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Nous voici en présence d'un des plus beaux et des plus curieux monuments du
pays d'Auge. Nous avons nommé le château d'Hébertot; entouré de douves du
plus bel effet, cet édifice imposant s'élève dans un parc de plusieurs
hectares, merveilleusement aménagé et dominé à l'ouest et au nord par des
collines d'où sortent plusieurs sources qui alimentent ses fossés; des
autres côtés, la vue s'étend sur la vallée inférieure de la Calonne, des
Authieux à Pont-l'Evéque; les verdoyants coteaux de Saint-Julien bornent
l'horizon. Le château se compose de deux parties bien distinctes: l'une,
plus ancienne, vers l'est, datant de l'époque Louis XIII et comprenant un
gros donjon carré; l'autre, à la suite, dont la construction révèle le style
Louis XV et à l'extrémité de laquelle a été bâtie une tourelle moderne dans
le goût du donjon, quoique moins élevée: malgré ces styles divers,
l'ensemble des constructions présente un harmonieux effet. Mais l'intérieur
de la grosse tour, au rez-de-chaussée, a recouvré, grâce aux réparations
faites à la fin du XIXe siècle par M. Gillotin, sous la direction de M.
Ruprich-Robert, l'architecte bien connu, son caractère primitif. Là, en
effet, se trouve un immense salon rectangulaire, dont le plafond offre des
poutrelles peintes et ornées des sujets les plus délicats, et à la base
desquelles on voit un grand nombre d'écussons dont les mille couleurs
présentent les nobles alliances de la famille qui possédait et fit bâtir
Hébertot: les Nollent. Au fond de cette salle magnifique, est une cheminée
monumentale en pierre, revêtue de peintures comme celles du plafond, et au
centre de laquelle on voit un sujet guerrier entouré d'écussons rappelant
encore les alliances des Nollent, dont le blason, d'argent a 3 roses de
gueules a la fleur de lys de memie en cœur, occupe lui-même le centre, avec
la devise de la maison de Lorraine: "Passe Avant", suivie de celle de la
famille de Nollent, "Pas à Pas"; ce blason et ces devises se répètent l'un
au-dessus, l'autre au-dessous du tableau central.
Il est difficile d'imaginer un ensemble plus majestueux, tant par l'harmonie
de ses proportions que par l'agencement des tons et des couleurs, que celui
qu'offre cette vieille salle, vestige aussi rare que pur du style normand à
l'aurore du grand siècle. Derrière la cheminée se trouve un cabinet de grand
style, dont les plafonds reproduisent en de délicates peintures les
armoiries d'alliances des anciens possesseurs du château. Au premier étage
de ce donjon, notons une chambre arrangée à la moderne, et qui n'a d'autre
intérêt que d'avoir vu mourir Nicolas Vauquelin, le célèbre chimiste, un
enfant d'Hébertot; au-dessus de la tour un immense grenier laissant voir les
créneaux et les mâchicoulis très curieux de la tour. Quant aux autres pièces
du château, elles sont relativement modernes et meublées avec goût d'objets
anciens recueillis avec soin par M. Gillotin, a qui on doit la réfection du
bel escalier central en pierre. Dans le parc se trouvent de très belles
cascades et des arbres magnifiques. Hébertot, depuis longtemps divisé en
deux paroisses, Saint-Benoît et Saint-André, c'est sur cette dernière que se
trouve le château, qui parait être un lieu de fondation très ancienne,
englobant jadis dans ses limites la paroisse voisine du Vieux-Bourg,
Notre-Dame d'Hébertot.
On y trouve, dès le XIVe siècle, l'antique famille de Nollent déjà divisée
en plusieurs branches, et nous avons fait l'historique en parlant du château
d'Aguesseau à Trouville. C'est sur Saint-Benoît d'Hébertot que paraissent le
plus anciennement les Nollent: ils y possédaient le fief principal de
Fatouville et les fiefs secondaires de Launay, du Quesney et de la Heurtrie;
ce ne fut que plus tard, dans les dernières années du XVIe siècle, que
Jacques de Nollent, escuyer, seigneur de Fatouville, Olendon et Hébertot,
frère d'Hélie, seigneur de Trouville, fit l'acquisition de la terre de
Saint-André d'Hébertot; Guy, son fils, se maria avec Jeanne de
Lannoy-Améraucourt, d'une illustre maison, et bâtit le donjon actuel, qu'il
vint habiter en 1617. A sa mort, en 1647, il avait deux fils, François et
Nicolas de Nollent, sa branche forma deux rameaux, bientôt réunis, dès 1664,
par le mariage de ses petits-enfants, François-Marie de Nollent, escuyer,
seigneur de Fatouville, fils de Nicolas et de Marie d'Espinay Saint-Luc, et
Marie-Madeleine de Nollent, dame d'Hébertot, fille de François et de
Madeleine Arthur. Mais Jean de Nollent, marquis d'Hébertot, leur fils
unique, né en 1675, n'eut de son mariage avec sa cousine Madeleine-Angélique
de Nollent, dame de Trouville-sur-Mer, qu'une fille, Françoise-Angélique de
Nollent, qui naquit à Hébertot, le 16 septembre 1704, et que nous avons vue
épouser le fils aîné du chancelier d'Aguesseau, dont elle n'eut pas
d'enfants. Tandis que la terre de Trouville passait aux
Nollent-Couillarville, puis aux Pimbert, celle d'Hébertot fut vendue par
Madame d'Aguesseau, vers la fin de sa vie, à Pierre-Constantin Le Vicomte,
châtelain et comte de Blangy, d'une antique famille normande; mais celui-ci
ne la conserva que quelques années et la transmit à M. Thomas Duhamel,
banquier à Rouen.
A la mort de ce dernier, vers le commencement du XIXe siècle, la terre
d'Hébertot fut une première fois divisée: le château et une grande partie de
ses dépendances restèrent la propriété de M. Thomas-Pierre Duhamel, fils de
l'acquéreur; mais le surplus, comprenant notamment la colline vers le nord,
passa à sa veuve, remariée de M. Christophe Mac-Cartan. Ce dernier fit bâtir
là un petit château qui a conservé son nom et n'a d'autre mérite que ses
beaux ombrages et la vue splendide qu'on y découvre. Après M. Duhamel fils
et sa mère, le domaine d'Hébertot subit un nouveau partage, entre MM.
Edouard et Stanislas Duhamel: le premier vendit bientôt le château et les
fermes, contenant environ cinquante hecttares, à M. Gillotin, en 1853, et
les héritiers du second possédaient encore à la fin du XIXe siècle le petit
château de Mac-Cartan avec le surplus de l'ancien domaine d'Hébertot. C'est,
nous l'avons dit, à M. Gillotin, qui représenta longtemps le canton de
Blangy au Conseil général du Calvados et mourut vers 1879, regretté de toute
la contrée, qu'on doit les importantes restaurations qui ont rendu au
château d'Hébertot son ancienne splendeur et sa physionomie primitive; sa
veuve entretenait avec le plus grand soin ce précieux joyau d'architecture
normande. L'église de Saint-André d'Hébertot, enclavée dans le parc et les
jardins du château, était jadis desservie par un prieur-curé comme la
chapelle de Saint-Arnoult-sur-Touques. Elle offre un curieux spécimen du
style roman. Avant la tourmente révolutionnaire, elle renfermait les
tombeaux de la famille de Nollent; cet édifice a été, il y a quelques
années, l'objet d'importantes réparations. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures des bâtiments des communs
: inscription par arrêté du 7 juillet 1948. Les açades et les couvertures du
château, les douves, le parterre à la française : classement par arrêté du 2
mai 1961. (2)
château d'Hébertot 14130 Saint-André-d'Hébertot, tel. 02 31 64 12 33,
propose la location de chambres d'hôtes.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement
Monsieur Bernard Drarvé pour les photos qu'il nous a adressées afin
d'illustrer cet historique.
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