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Les ruines romantiques du château de la Garaye posent toujours question.
L'écu mi-parti sculpté à l'intérieur sur la pointe de l'accolade de la porte
d'accès à l'escalier correspond à des armes d'alliance entre les familles
Marot et Ferré et se lit ainsi: à dextre (armes de l'époux): "d’azur à la
main dextre posée en pal, accompagnée d’une étoile d’or au canton dextre du
chef, qui est Marot, et à senestre (armes de l'épouse) d’argent à la fasce
d’azur accompagnée de 3 molettes de même (ou de gueules): qui est Ferré".
Les récentes recherches généalogiques ne nous confirment toujours pas ce
mariage. Depuis la réédition des Mémoires de Charles Gouyon de la Moussaye
annotées en 1901, il est convenu d’attribuer à Macé Marot, sieur de la
Meffrais à Saint-Samson, qui décède en 1550, et a son épouse une demoiselle
Ferré le commencement des travaux. Il est probable que le couple Marot-Ferré
décède sans postérité avant l'achèvement du château et que la propriété
revient aux Ferré comme l'atteste les deux écus aux armes des Ferré servant
de consoles à une lucarne ruinée au sommet de la tour. La tour d’escalier à
pans coupés avec son décor flamboyant se situe dans les premières décennies
du XVIe siècle. Le décor des baies avec double accolades rappelle celui de
la tour d'escalier du château de Nantes édifié à la fin du XVe siècle. Le
manoir de Penmarc'h à Saint-Frégant construit en 1540 peut servir également
de référence. S’y retrouvent le riche décor flamboyant, les doubles
accolades gothiques en ornement mais aussi dans les encoignures de fines
colonnes à chapiteaux. L’usage de la travée et la partition appuyée des
différents niveaux par un quadrillage de moulures sont dans l’esprit du
style Louis XII.
Claude du Chastel reçoit la Garaye en 1573. Il est écrit dans les mémoires
de son époux, Charles Gouyon, qu’elle fit promptement terminer le château
dont la reconstruction avait été délaissée depuis nombre d’années. On lui
doit une partie de l’agrandissement en moellons qui était à l’origine
recouverte d’un enduit de chaux. Le portail d’entrée avec ses deux colonnes
doriques qui soutiennent un entablement à triglyphes est résolument dans le
goût de la seconde Renaissance. Pour s'harmoniser avec ce nouveau style, les
lucarnes à gables gothiques sont transformées par des lucarnes à frontons
courbes. L’une d’entre-elles, en place, témoigne toujours de cette habile
métamorphose. Le château de la Garaye est passé à la postérité, grâce au
comte Claude-Toussaint Marot de la Garaye (1675-1755) et son épouse
Marguerite Picquet (1681-1757). Ce couple, que l’on nomme aussi "les époux
charitables", crée en 1714 à la Garaye un hôpital pour soigner les pauvres.
Ils pratiquaient toutes sortes d’opérations, lui est connu pour ses talents
de chimiste, il invente une nouvelle méthode pour extraire les sels
essentiels des minéraux et plantes médicinales. Marguerite, quant à elle
pratiquait des opérations des yeux comme la cataracte. Leur vie au service
des humbles a retenu l’attention du Pape Jean-Paul II qui les nomme, comme
modèle de vie exemplaire, lors de sa visite à sainte Anne d’Auray le 20
septembre 1996. Sur le côté ouest de l'ancienne avant cour, un grand
bâtiment accolé au pavillon du début du XVIIe siècle fut peut-être construit
au début du XVIIIe siècle afin de servir d'hôpital.
C’est le 7 février 1701 que Claude-Toussaint Marot de la Garaye épousa
Marie-Marguerite de la Motte-Picquet. Leurs biographes s’accordent pour
témoigner de leur changement radical de mode de vie. Au début de leur
mariage, les époux mènent une vie fastueuse. Il est fort probable qu’ils
réaménagent le château, tant pour ses extérieurs que pour ses intérieurs.
Les grandes travées, de la partie ouest, marquées par des baies
rectangulaires ainsi que le bandeau de séparation des niveaux sont dans
l’esprit classique de cette période. La façade enduite avait au début du
XVIIIe siècle, une tout autre allure. Une description de Charles-Rolland
Néel de la Vigne dans ses "Souvenirs" évoque à la fin du XVIIIe siècle, un
intérieur raffiné, le salon était orné de peintures et de dorures et le sol
était marqueté, "un parquet formé de carreaux artistement ajustés".
Charles-Rolland Néel de la Vigne déplore toutefois, dès la fin du XVIIIe
siècle, l’abandon du château et son manque d’entretien depuis le décès du
comte et de la comtesse de La Garaye. Dans un rapport de perquisition
effectuée le 24 juin 1791, il est décrit en ruine. Les brutalités
révolutionnaires ont eu fin des décors portant des armoiries. La ferme
toujours habitée lors du recensement de 1797 et 1798 compte plusieurs
personnes au service de la famille Haye de Nétumières. Les travaux
nécessaires de consolidation des ruines n’ont pas été menés. Un projet de
mise en valeur dessiné par Arnaud de Saint-Jouan a permis un temps de rêver
en faisant du site, un lieu de visites agencé de grands jardins à la
française. Ce projet respectueux du site n’a pu être soutenu financièrement.
La chapelle en ruine est menacée de disparition.
L’environnement du château a été très modifié depuis le cadastre de 1844.
Aujourd'hui on peut voir une grande salle, au centre, communiquant avec des
chambres basses à l'est et à l'ouest et une aile arrière, abritant très
probablement la cuisine. On accède à l’escalier depuis la salle. La porte
très ornée de style gothique flamboyant porte des armes d’alliance Marot et
Ferré. L’escalier en vis en pierre de taille a presque totalement disparu,
il ne subsiste que les premières marches. A chaque niveau des niches et des
reposoirs pour les étages, garnis d’accolades simple ou double, indiquent la
qualité de la mise en œuvre dans les détails. Le dernier niveau de la tour
ne présente pas de parement intérieur en pierre de taille de granite. Une
petite vis relais en encorbellement permettait d’accéder à l'étage de comble
et à une pièce haute, au sommet de la tour. La plus grande partie
sauvegardée des décors, d’une grande qualité d’exécution, est concentrée
dans la partie est du château avec la tour d’escalier. Quelques fragments de
bas-reliefs sont encore visibles sur un pan de la tour et sur la façade
principale. Ces derniers bûchés sont placés dans des niches à accolades, sur
l’un d’entre eux se devinent deux personnages debout tenants des armoiries.
Plus étonnants, sont sculptés deux Atlantes qui encadraient une porte. Leur
mauvais état ne nous permet plus d’en rendre compte avec précision. Quelques
cheminées, en partie démantelées, sont encore en place, comme celle de
l’ancienne salle et de la chambre basse à l’est. Sur le linteau de la porte
de la tour d’escalier du château se voient les armes mi-parti d’azur à la
main dextre posée en pal, accompagnée d’une étoile d’or au canton dextre du
chef, qui est Marot et d’argent à la fasce d’azur accompagnée de 3 molettes
de même : qui est Ferré . Au sommet de la tour d'escalier, deux blasons
d’argent à la fasce d’azur accompagnée de 3 molettes de même qui sont Ferré.
Sur un pan de la tour d'escalier dans une niche: deux lions en support
tiennent un blason martelé. En façade dans une niche: deux personnages
tiennent un blason martelé.
Liste des familles mentionnées à la Garaye: de temps immémorial les Ferré
étaient seigneurs de la la Garaye. René Ferré, écuyer, y vivait en 1389,
Jacques Ferré, écuyer, en 1420. Pierre Ferré seigneur de la Ville-es-Blancs
en Sévignac et de la Garaye en Taden, sénéchal de Rennes en 1466,
ambassadeur du duc François II de Bretagne en France et en Angleterre,
épousa Olive d’Angoulvent. A sa mort en 1487, le fief est tenu par son
épouse. Lui succède son fils aîné, Gilles Ferré, qui épousa vers 1490
Françoise du Breil héritière vers 1556, des seigneuries et terres en
Ploubalay, Plumaugat, Saint-Carné et Saint-Jouan des Guérets, fille de
Charles du Breil, procureur de Bretagne en 1472, puis du roi de France
Charles VIII à Dinan en 1491. Bertrand Ferré (1494-vers 1555), fils de
Gilles Ferré et de Françoise du Breil est mentionné vers 1517, seigneur de
Taden et de la Garaye. Il épouse en première noces, Catherine de Quédillac,
dame de Taden, puis en seconde noces en 1529 Péronnelle de Guémadeuc. Leur
fils Charles, se marie en 1548 à Bonaventure de Tehillac. Le commanditaire
du château est un Marot marié avec une demoiselle Ferré. Macé Marot sieur de
la Meffrais meurt à Dinan en 1550 sans postérité. La construction du château
dut se poursuivre après un retour aux Ferré car les corbelets du sommet de
la tour ne portent plus que les armes pleines des Ferré. Le fils de Bertrand
Ferré, Charles, se marie en 1548 à Bonaventure de Tehillac. Il est accusé
d’hérésie devant le parlement de Bretagne pour avoir brûlé les images de sa
chapelle, il fuit à Genève.
Claude du Chastel épouse le 20 mai 1571 au château de Gaillon en présence de
Charles IX et de la cour, Charles Gouyon, baron de la Moussaye et comte de
Plouër. Elle reçut la Garaye en partage en 1573. Il est dit qu’elle fit
promptement terminer le château dont la reconstruction avait été délaissée
depuis nombre d’années. "La maison de la Garaye est bien bastie mais il n’y
avait lors que des murailles, elle la fit promptement recouvrir tout à neuf,
doubler, vitrer, meubler et sy bien accoustrer qu’il y faisoit très beau.
Elle y fit faire un très beau jardin encore qu’elle n’eust l’intention de
s’y retirer: car mon père ayant esprouvé la doulce et amiable conversation
de ma chère femme il ne luy estoit possible de la laisser de façon que
jamais ne nous sommes séparés que par la mort" ( Claude du Chastel mourut le
15 juin 1587). Le fils ainé de Charles Gouyon et de Claude du Chastel,
Amaury vendit la terre et le château de la Garaye le 4 juin 1617 à Raoul
Marot des Alleux, sénéchal de Dinan, anoblit par le roi Henri IV en 1623 en
reconnaissance du rôle tenu lors de l’éviction des Ligueurs en février 1598;
"Guillaume Marot, escuyer sieur des Alleuz conseiller du roy en sa cour et
Parlement de Rennes filz héritier unicque et principal et noble de escuyer
Raoul Marot conseiller du roy sénéchal de Dinan et damoyselle Simone Le Fer
sa compaigne sieur et dame de la Garaye".
Guillaume Marot obtint en 1644, l’érection en Vicomté. Son fils ainé
Guillaume, né à Rennes le 18 juin 1645, fit ériger la Garaye en comté par
lettres pattentes du mois de juin 1683. Il est gouverneur de Dinan vers
1676. Jeanne Françoise de Marbeuf son épouse, meurt le 8 avril 1680 après la
naissance d’un cinquième enfant Guillaume. Un des enfants du couple, Claude
Toussaint Marot reçoit une formation militaire et rentre avec son frère ainé
dans le corps des Mousquetaires. Il quitta les armes et épouse le 7 février
1701 Marie-Marguerite de la Motte-Picquet. Sur les conseils de son
beau-père, il acheta une charge au parlement de Bretagne qu’il abandonna en
1712. Claude Toussaint Marot de la Garaye est reçu à la cour pour un
médicament de sa conception. C’est en 1745 qu’il publia sa découverte sous
le titre Chymie Hydraulique pour extraire les sels essentiels des Végétaux,
Animaux et Minéraux, avec l’eau pure. Pour les malades incurables abandonnés
par la médecine, fondation d'une annexe de l’hôpital de Dinan. Il meurt le 2
juillet 1755 "Haut et puissant seigneur messire Claude Toussaint Marot
chevalier seigneur comte de la Garaye Commandeur et grand hospitalier des
ordres royaux et militaires de Saint-Lazare du Mont-Carmel et de Jérusalem
décédé le mercredy 2 juillet à 7 heures du soir 1755, enterré le vendredy au
portail de Taden, dans le simittier par Mr de la Haye, prieur de Corseul de
Pontbriand". Louis-Claude de Pontbriand, neveu du comte hérita du domaine de
la Garaye et dilapida la fortune acquise En 1778, la seigneurie de la Garaye
est achetée par Marie Françoise Rose de Larlan, veuve de Paul Charles Hay de
Nétumières. La Garaye se transmet ensuite par alliances. Achat de la Garaye
en 1935 par Monsieur Tostivint. (1)
Éléments protégés MH : le château de la Garaye (ruines) : classement par
arrêté du 22 juillet 1920.
château de la Garaye 22100 Taden, propriété privée, ne se
visite pas, vestiges visibles de l'extérieur.
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