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Le
10 octobre 1599 le manoir sieurial de Trouville-sur-la-mer était en fête. On
y signait le ce traité de mariage d'Ysabeau de Nollent, fille d'Hélie de
Nollent, escuyer, seigneur et patron de la paroisse Saint-Jean de Trouville,
et de Jehanne de Harcourt avec François Le Paulmier, seigneur de Méautrix.
Avant de parler du château, qui a remplacé depuis longtemps le manoir dont
il est ici question, disons quelques mots des Nollent et de la terre de
Trouville. Le premier de cette famille qui paraît dans les annales normandes
est Raoul de Nollent, dont le fils Guillaume, mari d'Isabelle de
Tancarville, de l'illustre famille des connétables héréditaires de
Normandie, testa l'an 1070. Il ne paraît pas y avoir communauté d'origine
entre cette maison de Nollent qu'on trouve d'abord en Haute-Normandie, et
les Nollent, seigneurs de Bombanville et Saint-Contest en Basse-Normandie,
dont la "Maison des Gens d'Armes", à Caen, évoque le souvenir. Les deux
familles portent du reste; bien que cela ne soit pas une preuve très
concluante, des armes absolument distinctes. L'ancienne paroisse de
Trouville comprenait autrefois, outre la vavassorie de Monceaulx, devenue
Estimauville, deux fiefs qui se partageaient inégalement son territoire avec
le droit de présenter alternativement à la cure de Saint-Jean, l'église
d'alors, actuellement la chapelle de l'hospice de la ville moderne. Ces deux
fiefs, Fatouville, demi-fief de haubert, et Mailloc, tiers de fief, se
trouvèrent plus tard réunis dans une même main, celle des Nollent. En 1292,
le premier appartenait à Guillaume de Beaumouchel, ecuyer. Le manoir passa
ensuite par alliance dans les familles de Prestreval et de Bellengerville.
Quant à Mailloc, il resta, jusqu'à la fin du XIVe siècle, dans la famille de
ce nom, établie à Mailloc, près Orbec, puis il fut aux Franqueville, aux
Vipard et aux Grente qui possédaient aux environs Villerville et
Saint-Pierre-Azif; Jeh an Grente en rendit, vers 1560, aveu au roi.
A la fin du XVIe siècle, Mailloc fut acheté par les Nollent qui, en 1656,
obtinrent des lettres d'union des deux fiefs sous le nom de Trouville, déjà
antérieurement porté par celui de Fatouville, qu'ils possédaient depuis
longtemps. Robert de Nollent, dit Taupin, issu au neuvième degré de Raoul,
dont nous avons parlé, était devenu seigneur de Fatouville par son mariage
en secondes noces avec Jehanne de Bellengerville, qui en était héritière,
vers 1420. C'est alors que ce fief; il y en avait un autre du même nom à
Hébertot, également aux Nollent, prit le nom de Trouville qu'il a conservé.
Robert de Nollent et sa femme devinrent la tige d'une branche des plus
importantes de cette famille. A partir de leur petit-fils, Olivier de
Nollent, chevalier, seigneur de Trouville, cette branche se divise en trois
rameaux. L'aîné reste à Trouville en la personne d'Hélie, qui figure en tête
de ces lignes; le second s'établit à Hébertot; nous le retrouverons plus
loin et aussi en faisant l'histoire de son magnifique château. Quant au
dernier, celui du seigneur de Couillarville en Haute-Normandie, il devait,
deux cents ans plus tard, hériter de ses aînés. De son mariage avec Jehanne
d'Harcourt, née de l'illustre maison normande dont l'histoire est le plus
riche des nobiliaires de la province, Hélie de Nollent eut un fils, Robert,
seigneur de Trouville, à qui est peut-être due la construction du château
actuel et qui depuis obtint les lettres d'union de 1656. Il fut l'aïeul de
Georges de Nollent, époux de Marie de Grieu, puis de Barbe de Crosville.
Celle-ci lui donna pour unique héritière de ses magnifiques domaines,
Marie-Madeleine-Angélique de Nollent, qui porta en mariage, en 1698, la
terre de Trouville à Jean de Nollent, son cousin au dixième degré, seigneur
et marquis d'Hébertot.
Mais, de même que la terre de Trouville venait de passer dans une nouvelle
branche de la famille de Nollent, elle devait, par une seconde alliance, en
sortir pour aller à une maison illustre, mais étrangère et à Trouville et à
la Normandie elle-même. En effet, le marquis et la marquise de
Nollent-Hébertot n'eurent, eux aussi, qu'une fille. Il fallait un grand nom
et une noble alliance à Françoise-Marthe-Angélique de Nollent, dame de
Trouville et Hébertot; aussi épousa-t-elle, le 4 avril 1729, Henri-François
de Paule Daguesseau, fils aîné du chancelier de France. C'est dans le
Beauvaisis qu'il faut chercher le berceau de la famille d'Aguesseau. Elle
fut anoblie seulement en 1597, en François Daguesseau, seigneur de Puiseux,
échevin d'Amiens, qui eut pour cinquième descendant Henri-François
Daguesseau, seigneur de Fresnes, chancelier de France le 2 février 1717,
mari d'Anne Le Fevre d'Ormesson. Henri-François de Paule Daguesseau et
Françoise-Marthe-Angélique de Nollent n'eurent pas d'enfants, et celle-ci
mourut, le 29 décembre 1784, après vingt années de veuvage. Sa succession
alla à de très nombreux collatéraux qui tous cédèrent leurs droits à
Nicolas-Jacques de Nollent, marquis de Couillarville, déjà possesseur de la
majeure partie de la terre de Trouville, achetée en 1783 à Madame Daguesseau,
moyennant 3038 livres de rente. Ce fut le marquis de Nollent qui vendit, en
1791, à M. Pimbert, la terre et le château. Après avoir successivement
appartenu au comte du Val d'Angoville, à M. Vallée, à la famille de Varin,
au prince Murat, à M. Biesta, directeur du Comptoir national d'Escompte de
Paris, le domaine appartenait à la fin du XIXe siècle à Madame Monrival,
veuve du colonel Monrival. Madame Monrival a réuni à la terre de Trouville
le manoir de L'Épiney, ancienne possession de la famille de Nollent. (1)
Sur les hauteurs à l'Est de Trouville, l'entrée du château s'ouvre dans un
virage de la D 74 qui emprunte ici l'ancienne allée venue du vallon de
Callanville. La grille d'entrée est gardée d'un élégant pavillon du XIXe
siècle en pierres calcaires et briques blanches et rouges. Le château et son
parc ne se devinent guère de la route. Ils sont masqués par des boisements,
des murs et, derrière la grille, par une palissade de verdure d'ifs taillés
percés de trois arcades étroites. Passé cet écran, la partie supérieure du
parc se découvre sur le sommet d'une colline orientée ouest-est, en légère
pente. Dans l'axe du château, un boulingrin, souligné de deux bordures de
buis, s'étend derrière la palissade de verdure. Il est flanqué de deux
pelouses semi-circulaires reconstituant ainsi le grand rond de la cour
d'honneur. Sur celle de droite, un magnifique hêtre pourpre centenaire
voisine avec un séquoia giganteum de toute beauté. Si, de ce côté, le
château semble de taille modeste il n'en est pas moins d'une rare élégance.
Sa haute toiture à croupes d'ardoises bleues surmonte une façade de briques
rouges animée de chaînages et de trois travées d'ouvertures en pierres
calcaires. Elles se prolongent sur le toit par de belles lucarnes à
frontons. La demeure occupe le sommet du versant sud de la colline. De
chaque côté, une allée terrasse est longée d'un muret de pierre surmontant
la pente. Des topiaires d'ifs en cônes, entourés de bordures de buis,
ponctuent la promenade. De là, la vue est superbe sur les jardins installés
dans la pente et, au loin, la vallée de la Touques.
Vers l'est, des pelouses traversées d'allées s'étendent devant une grande
bâtisse de deux ailes en pierres encadrant un imposant pavillon central en
briques. Une allée bordée de vieux tilleuls taillés courts conduit vers les
écuries du Prince Murat. C'est un vaste bâtiment en U, en briques rouges
chaîné de pierre. Des fenêtres de toit ont été ouvertes dans le brisis du
comble à la Mansart qui le coiffe. Le fronton du portail central est
toujours surmonté de l'aigle impérial. A l'arrière, un boisement de feuillus
le cache aux regards depuis la route. Vers le sud, dans la pente, trois
jardins entourés de murs s'étendent. En haut, la grande serre longe le mur
supérieur. Plus bas, un bassin circulaire est disposé dans l'axe de l'ancien
potager. En dessous, le second enclos est celui du verger où un autre bassin
répond au premier.
La limite sud de la propriété est longée par une piste d'entraînement de
chevaux. D'en bas, la vue est magnifique vers les pentes en herbe plantées
de jeunes érables et peupliers. Des arbres anciens, isolés ou en bosquets,
parsèment encore les pentes : chênes, érables, tilleuls, conifères... et un
superbe cèdre bleu. Un boisement de chênes dissimule un plan d'eau
circulaire entouré de buis taillés. Plus loin, la pièce d'eau centrale a été
recréée dans l'axe du château. De cet endroit, la demeure paraît plus
imposante avec un niveau supplémentaire gagné dans la pente. La façade de
briques, légèrement dissymétrique, repose sur un sous-bassement en pierre.
Les jardins, enclos par des charmilles taillées ou des haies de saules,
s’étagent vers la demeure, en trois degrés, reliés par des escaliers. Des
ifs et des buis, taillés en boules de différentes grosseurs, forment de
véritables compositions paysagères au pied du château. Vers l’ouest,
l’espace devient plus naturel avec des prairies entrecoupées de boisements.
A l’ouest, dans le prolongement du château, une terrasse accueille un
charmant jardin plus intimiste. Clos d’un mur habillé de végétation et d’un
muret, il est bordé d’ifs taillés en cônes alternés avec des massifs de
lavande. Un bassin circulaire, que deux angelots contemplent, se découpe
dans la pelouse…
Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château, la terrasse
et son mur de soutènement; les façades et les toitures des écuries ; le parc
et la grande serre : inscription par arrêté du 24 février 1995. (2)
château d'Aguesseau 14360 Trouville-sur-Mer, propriété privée, visitable
pour les journées du patrimoine. En 1940, le château est occupé par les
troupes allemandes qui mettent à mal la propriété. Le château est pillé, le
plan d'eau comblé, la terrasse et le jardin détruits. Le château est vendu
en 1949 et les propriétaires s'efforcent de lui redonner son lustre d'antan.
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