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L'origine de
la seigneurie de Clérans, quoique très incertaine, doit remonter au début du
XIIIe siècle, lors du grand mouvement d'affirmation de la hiérarchie féodale
qui a donné lieu à la multiplication de petits seigneurs locaux. Ce
mouvement de chasements de vassaux, par lequel les seigneurs-châtelains de
Montignac (dont dépendait Saint-Léon) concédaient des territoires à leurs
chevaliers ou écuyers pour les récompenser, est attesté par des textes en
1257 dans la paroisse du Cern et en 1280 pour celle de Sergeac. A Clérans,
les critères internes du mur gouttereau oriental suggèrent la datation du
début du XIIIe siècle: l'épaisseur importante, la maçonnerie en moyen
appareil de pierre de taille et la mise en œuvre à joints épais. Dans les
textes, c'est en 1365 seulement que le nom, "Clarentium", apparaît à
Saint-Léon. Le fief appartient alors à un membre de la famille Clérans, qui
est originaire de la châtellenie éponyme (aujourd'hui commune de
Cause-de-Clérans, Dordogne) et qui aura donné son nom à la seigneurie. Le
fief passe ensuite de Raymond de Clarens à sa fille unique, Marguerite, qui
est mariée à Bertrand d'Aussanh (d'Ausserain). Au droit de son épouse,
celui-ci rend hommage en 1400 au comte de Périgord pour "l'hostel de
Clarentio, in loco Sancti Leonti". Il faut toutefois attendre le tournant du
XVIe siècle pour retrouver mention de la seigneurie: dans un mémoire rendu à
Alain d'Albret en1502, Saint-Léon est décrit comme possédant deux
"gentilshommes, Clarens et Perigort (La Salle), chacun sa metayrie franche
de guet et de commun et bel domaine, chacun (rapportant) soixante livres de
rente ou environ par an". Quatre ans plus tard, le 26 juillet 1506, lors du
mariage de Jean de Bideran avec Jeanne des Martres (la fille de "feu" Jean
des Martres, seigneur de La Salle), Jean de Massault, l'un des témoins,
porte le titre de seigneur de Clérans.
C'est probablement à celui-ci que nous devons la reconstruction quasi totale
de la demeure noble; peut-être après une destruction, comme ce fut le cas
pour le château voisin de La Salle. En effet, tous les critères internes et
stylistiques de la demeure nouvellement bâtie convergent vers cette
datation, qui se trouve étayée par la comparaison avec le château de La
Salle, précisément daté par des analyses dendrochronologiques. Les fenêtres
à moulures à listel se recoupant en partie supérieure, les bases
prismatiques continues dans l'ébrasement des fenêtres, les petites fenêtres
à chanfrein concave formant ébrasement, les piédroits des cheminées eux
aussi à bases prismatiques, les accolades à trilobes des parapets du chemin
de ronde ou encore les orifices de tir circulaires pour armes à feu légères
sont autant d'indices déterminants; et à rapprocher des critères internes de
La Salle. Après Jean de Massault, la seigneurie reste dans cette famille
jusqu'au tournant du XVIIIe siècle. La fille de Jean III de Massault,
semble-t-il seule et unique héritière des biens de ses parents, fait entrer
Clérans par son mariage dans la famille du Bousquet: Jacques du Bousquet,
seigneur de L'Isle, de la Tour et autres places, est seigneur de Clérans en
1700. Avant la Révolution, le domaine passe dans la famille Du Cluzeau; en
1813, il appartient à Martin du Cluzeau, qui, en 1840, est avocat à la cour
royale de Paris (il fut aussi conseiller général de la Dordogne).
Il est intéressant de noter qu'à cette date le domaine comprend de
nombreuses parcelles situées rive gauche de la Vézère, en face de Clérans,
au lieu appelé "Péchebouc", qui comprend notamment une grande parcelle de
vignes au centre de laquelle se trouve un pigeonnier de plan carré, ainsi
que l'actuel site du Conquil. En 1875, Marie-Thérèse du Cluzeau héritière,
épouse Lucien-Théophile de Saincthorent (ou Sainthorent), qui fut élu maire
de Saint-Léon en 1884. C'est à ce couple que nous devons une importante
campagne de travaux, qui a modifié de manière importante le château (les
bois de la charpente sont précisément datés de 1876 par des analyses
dendrochronologiques). Le grand toit à la "guise de France", couvert
d'ardoises et qui était alors animé par des épis et crêtes de faîtage
(visibles sur les photographies et cartes postales anciennes, ces ornements
ont depuis disparu), mais aussi sans doute la reprise de nombre des fenêtres
et lucarnes, d'une partie du chemin de ronde, des aménagements intérieurs,
de la création du grand parc qui l’environne et de la nouvelle entrée à
l’est sont concernés par cette campagne de travaux. Les travaux sont
poursuivis dans les décennies suivantes : restauration du mur de
soutènement, destruction du corps de logis secondaire sud et construction de
nouveaux corps annexes au nord. Après le décès de Saincthorent, Clérans
passe entre les mains de M. de Cambronne, petit neveu de l’illustre général
de Waterloo, puis à M. Piolet et à M. Montet.
Situé au bord de la Vézère, à la pointe sud-occidentale du bourg de
Saint-Léon, le château de Clérans se dresse dans un parc qui comprend
plusieurs arbres remarquables. La demeure est protégée des crues de la
rivière, car elle repose sur une plate-forme surélevée que contrebute un mur
de soutènement à petits contreforts à l'ouest, du côté de la Vézère. Il est
composé d'un gros corps de logis de plan massé rectangulaire flanqué d'une
tour d'escalier en vis polygonale au sud et de corps de logis secondaires au
nord. Il est également cantonné de tourelles aux angles, en partie haute, à
hauteur du chemin de ronde qui surplombe toutes les faces du logis : elles
sont de plan carré sur consoles à l'est, de plan circulaire sur cul-de-lampe
à l'ouest. Le chemin de ronde comprend un parapet qui repose sur des
consoles en pierre à trois ressauts et qui est orné d'accolades trilobées en
réseau aveugle; il est également percé d'orifices de tir circulaires et
fentes de visée verticales ou cruciformes, ainsi que de jours carrés formant
créneaux. Haut de deux étages carrés et d'un niveau de comble habitable
éclairé par des lucarnes (au sud et à l'ouest), le corps de logis est bâti
essentiellement en moellon pour les murs et en pierre de taille pour les
parties vives (chaînes d'angle, portes et fenêtres), excepté à l'ouest où
une grande partie du mur gouttereau est en pierre de taille. Le corps
principal est couvert par deux toits: un grand toit en pavillon à l'ouest et
un toit à brisis à l'est, les deux étant couverts en ardoise. Les tours et
tourelles, selon leur plan, sont protégées par des toits en pavillon ou
coniques. (1)
château de Clérans 24290 Saint-Léon-sur-Vézère, propriété privée, ne se
visite pas, visible de l'extérieur. Le bourg est classé parmi les plus beaux
villages de France, église romane du XIIe siècle.
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