|
Le château de Fervaques mérite
d'être compté parmi les plus belles habitations de l'arrondissement de
Lisieux. Il a sur les autres anciennes résidences seigneuriales de la
contrée un avantage exceptionnel; il n'a pas connu de longue période de
délaissement et a presque toujours servi de demeure à des possesseurs
largement pourvus des biens de la fortune. On n'y trouvera pas les traces
d'une négligence prolongée, ou les indices de la pénurie des maîtres du
logis. Sinon toujours avec un goût parfait, du moins avec les moyens de
satisfaire leur goût, ils ont fait de Fervaques ce qui leur a plu et n'ont
jamais laissé leurs plans inachevés, ainsi que dans un si grand nombre de
vieux édifices on peut en constater les marques. Le château de Fervaques est
au fond de la vallée de la Touque, entouré par les eaux de la rivière qui le
sépare du bourg portant le même nom. Il faut traverser le bourg pour
pénétrer dans l'enclos du château, que ferme un beau pavillon en brique et
pierre destiné à recevoir un pont-levis jeté sur la rivière. En sortant de
la voûte, on aperçoit à main droite le château; il se compose de deux
parties bien distinctes placées en équerre. Le corps de logis principal,
flanqué de deux gros pavillons carrés, date du règne de Henri IV, de même
que la tour du pont-levis. L'aile soudée à angle droit, se rapprochant de
l'entrée, est plus ancienne d'un siècle; également construite en brique et
pierre, elle est loin de présenter les proportions imposantes de la grande
façade. Quoique datant d'une époque où l'on savait donner aux édifices un
cachet de richesse et de grâce extrême, elle n'a en réalité rien de bien
remarquable. Sa porte en accolade, ses fenêtres d'un dessin analogue, les
gables qui les surmontent, tout en témoignant de leur érection sous
l'influence du dernier art ogival, n'ont point l'élégance qui le
caractérise.
Ce corps de logis fut pendant tout le cours du XVIe siècle le manoir
seigneurial de Fervaques, et quand un château plus important eut été
construit, il s'y trouva incorporé à titre de partie secondaire. Au début du
XIXe siècle ce vieux manoir séparait deux cours intérieures; l'une, placée
en arrière du côté de la rivière, renfermait les dépendances du château, et
remontait sans doute à l'état primitif; la cour d'honneur, située en avant,
était formée par le grand corps de logis, l'aile de construction ancienne,
et une seconde aile plus moderne placée parallèlement et correspondant au
second des grands pavillons du château. Vers 1834, le marquis de Portes fit
démolir cette aile, ainsi que les anciennes dépendances; il remplaça
celles-ci par des constructions sans caractère dont l'effet n'est pas
heureux. Ces changements ne furent pas les seuls qu'il apporta à son
habitation. C'est à lui qu'est dû le grand perron par lequel on accède au
premier étage du château; jusque-là on y entrait par le rez-de-chaussée,
aujourd'hui enfoui sous ce perron, et l'on ne parvenait au premier que par
un escalier intérieur. On ne peut disconvenir de l'agrément de cette
innovation pour les principaux appartements; mais elle a eu l'inconvénient
d'altérer l'aspect du château, du côté de l'arrivée, aux dépens du caractère
monumental du grand corps de logis. Pour juger de celui-ci d'une manière
plus favorable, il faut se mettre devant la façade extérieure qui regarde le
nord-ouest. L'effet est alors heureux et imposant. Les murs plongent
directement dans l'eau profonde des larges fossés que la Touque alimente de
ses eaux vives. Ils s'élèvent avec un air de solidité et de force, montrant
des tranches de brique rouge et de pierre en bossage élégamment combinées.
Les deux gros pavillons font pardonner leurs proportions un peu lourdes par
leur ensemble majestueux. La hauteur des murailles, qui part du niveau de
l'eau et se trouve par suite bien plus considérable que sur la façade
intérieure, dissimule le principal défaut de l'édifice, c'est-à-dire la
dimension écrasée du rez-de-chaussée; il n'est propre qu'à servir de
dépendances. L'étage au-dessus est d'une bonne élévation; l'étage supérieur
est engagé dans le toit. Les intérieurs ont été modernisés dans le cours du
XIXe siècle. Une seule pièce assez spacieuse est restée intacte; on la nomme
la chambre d'Henri IV et la tradition veut que ce monarque y ait couché, ce
qui n'a rien d'invraisemblable. On assure que la chambre a depuis lors
conservé les mêmes meubles, mais sur ce point la tradition semblerait moins
certaine. D'une origine encore moins authentique est un portrait du bon roi,
œuvre d'un barbouilleur plutôt que d'un artiste. Au-dessous on a gravé à la
pointe sur le cadre ces deux vers dont la paternité n'est pas imputable au
Béarnais: Volons, ventre-saint-gris, la dame de Fervaques mérite assurément
les plus vives attaques. Honni soit qui mal y pense! La dame de Fervaques
avait atteint la quarantaine quand Henri IV put lui rendre visite en son
château, et rien ne permet de supposer qu'elle ait tenu la moindre place
dans les fantaisies galantes de ce prince.
La seigneurie de Fervaques, fief de haubert relevant de la baronnie d'Auquainville,
a appartenu, du XIIe au XVe siècle, à la famille de Brucourt, une de celles
qui, en Normandie, ont possédé le plus de biens, sans avoir jamais gravé son
nom dans les pages de l'histoire. Après l'expulsion des Anglais, elle vint
entre les mains de Guillaume de Hautemer, seigneur du Fournet, héritier de
Jean de Brucourt en vertu d'une parenté dont on ne peut plus retrouver la
trace. La famille de Hautemer possédait, depuis le commencement du XIVe
siècle, la seigneurie du Fournet; elle y avait succédé à une famille portant
le nom du Fournet et portait les mêmes armes. L'origine du nom de Hautemer
est restée inconnue; ce n'était celui d'aucun fief noble en Normandie, à
moins que ce ne fût une altération de celui de Hautemare, nom d'un petit
fief situé au Bourgdun. Les seigneurs de Fervaques ne commencèrent à être
connus hors de leur pays natal que sous le règne de François 1er, où Jean de
Hautemer arrière-petit-fils de Guillaume, épousa une grande héritière de
Bourgogne, Anne de la Baume-Montrevel, fille d'Anne de Châteauvillain, dame
de Grancey. Il prenait les qualités de chevalier, valet-tranchant du roi,
enseigne de la compagnie du seigneur de Saint-André. A sa mort, qui eut
lieu, non comme on l'a dit, à la bataille de Cerisoles, mais quelques années
plus tard, en 1554, son fils Guillaume de Hautemer se trouva à la tête d'une
fortune considérable. Il fut de bonne heure la terreur des environs. Les
récits traditionnels, quand ils étaient encore en usage dans les
populations, lui attribuaient toutes sortes de crimes. Celui qui est le
mieux constaté est le sac de la cathédrale de Lisieux, qu'il accomplit, en
mai 1562, à l'aide de bandes de huguenots recrutés dans plusieurs villes
voisines.
A l'approche des troupes royales venant rétablir l'empire des lois, il
laissa quelques misérables répondre seuls devant la justice des excès qui
avaient été commis, et sut pourvoir à sa propre sûreté. Habile à capter la
confiance de ceux dont il avait besoin, il réussit à s'insinuer dans la
faveur du duc de Bouillon, gouverneur de Normandie, personnage d'une
politique équivoque, qui le couvrit de toute sa protection. Comprenant que
les succès des protestants ne pouvaient être de longue durée, Fervaques ne
fit pas difficulté de se déclarer catholique. Il reçut le commandement de
Lisieux, en 1568, et servit, en 1574, comme maréchal de camp au siège de
Domfront, d'où il s'efforça vainement de faire échapper Montgommery, hors
d'état de s'y défendre avec succès. Depuis plusieurs années déjà, Guillaume
de Hautemer s'était fait nommer chambellan du plus jeune des membres de la
famille royale, François, duc d'Alençon, et plus tard d'Anjou. Il ne tarda
pas a acquérir toute la confiance de ce prince médiocre, faible et
inconsidéré, dont il fut le conseiller le plus en faveur; il devint premier
gentilhomme de sa chambre et surintendant de ses finances, emploi non moins
flatteur pour un homme de ce caractère. Il dirigea sa politique, plus
tortueuse qu'habile, notamment dans la triste expédition des Flandres, que
termina un honteux désastre. Appelé par les Flamands insurgés contre la
domination espagnole, pour être le défenseur de leur liberté, le duc d'Anjou
parut ne songer qu'à s'assurer les moyens de les pressurer. Enfin, le 17
janvier 1583, il tenta de se saisir par surprise de la ville d'Anvers, où il
était reçu en allié, et d'en faire une place de conquête. Cette perfidie
reçut son juste châtiment; les habitants coururent aux armes et taillèrent
en pièces les troupes françaises du duc, disséminées dans les rues de la
cité. Fervaques, lieutenant-général de l'armée, dont les conseils avaient
provoqué, croyait-on, cette déplorable entreprise, fut saisi dès le début
par les ordres du prince d'Orange, et ne dut la vie qu'à la modération de
cet avisé politique.
Il ne sortit, toutefois, de ses mains qu'en payant une rançon de 10000 écus.
Le duc d'Anjou mourut le ia juin 1584, et Fervaques se trouva déconcerté
dans ses calculs de cupidité ou d'ambition; il savait ne pouvoir rien
espérer de la faveur royale, Henri III ayant trop appris à le connaître;
aussi se hâta-t-il de se jeter dans le parti de la Ligue. Il se rendit en
Bourgogne où il possédait le château et le comté de Grancey. Nommé
lieutenant-général de cette province, par les ligueurs, il y fit la guerre
aux royalistes que commandait le vicomte de Tavannes. Mais la mort d'Henri
III apporta un changement subit et complet dans l'attitude politique de
Fervaques: inutile de dire que les préoccupations religieuses n'avaient
jamais eu la moindre influence sur sa conduite. Il disparut de Bourgogne et
vint en Normandie offrir ses services à Henri IV; ce prince, qu'il avait
autrefois servi avec zèle, en l'aidant à se soustraire à l'étroite
surveillance du dernier roi, accueillit Fervaques à bras ouverts; il lui
confia le gouvernement de Lisieux, puis des emplois plus importants; il en
fut utilement assisté au siège de Paris en 1590, à celui de Rouen en 1592, à
Honfleur en 1594, et devant Amiens en 1597. Le roi récompensa ses services
par l'ordre du Saint-Esprit en 1595, par la dignité de maréchal de France en
1597, et par la charge de lieutenant-général au gouvernement de Normandie en
1605. Fervaques n'oubliait jamais le soin de sa fortune; profitant de ce que
l'évêque de Lisieux, Anne d'Escars de Givry, s'était compromis dans le parti
de la Ligue, il se mit en jouissance des biens de l'évêché, et même en
partie de ceux du Chapitre, et se maintint dans cette usurpation par la
faveur du roi, qui gardait rancune à Givry, élevé contre son gré au
cardinalat. Ce fut sous le nom de Nicolas Quentin, abbé de Champagne, ancien
aumônier du duc d'Anjou, singulier personnage dont Guillaume de Hautemer
avait fait son intendant et son factotum, qu'il s'attribua la possession de
ces biens ecclésiastiques; il en faisait usage pour ses menus plaisirs.
Il existe un bail à son profit des dîmes de la paroisse de Courson,
propriété des chanoines de la cathédrale, à charge pour le preneur de
nourrir la meute et de payer les gages des valets de chiens du maréchal de
Fervaques. Ce fut en vain que l'on espéra rendre un évêque au diocèse de
Lisieux en y nommant, sur la démission du cardinal Givry, le frère d'un de
ses gendres, François Rouxel de Médavy: cette considération ne le décida pas
à lâcher sa proie; le nouveau prélat resta douze ans sans pouvoir entrer en
possession de son siège. Il y eut pourtant un point sur lequel Henri IV ne
se résigna pas à satisfaire les désirs ambitieux de Fervaques: celui-ci
voulait être duc et pair; il comptait tellement obtenir cette faveur que,
dès 1599, il prenait dans des actes notariés le titre de duc de Grancey,
pair de France. Ce qu'il ne put extorquer de la faveur du roi, il se le fit
accorder après lui par la reine Marie de Médicis, qui n'avait rien à refuser
quand le consentement de Concini était acquis. Les lettres patentes créant
le duché-pairie de Grancey, données en décembre 1611, ne furent jamais
enregistrées. Guillaume de Hautemer mourut à Rouen, le 14 novembre 1613. Il
laissait trois filles de son premier mariage, contracté en 1558, avec Renée
Lévesque de Marconnay. Il n'eut point d'enfants d'Anne d'Alègre, qu'il
épousa en 1599; cette dame était veuve de Guv-Paul de Coligny, comte de
Laval. Elle ne survécut à son second époux que de peu d'années, et mourut
ruinée par les folies qu'elle avait faites dans l'espoir de complaire à un
jeune prince de la maison de Guise, le duc de Chevreuse, dont elle s'était
flattée d'obtenir la main. Des trois filles du maréchal de Fervaques,
l'aînée, Jeanne de Hautemer, avait épousé, en 1579, Claude d'Estampes,
seigneur de la Ferté-Imbaut, dont elle eut un fils qui devint par la suite
maréchal de France; restée veuve, elle se remaria avec François de
Canouville, seigneur de Raffetot, dont elle n'eut pas d'enfants.
Conformément au testament de son père, elle n'entra pas en partage avec ses
sœurs, et reçut seulement un legs de cent mille livres, en plus de la
baronnie de Mauny. Jeanne de Hautemer, la plus jeune, que Pierre Rouxel,
baron de Médavy, avait épousée en 1588, eut la terre de Grancey, possédée
après elle par le maréchal de Grancey, son fils. La baronnie de Plasnes,
avec la terre de Fervaques, que de nombreuses acquisitions avaient
considérablement agrandie, et celle du Fournet, formèrent le lot de la
seconde des trois sœurs, Louise de Hautemer. Elle avait d'abord été mariée à
Jacques de Hellenvilliers, seigneur d'Avrilly, dont elle n'eut pas
d'enfants; en secondes noces, elle épousa, le 23 mars 1593, Aymar de Prie,
marquis de Toucy. Ces époux fournirent ensemble une longue carrière; Aymar
de Prie mourut en 1643, et Louise de Hautemer lui survécut. Elle avait eu
dans ses vieux jours des procès à soutenir contre les créanciers de François
de Valois, duc d'Anjou, qui prétendaient obliger les héritiers du maréchal
de Fervaques à fournir les comptes de sa gestion des finances de ce prince.
C'eût été sans doute pour eux une tâche bien difficile. La dame de Prie
vendit, en 1632, pour acquitter sa part des 100000 livres dues à sa sœur
aînée, la seigneurie du Fournet et Sainte-Eugène, comprenant 250 acres en
domaine; Robert Lambert, seigneur de Formentin et du Mesnil-Simon, s'en
rendit acquéreur pour 36000 livres. De quatre fils qu'elle avait eus, deux
moururent encore jeunes; le cadet, François de Prie, baron de Plasnes, fut
l'auteur d'une branche qui a possédé la terre de Coquainvilliers jusqu'à son
extinction, peu d'années après la Révolution. Le fils aîné, Louis de Prie,
marquis de Toucy, épousa, en 1621, Françoise de Saint-Gelais-Lusignan, et
mourut une douzaine d'années plus tard, du vivant de ses parents, ne
laissant que deux filles; sa veuve lui survécut jusqu'en 1673.
Charlotte de Prie, l'aînée de ces filles, hérita de la terre de Fervaques;
elle épousa, en 1639, Noël de Bullion, seigneur de Bonnelles et marquis de
Gallardon, fils de Claude de Bullion, surintendant des finances. Celui-ci
avait arrangé le mariage de son fils avec la fille du chancelier Séguier.
Mais il ne convenait pas à la politique soupçonneuse du cardinal de
Richelieu, de laisser les familles des ministres placés sous ses ordres
s'unir entre elles par des alliances. Il témoigna son mécontentement, voilé
du désir qu'il affecta de marier les enfants de ces deux personnages dans
des maisons de plus haute qualité; on dut renoncer à l'union projetée; et,
grâce à l'entremise du tout-puissant ministre, le fils de Bullion devint
l'époux de Mademoiselle de Prie. Cette jeune personne avait été élevée dans
un séjour constant à la campagne, d'où ses parents ne sortaient guère, et de
plus nourrie dans les principes de la plus rigide économie. Elle n'avait
aucun usage du monde, et excita l'étonnement en paraissant chaussée de
souliers brodés, soigneusement recouverts de papier pour éviter d'en
défraîchir la broderie. Elle conserva toujours les habitudes d'un ordre
rigoureux, qu'elle transmit à ses enfants et à ses petits-enfants; aussi
l'opulence des Bullion, déjà très considérable, ne cessa-t-elle de s
accroître, tandis que la plupart des grandes fortunes s'effondraient
lentement par le luxe ou l'incurie de leurs possesseurs. La jeune sœur de
Madame de Bullion, Louise de Prie, dame de Toucy, était d'une rare beauté.
On lui fit épouser, en 1640, un mari déjà avance en âge, Philippe de la
Mothe-Houdancourt, maréchal de France et duc de Cardonne. Elle mourut en
1709, a l'âge de quatre-vingt-cinq ans, ayant encore la charge de
gouvernante des enfants de France, qu'elle avait exercée auprès de trois
générations de princes; elle la transmit à sa fille, la duchesse de
Ventadour, qui donna ses soins à l'enfance du roi Louis XV.
La maréchale de la Mothe-Houdancourt a possédé la seigneurie de Cheffreville
et le fief du Verger, dépendances de Fervaques. Charlotte de Prie, dame de
Bullion, mourut en 1700. "Elle laisse, écrivait Dangeau, 80000 livres de
rente à M. de Bullion, son fils, qui en avait déjà plus de 150000; elle
était tombée en enfance". La seigneurie de Fervaques, accrue par des
acquisitions, passa au seul de ses trois fils alors survivant. Les deux
aînés étaient morts sans s'être mariés, Armand-Claude de Bullion, marquis de
Gallardon, en 1671, un an après son père; Alphonse-Noël, marquis de
Fervaques, gouverneur du Maine et du Perche, en 1698. Toute la fortune de la
famille se trouva ainsi concentrée dans les mains du plus jeune,
Charles-Denis de Bullion, qui ne cessa de l'augmenter. Aux titres de marquis
de Gallardon et de Fervaques, de seigneur de Bonnelles, Vitteville,
Cheffreville, le Croupte, Saint-Aubin, Prestreville, et de beaucoup d'autres
terres. Il épousa, en 1677, Marie-Anne Rouillé de Meslay et mourut en 1721,
laissant quatre filles et trois fils survivants. Un aîné, Jean-Claude,
marquis de Bonnelles, avait été tué à la bataille de Turin, en 1706. Deux
des filles furent religieuses. Les autres entrèrent dans deux des plus
grandes familles de France: Charles de Crussol, duc d'Uzès, épousa, en 1706,
Anne-Marie-Marguerite de Bullion, et l'année suivante, sa sœur
Elisabeth-Anne-Antoinette était mariée à Frédéric-Guillaume de la Trémoille,
prince de Talmont. Le plus jeune des fils, Gabriel-Gérard, chevalier de
Malte, comte d'Esclimont, seigneur de Vitteville, fut prévôt de Paris,
maréchal de camp, et mourut en 1752. L'aîné de ses frères, Anne-Jacques de
Bullion, marquis de Fervaques, gouverneur du Maine et du Perche, chevalier
des ordres du roi, épousa, en 1708, Marie-Madeleine-Hortense Gigault de
Bellefonds, et mourut en 1745, laissant trois filles.
L'aînée, Marie-Anne-Étiennette de Bullion, avait épousé, en 1734,
Charles-Anne-Sigismond de Montmorency-Luxembourg, duc d'Olonne;
Joséphine-Hortense, la seconde, fut mariée, en 1749 à Guy-André-Pierre de
Montmorency-Laval, qui fut créé duc de Laval en 1758 et maréchal de France
en 1783; la plus jeune, Auguste-Léonine-Olympe-Nicole, venait tout récemment
d'épouser Paul-Louis, duc de Beauvilliers. Mais le marquis de Fervaques
n'avait jamais possédé la terre de ce nom; elle appartenait à son frère
cadet, Auguste-Léon de Bullion, marquis de Bonnelles, lieutenant-général au
gouvernement de Guyenne. Reçu dans sa jeunesse chevalier de Malte, celui-ci
ne se maria jamais. Il accrut encore l'importance de la terre de Fervaques
par l'adjonction de la baronnie d'Auquainville, qu'il fit démembrer de celle
de Ferrières, en l'achetant du comte de Broglie, en 1728, au prix de 100000
livres; Fervaques n'avait été jusque-là qu'un arrière-fief de cette
baronnie. Le nom de Bullion s'éteignit dans ce marquis de Bonnelles, mort
très âgé, vers 1771. Sa nièce, la duchesse de Laval, hérita de la terre de
Fervaques, qui fut conservée intacte pendant la Révolution; elle mourut le
3o janvier 1795. Ses enfants, le duc et le vicomte de Laval, et la duchesse
de Luynes, mirent en vente, vers la fin de l'année 1802, cette terre restée
en indivision. Elle fut morcelée; le château, avec une masse de biens encore
considérable, fut acheté par Madame de Custine, fille de la comtesse de
Sabran, célèbre par sa liaison avec le chevalier de Boufllers. La nouvelle
châtelaine de Fervaques était veuve du fils du général de Custine, qui périt
avec son père sur l'échafaud révolutionnaire, victime de passions que les
plus utiles services n'avaient pu conjurer.
Douée elle-même d'une imagination romanesque, "La Reine des Roses", appelée
ainsi à la cour de Louis XV à Versailles, tant sa grâce était radieuse, se
fit remarquer par son admiration pour l'auteur du Génie du Christianisme.
Chateaubriand vint à Fervaques, et y séjourna un peu; il ne tarda toutefois
pas à se lasser d'une amitié dévouée, mais à laquelle il n'était pas disposé
à faire de sacrifices. Le château de Fervaques passa de Madame de Custine à
son fils, le marquis de Custine, connu dans le monde littéraire par
plusieurs livres qui eurent un grand succès, tels que: l'Espagne sous
Ferdinand VII et la Russie en 1839. Ayant perdu sa mère, sa jeune femme et
son fils au berceau, M. de Custine prit Fervaques en dégoût, et vendit en
détail cette terre à un prix double de celui auquel sa mère l'avait achetée.
Le château de Fervaques et une partie des domaines furent acquis, en 1831,
par M. le marquis de Portes, mort sénateur de l'Empire; ils appartenaient à
la fin du XIXe siècle à une de ses filles, Madame la comtesse de Montgommery.
Le nom de Fervaques a souvent retenti dans les réunions hippiques, du vivant
de son mari, dont l'écurie de courses obtint deux fois le grand prix de
Paris. A titre de location, M. le comte de Berteux possèdait, dans une
dépendance de la terre de Fervaques, le haras de Cheffreville, destiné à
l'élevage des chevaux de courses. (1)
Éléments protégés MH : le château, la poterne, les vestiges du colombier, le
pont sur la Touques, le parc avec ses douves et son système hydraulique, à
l'exception des bâtiments modernes : classement par arrêté du 2 mai 1995.
(2)
château Le Kinnor 14140 Fervaques, tél. 02 31 32 33 96, en 1981, M. et
Mme Lhotel retiennent pour l'Association Le Kinnor cette propriété qu'ils
sauveront du morcellement et l'ouvriront à tous. Les visites, à l'aide d'un
livret-guide illustré, sont libres en extérieur avec le respect des lieux,
le château étant une demeure habitée.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement
Monsieur Pierre Arnould pour les photos qu'il nous a adressées afin
d'illustrer cette page.
A voir sur cette page "châteaux
du Calvados" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
|