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Romaneau constituait jusqu'à la Révolution un fief dépendant du comté de
Cônac. Mentionné pour la première fois en 1538, il appartient alors à la
famille Lesueur. En 1621, Jacob Lesueur, écuyer, sieur de Romaneau, y
demeure. En 1688, la seigneurie est saisie à l'encontre d'Henri Lesueur et
de son épouse, Sylvie de Cumont. Elle est acquise pour 16000 livres par
Marthe de Cheverus, veuve de François de Gondé. Romaneau passe ensuite à son
fils, François II de Gondé, époux d'Anne de Sault, qui ajoute en 1717 à ses
biens les seigneuries de Sémoussac et de Sémillac, et qui se dit aussi
seigneur du Pible. Un dénombrement de 1729 indique que la maison noble de
Romaneau est "close et fermée d'anciens fossés, avec droit d'y faire
ponts-levis, planchette, tours et tourelles ou autres choses requises tant
pour la deffense et garde de la dite maison que pour l'ornement et la
décoration d'icelle". Le pigeonnier est probablement construit vers le
milieu du XVIIIe sièle: il est identique à celui du château de Beaulon, daté
de 1740. La fille de François II de Gondé, Anne-Marthe épouse en 1722 le
comte Jacques-Joseph de Luc et lui apporte Romaneau, après la mort de son
père, en 1742. Romaneau passe ensuite à leur fils, Anne-Marc-Jacques de Luc,
écuyer, seigneur de Lorignac et de Romaneau, époux de Geneviève de Malvin de
Montazet. En 1782, il commence la reconstruction de son château. Il fait
appel à un architecte originaire de Bourgogne et établi à Lorignac,
Christophe Macaire (1732-1817) (qui a peut-être aussi oeuvré au château de
Plassac, au manoir du Pible et au logis de Morisset). Probablement acheminée
par bateau via l'estuaire de la Gironde, la pierre utilisée pour l'escalier
d'honneur provient des carrières de Barsac, entre Bordeaux et Langon. C'est
de cette époque que datent notamment la façade ouest du château, avec son
avant-corps, sa porte à encadrement mouluré et son fronton, ainsi que l'aile
sud en retour d'équerre.
Toutefois, cette reconstruction reste inachevée, sans doute en raison des
troubles révolutionnaires. Ainsi nous trouvons un procès-verbal d'estimation
du château de Romaneau, saisi contre l'émigré Deluc, 30 janvier 1795 (11
pluviôse an 3): l'estimation est réalisée par Christophe Macaire, expert
désigné. Le domaine a été loué par bail du 13 prairial an II (1er juin 1794)
au citoyen Jean Verger, demeurant à Saint-Dizant. Il consiste en "une très
belle maison composée d'un vestibule dans lequel est un très bel escalier
construit en pierre dure de Bersac, un salon, une salle à manger, une salle
de compagnie, une office, une cuisine avec ses servitudes, un commun, une
cave et onze appartements complets tant au rez-de-chaussée qu'au premier
étage, dont sept sont finis; de très belles écuries, un hangar, une grande
grange, un chai, des toits à volaille et à cochons, une fournière, une
buanderie, des chambres de domestiques, un très beau jardin potager, un
verger, un parterre, plusieurs belles allées de charmille; ces objets,
compris la cour et l'emplacement des bâtiments, contiennent environ six
journaux et demi; un plan de vignes d'environ neuf journaux, un bois taillis
de la contenance de dix sept journaux quatre vingt neuf carreaux", etc. Le
tout est estimé 50000 livres. Puis s'ensuit un procès-verbal de visite du
château de Romaneau, à la demande de Charlotte-Ursule-Amable Deluc, le 27
avril 1795 (8 floréal an III): Le château consiste "en un corps de logis en
deux ailes aux côtés, laquelle est récemment bâtie et dans un joli goût, au
levant de laquelle maison est un parterre, au midi un verger et un jardin
potager, au couchant est une cour assez vaste avec remise, grange, écurie et
autres servitudes. Ledit bien est divisé par plusieurs allées d'agrément".
En 1795, il est dit que le château comprend onze appartements mais que
seulement sept sont terminés. C'est aussi ce qui ressort de la comparaison
entre l'état actuel du château et le plan qui en figure sur le cadastre de
1832. En effet, ce plan représente l'aile sud du château, en retour
d'équerre, l'avant-corps central sur la façade ouest, et l'avant-corps
latéral sud sur la façade est, dans le prolongement de l'aile sud. En
revanche, la partie nord du château telle qu'elle est visible aujourd'hui,
n'existe pas encore en 1832: cet emplacement est alors occupé par d'anciens
bâtiments dont le cadastre ne précise pas la nature, et qui se prolongent
vers l'ouest par un grand bâtiment de plan rectangulaire. De même, la façade
est du château a dû rester inachevée, en attendant la réalisation de la
partie nord. Anne-Marie-Jacques de Luc décède à Pons le 17 avril 1791.
Romaneau échoit à son fils, le comte Antoine-Jacques-Joseph de Luc, officier
de cavalerie, époux de Thérèse-Félicité de Toyon. Le comte de Luc émigre au
Portugal, rentré en France, il sera maire de Blaye sous la Restauration, et
mourra à Blaye en 1819. En 1795, le château est estimé en vue de sa vente;
l'estimation est confiée à Christophe Macaire, l'architecte qui l'a
construit. La soeur du comte de Luc, Marie-Charlotte-Ursule de Luc, épouse
Faucher de la Ligerie, fait toutefois aussitôt valoir ses droits sur la
succession de son père, et parvient ainsi à récupérer auprès de l'Etat le
château de Romaneau. Le 13 juin 1813, elle le vend à Joseph-Alexis
Despessailles.
Ce dernier est originaire du Pays basque. Son père, Jean-Mathieu
Despessailles a vécu à la Martinique et est rentré à Bayonne à la suite des
troubles qui ont agité l'île pendant la Révolution (il est décédé à Bayonne
le 17 décembre 1807). Né à la Martinique en 1780, Joseph-Alexis
Despessailles est rentré en métropole avec son père et s'est installé à
Saintes en 1811, date à laquelle il a épousé Marie-Charlotte-Elisabeth-Elisa
Madey d'Escoublant, née à la Martinique comme lui. Demeurant d'abord chez
son beau-père, au château du Pinier, à La Vallée, près de Rochefort, il
achète son propre domaine, Romaneau, en 1813 et s'y installe. C'est à lui et
à son épouse que le château appartient lorsque le plan cadastral de 1832 est
établi. En plus du château inachevé et des bâtiments dont il a déjà été
parlé, le plan figure le pigeonnier, au nord, de grands bâtiments au
nord-ouest (à la place des chais actuels), un parc avec des allées
rectilignes à l'est et au sud du château, et un bois, au sud-ouest, lui
aussi traversé d'allées, sinueuses cette fois. En 1844, le fils de
Joseph-Alexis Despessailles, Marius épouse Caroline-Fanny Goureau, fille du
peintre Charles Goureau et de Caroline de Pritelly. Aussitôt son mariage,
Caroline-Fanny Goureau entreprend de rémanéger l'intérieur et le parc du
château. Surtout, entre 1858 et 1862, selon le cadastre, Joseph-Alexis
Despessailles procède à une "augmentation de construction" sur son château :
cela doit correspondre à l'achèvement du château, dont seules une partie de
la façade ouest, la partie sud de la façade est et l'aile sud en retour
avaient été terminées à la fin du XVIIIe siècle. La partie nord du château
aurait ainsi été construite autour de 1860, de manière identique à la partie
sud, et en prenant la place des anciennes bâtisses encore figurées sur le
plan cadastral de 1832.
Des anciens bâtiments, on aurait conservé une cheminée qui semble dater de
la première moitié du XVIIIe siècle et qui se trouve désormais incorporée au
château, dans une pièce entre le vestibule et la lingerie. Si, au nord,
aucune aile en retour n'a été réalisée comme au sud, il est possible que le
projet en ait été émis: c'est peut-être à cela que correspond un plan de
projet de façade, semblant dater du milieu du XIXe siècle et encore conservé
aujourd'hui. En revanche, la réalisation de la partie nord du château a
permis l'achèvement de la façade est, réalisée de manière identique à la
façade ouest, sauf la porte, traitée différemment. Joseph-Alexis
Despessailles meurt à Romaneau le 6 mars 1863. Le domaine passe à son fils,
Marius. Quelques mois plus tard, la belle-mère de ce dernier, Caroline de
Pritelly, qui demeure aussi à Romaneau, fait aménager une chapelle dans la
nouvelle partie nord du château, dans une pièce occupant l'angle nord-est.
La chapelle est bénite en septembre 1863 par l'abbé Bariaud, curé de
Saint-Genis-de-Saintonge. Dans les années suivantes, Marius Despessailles,
par ailleurs maire de Saint-Dizant et bienfaiteur de l'école privée de
filles, poursuit le réaménagement de son domaine: en 1868, selon le
cadastre, il fait construire une serrre et une orangerie, encore visibles à
l'ouest du château. C'est probablement aussi à cette période que sont
construites les dépendances au nord du château et du pigeonnier.
Le projet initial, connu par un plan datant sans doute de cette époque,
prévoyait la construction de deux ailes de dépendances, dont une sellerie et
des écuries, de part et d'autre d'une cour. Cette dernière devait être
fermée par une grille qui devait relier deux pavillons d'angle. Finalement,
seule l'aile nord est réalisée: il en reste le pavillon d'angle, des toits
et un ancien hangar en retour, à l'ouest de la cour. Veuf en 1880, Marius
Despessailles décède en 1882. Sa belle-mère, Caroline de Pritelly reste
seule à Romaneau avec ses petits-enfants. En 1886, trois ans avant sa mort,
elle marie sa petite-fille, Germaine Despessailles à Albert Van Leempoel,
vicomte de Nieuwmunster, d'origine belge et demeurant à Cognac. Ce dernier
prend alors la tête du domaine qu'il entreprend de moderniser et de
développer. Pariant sur le renouveau du vignoble de la région après la crise
du phylloxéra, il transforme la propriété en une grande exploitation
vinicole. Il fait planter de nouvelles vignes et, en 1897 selon le cadastre,
il fait construire des chais et une distillerie dans le prolongement des
dépendances édifiées dans les années 1860 au nord du château. La partie
fumisterie de la distillerie est réalisée par Déjos, de Jarnac, en Charente,
comme l'indique une inscription sur une porte d'un des fourneaux. Pendant
plusieurs décennies, beaucoup de viticulteurs des environs viennent faire
brûler leur récolte à Romaneau. Le cognac ainsi produit est vendu à la
maison Martell, de Cognac, et transporté par la route, en charrette d'abord,
en camion par la suite. Albert Van Leempoel de Nieuwmunster décède à
Romaneau en 1952.
Le château de Romaneau est construit sur une hauteur au sud du bourg de
Saint-Dizant et de la vallée du Taillon. Il est entouré par un parc en
partie délimité par un mur de clôture avec un portail dans l'angle nord-est.
Couvert d'un toit en tuile creuse et à croupes, le château est constitué
d'un corps principal encadré par deux avant-corps latéraux. Celui situé au
sud se prolonge vers l'ouest en une aile en retour d'équerre, créant un
déséquilibre de plan, en l'absence d'une aile identique au nord. Les façades
est et ouest du corps principal présentent chacune un avant-corps central
surmonté d'un fronton triangulaire et qui inclut une porte accessible par un
perron. La porte de la façade ouest possède un encadrement mouluré d'époque
18e siècle; celle de la façade est est en plein cintre, avec traitement en
bossage, tel que cela se pratiquait plutôt au XIXe siècle. Dans les deux
cas, le fronton comprend des pierres de taille qui n'ont pas été sculptées,
signe de la reconstruction inachevée du château. Un bandeau et une corniche
enserrent l'intégralité du château. Toutes les fenêtres possèdent un
encadrement saillant et un linteau en arc segmentaire, avec clé de linteau
également saillante. Des dosserets marquent les angles du bâtiment et
rythment la façade sud de l'aile sud. Le château, double en profondeur, se
compose d'un rez-de-chaussée et d'un étage. Seule l'extrémité ouest de
l'aile sud possède un sous-sol. Le rez-de-chaussée du corps principal du
château est constituée de pièces en enfilade réparties autour de deux
vestibules centraux.
Dans le vestibule ouest, dit le "vestibule rouge", se trouve un escalier
monumental qui dessert l'étage, avec garde-corps en ferronnerie. Au nord du
vestibule ouest, dans une petite pièce de service, se trouve une grande
cheminée engagée, à hotte moulurée. L'angle nord-ouest du rez-de-chaussée
est occupé par une grande lingerie à laquelle est associé un escalier de
service. Dans l'angle nord-est se trouve l'ancienne chapelle, réaménagée en
chambre. Puis, côté est du château, en allant vers le sud, se succèdent un
fumoir-bibliothèque, le second vestibule, dit le "vestibule noir", un salon
au décor de boiseries et de peintures datées du XVIIIe siècle, et, dans
l'angle sud-est du bâtiment, un autre salon avec un décor du XIXe siècle.
Les chambres de l'étage se répartissent de part et d'autre d'un couloir, de
chaque côté du palier de l'escalier. La plupart des chambres abritent une
cheminée avec tableau et miroir au trumeau. Le rez-de-chaussée de l'aile sud
comprend la cage d'un escalier en pierre qui dessert d'une part le sous-sol,
d'autre part l'étage. Enfin, à l'extrémité ouest, se trouve la cuisine avec
une grande cheminée dont la hotte est soutenue par deux corbeaux en pierre,
et qui est associée à un four à pain.
Au nord du château se trouve un pigeonnier de plan circulaire, il est coiffé
par un toit conique en tuile plate, souligné par une corniche et percé de
lucarnes à fronton triangulaire sans moulurations. A l'intérieur, les
boulins sont répartis en vingt-quatre rangées, réunies par quatre entre deux
larmiers. Il possède encore l'échelle tournante donnant accès aux boulins,
avec son pivot central en bois. Au pied du pigeonnier, au nord, une glacière
partiellement enterrée comprend un couloir d'accès et une salle. Le couloir
ouvre par une porte en plein cintre. La salle, voûtée en moellons, est
hémisphérique. Encore plus au nord, un ensemble de dépendances se répartit
en U autour d'une cour. Au sud se trouve un vaste chai, construit en pierre
de taille. Située dans l'angle sud-ouest, et ouvrant par des baies en plein
cintre et en brique, une distillerie abrite six anciens fourneaux de dix
hectolitres, fonctionnant au bois et au charbon. Les chauffe-vin reposent
sur des colonnes en pierre, et les pipes sur des socles circulaires en
pierre. Viennent ensuite, vers le nord, un ancien logement de domestiques,
une écurie et une grange. L'aile nord de ces dépendances, constituée de
toits à porcs et à volailles, se termine par un petit pavillon de plan
carré, à un étage, avec toit en pavillon. Enfin, à l'ouest du château, se
trouve une ancienne orangerie. Couverte d'un toit en appentis, elle possède
au sud une façade en pierre de taille, percée de quatre arcs et ornée d'une
corniche. Derrière l'orangerie, au nord, on observe une fosse dont l'ancien
usage n'est pas connu (elle n'apparaît pas sur le plan cadastral de 1832).
(1)
château de Romaneau, route du Sap,
17240 Saint-Dizant-du-Gua, propriété privée, ne se visite pas.
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