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Tout comme la "Grande Filolie",
le domaine a pris récemment l'appellation de "Petite Filolie" pour être
distingué de son homonyme situé sur la commune de Saint-Amand-de-Coly. Et
tout comme lui, son nom provient sans doute de la famille de La Filolie qui
possédait au Moyen Âge des biens à Montignac et dans ses environs. Une
partie des biens de cette famille est passée au XVIe siècle à la famille de
Milon (Millon, Milhon ou encore Meslon), qui, selon l'Armorial de la
noblesse du Périgord de Froidefond de Boulazac, portait "Ecartelé, aux 1 et
4, d'azur à trois fers de lance d'or; aux 2 et 3, de sable à trois mains
appaumées d'argent posées 2 et 1, celles du chef en fasce et celle de la
pointe en pal". En 1540-1541, Antoine Milon et Marguerite Galabert (ou
Gallaierte), sa femme, rendent aveu au roi de Navarre pour le "reppaire de
la Renoudie, parroisse de Condac". Plus tard au XVIIe siècle (entre 1598 et
1648), ce petit fief, situé au sud et limitrophe de celui de La Filolie, est
déclassé et devient une simple métairie, dépendance de la seigneurie de La
Filolie. En effet, entre-temps, le 23 août 1598, Antoine Milon (sans doute
le fils d'Antoine 1er Milon), acquiert d'Henri IV la justice de La Renaudie
et de La Filolie, démembrée de la châtellenie de Montignac et qui relève
désormais directement du roi. Selon toute vraisemblance, c'est dans ce
contexte hautement favorable qu'il faut replacer la construction du
"château" de La Filolie; mais, faute d'archives documentant le chantier, on
ne peut en avoir la certitude.
Quoi qu'il en soit, on comprend le contexte: Antoine Milon aura voulu
matérialiser dans la pierre l'érection de La Filolie qui devient à partir de
ce moment le siège d'une importante seigneurie, ayant "justice haute,
moyenne, basse, mere, mixte et impere". Ce faisant, il procède de la même
manière que nombre de ses voisins qui accroissent leur domaine et leur
pouvoir à mesure qu'Henri IV démembre sa châtellenie de Montignac pour
obtenir des liquidités : c'est le cas de Jean de Losse à Thonac, de Jean de
Ferrières à Sauvebœuf, de François de Félets pour La Dauradie, de Jean
Bermond à Auberoche ou encore de François de Boussiers au Planchat. Seule
une partie de l'aile droite semble pouvoir être rattachée à l'édifice
antérieur aux travaux d'Antoine II Milon: une fenêtre à meneau à faibles
gorges séparées par une fine arête et deux jours à petit chanfrein droit,
toutes baies ouvertes dans les murs gouttereaux est et ouest et qui
pourraient faire remonter ce bâtiment au début du XVIe siècle. Tous les
autres bâtiments semblent remonter à la campagne de travaux d'Antoine II
Milon: l'aile gauche, bâtiment principal renfermant la grande salle,
commandé par l'escalier rampe sur rampe logé dans un pavillon hors-d’œuvre
formant retour au sud, la tour d'angle circulaire au nord-ouest, la grosse
tour carrée au nord de l'aile droite, plus haute que les autres tours et
faisant office de "donjon", et l'agrandissement de cette dernière au sud,
avec un escalier secondaire également en retour au sud.
Cette campagne se remarque surtout par deux caractéristiques: des fenêtres à
meneaux à chanfrein droit ou doucine dans l'ébrasement et appui mouluré (à
moulures classiques, réglet, bandeau et doucine); de nombreuses petites
ouvertures de tir circulaires dissimilées dans les allèges des fenêtres, en
flanquement des murs d'enceinte à l'extérieur ou des murs gouttereaux sur
cour à l'intérieur, en batterie sur les deux niveaux de la tour nord-ouest,
etc. Cette dernière caractéristique résulte bien entendu du contexte troublé
des guerres de Religion; comme à Auberoche, Losse ou Sauvebœuf. Le 11 mai
1648, "François de Milon, escuyer, seigneur de la Filoulie" rend aveu au roi
pour son "son chasteau noble de la Filoulye proche le bourg de Condat et
dans ladicte parroisse, compozé de tours et pavilions, corps de logis et
girouettes et autres bastiments". L'aveu rendu par le gentilhomme est précis
sur son étendue: le domaine, qui comprend en tout près de 42 hectares,
s'étend dans toute la partie sud de la paroisse de Condat rive droite de la
Vézère; il comprend les deux métairies de La Renaudie et de La Vallade, un
petit bien situé à La Massonie et des rentes sur les tènements de La
Barellerie à Condat et des Farges au Cheylard, le tout principalement
exploité en terres arables, bois, prés et vignes. En outre, l'extrait de la
carte de la Vézère par l'ingénieur du roi François Ferry levée en 1696
montre tout l'intérêt stratégique du site, véritable verrou sur la Vézère
avec les châteaux de La Fleunie à Condat et de Sauvebœuf à Aubas, tous deux
situés rive gauche.
En 1674, "noble Jean de Milon, écuyer, sieur de La Filolie" comparaît au ban
et à l'arrière-ban de la noblesse de Sarlat; en 1700-1703, il "requiert une
mainlevée des fruits qu'on lui a saisis" sur son domaine et, en 1727, une
requête lui est adressée par Charlotte de Milon, demoiselle de Bourzac.
Toutefois, en 1733, ce gentilhomme est certainement mort, car on trouve sa
fille, Linette de Milon, qualifiée de dame de La Filolie au côté de son
beau-père, messire Jacques de Lacoste, seigneur de Feydis. En 1738, ce sont
"messire Louis de Feytis et dame Linette de Milon, dame de La Filolie,
conjoints qui sont demandeurs en arrêt contre Marie Durepaire, veuve de
messire de Baillot de Ladournac, défenderesse". En 1768, le château, qui
avait toujours haute justice sur les quelques hameaux cités plus haut, est
représenté sur la carte de Belleyme: elle montre un domaine largement
consacré à la viticulture - il l'est encore lors qu’est levé le premier
cadastre en 1825. A partir de la Révolution, le domaine change de mains à de
nombreuses reprises: il devient la propriété de Fernand Gilles-Lagrange au
milieu du XIXe siècle, puis des de la Croze, des Rousselet et des Peyrou.
Entre 1880 et 1882, l’État exproprie partiellement les propriétaires pour
créer la route 704 coupant ainsi le domaine en deux. Mais plus encore en
1893, l’État exproprie à nouveau les propriétaires pour la construction de
la ligne de chemin de fer qui passe à près de vingt mètres du château. Au
cours de le seconde moitié du XXe siècle, le château prend l’appellation de
"château de la Petite Filolie" pour le distinguer de l'autre Filolie.
Situé sur la rive droite de la Vézère et face au château de la Fleunie, le
château de la Petite Filolie présente un plan quadrangulaire parfaitement
orienté et organisé autour d'une cour ouverte au sud. Le château se compose,
à l'ouest, d'un corps de logis rectangulaire pourvu d'un étage carré et d'un
étage de comble percé de lucarnes; sa toiture à longs pans est couverte
d'ardoises. Cette aile gauche, qui comprend au sud-ouest à l'extérieur une
tourelle circulaire sur cul-de-lampe (percée de bouches à feu de différents
profils), se prolonge vers le nord par d'anciens communs. Une tour
circulaire occupe l'angle nord-ouest; elle est dotée de nombreux orifices de
tir circulaire pour armes à feu légères sur deux niveaux. Au sud, l'entrée
principale du château est protégée en partie basse par deux larges
canonnières à la française, c'est-à-dire à large embrasure extérieure; la
porte était défendue par une bretèche en encorbellement aujourd'hui disparus
dont seuls subsistent les corbeaux. Celle-ci était construite entre les deux
pavillons d'escalier qui composent la façade sud et lui donnaient accès. Le
corps de logis oriental ruiné s'appuie contre une tour carrée à toit conique
qui marque l'angle nord-est du château. L'aile droite conserve une cheminée
monumentale dont l'entablement est à claveaux à crossettes. L'ensemble est
en moellon de calcaire et la toiture est couverte en ardoise. Au nord-est du
château, on trouve d'anciens lieux d'aisance et au sud-est une grange ainsi
qu'un four à pain récent. (1)
château de la Petite Filolie, rue de Filolie,
24570 Condat-sur-Vézère, propriété privée, visible en bordure de la route
départementale 704.
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Crédit photos : Père Igor sous licence Creative
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