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Quand on quitte Pont-l'Eveque par la route de
Lisieux en face du Palais de Justice, on arrive bientôt au vieux hameau du
Poirier de Chio, où se trouvait autrefois, dit-on, une statue de la
Sainte-Vierge rapportée de la croisade. Là on rencontre, à droite, la route
de Cambremer. Après avoir fait quelques kilomètres, dans le premier des
vallons, apparaît l'église de Saint-Hymer avec ses anciens bâtiments
claustraux, tandis qu'un peu plus loin, au nord-ouest, sur une éminence qui
sépare les deux petites vallées de Valsemey et de Clarbec, s'élève le
château de Gassart. Ainsi placé, cet édifice, dont nous allons en peu de
mots retracer l'histoire, domine la vallée inférieure de l'Ivie, et
l'altitude du mamelon où il est situé laisse apercevoir en avant la grande
vallée de la Touques et ses coteaux de l'est: Saint-Julien-sur-Calonne, puis
Hébertot, Surville, le Vieux-Bourg, dominés par la forêt de Touques et le
château de Drumare qui s'élève juste en face de celui de Gassart. Le château
actuel, qui paraît dater du règne de Louis XIII, a certainement remplacé une
construction beaucoup plus ancienne, car il existe encore, formant le
pavillon nord, une vieille chapelle en pierres et petites briques dont
l'emploi remonte à une époque reculée. Outre cette chapelle, les seigneurs
de Gassart obtinrent, en 1635, une autre chapelle dans l'église même de
Saint-H ymer, où on en voit encore actuellement l'emplacement. Gassart a
été, dans le troisième quart du XIXe siècle, l'objet de très importantes
restaurations intérieures et extérieures, qui, loin d'en changer le
caractère, ont redonné à ce vieux monument l'aspect qu'il avait autrefois.
Le château est entouré d'une futaie d'arbres séculaires de toute beauté, et
d'eaux vives, les plus belles des environs.
L'histoire des seigneurs de Gassart est intimement liée à celle du Prieuré
de Saint-Hymer, son voisin, relevant de l'ancienne et célèbre abbaye du
Bec-Hellouin. Vers 1680, nous trouvons sur la paroisse de Saint-Hymer, outre
le fief de la Flammanguerie, qui appartenait au prieuré et possédait une
carrière dont on a tiré, au XVe siècle, des pierres pour la construction de
l'église de Pont-l'Évêque, trois autres fiefs: Gassart, huitième de fief de
haubert; la Fontaine, tiers de demi-fief de chevalier, et le fief
Ymer-Allain, communément appelé Myrallan: ces trois derniers appartenaient,
à cette époque, au seigneur de Gassart, possesseur, en outre, du fief
Dasnières sur la paroisse voisine de Pierrefite. La terre de Gassart est
certainement fort ancienne; mais nous ne trouvons pas mention de ses
seigneurs dans notre histoire locale avant le milieu du XVe siècle, et
encore n est-ce que d'une façon indirecte. C'est Montfaut, l'auteur de la
célèbre recherche de la noblesse de ces temps, qui nous la fournit en
maintenant noble, à Rumesnil, Philippe Goulaffre: il en résulte qu'alors le
château de Gassart, déjà possédé par cette famille Goulaffre, devait être
inhabité. Mais au siècle suivant, lors de la recherche par les élus de
Lisieux, en 1540, nous trouvons à Saint-Hymer, Guillaume Goulaffre et son
frère Jacques, descendus de Hue Goulaffre, seigneur de Gassart, qui avait,
le 22 décembre 1341, reçu des lettres de Jean de France, duc de Normandie,
lettres que ses descendants représentèrent alors. Nous ignorons par quelle
voie, alliance ou acquisition, la terre de Gassart était entrée dans cette
famille Goulaffre, fort ancienne d'ailleurs, puisqu'un de ses membres,
Guillaume 1er, prit part à la conquête d'Angleterre, en 1066.
Mais déjà, Roger 1er Goulaffre, vivant en 1050 et 1074, vraisemblablement
père de ce Guillaume, était seigneur de la paroisse du
Mesnil-Bernard-en-Ouche (diocèse de Lisieux) et y avait fait de nombreux
dons à l'abbaye voisine de Saint-Evroult. Cette paroisse prit, dès lors, le
nom de la Goulafrière, qu'elle a conservé. Nous trouvons ensuite Osmond,
Roger II, Renauld, Raoul-Guillaume II et Gauthier Goulaffre, ce dernier
vivant en 1307, tous successivement seigneurs de la Goulafrière. Au XVIe
siècle, cette terre appartenait à la famille Le Cornu. Le 7 décembre 1414,
par contrat passé au Sap, Robine Goulaffre épousa Jehan 1er de Mallevoue,
escuyer, seigneur et patron de Saint-Germain-d'Aulnay. Comme nous l'avons
dit, la branche de la famille Goulaffre, établie à Gassart, s'y trouvait
encore en 1540; mais le moment approchait où elle allait céder sa place à un
nom nouveau, et ce nom était d'ailleurs loin d'être inconnu et d'elle-même
et des annales normandes. Nous trouvons, en effet, dès le milieu du XVe
siècle, Jacqueline Goulaffre, mariée à Pierre 1er des Hays; car c'est cette
famille des Hays qui possèdait encore Gassart à la fin du XIXe siècle. Et
c'est par le mariage, constaté par un contrat du 14 septembre 1556 que
possède la famille, de Jacques II des Hays, escuyer, seigneur de la chapelle
Yvon, avec Jeanne Goulaffre, fille de Guillaume, l'un des maintenus de 1540,
que la terre de Gassart est entrée dans cette nouvelle famille: Jacques II
des Hays avait pour trisaïeux Pierre 1er et Jacqueline Goulaffre. Ce nom de
des Hays est illustre et anciennement connu dans les fastes de la province.
Après le comte Roger des Hays accompagnant Philippe-Auguste en Normandie,
nous trouvons Guillaume 1er des Hays, appartenant à cet antique lignage
chevaleresque, habitant en 1321 aux environs d'Orbec; Robert, son frère,
était alors prieur de la Madeleine de Rouen.
Au milieu du XVIe siècle, la famille des Hays se partage en quatre branches:
l'aînée, celle des seigneurs de la Cauvinière, puis barons de Forval, vient
tout récemment de s'éteindre; la seconde, dont Jacques Il et Jeanne
Goulaffre furent les auteurs, existe encore à la fin du XIXe siècle; nous
allons la retrouver plus loin; quant aux branches de Launay et de Chiffretot,
qui ont produit de nombreux chevaliers de Saint-Louis, elles sont éteintes.
Cette seconde branche, dite de Gassart, est représentée par Raymond-Jules,
comte des Hays de Gassart, qui a rendu au château son ancien aspect, et par
son frère, le vicomte Didier de Gassart, ancien guide pontifical en 1860,
issus au Xe degré de Jeanne Goulaffre. Cette branche a pris ses alliances
notamment dans les familles de Mal herbe, de Nocey (seigneurs de la paroisse
voisine du Torquesne), le Gallois, Onfroy, Gaspard, de Foucque de la
Pillette, de Cacqueray, de Belleau de Courtonne, de Labbey, de Grimoult du
Plessis, maison illustre, de Saint-Léger, de Puységur et de la
Rivière-Pré-d'Auge. Quant aux nombreuses filles des seigneurs de Gassart de
la maison des Hays, du moins celles que nous connaissons, elles sont entrées
dans les familles de Pellegars-Malhortic, du Crottay de Clyenville, de
Bonnechose, de Bouquetot, de Brevedent-Saint-Nicol, Le Sepvrey des Aulnées,
de Bellemare Saint-Cyr et de Labbey de Druval, noms tous bien connus parmi
la vieille noblesse normande. Les seigneurs de Gassart habitaient leur
château quand ils ne servaient pas avec distinction dans les armées de nos
rois pour la gloire de leur pays.
Notons ici une particularité intéressante: Il a suffi du séjour de François
Sébastien IV des Hays, vers 1745, à un manoir situé à Saint-Samson-en-Auge,
qu'il tenait de Thérèse Onfroy, sa mère, pour que ce lieu prît dès lors le
nom de Gassart qu'il porte encore actuellement. Lors de la tourmente
révolutionnaire, le château de Gassart fut épargné; mais, en même temps que
le gouvernement faisait vendre en détail la seigneurie de Clarbec dont
l'importance égalait celle de Gassart et qui avait été acquise, avec tous
ses droits, des Borel comtes de Clarbec, la municipalité de Saint-Hymer
s'emparait de tous les titres et portraits de famille de M. de Gassart et
les brûlait publiquement; il ne resta que le procès-verbal de cet autodafé,
et le mandataire de Gassart en reçut copie. On ne saurait trop déplorer un
tel procédé, qui a privé complètement l'histoire locale de ressources et de
documents sans doute fort précieux. Pareille chose, mais sur un autre
théâtre, eut alors lieu pour l'antique abbaye voisine du Val-Richer. On
racontait encore, au milieu du XIXe siècle, qu'une forge des environs fut
chauffée pendant plus de six mois avec les livres de la bibliothèque du
monastère. De pareils actes étonnent profondément, surtout en Normandie, le
"Pays de sapience" et aussi de bon sens par excellence. (1)
château de Gassart 14130 Saint-Hymer, propriété privée, ne se visite pas.
Notons qu'i fut pillé pendant la deuxième guerre mondiale et privé ainsi de
son ancien mobilier...
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