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Dominant le vallon où coule par intermittence le
capricieux Bandiat, toisant "les ombrais" voisins, l'imposante bâtisse
construite sur le rocher de Saint-Constant a conservé son aspect austère et
défensif côté nord, mais devient lumineuse et accueillante dès que l'on
pénètre dans la cour qui s'ouvre sur le Midi. De cette terre, nous
connaissons la longue suite de propriétaires depuis la fin XIIIe siècle et
ce qui n'est pas si fréquent. Toutefois nous ne pensons pas devoir vous
infliger cette liste ininterrompue, mais plutôt extraite de cette saga les
phases saillantes. La logique toponymique voudrait d'abord que le Puy,
l'éminence, la hauteur, ait été originellement habitée par un Vidal... nous
ne l'avons pour l'instant pas rencontré! De ce fait, ce premier personnage
connu à avoir foulé le monticule devient Guiot David, écuyer, qui rend
hommage de Puyvidal à Hugues de Lusignan Comte de la Marche et d'Angoulême
en 1267. La famille noble Chafrais succédera par mariage, aux David. Le plus
connu est Pierre Chafrais, seigneur de Puyvidal en 1313, capitaine d'Aubeterre
en 1340, qui sert sous les ordres de Itier de Magnac sénéchal de Saintonge
au début de la guerre de Cent Ans. La marquise Chafrais augmentera le riche
patrimoine des célèbres Brémont d'Ars en épousant Guillaume II qui mourra à
Azincourt en 1415. Sa petite-fille Agnès de Brémont épousera Jacques de
Livron en 1456. Cette famille de vieille noblesse, originaire du Dauphiné,
s'est d'abord implantée en Limousin; un Bernard de Livron y est Sénéchal en
1236, avant de poser ses guêtres en rupificaldie à la fin du XVe siècle. Les
de Levron seront très tôt des adeptes du Calvinisme; ainsi en 1568 "Puyvidal",
gentilhomme protestant vassal du comte François III de La Rochefoucauld,
commande la place de Confolens avec 400 ou 500 huguenots lors de la
troisième guerre de religion qui précéda la Saint-Barthélémy.
En 1594, Jean de Livron est délégué à l'Assemblée protestante à Jonzac pour
l'élection d'un député du culte réformé. Au XVIIe siècle, les de Livron
ferraillent et participent aux folles épopées de la Fronde. En 1684, à la
veille de la révocation de l'Edit de Nantes, un "Jacques de Puyvidal" sert
comme Capitaine dans le célèbre régiment de Prémont (créé par Henri II)
alors que Pierre Foucaud cordonnier de Saint-Florentin s'y engage comme
homme de troupe. Le 11 mai 1723, François de Livron, chevalier de Puyvidal,
fut tué "au fusil" sur les bords du Bandiat, après avoir injurié et voulu
chasser des pêcheurs de grenouilles. À la veille de la Révolution Jean
Jaques Livron, garde du corps du roi Louis XVI est frère de la loge "Saint-Charles
d'Irlande" à l'est de La Rochefoucauld. Présent comme électeur de
l'Assemblée de la noblesse de l'Angoumois en mars 1789, il figurera sur les
listes d'émigrés en juin et novembre 1792. De ce fait, les biens d'Angoulême
(Saint Martial) et de Garat devenus nationaux appartenant à l'émigré "Livron
Puividal" seront vendus l'an III. En 1805 Elisabeth de Livron épousa Etienne
Rousseau de Magnac venant de la Mercerie (Magnac Lavalette). Les de Magnac
seront en 1852 à l'impérial repas servi à Angoulême lors de la venue du
Prince Président Louis Napoléon et vendront Puyvidal en 1908. Se succéderont
au XXe siècle les famille de Piot, Charon, Matour, Huerta et Rondinaud. Il
est intéressant de signaler que l'Ecole Saint-Paul s'est réfugiée à Puyvidal
en 1944 et que des officiers du camp américain de la Braconne y furent plus
tard locataires.
Sur ce lieu de mémoire, les siècles s'entremêlent, les restructurations se
chevauchent; les datations peuvent être partielles, profitables, tantôt
incertaines tantôt indiscutables. Les phases florissantes ont alterné avec
les périodes de disette. De la maison forte XIIIe-XIVe initiale des David/Chafrais,
reste la disposition quadrangulaire, typique, "exclusive des châteaux forts”
selon A. Châtelain trois des quatre tours d'angles subsistent, un pavillon
remplace la quatrième au nord-ouest. La haute tour ronde du nord-est,
autrefois découronnée, a retrouvé sa coiffe et sa belle fierté d'antan; la
petite tour du sud-est hier effondrée s'est relevée et a recouvré sa
fonction de pigeonnier. À l'allure féodale, portant quelques pierres
primitives érodées, la tour-donjon rectangulaire du sud-ouest est surmontée
d'un parapet sur consoles formant mâchicoulis; une cave voûtée contemporaine
est bâtie dans le roc qui la soutient. De ce quadrilatère moyenâgeux et
fortifié, jugé sombre et triste les de Livron garderont les parties
antérieures saines et les tours symboles de puissance. Les pierres seront
réutilisées pour édifier un long corps d'habitation, ajouré de fenêtres à
meneaux, dans la seconde moitié du XVe siècle. Dans le bâtiment occidental,
des ouvertures gothiques trilobées trahissent la chapelle intérieure.
La richesse des de Livron transparaît dans la sculpture de la pierre
provenant des carrières voisines de Libourne. Dans la cour, on admire l'art
délicat et raffiné des ciseleurs, fait de légèreté et d'élégance. Le corps
de logis du XVe siècle a de l'allure. La finesse se lit sur les décors de la
porte ogivée de la façade au midi; ces nervures, enrichies de pinacles,
encadrent l'ouverture, ornée également de crosses végétales. Ne peuvent être
ignorées les cheminées du corps de bâtiment principal dont les hautes
souches ont cinq mètres d'élévation au-dessus du tout; typiques dans la
contrée, elles ressemblent à des guettes effilées s'élançant dans le ciel.
Le pavillon carré s'est substitué en 1818 (pierre datée) à la tour d'angle
nord-est; cette mutation Coïncide avec la suppression, comme aux Ombrais,
réalisée sous la Restauration, du troisième étage. Mais la surprise nous est
venue de la découverte effectuée lors de récents travaux dans la salle
voûtée du pied de la grande tour. Sous une croûte protectrice, a été mise à
nu une bande de fresque monochrome ceinturant la pièce. Cette frise murale
de gens d'armes, prêts à repartir pour les croisades, avec écus et
bannières, est étonnante de fraîcheur: cette description hâtive mériterait
approfondissement. Sous Louis XVIII, les anciennes cheminées à hottes ont
été remplacées par de plus fines de style Empire-Restauration, changement
parmi d'autres dans une demeure saoule d'Histoire. Résultat d'un chantier
perpétuel, il reste à reconnaître, in fine, l'embellissement intervenu dans
la dernière période. La grisaille d'hier a fait place à une luminosité
retrouvée. (1)
Éléments protégés MH : le logis et les tours de défense en totalité:
inscription par arrêté du 18 septembre 2006.
château de Puyvidal 16110 Saint-Projet-Saint-Constant, propriété privée,
ne se visite pas.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous.
Nous remercions M. Vincent Tournaire, site
http://webtournaire.com/paramoteurparapente.htm,
pour les photos aériennes qu'il nous a adressées. (photos interdites à la
publication)
A voir sur cette page "châteaux
de la Charente" tous les châteaux répertoriés à ce
jour dans ce département. |
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