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Château de Vire (Calvados)
 
 

  Deux pans de murs se dressant fièrement sur une petite éminence rocheuse, à l'extrémité d'une quadruple rangée de beaux tilleuls, et dominant, d'un côté la ville, de l'autre la charmante vallée bien connue sous le nom de Vaux de Vire: voilà ce qui reste du donjon de Vire. La ville, sous la forme d'un quadrilatère peu régulier, s'étendait dans le nord et le nord-est du château, sur le versant méridional d'une colline, dont elle couronnait la crête vers le nord. D'épaisses murailles, défendues aux angles par six grosses tours à mâchicoulis, formaient, derrière de larges et profonds fossés, son enceinte continue sur un développement de près de 700 mètres. Six autres tours, plus fortes encore, flanquaient deux à deux les trois portes principales, munies d'un appareil imposant de herses et de ponts-levis. La porte de Saint-Jean s'ouvrait au nord, sur la route d'Avranches, Coutances et Saint-Lô. Celle de l'Horloge et, un peu plus bas, celle de Saint-Sauveur correspondaient à l'est aux chemins de Caen, Falaise, Domfront, etc. Deux boulevards (c'est-à-dire deux bastions) couvraient, au delà du fossé, vers l'est, la porte Saint-Sauveur. Une quatrième porte, la Porte Neuve, au midi, n'offrait pour toute défense qu'un simple pont-levis et une contre-garde à l'ouest. Un chemin de ronde, dit le Chemin du Chariot, de trois mètres environ, régnait intérieurement au pied du rempart. Trois rues principales, partant des trois grandes portes, venaient se réunir à la vaste place de l'église, en face de l'entrée du château, dont l'enceinte propre se rattachait, par les points Est et Ouest de sa courtine septentrionale, à l'enceinte de la ville.
Un promontoire aigu de granit et de gneiss, s'élevant abrupte au-dessus de la vallée creuse et tournante de la Vire, servait de base au château. Son enceinte extérieure, terminée au midi par le donjon, munie à l'est et à l'ouest de quatre tours et de mâchicoulis, en couronnait tous les escarpements, et semblait inaccessible, hormis vers le nord, où s'unissait au plateau inférieur de la ville, la pointe rocheuse sur laquelle il était assis. Aussi était-ce de ce côté que les défenses avaient été le plus multipliées. Une haute et puissante muraille, flanquée de quatre tours, et un fossé profond séparaient d'abord de la ville et protégeaient une première cour intérieure; une seconde muraille, avec un second fossé creusé dans le roc vif, séparait ensuite de la première et protégeait une seconde cour, au fond de laquelle, sur un roc pyramidal, s'élevait enfin le donjon. La porte extérieure, avec un guichet latéral (fait assez rare dans les constructions de cette époque, 1123), s'ouvrait au nord entre les deux tours centrales, de plus de 6 pieds d'élévation, revêtues de pierre de taille de granit, et si bien cimentées qu'on ne put les démolir (en 1630) qu'à la pointe du marteau; elle était d'ailleurs, comme celle de la deuxième cour et du donjon, armée de pont-levis et de puissantes herses. La première cour renfermait quelques logements pour la garnison; la seconde, avec celui du gouverneur, une petite chapelle entre les deux tours de l'ouest, et dans celle de l'est un puits qui ne tarissait jamais.
Le donjon, fort remarquable, formait un carré parfait de 40 pieds de côté, avec deux légers contreforts à chaque angle. Ses murs, d'une épaisseur moyenne de 7 à 8 pieds, coulés en bain de chaux dans un revêtement irrégulier de granit et de micaschiste, recelaient les escaliers, depuis le premier jusqu'au troisième et dernier étage. Ici régnait dans tout son pourtour une galerie extérieure de mâchicoulis, obtenue par un retrait sur l'épaisseur du mur, et l'établissement en saillie de consoles festonnées de granit, innovation heureuse dans le système de défense, dont les forteresses du XIIe siècle semblent offrir les premiers exemples. Les deux pans de murs sud et ouest, seuls encore aujourd'hui subsistants, offrent à l'observateur plusieurs de ces ouvertures cylindriques de quelques pouces de diamètre, dont l'usage ne semble pas bien connu, et qui les traversent dans toute leur épaisseur; quelques cheminées, dont une énorme au premier étage paraît devoir caractériser la salle d armes; quelques fenêtres enfin, ou carrées ou légèrement arquées, plus étroites toutefois aux étages supérieurs. Certaines parties, mieux traitées ont fait croire que la chambre d'honneur occupait le deuxième, circonstances communes à plusieurs forteresses contemporaines. A l'ouest, de longues et étroites verges de cheminées couronnaient l'édifice, dont la hauteur totale, au-dessus de l'esplanade, ne devait pas être moindre de 130 à 140 pieds.
A partir de celle des tours de la ville la plus rapprochée du château vers l'est, et presque parallèlement à son parapet oriental, s'étendait du nord au midi, jusqu'au delà d'une chapelle bâtie au XIVe siècle à l'est et au-dessous du donjon (chapelle Saint-Maur ou aux Payens, élevée, en 1348, par Nicolas Payen), une grosse muraille crénelée, qui complétait ainsi la défense commune. L'enceinte fortifiée qu'elle fermait au-dessous du château, se nommait le château de bas. Son fossé n'était séparé que par une étroite chaussée de la longue retenue d'eau des Moulins du Roi, traversée et alimentée par la Vire, dont les eaux, se brisant ensuite de chute en chute sous la pointe et le revers occidental du roc qui supportait le château, couraient arroser le pittoresque vallon des Vaux de Vire, et le moulin poétique auquel la voix populaire a conservé le nom de Basselin. Le château de Vire resta à peu près tel qu'il est décrit plus haut jusqu'en 1630. C'est le 20 avril 1630, que, sur les ordres de Richelieu, "qui développait et exécutait son système de nivellement féodal" fut commencée la démolition du château de Vire. Un curieux tableau, peint, en 1655, sur un panneau de l'hôtel Valhébert, nous montre en quel état se trouvaient les ruines du château et du donjon au milieu du XVIIe siècle. En 1696, dit encore M. Dubourg d'Isigny, un calvaire s'éleva sous l'abri du donjon mutilé: bientôt de premiers travaux de redressement furent entrepris pour en faciliter l'accès aux pèlerins. Il a subsisté jusqu'en 1793, et ce furent des mains étrangères à la ville (l'armée dite de Sépher qui passa à Vire le 9 novembre 1793) qui préludèrent à sa destruction.
Dans la nuit du 22 au 23 novembre 1802, ce qui restait encore du pan oriental du donjon, s'écroula dans une tempête avec une portion de celui du midi, laissant apparaître, encore aujourd'hui, dans les contours de la déchirure du rocher, le profil gigantesque de Henri IV. Dès auparavant des travaux trop brusquement exécutés peut-être, pour l'élargissement et le nivellement de la promenade charmante qui l'entoure, l'avaient fortement ébranlé. De nouveaux accidents, quelques tentatives de démolition et les années n'avaient fait qu'ajouter à son dépérissement, quand, en 1824, M. Huillard d'Aigneaux, maire de la ville le sauva d'une ruine imminente, par une habile consolidation. C'est à son administration, aussi sage qu'éclairée, comme l'est celle de tous les amis des arts et de l'histoire nationale, que Vire a dû la conservation d'un monument vénérable, autour duquel se groupent tant de souvenirs. A quelle date faut-il faire remonter la fondation du château de Vire? On ne saurait le dire exactement. Tout ce qu'on sait, d'une façon certaine, c'est qu'en 1123, Henri 1er d'Angleterre, " maître absolu de la Normandie depuis la bataille de Tinchebray, et voulant s'en rendre la défense et la conservation plus faciles contre les entreprises des Normands prêts à se révolter, augmenta; comme il fit en même temps pour presque tous les châteaux normands, et environna d'une enceinte inexpugnable le château de Vire. Mais si Henri 1er augmenta le château, il ne le créa pas. Donc, il faut faire remonter, au moins avant le XIIe siècle, la fondation du château de Vire. Le donjon aurait été ajouté par Henri 1er d'Angleterre, après la bataille de Tinchebray.
Les souvenirs historiques qui se rattachent aux ruines du vieux donjon de Vire, ne pas. Vers 1150, Henri II d'Angleterre le concéda à Radulph II, comte de Chester, avec les meilleurs et les plus libres droits qu'y avaient exercés ses prédécesseurs. On signale la présence de Jean Sans Terre au moins quatre fois au château de Vire, le 13 décembre 1199, le 11 mars 1201, le 11 avril 1203, huit jours seulement après qu'il eut poignardé de sa propre main son neveu Arthur, à Rouen, et enfin du 21 au 23 décembre de la même année, avant qu'il s'embarquât à Barfleur, et quittât pour jamais la Normandie. Philippe-Auguste confisqua, comme on sait, toutes les possessions de Jean Sans Terre. Après la bataille de Poitiers (1359), le roi Jean, captif, avait, dans le traité de Londres, que refusèrent de ratifier les Etats Généraux, consenti pour sa rançon à la remise, à titre de gage, de la ville et du château de Vire. Charles V (13 juillet 1367) fit remise à ses "bien aimés bourgeois, habitants de la ville de Vire d'une partie de leurs impositions extraordinaires, pour les aider à subvenir aux grandes dépenses qu'ils avaient faites ce pour la fortification de ladite ville et pour aider à la garder". En 1368, au mois de juillet ou d'août, une soixantaine d'Anglais, "habillés comme gens de village", s'emparèrent par surprise de la ville de Vire, "mais ils ne prinrent pas le chastel". Est-ce au château de Vire, comme l'ont affirmé plusieurs historiens, que Duguesclin conçut en 1370, son plan d'opérations qui devait aboutir à l'écrasement des Anglais, à Pontvallain? Est-ce au château de Vire que l'illustre connétable reçut le défi de sir Thomas Grandson, et qu'il s'écria dans sa superbe colère: "Je ne mangerai qu'une fois avant d'avoir vu les Anglais. Ils me verront et ma bannière, puisqu'ils la désirent, et plus tôt que besoin ne leur fût" ? Enfin est-ce du château de Vire qu'il est parti, à la nuit tombante, pour arriver le lendemain à Pontvallain?
D'après Lobineau, Morice, Guyard de Berville, etc., l'armée de Duguesclin avait fait le trajet de Vire à Pontvallain, c'est-à-dire plus de trente-six lieues, en moins de seize heures et cela par une nuit pluvieuse d'hiver. Il y a certainement ici une confusion de lieux, qui parait à bon droit, inexplicable à M. Dubourg d'Isigny, et qui pourrait s'expliquer selon nous, quoi qu'en dise le savant archéologue, si l'on admet que les historiens ont confondu Vire en Basse-Normandie avec Viré, à huit lieues ouest du Mans et à dix lieues nord-ouest de Pontvallain. Après la bataille d'Azincourt, Vire, comme les autres places de la Basse-Normandie, tomba au pouvoir des Anglais; elle dut se rendre. le 21 février 1418. En 1436, sous la conduite de Boschier, les campagnes viroises se révoltèrent contre leurs oppresseurs; mais ces vaillants patriotes furent écrasés à Saint-Sever, à quelques lieues de Vire, et perdirent, si l'on en croit l'historien Thomas Basin, quatre ou cinq mille hommes. Heureusement la victoire de Formigny délivra la Normandie. Henry de Norbery, capitaine du château de Vire, fut fait prisonnier dans cette mémorable journée, et ce qui restait de la garnison anglaise au château de Vire dut se rendre le 26 août 450. Au XVIe siècle, pendant les guerres de religion, Montgommery, à la tête de ses troupes protestantes, après s'être emparé, vers les derniers jours de mai 1662, de l'église Notre-Dame et du couvent des Cordeliers, dévasta et pilla ces deux monuments. Le 31 juillet, trois des lieutenants de Montgommery, Avaisnes, La Motte-Thibergeau et Deschamps, surprirent la ville, sur le soir, et l'enlevèrent, ainsi que le château, au gouverneur Juvigny.
Le 6 septembre, la ville et le château de Vire furent repris aux protestants, après une lutte acharnée de quatre jours, par le duc d'Étampes, auquel s'étaient réunis le grand prieur Sébastien de Luxembourg et Matignon. Vire fut repris, le 12 février 1563, par Montgommery, qui dut la remettre cinq semaines après au roi, après la publication de la paix d'Amboise. Cette ville fut une dernière fois reprise, par Montgommery le 1er septembre 1568. Les églises furent de nouveau pillées, le couvent des Cordeliers incendié, et cinq religieux égorgés. Pendant les troubles de la Ligue, Vire demeura dévoué au roi. Le gouverneur de Vire était Louis de Bordeaux, qui tenait fidèlement pour Henri IV. C'est lui qui fit élever, contre les entreprises des ligueurs, le retranchement du château de bas. En 1630, comme nous l'avons déjà dit, le château de Vire fut démoli par ordre de Richelieu. "L'antique ruine n'offre plus maintenant à l'œil qui l'examine, qu'une sauvage empreinte, un sceau de vétusté qui conserve à ces lieux un air de majesté. Aussi, quoique désert, bien souvent le poète revient, ô vieux Donjon, épris de ta retraite, quand le soleil du soir enflamme tes créneaux, sur ta ruine assis, rêver au bruit des eaux; et cherche encore, autour de tes murs poétiques, les inspirations des souvenirs antiques" (Dubourg d'Isigny). (1)

Éléments protégés MH : le donjon (ruines) : classement par arrêté du 10 février 1913 (2)

château de Vire 14500 Vire, propriété de la commune, visite des extérieurs. Aujourd'hui, il reste une des façades avec ses puissants contreforts plats et ses trois niveaux.

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(1)
    source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Calvados) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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