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Le château de Saint-Seurin était, jusqu'à la
Révolution, le siège de la seigneurie du même nom, mentionnée pour la
première fois en 1337. Avec elle, le château passe en plusieurs mains
successives aux XVe et XVIe siècles, notamment les familles d'Archiac et de
Montauzier. Le château aurait été construit à cette époque, sur son
promontoire fortifié, en remplacement d'un château plus ancien que la
tradition appelle "château brisé" et qu'elle situe dans le bourg: il
pourrait s'agir de la maison au 11 rue du Château, comprenant les restes
d'une tour; au début du XVIIIe siècle, l'ingénieur du roi Claude Masse
qualifie cette maison de "château ou maison seigneuriale". A la fin du XVIe
siècle, le château appartient à Charles de La Mothe-Fouquet, décédé en 1605.
En 1613, la veuve de Charles de La Mothe-Fouquet, Elisabeth de La Cassaigne
se remarie avec Isaac Martel, chevalier, comte de Marennes, seigneur de
Lindeboeuf, qui s'installe au château de Saint-Seurin. Un conflit éclate
entre lui et Louis de La Mothe-Fouquet, son beau-fils. Le 25 octobre 1615,
au nom de ce dernier, Jehan de Lisle, écuyer, sieur de La Renaudière,
s'empare du château et y installe une garnison. L'essentiel des
fortifications encore visibles aujourd'hui remonterait à cette période.
Certains y voient l'oeuvre de François Beuscher, architecte du roi chargé
des forifications de la Guyenne de 1611 à 1635, collaborateur de
l'architecte Louis de Foix. A la mort, sans postérité, de Louis de La
Mothe-Fouquet, le château revient à son frère, Henri, baron de
Tonnay-Boutonne, farouche guerrier huguenot, gouverneur de Royan. En 1630,
il vend le château et la seigneurie de Saint-Seurin à son beau-père, Jean
Brétinauld, écuyer, seigneur de Pampin, Plassay et Magézy. Ils vont rester
dans les mains de la famille Brétinauld jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Le château joue encore, et pour la dernière fois, un rôle militaire lors de
la Fronde. En 1652, Josias Chesnel, chevalier, seigneur de Château-Chesnel,
y installe une garnison au nom du roi et contre la volonté de Jean
Brétinauld qui lui intente un procès. En 1652, le château est assiégé une
dernière fois, en l'occurrence par les troupes royales du marquis de
Bellièvre, qui le bombardent. Le château figure en détail sur le plan de
Saint-Seurin-d'Uzet établi par Claude Masse au début du XVIIIe siècle. On y
voit déjà le promontoire fortifié, entouré de fossés à l'est et au nord. Le
fossé nord est déjà enjambé par un pont tandis que le talus qui relie
aujourd'hui le logis et le jardin à l'est n'existe pas. L'aile nord-est du
logis apparaît selon le même plan qu'aujourd'hui. En revanche, l'aile sud se
limite à un corps de bâtiment rectangulaire en bordure de falaise,
simplement relié à l'aile nord-est par un mur. La cour est à cette époque
occupée en son milieu par deux bâtiments, l'un rectangulaire, l'autre de
plan en L, près du puits encore visible de nos jours. Le château connaît
d'importants réaménagements au cours du XVIIIe siècle. Les anciennes
structures fortifiées sont pour la plupart maintenues. L'aile sud du logis
est sans doute reconstruite à cette époque (la souche d'une cheminée
au-dessus de l'aile nord-est porte cette inscription: "1757 LEONARD ROY FAIT
POR MOIS"). L'aile sud apparaît sur le plan cadastral de 1832 : elle
comprend deux corps de bâtiments en enfilade, de niveaux différents et en
décrochement de plan. Comme le montrent des photographies du début du XXe
siècle, l'aile se termine côté falaise par un pavillon couvert en ardoise.
Les communs sont sans doute eux aussi construits au XVIIIe siècle (une date
commençant par "17" est inscrite sur la clé de linteau d'une des portes), de
même que le pigeonnier. Le pont qui enjambe le fossé nord est reconstruit en
1784 par l'architecte Etienne Massiou, de Saintes, selon un marché conclu le
1er décembre 1783 devant un notaire de Rochefort. Selon la tradition, la
balustrade qui sépare la terrasse du logis de la cour des communs, est
relevée à la même date à la suite d'une tempête. Le talus qui barre le fossé
est peut-être aussi élevé au XVIIIe siècle (il figure sur le plan cadastral
de 1832). A la Révolution, le château appartient aux héritiers de Henri de
Brétinauld, officier de marine, décédé à Rochefort en 1782. La famille
conserve le domaine par-delà la Révolution. Elle compte parmi les notables
bienfaiteurs des communes et paroisses de Chenac et de Saint-Seurin-d'Uzet
tout au long du XIXe siècle. Henri Brétinauld (1799-1885) fonde en 1842 le
Syndicat des marais de Juliat, crée en 1851 la Société de secours mutuels du
canton de Cozes, et supervise la reconstruction des deux églises de Chenac
et de Saint-Seurin-d'Uzet (ses armoiries y figurent). Son fils, Amédée
(1824-1900), dernier représentant de la famille, monarchiste, fervent
catholique, est maire de Saint-Seurin-d'Uzet de 1855 à 1864 et de 1871 à
1884.
Fondateur avec son père de la Société de secours mutuels du canton de Cozes,
il préside celle de Saint-Seurin-d'Uzet (qui regroupe aussi Mortagne, Chenac
et Epargnes) de 1858 à 1892, et dirige jusqu'en 1890 le Syndicat des marais
de Juliat. En 1859, il installe une école privée de filles dans une maison
lui appartenant (11 rue du Châteai). En 1873, il crée une société de
panification qu'il dirige jusqu'en 1890. Il est enfin membre fondateur de la
Société des Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis. Le 12 juin
1900, ses funérailles rassemblent une grande partie de la population et des
notables des environs. Son tombeau et celui de sa famille se trouvent dans
le cimetière de Saint-Seurin. Quelques travaux sont menés au château au
cours du XIXe siècle sous la houlette d'Henri et d'Amédée Brétinauld: la clé
de voûte d'une des salles sous la terrasse porte la date (inversée) 1841; le
chai et distillerie semble avoir été édifié dans la seconde moitié du XIXe
siècle; le cadastre mentionne une augmentation de construction en 1896; il
est probable enfin que la tour ronde faisant la jonction entre les deux
ailes du logis, ait été édifiée au 19e siècle, dans le goût médiéval de
l'époque. A la mort sans postérité d'Amédée Brétinauld en 1900, le château
revient à son neveu, René de Peyrecave de Lamarque, lieutenant colonel
d'état major en retraite. Demeurant à Toulouse, il confie la garde du
château à M. et Mme Moquillon. Il vient à Saint-Seurin-d'Uzet en 1903 pour
participer à une manifestation contre le départ des religieuses de l'école
privée de filles, lesquelles trouvent un temps refuge au château. Après le
décès du colonel de Peyrecave, survenu en 1906, sa veuve, née Théron de
Monlangé, vend le domaine le 20 janvier 1908 à Pierre Vérat, négociant à la
tête d'une des deux grandes minoteries du port de Mortagne (acte de vente
passé devant Me Omer, notaire à Cozes). Le domaine reste dans les mains de
ses descendants, la famille Dugoujon-Fleuri, jusqu'en 2011. Entre temps, en
1944-1945, le château subit les événements de la Libération. Mis à sac par
les troupes allemandes puis par les FFI, le logis est restauré dans les
années 1950. L'aile sud est entièrement reconstruite avec l'argent
d'indemnisation des dommages de guerre, probablement sur des plans établis
par le propriétaire lui-même, Robert Fleuri.
Le château de Saint-Seurin domine depuis son promontoire fortifié, d'une
part le bourg et le port de Saint-Seurin-d'Uzet, d'autre part les marais qui
le séparent de la rive de l'estuaire de la Gironde. Du haut des anciennes
falaises, il offre un point de vue sur tout l'estuaire, là où il est le plus
large (onze kilomètres), ce qui lui a valu son rôle stratégique et militaire
au Moyen Age et jusqu'au XVIIe siècle. L'accès principal au château
s'effectue par le nord, depuis le bourg de Saint-Seurin-d'Uzet. En avant de
l'entrée du château, une maison enduite dans une tonalité ocre est
constituée d'une ancienne tour carrée avec une ouverture en canonnière avec
ébrasement et des traces d'embrasures murées. Des murs d'enceinte partent de
cette "maison rouge", l'un vers l'est, avec des contreforts, l'autre vers le
sud et l'entrée du château. Là, le portail couvert est flanqué à gauche
d'une tour ronde percée de meurtrières. Au-delà de cet accès, vers le sud et
surtout vers l'est, s'étend une première partie du domaine, consacrée
notamment à l'exploitation. Elle comprend un ancien verger, des prairies,
des bois et bosquets, des vignes, le tout se terminant en balcon au sommet
des falaises. Une allée d'arbres conduit vers le nord-est où se trouvent la
Vieille Cour et le Vieux Bourg, d'anciennes fermes qui dépendaient autrefois
du château. La disposition et l'organisation de l'ensemble ont peu changé
par rapport au plan cadastral de 1832. Au nord-est du château, près du
verger, s'élève une fuie. Couverte d'un toit en poivrière en tuile plate,
elle est ceinturée par un bandeau et une corniche. A l'intérieur, on observe
encore quatre rangées de boulins à pigeons en terre cuite, l'échelle
tournante autour d'un axe vertical qui permettait d'y monter, et la
charpente en enrayure. Un peu plus loin, un vaste bâtiment de la seconde
moitié du XIXe siècle abritait chais et distillerie. Il conserve les
vestiges d'un alambic.
Le château lui-même s'élève sur l'ancien promontoire défensif, au sud-ouest
du domaine. Ce promontoire, de plan grossièrement rectangulaire, est
délimité au sud et à l'ouest, face à l'estuaire, par des falaises et par des
murs en gros appareil de vingt mètres de haut environ. Au nord et à l'est,
le promontoire est séparé du reste du domaine par un large fossé d'environ
quinze mètres de profondeur et trente de large. Le mur du fossé alterne un
bel appareil en pierre de taille avec des moellons plus présents à la base,
et des chaînages harpés. Les murs de soutènement du fossé côté nord
comprennent par endroit des remplois de frises romanes (la tradition y voit
des vestiges de l'ancienne église de Saint-Seurin, située au Vieux Bourg).
La partie inférieure du mur du fossé du côté est est talutée, avec des
reprises de maçonneries, des pierres en remploi et des vestiges de bandeau
torique. Le fossé nord est enjambé par un imposant pont en pierre de taille
à quatre arches. Il conduit au portail percé d'un arc sous entablement, orné
d'une clé de linteau et de sommiers saillants. Les bâtiments du château se
répartissent sur le pourtour du promontoire. Les communs (grange, écurie,
buanderie) délimitent au nord et à l'ouest une vaste cour dans laquelle se
trouve un puits couvert. Mentionnés sur le plan cadastral de 1832, ces
bâtiments datent probablement du XVIIIe siècle. Les communs s'appuient au
nord sur les restes d'une ancienne construction, sans doute les vestiges de
la "grosse tour" "presque ruinée" mentionnée par l'ingénieur Claude Masse au
début du XVIIIe siècle. Cette construction pourrait remonter à la fin du XVe
ou au début du XVIe siècle. Elle présente des murs très épais et
partiellement arasés. La grande cour est surplombée au sud-est par une
terrasse sur laquelle s'élève le logis du château. Un escalier à deux
volées, dont une double, avec garde-corps en ferronnerie, relie la cour à la
terrasse. Cette dernière est délimitée par une balustrade en pierre. L'eau
de la terrasse est évacuée par des gargouilles en forme de canons. Sous la
terrasse se trouvent un soubassement constitué de quatre salles voûtées. Le
logis du château est constitué de deux ailes.
L'aile nord-est semble remonter pour l'essentiel à la fin du XVIe ou au
début du XVIIe siècle. La façade nord-est est marquée par un bandeau sur
lequel s'alignent les ouvertures, sauf une fenêtre transformée en
porte-fenêtre, avec garde-corps en ferronnerie. L'extrémité droite de cette
façade, tout près du portail, présente un chaînage d'angle à bossage en
partie amputé. L'angle est de cette aile du logis est occupé par une tour
carrée avec mâchicoulis, couverte d'un toit en pavillon et en ardoise. Les
consoles des mâchicoulis sont ornées de triglyphes et de gouttes dans un
style très antiquisant. Au-dessous, sous le bandeau, le mur est percé de
bouches à feu. A l'intérieur, la tour est desservie par un escalier en vis
tournant à gauche. Au rez-de-chaussée se trouvent un petit cabinet voûté
d'arêtes et d'anciennes latrines condamnées. Au premier étage, au niveau des
mâchicoulis, se trouve une salle pour la manœuvre sous une charpente en
enrayure. L'intérieur de l'aile nord-est du logis comprend plusieurs pièces
avec boiseries et cheminées des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. La jonction
entre l'aile nord-est et l'aile sud du château est assurée par une tour
ronde sommée d'un chemin de ronde sur consoles moulurées, formant un
mâchicoulis factice, sous un toit en poivrière. Devant cette tour, le fossé
a été en partie comblé de manière à ménager un accès au jardin. L'aile sud
du château, reconstruite dans les années 1950, est en béton armé. Sa partie
occidentale, où se trouvent salons, belvédère et terrasse donnant sur
l'estuaire, repose sur de puissantes poutrelles également en béton armé,
selon un système par ailleurs développé lors de la reconstruction de Royan.
La façade nord-ouest de cette aile reprendrait, selon la tradition orale, le
dessin d'une résidence du 18e siècle de la région de Montpellier. Elle
s'organise autour d'un avant-corps large de trois travées, sous un fronton
triangulaire dont le tympan est orné d'une tête de lion encadré de palmes.
Cet avant-corps abrite l'escalier d'honneur, constitué d'une première volée
droite puis d'une deuxième volée double à montée divergente. (1)
Éléments protégés MH : l'ensemble des parties bâties, inscription par arrêté
du 17 août 2012.
château de Saint Seurin d'Uzet 17120 Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet,
propriété d'une société SCI dénommée SSU, ne se visite pas.
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