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La ville de Niort se développe sous la
protection du castrum qui est mentionné à plusieurs reprises dans les textes
dès la seconde moitié du Xe siècle. Les textes ne précisent pas où se situe
ce premier ensemble; il est probable qu’il quitte le méandre de la Sèvre, où
était installée la ville antique, pour rejoindre sur l’autre rive, à l’Est,
le vallon entre les deux collines. À l’époque romane, l’une est dominée par
l’église Notre Dame, l’autre par l’église Saint-André. Aux XIe et XIIe
siècles, on conserve peu de mentions du château de Niort. Manifestement, le
comte de Poitou, qui le possède, y séjourne rarement. En 1104, la place est
incendiée par le comte d’Anjou. Les textes mentionnent rapidement cet
épisode sans préciser les dégâts éventuels. Avant 1134, le comte de Poitou,
signe une charte dans la salle du château de Niort (in aula niortensi castri).
Et en 1141, le roi Louis VII est à Niort dans son palais (in palacio nostro).
Il est donc question du palais, de la grande salle, et non d’un édifice
fortifié. Rien ne permet d’identifier ce palais comtal avec tout ou partie
du donjon conservé. Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, la ville de
Niort se développe rapidement, avec le soutien du nouveau comte de Poitou,
Henri Plantagenêt. L’importance de la ville, pour ce dernier, est liée au
contrôle de la navigation sur la Sèvre. À l’entrée des marais, le port
existait probablement avant la fin du XIIe siècle, établi près de l’endroit
où le ruisseau du Merdusson se jette dans la Sèvre (actuelle rue Brisson).
Il était placé directement sous la protection du château. Les archives
anglaises enregistrent à partir de 1214 les sommes données par le roi aux
bourgeois de Niort, afin de les aider à fortifier leur ville. L’enceinte du
château existait sans doute déjà.
Niort est reprise par le roi de France en 1224. À partir de 1243, Alphonse,
comte de Poitou, entreprend des travaux dans son château de Niort. Ils
portent sur l’aménagement, voire la création des espaces résidentiels, comme
l’indiquent l’utilisation des termes "aula", "robis" et "domus". Ils placent
au milieu du XIIIe siècle la création d’une véritable "grande salle" au
donjon de Niort, avec le couvrement de l’espace réservé à ciel ouvert entre
les deux tours formant le donjon. De nouveaux travaux d’aménagement des
salles sont attestés dans la seconde moitié du XVe siècle. Ils sont suivis
de la fourniture de mobilier. Proche de La Rochelle, capitale des Huguenots
à la fin du XVIe siècle, la ville de Niort est à cette époque une place
stratégique, et subit plusieurs sièges, notamment en 1569 et en 1588.
L’église Saint-Gaudent, dans le château, est alors détruite. D’importants
travaux de réparations sont encore entrepris au château dans les années
1670. Très tôt, le donjon a servi de prison. À partir du XVIIIe siècle, on y
entasse des détenus. Les marques laissées sur les murs par les prisonniers
anglais, au cours de la guerre de Sept ans, frappent encore l’imagination
des visiteurs aujourd’hui. Les archives du Génie livrent le détail des
nombreux travaux réalisés à cette époque au donjon et sur les bâtiments
compris dans l’enceinte du château. Les murailles et les tours qui les
flanquent sont en revanche délaissées. Les fossés sont peu à peu comblés par
les habitants de Niort. En 1791, le château est vendu à la municipalité de
Niort, sauf le donjon qui sert de maison d’arrêt. Le classement de l’édifice
au titre des Monuments historiques entraîne des travaux de restauration.
C’est seulement en 1869 que le donjon est cédé à la Ville, afin de loger le
dépôt d’archives. En 1896, il est aménagé en musée, une affectation qu’il
conserve aujourd’hui depuis plus d’un siècle.
Si les sondages archéologiques effectués récemment au pied du donjon ont mis
en évidence l’occupation du site aux alentours de l’an mil, ils n’ont pu en
revanche faire la preuve de l’existence d’un château. Il n’est pas
impossible d’imaginer, sous l’actuel édifice, les vestiges des bâtiments
mentionnés au début du XIIe siècle. L’existence d’une construction en pierre
antérieure à l’édifice actuel est d’ailleurs suggérée par des changements
d’appareillage qui apparaissent sur le parement intérieur, dans les salles
basses (tour sud en particulier). Des murs ont été signalés lors des récents
travaux, mais non relevés en plan, avant la réfection du sol, au même
niveau. Le donjon est un imposant bâtiment de plan rectangulaire composé de
trois parties: deux hautes tours carrées reliées par un bâtiment central.
L’ensemble est élevé en bel appareil de pierres de taille calcaire,
soigneusement layées, ajustées à joints fins. Les assises sont régulières,
sur toute la longueur de l’édifice, prouvant la contemporanéité de la
construction des deux tours et du volume entre deux. L’élévation extérieure
est rythmée assez régulièrement par de gros contreforts semi-cylindriques:
les tours, de plan carré, en possèdent un à chaque angle, et un au milieu de
chaque côté. Un contrefort semblable marque le milieu de la face ouest du
bâtiment central. Il trouve son symétrique dans la tourelle d'entrée de la
face est.
La tour sud s’élève à 28 mètres de hauteur sur un plan carré, de 13,50
mètres de côté. Elle présente trois niveaux voûtés en berceau, desservis par
un escalier en vis logé dans le contrefort nord-ouest. Le premier niveau
n’est éclairé que par deux fentes de jour étroites, vers la rivière. Le
second niveau possède une belle voûte en berceau renforcée. Cette dernière a
été recoupée par le percement d’une grande fenêtre, au sud. Cette ouverture,
comme la cheminée et la grande niche du mur ouest, a été créée à la fin du
Moyen Âge pour donner un caractère plus résidentiel à la salle, en
condamnant une ancienne archère. Deux autres ouvertures de tir sont encore
conservées à ce niveau, mais également à l’étage supérieur, dont la grande
voûte, portant la terrasse sommitale, a été créée après coup. Sur les faces
nord et sud de la tour, le chemin de ronde est en encorbellement, soutenu
par de grands arcs dissimulant des mâchicoulis, pour défendre le pied des
murs. La tour nord est sensiblement moins élevée que sa voisine (23 mètres).
Elle possède quatre niveaux dont le premier est seul voûté. Le second niveau
montre encore des ouvertures anciennes: portes, fenêtres étroites, et
vestige d’archère. Les deux niveaux supérieurs, sur planchers, ont été
clairement réaménagés à la fin du Moyen Âge (cheminée et fenêtre) et au
XVIIIe siècle. La tour s’écroula en effet partiellement en 1749 et fut
restaurée l’année suivante. L’escalier en vis qui dessert les étages et la
terrasse au sommet est bien d’origine.
Dans son état originel, le donjon de Niort apparaît comme une construction
homogène, avec deux tours qui, en dépit de leurs différences, relèvent d’une
même conception d’ensemble (distribution et circulations, répartition des
postes de tir et des fenêtres, plan et disposition des contreforts). Ces
deux tours contemporaines étaient reliées par une courtine, à l’est et à
l’ouest, délimitant une cour à ciel ouvert. Plusieurs arguments soutiennent
cette restitution: une terrasse dallée révélée par les anciennes gargouilles
d’évacuation des eaux de pluie, les fentes de tir ouvertes en partie haute
des tours, vers la cour, et surtout les mâchicoulis sur arcs de la tour sud,
qui défendaient le pied de la tour et sont donc parfaitement incompatibles
avec la présence de la toiture centrale. C’est par cette cour que l’on
accédait autrefois au donjon: il n’existait à l’origine qu’une seule entrée
à l’ouest, du côté de la rivière. C’était une haute porte en plein cintre,
surélevée par rapport au sol extérieur, et qui devait être desservie par un
escalier de bois ou une échelle, comme c’est généralement le cas pour les
donjons romans. Ainsi, aucune des deux tours n’a jamais possédé un accès
direct sur l’extérieur: il fallait d’abord entrer par la cour intérieure. De
là, on devait pouvoir accéder directement à chacun des escaliers en vis qui
desservait les étages des tours. Seule la tour sud possédait au premier
étage une belle porte donnant alors sur le vide, semblable à une entrée
principale. Il fallait sans doute encore une échelle pour accéder à cette
porte, à moins qu’elle n’ait été desservie par le chemin de ronde de la
muraille voisine, par une passerelle.
L’analyse architecturale, comme les données des textes, confirme que c’est
au milieu du XIIIe siècle que l’espace entre les deux tours est fermé par un
bâtiment à deux niveaux sous combles. L’étage était originellement porté par
un plancher soutenu par des arcs diaphragmes. Le même système d’arcs
soutenait la charpente si ce n’est un niveau sous combles. Ces arcs ont tous
été clairement insérés après coup dans les courtines qui délimitaient
l’ancienne cour intérieure. Ces travaux sont bien datés par les comptes
d’Alphonse de Poitiers des années 1250. Il est possible que l’aménagement de
la fausse-braie, à l’est du donjon, soit contemporain de la création de la
tourelle d’entrée. La grande salle créée à l’étage devait avoir une fonction
noble, comme en témoignent les traces de peinture qui ont été relevées. Les
traces d’un décor ocre et rouge de faux-joints, animé par une fleurette, se
voient encore sur le contrefort de la tour sud, à l’intérieur. Si des
fenêtres existaient à cette époque, elles devaient se trouver à
l’emplacement des actuelles ouvertures, percées sur le parement ouest. Les
comptes de la fin du XIIIe siècle mentionnent explicitement les travaux
engagés pour la réfection et la couverture (en tuiles) des appartements du
château de Niort. Nous pensons qu’il s’agit de la charpente et couverture
créée pour coiffer cet ensemble palatial. Cette charpente devait être en
retrait du chemin de ronde, qui est alors surélevé; on voit encore nettement
que le parapet est collé contre les deux grandes tours. Il était défendu par
des hourds vers la rivière. En résumé, tous les indices corroborent pour
attribuer à Alphonse de Poitiers la création d’un volume noble sous combles
entre les deux tours, mais aussi la création de la fausse-braie et le
retranchement du donjon par une muraille doublée d’un fossé. Ces travaux ont
dû s’échelonner dans la seconde moitié du XIIIe siècle avec des
interruptions.
De nouveaux travaux sont réalisés au XVe siècle. Les grandes fenêtres
rectangulaires du second niveau (tour sud, tour nord et salles centrales),
sont ouvertes dans des niches aux voûtes segmentaires. Elles possèdent
meneau et traverse horizontale, et coussièges caractéristiques de la fin du
Moyen Âge, mais sont dépourvues de toute mouluration qui permettrait de
préciser la datation. De fait, la plupart des encadrements ont été
manifestement restaurés au XVIIIe siècle. Dans certains cas, il est clair
qu’elles ont remplacé des ouvertures plus anciennes dont on ne voit que
l’arc plein cintre (tour sud et fenêtre nord de la salle centrale). Leur
mise en œuvre paraît relativement homogène, et témoigne d’une grande phase
de travaux portant sur la création de chambres sur tout le premier étage,
mais également la création, dans la tour nord, d’un second étage habitable,
sur plancher. Cet étage est de plain pied, ou presque, avec le sol des
combles qui est alors créé. La grande toiture de ce volume de comble a été
refaite par la suite, et les lucarnes créées plus récemment. Le donjon de
Niort appartient à la grande famille des donjons romans des Pays d’Ouest,
étudiée par André Chatelain. Dans son état originel, il apparaît comme une
construction monumentale et austère, dont les vastes salles quadrangulaires
sont logeables, mais obscures et froides. Toutes les grandes fenêtres et les
cheminées actuellement conservées ont été créées après coup. Le donjon roman
n’était éclairé que par d’étroites et hautes fentes de jour, largement
ébrasées vers l’intérieur. Elles sont toutes percées vers la rivière, à
l’Ouest. Il n’existait aucune cheminée, ce qui est très surprenant dans un
édifice de cette qualité. Il n’était manifestement pas conçu pour une
habitation noble. Une seule latrine est conservée, en encorbellement sur la
face sud du donjon, au second niveau. Elle est desservie par un petit
passage coudé. Le retrait existant à l’opposé sur la face nord, au même
niveau, pouvait également desservir une latrine du même type.
Deux puits existaient dans la grande salle basse centrale. Les couvrements
les plus anciens des salles sont des voûtes en berceau légèrement brisé. Le
recours quasi systématique au plein cintre, pour le couvrement des
ouvertures, rattache la construction du donjon à l’art roman; il inviterait
même à une datation assez haute, si l’édifice ne possédait des éléments
qu’il est difficile de dater avant la fin du XIIe siècle: archères et
mâchicoulis sur arcs. Il ne semble pas que le donjon ait été dégradé pendant
les guerres de Religion, mais ses fortifications ont certainement été
renforcées, en particulier pour pourvoir porter des pièces d’artillerie. Si
elles n’ont pas été créées à la fin du Moyen Âge, c’est en effet au XVIe
siècle que l’on doit placer la construction des voûtes surmontées de
terrasses d’artillerie des deux tours, et la transformation du parapet de la
fausse-braie. Les travaux réalisés par l’armée, tout au long du XVIIIe
siècle, sont bien documentés. Ils prouvent que la tour nord n’a pas été
entièrement reconstruite après son effondrement en 1749, mais partiellement
remontée; c’est à cette époque que sont créées les voûtes des salles basses
et que la terrasse est reprofilée, à l’est. Différents travaux sont
effectués encore tout au long du XXe siècle par les architectes des
monuments historiques, comme le réaménagement des abords du donjon et du
sommet des tours. (1)
Éléments protégés MH : le château dit le Donjon : classement par liste de
1840. En totalité, le donjon et les vestiges du château, ainsi que le sol
des parcelles sur lesquelles ils se situent : classement par arrêté du 19
novembre 2014.
château dit Le Donjon, rue Duguesclin, 79000 Niort, tel. 05 49 28 14 28,
ouvert au public, visites du mardi au dimanche, de 10h à 12h30 et de 14h à
17h, expositions temporaires et ouverture d'une nouvelle pièce, le Cachot
Noir, qui abrite les nouvelles collections archéologiques. Fermé le 25
décembre et le 1er janvier.
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Monsieur Bernard Drarvé pour les photos qu'il nous a adressées afin
d'illustrer cette page.
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dans ce département |
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