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Lion-sur-Mer est une
localité ancienne, ainsi que son nom l'indique. Les vocables tels que le
Hon, le Hom, le Home, le Homme, le Homet, le Hommet, le Houlme, le Hou, le
Houme, le Houmet, dérivés du terme saxon ou scandinave Holm, latinisé en
Hulmus, désignent de petites îles ou des pointes de terre défendues par
quelque accident naturel, par des eaux marécageuses ou le cours des
rivières. Au moyen âge, Lion-sur-Mer s'est appelé: Liuns, Lyon, Lions, Lions
ultra Cadomum, Leones, Leo super mare, Lyon-sur-la-Mer, Ljon-sur-Mer. Le
moyen âge et la Renaissance ont laissé à Lion des souvenirs qui attireront
toujours l'attention des archéologues et des touristes. Ce sont, pour la
première de ces époques, l'église et le prieuré; pour la seconde, le
château. La terre et le château de Lion, ainsi que les familles qui les ont
possédés, pourraient faire l'objet d'une monographie non sans intérêt pour
l'histoire de la féodalité et pour celle de l'architecture en
Basse-Normandie. Dès le XIe s iècle, un château fort fut très probablement
bâti à Lion par la famille de Moyon qui était maîtresse de cette seigneurie
et qui tirait son nom de la terre de Moyon, à trois lieues de Saint-Lô, où
se voit encore l'emplacement d'une vaste forteresse féodale. Guillaume de
Moyon fut au nombre des chevaliers normands qui accompagnèrent GuIllaume le
Bâtard en Angleterre, et Wace le cite parmi les combattants d'Hastings: "Li
viel Willame de Moyon out avec lui maint cumpaignon". Ce vaillant guerrier
devint la tige d'une famille qui joua un rôle considérable en Angleterre
sous les rois normands. Après la conquête il reçut un grand nombre de terres
importantes, entre autres celle de Dunster Castle, dans le Somersetshire,
dont ses descendants firent leur principale résidence.
Son petit-fils Guillaume, deuxième du nom, fut créé comte de Dorset par
l'impératrice Mathilde, en récompense de ses services pendant la guerre
contre le roi Étienne. Il fonda le prieuré de Brewton, dans le diocèse de
Bath, et lui donna l'église de Lion avec toutes ses dépendances, ainsi que
la terre que Margarin, chapelain du comté de Glocester, et Hubert de
Pierrepont avaient déjà concédée, dans cette paroisse, au même prieuré.
Guillaume de Moyon accorda encore au prieuré de Brewton la dîme des oignons
qui lui appartenait à Lion. Le cartulaire de Troarn renferme, en outre,
quelques chartes relatives à des donations faites à ce monastère, notamment
celle des terres concédées, en 1236, par Thomas de Lion, fils de Robert de
Lion, et confirmée, en 1239, par son fils, Roger de Lion. La terre de Lion
était sortie, depuis plus d'une vingtaine d'années déjà, des mains de la
famille de Moyon, à laquelle Jean sans Terre avait, en 1204, demandé de
l'échanger contre une autre seigneurie. L'invasion de la Normandie, par
Philippe-Auguste, empêcha de réaliser ce projet. Il est probable que c'est à
cette époque que les Moyon perdirent le fief de Lion, car ils restèrent
fidèles au monarque anglais, et se fixèrent, sans esprit de retour, de
l'autre côté de la Manche. Leur famille disparut de bonne heure en
Normandie. Il n'en fut pas de même en Angleterre, où elle se divisa en
plusieurs branches. Le titre de baron Mohun de Dunster Castle passa, au XIVe
siècle, dans un rameau aujourd'hui éteint des Strange. Au milieu du XIIIe
siècle, Lion appartenait à Raoul de Meullent, qui avait reçu de saint Louis,
en 1255, la terre de Courseulles, que ses descendants possédèrent, avec
toutes ses dépendances dans Bernières, Lion, Plumetot, etc., jusque vers la
moitié du XVe siècle. Cette famille s'éteignit alors dans Perrine et Jeanne
de Meullent, mariées, la première à Guillaume de Rosnivinen, premier
échanson du roi, et la seconde à Jean d'Auray, baron de Saint-Pois.
Parmi les seigneurs de Lion de la famille de Meullent, on connaît surtout
Guy, qui fonda, en 1327, le prieuré de Saint-Thomas; puis son fils Raoul, et
un autre Guy qui revendiqua le patronage de l'église de Lion, mais fut, en
1331, débouté de ses prétentions par un jugement du bailli de Caen. L'abbé
de La Rue cite ensuite, comme propriétaires du fief de Lion, Henri du
Plessis, en 1398, lequel était mort en 1420; Hervé de Longaunay, en 1473;
puis Richard de Folligny, en 1513; Jean de Folligny, en 1531; et encore,
François Roger, en 1547, et Robert Roger, en 1570. Il ajouta que Jean Le
Sens était leur vassal, en 1509, ainsi que Guillaume Le Sens, sieur des
Maiserest en 1513, et enfin il nomme Adrien Le Sens, seigneur de Lion, en
1547. C'est alors qu'on voit apparaître à Lion les Le Sens, ancienne famille
de Caen, anoblie en 1470, dans la personne de Jean Le Sens, procureur
général de la ville de Caen et receveur du duc de Longueville qui avait
alors la vicomté de Caen en apanage, puis député du bailliage de Caen aux
États de Blois, en 1483, avec Pierre d'Argouges et Philippe de Vassy, et
enfin lieutenant général du bailli de Caen, en 1486. La terre de Lion a été
aliénée en 1847, par la famille Le Sens, à la mort de Madame
Armande-Henriette Le Sens de Lion de Folleville, veuve du comte Gaspard de
Morel de Than, contre-amiral, et décédée en 1845. Elle fut alors acquise par
M. Auguste Massieu de Clerval, dont la fille la porta à son mari, M.
Guillaume Hue de Carpiquet, comte de Blagny. Elle appartenait au fils de ce
dernier, M. le comte Henri de Blagny à la fin du XIXe siècle.
Le château de Lion, à 800 mètres de la mer, se présente sous l'aspect le
plus agréable, de quelque côté qu'on le contemple. Il est entouré d'une
terre fort importante et d'un vaste parc de 14 hectares, disposé avec goût
et planté d'arbres séculaires. On y arrive dans toutes les directions par
des avenues ou de larges chemins ombragés qu'on appelle "les chasses de
Lion". Le corps de logis principal du château est formé d'une partie
centrale à plan presque carré. Une charmante tourelle en encorbellement,
servant d'escalier pour les étages supérieurs, est accolée à l'angle
sud-ouest, à partir du second étage, et de longues cheminées, décorées dans
le haut, surmontent le toit. A cette partie de l'édifice se relie un
pavillon carré à un étage, avec deux élégantes tourelles d'angle en
encorbellement, des fenêtres à croisées et à moulures bien dessinées, et un
toit énorme et très aigu, au bas duquel sont d'admirables lucarnes. Du côté
est, une tour, demi-cylindrique et sans ornements s'appuie contre la
muraille. Tout cet ensemble est des plus pittoresques. A l'ouest, un corps
de logis, en retour d'équerre, part de la partie centrale, fait face au
midi, et occupe le fond de la cour d'honneur. Il a peu de caractère, et
semble postérieur de quelques années au reste de l'habitation; mais, sous ce
bâtiment, subsistent de vastes caves voûtées, remontant au moins au XIIIe
siècle, et indiquant l'emplacement du château fort du moyen âge. Il faut
fixer au XVIIe siècle la plupart des nombreux communs et des bâtiments
d'exploitation, qui occupent une vaste surface à l'ouest du château, et
auxquels on accède, du côté d'un chemin menant du Vieux-Luc au Haut-Lion,
par une de ces belles portes en plein cintre et à moulures profondes, qu'on
trouve encore dans bien des fermes de la plaine de Caen, et qui datent de la
fin du XVe siècle ou du commencement du siècle suivant.
A mentionner aussi dans le parc, à quelques pas du château, du côté sud, une
belle petite chapelle. L'intérieur n'offre rien à signaler, mais sur la
façade, dont les sculptures latérales sont inachevées, on voit au tympan une
Bible accompagnée d'emblèmes eucharistiques. Enfin, près de la grille de la
cour d'honneur, la curiosité est attirée par un canon d'assez fort calibre,
placé en arrière du saut-de-loup. Cette pièce d'artillerie provient sans
doute d'un des navires de l'Invincible Armada qui se perdirent sur les côtes
normandes. Elle porte un écusson très fruste, sommé d'une couronne royale,
où l'on peut reconnaître les armoiries de Philippe II, et fut trouvée à
marée basse, en face de Lion, par des pêcheurs qui l'offrirent à Madame la
comtesse de Than. La construction de cette belle résidence date de la
première moitié du XVIe siècle. Elle est due aux Le Sens, qui venaient
d'acquérir le fief de Lion. Ces anoblis tout récents, mais personnages
considérables par leurs charges et leurs richesses, amis éclairés des arts,
voulurent imiter leurs compatriotes et amis de Caen, les Nollent, les Le
Valois, les Etienne Duval. Comme eux, ils se hâtèrent de se faire bâtir des
demeures dignes de leur nouveau rang. Le nom de l'architecte ou plutôt cet
artiste de grand talent est inconnu, mais son œuvre a de singulières
affinités avec les monuments civils de la Renaissance à Caen, certaines
parties des églises de la même époque dans cette ville, et le gros pavillon
de Fontaine-Henry, lequel est daté de 1537. C'est donc à l'un des
architectes qui ont bâti ces édifices qu'il faut également attribuer le
château de Lion. Si on ne peut aujourd'hui qu'admirer une œuvre anonyme, il
convient de proclamer qu'elle est celle d'un grand artiste. Et, de nos
jours, quel millionnaire n'envierait les gentilshommes du XVIe siècle,
auxquels il était donné de confier à de tels architectes le soin de leur
élever de semblables demeures? (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du pavillon carré formant
l'aile droite du château, la tourelle contiguë, le pavillon de l'escalier :
classement par arrêté du 7 juillet 1926. La chapelle située dans le parc au
sud-est du pavillon carré : inscription par arrêté du 17 juillet 1946. Les
façades, les toitures et les caves de l'aile ouest : classement par arrêté
du 17 septembre 1969. Les façades et les toitures des bâtiments de communs,
y compris la serre, l'assiette du parc, avec ses murs de clôture et les
sauts-de-loup (lieu-dit le Haut Lion) : inscription par arrêté du 4 juin
2007. (2)
château de Lion sur Mer 14780 Lion-sur-Mer,
propriété privée, ne se visite pas. Nous remercions chaleureusement le
propriétaire pour l'accueil qu'il nous a réservé lors de notre passage.
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