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En vous
dirigeant vers le sud de La Rochefoucauld à Bunzac, voire à Chazelles, vous
ne manquerez pas d'apercevoir un édifice imposant perché sur la hauteur. L'Age-bâton
ou L'Age-baston occupe en effet une position stratégique et a une vue
dominante sur la ville de La Rochefoucauld, sur le château ducal et sur les
méandres de la Tardoire qui se tortille à ses pieds. Construit comme son
puissant voisin sur le karst calcaire, son périmètre a fait l'objet de
pionnières études topographiques au XVIe siècle. En effet, Elie Vinet érudit
humaniste barbezilien, principal du collège de Guyenne à Bordeaux, est l'ami
du "premier président Lagebaston" (qui vit à Montignac et non à Saint-Projet).
Le savant fera la relation du "gouffre sous l'âgebâton". En observant cette
trace des caprices préhistoriques de La Tardoire, il a du s'interroger sur
la présence humaine sur le site. L'Homme semble avoir occupé l'endroit très
tôt, mais les quelques silex taillés, grattoirs, etc. qu'on lui prête n'ont
donné lieu à aucune recherche systématique. Aucune fouille n'a été rendue
publique à notre connaissance. La première bâtisse édifiée sur ce pont haut
devrait remonter aux XIVe-XVe siècles; le fief féodal est en effet mentionné
dès 1309, comme appartenant au Baron de La Rochefoucauld. Sans en connaître
la date précise, on observe quelques pierres et linteaux, réemployés ici ou
là dans les constructions postérieures, qui comportent des moulures, des
accolades au gothique apparent. Faut-il par contre attribuer une porte basse
qui donne sur la cour à cette ère moyenâgeuse ou à la Renaissance? Cintrée
en tiers-point, avec clef et forts claveaux taillés, elle compte d'autres
ouvertures contemporaines à l'intérieur de l'édifice. Il en va de même pour
la structure défensive, habitée de la guerre de Cent Ans et qui servira
pendant les guerres de Religion. Elle est d'emblée repérable puisque le
porche d'entrée est surmonté d'une bretêche en encorbellement sur consoles,
formant mâchicoulis, à l'ouest.
L'édification d'un logis au XVIe siècle fait peu de doute: d'une part le
maître du lieu est riche et influent. Le fief lui a été concédé par son
suzerain rupificaldien en 1520; d'autre part nombreuses sont les pierres
isolées ou ouvertures encore en place biseautées de lourds chanfreins. Le
logis était important et semble avoir occupé les 3/4 de l'actuel long corps
d'habitation, exception faite de la partie Est. L'observation de
l'agencement intérieur, des cheminées comme des boiseries murales, et des
retouches extérieurs des façades, montre combien l'édification du XVIIe
siècle, le remaniement du XVIIIe siècle des ouvertures, la restauration du
XIXe s'imbriquent; ajoutez à cela les restes du XVIe siècle (ouvertures,
placards, pierres d'évier, petits pavés) que l'on distingue, mais qui
interférent et vous aurez une idée des chevauchements architecturaux. Il
nous est donné aujourd'hui d'admirer une belle symétrie: un imposant
bâtiment central flanqué de deux pavillons carrés; s'ajoute à cet ensemble
équilibré une construction basse, XIXe siècle à destination agricole, ainsi
qu'un porche de pierre monumental à l'est. Au pied de la façade nord est
implantée une large terrasse, encadrée de balustres en pierre, sur laquelle
descend un double escalier. En sous-sol, un petit cellier présente une
curieuse position intermédiaire entre le rez-de-chaussée et deux caves
voûtées. Le pigeonnier, élément patrimonial traduisant les anciens droits
seigneuriaux, est hors les murs. De section carrée, il est doté d'une
toiture à quatre pans couverte de tuiles plates, surmonté d'une esthétique
petite coiffe caractéristique de nombreuses fuies périgourdines; cela laisse
penser que les bâtisseurs sont venus de la Dordogne voisine. La ceinture de
pierre est ourlée d'un larmier concave devant décourager les prédateurs, et
servant de piste d'envole. Construit probablement au XVIIe siècle, donc
contemporain de la majeure partie du château, ses ouvertures sont intactes.
Positionné en losange, ce petit édifice est de plus agréables à l'œil. In
fine, nous devons sacrifier à l'inévitable évocation d'un souterrain,
relatée par beaucoup de personnes. Il relierait l'Age-bâton à La
Rochefoucauld, proche à vol d'oiseau et située sur la même rive gauche. Ce
qui pourrait être le départ est muré. Dans ce domaine, le flegme britannique
s'impose.
Pour l'Age-bâton, le XVIe siècle s'identifie à la famille Benoit (ou Benoist)
qui est la première propriétaire connue du fief concédé en 1520, par le
Comte de La Rochefoucauld, à Mathurin avocat au Présidial. Le plus célèbre
sera son fils Jacques, Benoist, maître des requêtes à Bordeaux, qui œuvrera
dans la répression de la "Révolte des Pitaux" en 1548. Devenu Premier
président du Parlement, il accueillera Catherine de Médicis, Régente, lors
de son entrée dans la capitale de la guyenne le 1er avril 1565. Diplomate
tolérant, catholique marié à une huguenote, il adoptera logiquement des
positions nuancées pendant les guerres de religion. Hommes de robe
humanistes, les Benoit possédaient de nombreuses terres en Angoumois et
tenaient tout l'arrière-fief de Montignac. Le XVIIe siècle est masqué par la
famille Pasquet, Aymeri Pasquet, fondateur de la branche de l'Age-Baston,
acquiert le domaine en 1606 de Charles Benoît. Ces calvinistes militants ont
influé sur l'histoire rupificaldienne puisque Henry, frère d'Aymeri, notaire
dans la Cité, est le fondateur du Temple. Ils n'habiteront pas toujours le
château mais s'associeront à d'autres riches huguenots tels les Odet des
Ombrais. Les XVIIIe et XIXe siècles verront une troisième famille Dulaud
(puis Du Lau) maîtresse du lieu. Noble, elle aura pour représentant à
l'Assemblée du Second Ordre d'Angoumois en mars 1789, le vicomte Louis du
Lau, seigneur de Lagebaton, major d'Infanterie, chevalier de Saint-Louis;
électeur, il y représentera la marquise de Montalembert. Louis Ferdinant du
Lau (1820-1900) cédera le château au comte Marie-Jules de Roffignac
(1845-1924). Il est facile de connaître les alliances, la généalogie de la
famille du Lau, comme celles de la famille de Roffignac; qui marquera le XXe
siècle et s'associera aux familles Marchais et d'Haucourt, en lisant sur les
pierres tombales du cimetière paroissial; les inscriptions réunies
constituent un livret d'histoire locale dont il faut tourner la page. L'Age-bâton
est récemment tombé dans l'escarcelle britannique, la guerre de Cent Ans n'a
pas eu lieu! L'observateur chaussée de pantoufles charentaises n'est pas
nécessairement gagné à ces modernités européennes. Force est de constater
après échanges communautaires que le flegmatique gentilhomme est amoureux
des pierres; sans se départir de son humour, il dit vouloir faire revivre la
demeure et sollicite finalement votre fair-play! (1)
château de l'Age Baston 16110 Saint-Projet-Saint-Constant, propriété
privée, ne se visite pas.
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de la photo par satellite:
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