte de Fauguernon, seigneur de Marigny et de Nogent-le-Roy,
conseiller du Roy en ses Conseils d'Estat et privé, premier escuyer de la
Royne". Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Fauguernon était passé aux
Le Conte de Nouant de Pierrecourt, qui le possédèrent jusqu'à la Révolution
et le possèdent encore au milieu du XIXe siècle. Afin que l'on puisse
reconnaître auxquelles des différentes familles, qui ont successivement
possédé la terre de Fauguernon, peuvent appartenir les blasons qui ont été
dessinés ou décrits, voici les armoiries que les généalogistes attribuent à
chacune d'elles: Bertran, D'or au lion de sinople armé, lampassé et couronné
d'argent. Painel: D'or à deux fasces d'azur, accompagnées d'un orle de 8
merlettes de gueules. De Montenay: D'or aux deux fasces d'azur, accompagnées
d'un orle de 8 coquilles de gueules. Fresnel de la Ferlé-Fresnel: D'or à
l'aigle éployée de gueules. De Mauny: D'argent au croissant de gueules. De
Brezé: D'azur à 8 croisettes d'or posées en orle autour d'un écusson aussi
d'or, orlé d'azur et l'azur rempli d'argent. De Bouillon: De gueules à la
fasce d'argent. Le Conte de Nonant: D'azur au chevron d'argent, accompagné
en pointe de 3 besants d or mal ordonnés. (1)
Éléments protégés MH : les restes du château : inscription par arrêté du 16
octobre 1930. (2)
château de Fauguernon, route de Rocques, 14100 Fauguernon, propriété
privée, ne se visite pas, vestiges. Ci-dessous photos de la ferme du
château.
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