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L'appellation tour de Guinette que l'on donne
communément au donjon du château d'Étampes ne se rencontre pas dans les
textes avant la fin du XVIIIe sitelle, époque où les derniers vestiges du
château disparaissant laissant seule la grosse tour ruinée se dresser dans
le paysage. D'après Helgaud, l'historien de Louis le Pieux, la reine
Constance fit construire à Étampes un palais avec un oratoire ou une église,
"stampis castro Regine Constantia Palatium construxerat nobile, simul cum
Oratio" et plus loin "/Robertus fuit/monasteriun Sanctae Mariae in Stampi
Castro. Item in ipso castro ecclesian unam in palatio". Rien ne prouve que
cette mention désigne le château de Guinette comme on le pensait au XIXe
siècle, ni d'ailleurs la “maison du séjour" comme on l'admet encore
aujourd'hui; elle parait plutôt désigner un édifice situé à proximité
immédiate de Saint-Basile et de Notre-Dame. La découverte que nous avons
faite dans les terriers du XVIe siècle d'un licu-dit le donjon situé à l'est
de l'église Saint-Basile semble confirmer cette hypothèse. Les fouilles qui
ont mis au jour, en 1860, les fondations de la tour Guinette n'ont pas
révélé les substructures d'un édifice antérieur. Aucun document ne signale
la construction d'un château au XIIe siècle. On sait simplement par Suger
que Louis VI s'établit à Étampes pour lutter contre les seigneuries voisines
rebelles, en particulier celle du Puiset et de Montlhéry. Entre 1111 et
1114, il assiégea trois fois Le Puiset. Le roi finit par écraser ses
ennemis, dégageant la route d'Orléans. En 1185, une bulle du pape Luce III
"confirma tous les privilèges qui avoient été accordez à l'Eglize et aux
chanoines de Notre Dame, aux Eglises de Saint Bazile, de Saint Jacques de
Bedegon, de Saint Laurens dans la tour" : c'est la première mention du
château et de sa chapelle Saint-Laurent. En 1194, Philippe-Auguste fait
enfermer Robert, conte de Leicester, en la tour d'Étampes. C'est le premier
emprisonnement dans le château, et sera suivi, de 1201 2 1213, de celui plus
célèbre d'Ingeburge, épouse répudiée de Philippe-Auguste. Dans la même
période, le capitaine du château est Guillaume Menier. En 1240, le domaine
d'Etanpes, avec le château, est engagé à la reine Blanche de Castille. Par
la suite, il ne cessera guère d'être engagé jusqu'a la fin de l'Ancien
Régime. En 1400, Étampes passa dans les mains du duc de Berry; en 1411, le
capitaine du château, le chevalier de Bois-Bourdon fut attaqué par le duc de
Guyenne, allié aux Bourguignons. Devant la résistance des hommes du duc de
Berry, on "fit alors venir de Paris des machines de siège que l'on dressa
autour de la place. Les pierres énormes lancées continuellement par ces
machines brisèrent les murs en plusieurs endroits". Les assaillants
entrèrent alors dans la place et mirent le feu a toutes les maisons appuyées
aux murailles tandis que le capitaine se réfugiait dans le donjon. Pour
s‘emparer de la tour, les ennemis firent appel à un bourgeois de Paris nommé
Roussel : "il fit apporter de longues poutres de chêne qui furent appliquées
contre la muraille, de telle sorte que trente hommes pussent se déplacer
dessous et être ainsi a l'abri des traits et des pierres. Pendant cinq
jours, ainsi protégés, ils creusèrent la muraille en substituant aux pierres
des morceaux de bois auxquels on mettait ensuite le feu pour écrouler la
tour". Mais sous la menace du feu, le capitaine commandant le château se
rendit. Un peu plus tard, en 1417, les capitaines du roi s'emparèrent du
château d'Étampes, alors occupé par les Bourguignons, afin s'assurer la
libre circulation aux marchands qui ravitaillaient Paris... Ils pratiquèrent
tout autour des mines, qu‘ils étayèrent avec des pieux de bois, de telle
façon qu'en y mettant le feu, ils devaient faire écrouler les murs. Alors
les Bourguignons s'empressèrent de se rendre. Le 19 juillet 1465, le
comte de Charolais s'empara sans coup férir du château commandé par Robinet
du Ru au nom de Louis XI. Charles de France, frère du roi, Dunois,
Danpmartin et autres grands personnages le rejoignirent le même jour à
Étampes "qui est bon et grand logis, et en bon pays fertile". En 1513, à
l'occasion d'un séjour de Louis XII et d'Anne de Bretagne, des travaux
furent entrepris au château : les fourriers du roi "firent commandement aux
officiers et échevins d'aller au château d'Étampes pour y pourvoir et aviser
à l'accoutrement des choses nécessaires à faire et réparer dans ledit
château. Fut avisé qu'il était besoin de faire audit château plusieurs
ouvrages et réparations pour l’honneur de ladite venue qu'il convenait
d'envoyer par devers M. Granzay, maréchal des logis, pour savoir où il
plairait au Roi de loger en ladite ville, et pour faire ledit ménage fut
envoyé Louis de Liévin, dit dés Maillets, maître de poste à Étampes, auquel
a été payé pour avoir été jusqu'au lieu d'Artenay par trois fois 56 sous
parisis. Et la réponse de M. le maréchal des logis, par laquelle il disait
que le Roi notre sire pourrait bien être logé audit châtel en faisant une
allée par laquelle il pût aller et venir, monter et descendre à cheval audit
châtel. Firent lesdits échevins faire par le commandement de M. de
Montpipeau, premier valet de chambre du Roi, audit châtel et alentours
d'icelui les réparations qui ensuivent, etc...". Malheureusement, maître
Plisson, qui écrivit ce texte au XVIIe siècle à l'aide de documents anciens
aujourd'hui disparus, négligea d'énumérer les travaux effectués. Fleureau
indique a propos de ce séjour royal que la reine "trouva la ville et le
paysage d'alentour si agréable, et l'air du château où elle logea si bon,
qu'elle y séjourna un temps assez considérable...". Ces témoignages nous
permettent de penser que les travaux de 1513 portèrent principalement sur le
confort de la forteresse. Les 20 et 21 juillet 1553, Jean Hudebert, maître
juré de la ville d’Étampes, sur le fait de maçonnerie et de charpenterie,
accompagné des maîtres charpentiers Jean Lastier et Jean Gayet et des
maîtres maçons Pierre Lalande et Jean Godin, procède à l'estimation des
réparations à faire au château. Le document apporte de nombreuses précisions
sur la disposition des bâtiments (pavillon d'entrée, corps de logis neuf,
chapelle, corps de logis de derrière, plate-forme, etc) et sur la
distribution (chambre, cabinet, salle et galerie de l'appartement ducal,
offices et cuisines, etc). Il signale pour la "grosse tour” une montée
(escalier droit) s'appuyant sur une "branche de haulte voûte" donnant accès
à "la choguette" (échauguette). Ce texte constitue avec la description d'un
état ancien par Fleureau et la miniature des très riches heures, les seuls
documents faisant connaître avec une certaine précision les dispositions
d'ensemble du château. Pendant les guerres de Religion, le ciseau passa
plusieurs fois d'un parti a l'autre. Le 4 novembre 1588, Henri IV s'empara
définitivement de la ville et du château; "l'expérience du passé avait fait
connaître à ceux d'Étampes que le château de leur ville estoit la cause de
sa perte et de leur ruine, ils demandèrent au Roy la permission de le
démolir, qu'il leur accorda, et ils l'exécutèrent aussitôt eux-mêmes.
D'ailleurs sa Majesté considérant que cette misérable ville avoit été prise
trois fois en quatre mois, jugeant qu'il estoit difficile de la conserver,
fit ruiner ce qu'il y avoit de fortification ...". Pour détruire le
donjon, on plaça sous le pilier central du rez-de-chaussée une charge de
poudre qui, en explosant, détruisit les voûtes et créa quatre grandes
brèches, une dans chaque lobe... Pendant la Fronde, la ville fut assiégée en
1652 et le château qui n'avait pas été totalement détruit, servit encore.
C'est ainsi que les troupes de Turenne battirent "quelque temps la vieille
Tour du Château, mais inutilement, à cause de la solidité de sa muraille.
Les assiégés eurent toujours sur cette Tour un homme qui décrouvroit ce qui
se passoit au camp du roy, dont il donnoit incessanment avis". ce dernier
détail est également rapporté par le duc d'Yorck dans ses Mémoires. Les
Mazarinades signalent encore que six pièces d'artillerie furent "plantées
sur le cavalier basty dans le chasteau". Dans son livre, publié en 1683,
Fleureau dit que "du château d'Étampes il ne reste plus aujourd'hui que la
vieille tour où les vassaux du duché d'Étampes vont rendre leurs hommages ".
Ce qui n'est pas tout à fait exact puisque en 1718 un texte nous apprend que
"la chapelle de Saint-Laurent du chasteau d'Etampes est desservie par le
sieur Voisot. vers l'an 1735, on abattit un nombre assez considérable de
débris du château". Est-ce à ce moment que disparut la chapelle ? Dans le
courant du XVIIIe siècle, le marquis Poilloue de Saint-Mars transforma
"l'ancienne tour en un immense colombier", et fit boucher à grands frais
plusieurs brèches. Pour préserver la couvée des pigeons de l'attaque des
rongeurs, il fit crépir les joints des pierres, les lézardes, avec du
piastre, en formant deux ceintures de deux mètres de hauteur entourant
complètement l'édifice. On voit encore intérieurement et au nord un grand
nombre de ces boulins, mais la majeure partie se trouvait, dit-on, du côté
de 1a ville, à l'endroit où l'on voit la grande brèche. Le château,
engagé avec le domaine d'Étampes à Louis-Philippe d'Orléans à la fin du
XVIIIe siècle, devint bien national a la Révolution. Puis "tous les
matériaux provenant de la démolition du château fort situé à Étampes appelé
communément la tour de Guinette avec tous les batimens et murs de clôture y
attenant", furent acquis le 16 fructidor an II par Jean-Baptiste Pailhès,
architecte, avec la charge d’en effectuer la démolition en six mois. L'an
III, l'État envisagea de racheter le donjon afin d'y établir un télégraphe.
Ce projet n'eut pas de suite. L'an V, le sort du donjon, "signe de
ralliement qui embellit le paysage de la contrée", commença a émouvoir la
municipalité et les autorités du département de Seine-et-Oise. Mais le
propriétaire, Pailhès, continua la démolition malgré les interdictions
renouvelées de la municipalité : le 25 pluviôse an V, le conseil municipal
se réunit en séance extraordinaire pour interdire au citoyen Pailhès
d'emporter les pierres de la tour, acte qualifié de "vol de mobilier
national"; Pailhès démolit "une maison composée de deux chambres couvertes
de tuiles a côté de la tour où logeait un ancien militaire qui vendait du
vin, un bassin et un canal où se rendaient les eaux de la colline et le beau
jardin où ils étaient". Il lui fut fait plusieurs fois défense d'enlever les
pierres provenant de la chute du mur ou tourelle à côté de la grande qui
s'était écroulée sur la route de Dourdan pendant l'hiver de l'an V. Vers
1830 eut lieu un éboulement considérable de la partie "en mauvais mortier
rempli de boulins" construite par le marquis de Saint-Mars. Le 17 octobre de
la même année, le donjon fut acquis par Auguste de Grandmaison qui, vers
1832, fit dessiner le parc qui l'entoure encore aujourd'hui et construire
l'actuel pavillon du gardien. Il fit faire quelques fouilles dans la tour où
on découvrit plusieurs pièces de monnaie. En 1859, le "bois de Guinette"
fut acheté par la ville qui l'année suivante fit entreprendre de nouvelles
fouilles : on découvrit à deux mètres au-dessous du sol du rez-de-chaussée
et sous le pilier central, les traces du pétard qui devait faire sauter
l'énorme donjon en 1590... Les recherches faites à quatre mètres du sol
actuel et au-dessous des fondations, amenèrent à la découverte de belles
pierres et d'une quantité prodigieuse de débris organiques... On a reconnu
que les fondations reposaient sur le sable fin et suivaient la pente
naturelle du terrain. En 1862 le donjon fut classé Monument Historique. Du 3
au 22 janvier 1876, le puits de la tour fut fouillé à la suite d'un marché
conclu entre Lehoux, puisatier, et la municipalité. On y découvrit de
nombreux objets, en particulier trois petits canons en bronze de l'époque
d'Henri III, dont beaucoup furent déposés au musée municipal. En 1880, à la
suite d'un éboulement, le maire fit murer la partie inférieure de la grande
brèche du lobe sud-est. En 1881, la commune proposa de rétablir les marches
des escaliers, dont l'emplacement existe à l'intérieur des murs pour
permettre l'ascension au sommet des ruines et signala comme excessivement
urgent la restauration des maçonneries de la tour. A l'occasion de
l'agrandissement des voies du chemin de fer en 1891-92, des portions de
l'ancien château furent découvertes. En 1942-43, on restaura les parties
hautes du donjon, les travaux furent suspendus à la demande des occupants,
le 15 septembre 1943. Le bombardement aérien du 10 juin 1944 endommagea 1a
partie supérieure des murs de la tour. Le devis de consolidation approuvé le
23 juillet 1945 prévoyait des reconstitutions importantes, en particulier
pour les fenêtres. Les vestiges du château d'Étampes s'élèvent au
nord-est de la ville, légèrement en contrebas de la rupture de pente du
plateau de Beauce, à l'intérieur d'un parc dessiné à l'anglaise. Cette butte
est détachée du plateau beauceron qui enveloppe entièrement le site au nord.
Cette position défavorable en contrebas d'une rupture de pente est largement
compensée par l'emplacement stratégique dominant qu'occupe la tour par
rapport à la vallée de la Juine. Surplombant d'une quarantaine de mètres la
ville d'Etampes-le-châtel, le donjon surveillait tous les accès importants
de la ville : sa position très en avant du plateau lui permettait de prendre
en enfilade la vallée vers Orléans et Paris; le chemin de Dourdan, dont le
tracé primitif pénétrait dans la ville plus à l'ouest par la porte Dorée, a
été détourné pour l'obliger à longer le flanc oriental du donjon et a entrer
en ville par la porte des lions ou du château; bien plus, la tour a été
volontairement placée dans l'axe exact de l'ancienne rue du Perray (actuelle
rue de la République) qui, au-delà du faubourg Saint-Pierre, conduit à la
Ferté-Alais et Pithiviers. Ainsi, il est certain que le choix de
l'emplacement du château a été déterminé par l'existence d'un carrefour
d'axes à contrôler au plus prés, entérinant une situation de fait. La
présence d'une ville close antérieure? ce contrôle du carrefour primant
toute autre considération stratégique, le choix du constructeur s'est porté
sur une position dominée, alors qu'un site d'éperon bien plus aisé à
valoriser dominant à la fois l'emplacement actuel du château et la vallée
sèche où s'est aujourd'hui installée la route nationale menant à Dourdan,
existait à 60 mètres au nord-est (lieu-dit Machefer)...
Éléments protégés MH : la Tour Guinette : classement par liste de 1862. (1)
château d'Etampes ou tour Guinette 91150 Etampes, propriété de la commune.
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