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La révolution qui, au VIII siècle, fit
succéder en France la domination carolingienne à celle des Mérovingiens, ne
s'était accomplie que par l'intermédiaire de l'Eglise, toute puissante à
cette époque; aussi les fils de Charles Martel se montrèrent-ils
reconnaissants envers les évêques, et firent-ils, en faveur du Clergé, de
nombreuses fondations pieuses et d'importantes donations. Parmi ces
dernières, il s'en trouve une que Pépin le Bref fit, en 798, quelque temps
avant sa mort, à l'abbaye de Saint-Denis, c'est celle du Mons Aetricus ou
Aericus avec toutes ses dépendances. Ce Mons Aetricus ou Aericus, qui dans
la suite, par l'adjonction de l'article, a pris la forme française de Mont
Li Airy, Mont l'Airy, Mont l'Hairy, Mont le Héry et enfin Montl'héryt,
dépendait alors de la grande forêt d'Yveline, Aequalina Sylva, donnée
autrefois par Clovis à l'église de Reims; mais qui était, depuis peu,
rentrée dans le domaine royal. Le premier des seigneurs de Montlhéry qui
soit connu est Thibaut, que ses cheveux d'un blond pâle firent surnommer
File-Etoupe. On le croit second fils de Bouchard 1er de Montmorency. Thibaut
File-Etoupe était un des principaux barons de la cour de Hugues Capet, et
sous le règne suivant, celui du Roi Robert, il remplissait la charge de
forestier. Il obtint de ce roi, au mois de juillet 991, la permission de
fortifier Montlhéry; c'est alors que l'on commença à élever le château, dont
les fortifications furent terminées vers l'an 1015. A cette époque les
principaux barons et seigneurs du royaume se faisaient entre eux, pour des
causes souvent futiles, des guerres acharnées. Thibaut File-Etoupe n'y fut
pas étranger, car il avait pour voisins des seigneurs turbulents; tels sont
les sires de Gorbeil, de Rochefort, de Chevreuse, de Ghâteaufort, de
Montfort (l'Amaury), du Puiset, etc. Ces guerres durent vraisemblablement
retarder l'achèvement du château, néanmoins Montlhéry a adopté les premières
armes de cette illustre maison: d'or à la croix de gueules cantonnées de
quatre alerions d'azur.
Thibaut File-Etoupe mourut vers 1031, au commencement du règne de Henri 1er,
laissant son domaine à son fils Guy 1er, sire de Montlhéry, qui fut un
personnage important de son époque; il était en grande estime auprès des
rois Henri 1er et Philippe 1er, sous lesquels il vécut, et les servit avec
fidélité. Il avait épousé Hodierne, fille de Guillaume de Gometz, sénéchal
de France; elle lui apporta en dot les seigneuries de la Ferté et de Gometz;
il possédait déjà du chef de sa mère celle du Bray-sur-Seine, il se trouva
être un des plus riches barons de l'Ile-de-France. Il accompagnait
ordinairement le roi de France Philippe 1er, et assista comme témoin à
plusieurs assemblées royales. C'est sans doute ce Guy de Montlhéry, qui,
profitant de la haute faveur dont il jouissait, fit agrandir, ou plutôt
reconstruire, là où nous le voyons, le château et la grosse tour de
Montlhéry. Son épouse Hodierne était une femme douce et pieuse, elle sut
retenir près d'elle son mari lorsque Philippe 1er eut été atteint des
foudres de l'Eglise à cause de sa liaison adultère avec Bertrade de
Montfort. A sa mort elle voulut être enterrée dans le préau qui précédait
l'église de Longpont et devant le portail. Cependant Guy 1er de Montlhéry
voyait ses enfants alliés, par mariage, aux plus nobles familles de France.
Il avait rempli la mission qu'il avait reçue de Dieu comme baron, époux et
père; il voulut mourir en chrétien. Laissant donc à son fils Milon sa
seigneurie de Montlhéry, puissante et redoutée. Guy 1er de Montlhéry fut
après sa mort inhumé dans l'aile droite de la nef de l'église de Longpont.
Milon 1er de Montlhéry dut à ses exploits le surnom de Grand. Il était déjà
marié et avait plusieurs enfants de sa femme Lithieuse, qui lui apporta en
dot le vicomté de Troyes. Il paraîtrait que Milon le Grand ne se montra pas
aussi dévoué à Philippe 1er que l'avait été son père, il se ligua plusieurs
fois avec les ennemis de ce prince.
C'est alors que celui-ci comprit réellement l'importance militaire du
château de Montlhéry, qui, aux portes de la capitale dominait le chemin
d'Orléans et interceptait toute communication avec cette ville. Le roi de
France ne pouvait songer à s'en emparer par la force des armes, car il avait
alors sur les bras bien d'autres affaires importantes; d'ailleurs le sire de
Montlhéry comptait de nombreux amis. Le roi au contraire se voyait abandonné
par la plupart des seigneurs, que scandalisaient ses relations avec Bertrade
de Montfort. Il essaya plusieurs fois d'obtenir par voie d'échange ou
d'achat ce terrible manoir, mais ce fut en vain; heureusement la Croisade
lui vint en aide. A la voix puissante de Pierre l'Hermite, les barons de l'Ile-de-France
avaient tous pris la croix. Milon 1er de Montlhéry partit aussi avec son
fils aîné, Guy Troussel, son frère Guy le Rouge, comte de Rochefort, et son
neveu Hugues, sire de Crécy, fils du précédent. Il laissait dans son château
sa femme et ceux de ses enfants qui ne purent le suivre; il les confia à la
garde du châtelain ou gouverneur du château et de quelques chevaliers ses
tenanciers. Il n'entre pas dans le plan de notre notice de faire ici
l'histoire de la première Croisade; disons que le sire de Montlhéry, Milon
le Grand, se distingua par plusieurs actions héroïques contre les infidèles,
et qu'il voulut suivre l'étendart du Christ jusque sur la brèche de
Jérusalem (1099). La croisade terminée, Milon le Grand, qui avait conservé
pur et sans tache l'honneur de ses ancêtres, revint, mais quelque temps
après Milon le Grand repartait pour la terre sainte; fait prisonnier à la
bataille de Ramlah, en 1103, il mourait de ses blessures. Guy II Troussel
devint seigneur de Montlhéry, mais il se vit contraint d'accéder aux
propositions de Philippe 1er et consentit à lui céder son château, à la
condition que le roi de France marierait son fils naturel Philippe de Melun,
avec Elisabeth, son unique héritière.
Ce mariage fut célébré avec beaucoup de magnificence, en 1104, en présence
de toute la cour et Louis de France, fils de Philippe 1er, donna à cette
occasion, à son jeune frère, le château et la ville de Mantes dans le Vexin
français. Le roi Philippe 1er se sentit tellement à son aise quand il se vit
en possession du château de Montlhéry, qu'il y voulut demeurer pendant
quelque temps. Guy Troussel reçut en échange du château de Montlhéry la
terre de Méhun-sur-Yèvre, en Berry, qui avait fait retour au roi par
confiscation. Ainsi donc, l'an 1104 à la suite du mariage d'Elisabeth, fille
de Guy Troussel, avec Philippe de Melun, fils naturel de Philippe 1er, le
château de Montlhéry revint à la couronne. Le roi et la Cour y séjournèrent
durant la première année (1105) qui suivit cette union. Depuis cinq ans
Philippe avait abandonné l'exercice de la royauté à son fils Louis, il ne se
mêlait plus des affaires publiques, et ne songeait qu'aux plaisirs dont il
entourait Bertrade de Monfort, cette femme d'un caractère altier et
despotique, qui possédait une grande influence sur lui. Les barons de l'Ile-de-France
profitaient de son repos pour attaquer le domaine. C'est alors que Louis,
son fils, mérita en les repoussant le surnom de Louis l'Éveillé ou le
Batailleur que, plus tard, il devait échanger dans l'histoire contre celui
de Louis le Gros. Le château de Montlhéry fut le théâtre de grands
événements. Profitant des désordres du roi, et de l'absence momentanée de
Louis le Batailleur, Milon, vicomte de Troyes, frère cadet de Guy Troussel,
d'accord avec les frères Garlande et d'autres barons, se présenta devant
Montlhéry, avec sa mère et une nombreuse troupe de soldats. Accueilli dans
l'intérieur du château, grâce aux intelligences qu'il s'y était conservées,
il en fit soulever la garnison. Dans la tour s'étaient réfugiées Alix de
Rochefort, femme de Guy le Rouge, sénéchal de France, et sa fille Lucienne,
fiancée au fils du roi. Guy accourut pour délivrer les siens. Ceux qui
assiégeaient la tour, sans avoir pu réussir encore à s'en emparer, voyant
Guy approcher, s'enfuirent. Le sénéchal sut habilement détacher les frères
Garlande de la ligue des seigneurs, et Milon de Troyes, son neveu, abandonné
de tous, alla cacher sa honte et sa colère dans ses domaines. Louis le
Batailleur était accouru à Montlhéry, il confirma la paix que le sénéchal
Guy le Rouge avait signée avec les barons, "mais pour que dans la suite ils
ne tramassent quelque chose de semblable, il détruisit les fortifications du
château, à l'exception de la tour ".
Un des premiers actes de Louis VI, devenu roi en 1108, à la mort de son
père, fut d'enlever à Hugues de Crécy, fils de Guy le Rouge, la dignité de
sénéchal que son père, du consentement de Philippe 1er, lui avait transmise.
Elle fut donnée à Anselme de Garlande, dont le frère Etienne reçut la charge
de chancelier. Le roi de France donna la seigneurie de Montlhéry à Milon de
Bray, second fils de Milon le Grand, dont les droits sur cet héritage
primaient ceux de Hugues. Cette cession fut faite par Louis VI en 1110; ce
prince voulut présenter lui-même Milon II de Bray aux habitants de Montlhéry
comme leur seigneur légitime. Cela ne faisait pas les affaires de Hugues de
Crécy, qui nourrissait l'espoir de rentrer dans Montlhéry. Ce chevalier
déloyal dressa à son cousin Milon II une embuscade, le fit prisonnier, et
profitant de ce que le château n'avait alors qu'une faible garnison, il s'en
empara par surprise. Pour dérouter toutes poursuites, Hugues de Crécy traîna
son prisonnier de château en château, et finit par l'étrangler dans son
cachot. Après l'avoir tué, pour faire croire à un suicide, il le précipita
du haut d'une fenêtre de la tour de bois. Le roi voulut ensuite punir celui
que la voix publique désignait comme le meurtrier. Il vint l'assiéger dans
son château de Gometz, s'en empara, et le condamna à comparaître devant la
cour d'Amaury de Montfort, duquel son fief de Gometz relevait, pour s'y
purger par le duel judiciaire de l'accusation portée contre lui. Au jour
marqué, le champ-clos fut dressé au pied du manoir des Montfort; là, en
présence du roi de France Louis VI, et de toute sa cour, du roi d'Angleterre
Henri, de Thibaut, comte de Blois, et d'autres barons, Hugues de Crécy
n'osant pas soutenir le combat, fit l'aveu de son crime, demanda pardon et,
après avoir abandonné au roi sa terre de Montlhéry, courut ensevelir sa
honte dans un cloître, mettant ainsi le sceau à son humiliation. C'est ainsi
que le château de Montlhéry rentra au pouvoir royal après avoir eu pour
seigneurs, pendant une période bien tourmentée de 127 ans; Thibaut
File-Etoupe, Guy 1er, Milon le Grand, Guy II Troussel, Milon II de Bray, et
Hugues de Crécy.
Maître du château de Montlhéry, Louis VI en confia la garde à un Prévot qui,
sous le titre de châtelain, et plus tard de capitaine, devait avec des
chevaliers qui relevaient de la seigneurie, le garder en son absence. A
l'exemple de son père, Louis VII résida plusieurs fois à Montlhéry, avec
Suger son ministre; il fit réparer le château et élever des bâtiments
d'habitation dans la cour de l'esplanade. Philippe-Auguste (1165-1223)
habita souvent le châ teau de Montlhéry. A la requête de Guillaume, évêque
de Paris, il y signa des lettres patentes par les quelles il reconnaissait
devoir, tous les ans à l'évêché de Paris, la somme de 45 sous pour les
cierges des fiefs de Corbeil et de Montlhéry, confisqués et réunis à la
couronne. En 1184, il y signait encore une charte par laquelle il
abandonnait à l'abbaye du Bois-des-Dames la dixième partie du pain et du vin
qui se consommaient à Montlhéry pendant les séjours qu'il y faisait. On
estime que sous son règne la terre rendait un peu plus de 200 livres de
revenus, somme considérable pour l'époque. Lors de la réorganisation
administrative du royaume, Montlhéry devint le siège de l'une des 78
prévôtés royales. Saint Louis, pendant sa minorité (1223-1229), séjourna
plusieurs fois, avec la reine Blanche de Castille sa mère, à Montlhéry et
aux environs, notamment au château de Bruyères. Il est à croire que saint
Louis fit réparer le château de Montlhéry de manière à l'approprier à la
résidence de la cour; on lui attribue la construction d'un des bâtiments qui
étaient dans l'enceinte de l'esplanade. A son retour de la Croisade, vers
1254, il fit élever à gauche de l'entrée de cette esplanade, dans la
troisième enceinte, la chapelle qui porta son nom, et dont on voit encore
très distinctement l'arrasement des gros murs. Sous le règne de Philippe le
Bel la Tour de Montlhéry servit plusieurs fois de prison d'Etat. C'est ainsi
que nous y voyons enfermés le comte de Hainaut Jean d'Avesnes (1292-1293),
et plus tard Louis de Nevers, fils aîné de Robert, comte de Flandre (1311).
Au temps de Philippe V le Long on avait, en 1320, répandu le bruit que les
juifs et les lépreux, avaient empoisonné les puits et les fontaines, poussés
à cela par les rois de Tunis et de Grenade, qui étaient mahométants et qui
craignaient que le roi de France n'entreprît une nouvelle croisade.
Montlhéry n'échappa pas à ce bruit absurde qui ne cessa que lorsque le
capitaine du château, Pierre Guillart, eut obtenu du receveur de la vicomté
de Paris, Guillaume de Gienville, une ordonnance du 2 septembre 1321,
obligeant de curer le puits du château. En 1328, à l'avènement de Philippe
VI de Valois, il y avait dans la châtellenie deMontlhéry 51 paroisses et
5533 feux, ce qui peut approximativement représenter une population de
20.000 âmes. Jean le Bon séjourna à Montlhéry pendant les premières années
de son règne; il venait s'y livrer aux plaisirs de la chasse, dans la forêt
de Séquigny, dans les bois de Linas et de Marcoussis. A cette époque
Philippe de Saint-Yon s'intitulait "capitaine et comte de Montlhéry".
Lorsqu'à la suite de la désastreuse journée de Poitiers, en 1356, le roi
Jean eut été fait prisonnier, les habitants de Montlhéry et ceux de la
châtellenie, en outre des tailles qu'ils acquittaient, fournirent des sommes
considérables pour contribuer à sa rançon. Le Dauphin Charles, depuis
Charles V, résida au château pendant la captivité de son père, notamment
après avoir dissous l'Assemblée des Etats Généraux convoqués par ordonnance
du 28 décembre 1355; il datait même de Montlhéry une ordonnance du 5
décembre 1356 relative aux immunités de la ville de Tournay. Pendant la
guerre de Cent Ans, et les troubles suscités en France par la funeste
rivalité des maisons d'Orléans et de Bourgogne, Montlhéry eut sa part des
malheurs qui désolèrent la France; successivement pris et repris par chacun
des partis anglais ou français, armagnac ou bourguignon, le château de
Montlhéry eut à souffrir des exactions de chacun d'eux. Son histoire se
réduit, pour cette époque, à la triste chronologie de ses malheurs.
En 1358 les Anglais assiègent le château sans pouvoir s'en emparer. Le 31
mars 1360, Edouard III, plus heureux, l'enlève au capitaine Jean de Hangest,
chargé de sa défense. Il y séjourna pendant quelque temps. Le 4 avril de la
même année, qui était le samedi saint, les Anglais incendient le bourg; mais
bientôt après les troupes du roi Charles VI s'en emparent. Olivier de
Clisson avait, en 1382, reçu la garde et la capitainerie du château de
Montlhéry. Il y résida plusieurs fois; c'est notamment dans ce château qu'il
s'était retiré, en 1387, après s'être démis de son office de connétable, à
la suite du guet-à-pens dont il avait été victime de la part du duc de
Bretagne. En 1409 les Armagnacs s'emparent de Montlhéry, et la reine Isabeau
de Bavière y vint conférer de la paix avec eux; elle logea 15 jours au
château de Marcoussis. En 1413, Jean de Croi, fait prisonnier; fut conduit
par l'ordre de la reine Isabeau au château de Montlhéry pour y être enfermé;
son père envoya de Saint Denis, pour le délivrer, une vingtaine de cavaliers
qui, profitant du moment où le prisonnier assistait à la messe dans l'église
du bourg, s'en emparèrent, le montèrent sur un bon cheval, et l'amenèrent à
Saint-Denis, où ils furent félicités par le père et par le duc de Bourgogne.
Le 8 octobre 1417, le duc de Bourgogne, Jean Sans Peur, après avoir dévasté
les environs de Paris, se retira vers Montlhéry; il entra dans le bourg, fit
le siège du château, et s'en empara après huit jours de blocus. Il s'était
également emparé des châteaux de Marcoussis et de Chevreuse. La garnison qui
avait été laissée à Montlhéry désolait les campagnes, elle étendait ses
dévastations jusqu'aux portes de Paris; les parisiens ruinés s'en
plaignirent vivement. Le prévôt de cette ville, Tannegui Duchâtel, se mit à
leur tête, marcha contre la garnison de Montlhéry, assiégea le château et le
prit en janvier 1418. Montlhéry jouissait d'une certaine prospérité depuis
l'expulsion définitive des Anglais du royaume de France, lorsqu'au
commencement du règne de Louis XI, en 1465, elle vit se livrer à ses portes
la bataille à laquelle elle a donné son nom.
Il y eut, dit-on, 3.600 morts de part et d'autre. Les Français perdirent
plus de noblesse que les Bourguignons, mais aussi ils firent les prisonniers
les plus considérables. Chacun des deux partis s'attribua la victoire; et
tandis que du côté des Bour guignons, quelques fuyards allaient se faire
tuer jus qu'à Pont-Saint-Maxence, du côté de l'armée royale, ceux qui
avaient été poursuivis par le comte de Charolais allaient jusqu'en Poitou
répandant le bruit de la défaite et de la mort du roi. Louis XI, pour
démentir ce bruit, qui pendant la bataille gagnait les siens, se vit obligé
d'ôter son casque pour se montrer. La plaine où se livra la bataille fut
appelée dans les terriers et titres du pays: Champlier du Champ de Bataille,
et ce nom se retrouve encore dans le Cadastre de la commune. Après ce
mémorable événement le bourg de Montlhéry retrouva de nouveau la paix dont
il avait tant besoin; aussi avons-nous peu de faits historiques à en
registrer à son sujet. En 1480, Louis de Halwin était capitaine du château,
et en 1512 Geoffroy Lemaistre, licencié ès lois et avocat au Parlement y
exerçait les fonctions de prévôt pour le roi. Le dernier qui ait été nommé
capitaine du château pour le roi de France, est Jean de la Rochette, qui
était en fonction en 1514. Le 6 avril 1529, le roi François 1er donnait la
Terre et Seigneurie de Montlhéry, mais avec faculté de rachat, à François d'Escars,
seigneur de la Vauguyon, sénéchal du Bourbonnais, et à Isabeau de Bourbon,
son épouse, en échange des Terres, Seigneuries et Châtellenies de Carency,
Bonymères et Bonelles, situées en Flandre, qui leur appartenaient, et qui
venaient d'être cédées à Charles-Quint par le traité de Cambrai. A partir de
cette époque le château de Montlhéry cessa d'appartenir à la Couronne; il
eut des Seigneurs engagistes qui obtenaient du roi, moyennant une somme
déterminée, l'administration et les revenus de la Seigneurie; mais le roi
était toujours maître de racheter ces droits pour en disposer de nouveau
selon son bon plaisir.
François d'Escars, seigneur de la Vauguyon et sénéchal de Bourbonnais, fut
donc, en 1529, le premier seigneur engagiste de la châtellenie et comté de
Montlhéry. En lui cédant cette partie du domaine de ses prédécesseurs,
François 1er se réservait le droit de le racheter quand bon lui semblerait.
Nous trouvons aussi un capitaine du château, un lieutenant de la
capitainerie, un capitaine des chasses et un chapelain de la chapelle
Saint-Louis du château. Plus tard, lorsque cette chapelle eût été ruinée, le
roi n'en continua pas moins d'y nommer un chapelain aux gages des seigneurs
engagistes. C'est sous François 1er que les habitants obtinrent, par lettres
patentes, en date du 9 juillet 1540, la permission de clore, à leurs frais
et dépens, leur ville de murailles, avec pont-levis, tours, fossés et
barbacanes. La ville fut alors entourée de murailles et flanquée de tours;
elle était protégée par des fossés, encore reconnaissables, entre le château
et la ville. Le 23 mars 1547, fut dressé un procès-verbal d'expertise pour
constater les réparations qu'il était nécessaire de faire au château. Les
réparations à faire furent alors évaluées à 8.700 livres, somme très
considérable pour l'époque. Ce ne fut que l'année suivante, en 1548, que le
chancelier de Leuville prit possession de son comté de Montlhéry; il fit
rebâtir la geôle et l'auditoire. La seigneurie de Limours relevait de
Montlhérv; aussi vit-on, en 1555, Diane de Poitiers, duchesse de
Valentinois, venir prêter serment de foi et hommage dans l'auditoire, entre
les mains d'Olivier de Leuville. Elle séjourna plusieurs fois dans son
château de Limours, et elle eut des rapports de voisinage avec François de
Balsac, seigneur de Marcoussis, et avec le chancelier Olivier; on prétend
même que le château de Marcoussis fut témoin de certaines aventures galantes
avec le fils du chancelier Olivier.
Au temps des guerres de religion, Montlhéry fut de nouveau exposé aux
malheurs de la guerre. Le château n'était plus en état de défense, mais la
ville, par sa situation entre Paris et Orléans, avait une certaine
importance. Aussi fut-elle successivement prise et reprise par chacun des
deux partis Catholique et calviniste. En 1562, le prince de Condé, à la tête
des calvinistes, s'empare de Montlhéry, le livre au pillage, enlève du
château les canons et les arquebuses qui s'y trouvaient encore, et ces armes
furent retrouvées le 17 février suivant à Chilly, dans la maison des
seigneurs de Longjumeau où elles avaient été déposées. Montlhéry devint pour
les calvinistes un quartiergénéral d'où ils sortaient pour ravager les
environs. Les châteaux de Marcoussis et d'Orçay, les monastères de Longpont
et de Marcoussis furent dévastés, livrés au pillage et brûlés, et les choses
restèrent dans cet état jusqu'à l'avènement de Charles IX. Au chancelier
Olivier de Leuville succéda, comme seigneur engagiste de Montlhéry, le
chancelier René de Birague; il s'était rendu adjudicataire de la seigneurie
moyennant la somme de 6.300 écus. René de Birague ne conserva pas longtemps
ce domaine et, le 5 mars 1575, le seigneur engagiste reconnu fut François de
Balsac d'Entragues, seigneur de Marcoussis et de Bois-Malesherbes, bailli et
gouverneur d'Orléans. C'était un des principaux seigneurs de la cour de
Henri III; il avait épousé Marie Toucliet, maîtresse de Charles IX, et il en
eut Henriette d'Entragues, maîtresse de Henri IV. Vers 1585 le prince de
Condé, après s'être emparé de Montlhéry, y avait laissé garnison, et ses
soldats, peu disciplinés, s'étaient établis tant bien que mal dans les
bâtiments à demi ruinés du château et dans la ville; en 1585 les ligueurs
les en chassèrent, mais les habitants, exaspérés des exactions commises par
l'un et l'autre parti, se soulevèrent, tuèrent le capitaine ligueur,
expulsèrent à leur tour ses soldats et remirent la ville et le château entre
les mains du roi.
Deux ans après, le 9 décembre 1587, Henri III ordonnait aux habitants de
Montlhéry de réparer les fortifications de leur ville; ces réparations
furent terminées en 1589. Henri III était mort, Henri de Navarre, reconnu
roi sous le nom de Henri IV, venait de remporter la bataille d'Ivry. Le 5
novembre 1590, Henri IV vint séjourner à Montlhéry; après son départ, une
bande de partisans s'empara de la ville et du château sous la conduite du
capitaine JBaudry dit La Paille. La ville fut de nouveau dévastée et pillée,
mais les habitants, poussés à bout, coururent aux armes et, sous la conduite
de Jacques de la Roche, les chassèrent. Depuis lors, Montlhéry demeura
fidèle à la cause du roi Henri. Cependant le château dont les bâtiments
étaient en fort mauvais état ne pouvait plus recevoir de garnison régulière;
il était devenu, dans ces temps de troubles, plutôt une cause de danger que
de protection pour les habitants, convoité qu'il était toujours par les deux
partis et surtout par les bandes isolées qui couraient la campagne en leur
nom. Les habitants de Montlhéry obtinrent le 15 décembre 1591, du gouverneur
de Paris, Jean-François de Faudoas, comte de Belin, l'autorisation de le
mettre en état de neutralité. Ils furent même autorisés à le raser si cela
était nécessaire pour la sûreté de leur ville. Les principales
fortifications de l'esplanade du château furent alors démolies, le vieux
donjon fut démantelé, et ces débris servirent à achever les murs de clôture
de la ville qui en certains endroits n'étaient pas terminés. Pendant les
premières années du règne de Henri IV, Montlhéry vit se cicatriser les
plaies que la guerre civile lui avait faites; avec la paix et le travail de
ses industrieux habitants, l'abondance et la prospérité reparurent. Le 15
septembre 1603, que furent délivrées les lettres patentes du roi Henri IV
qui autorisaient Jérôme Le Maistre, seigneur de Bellejambe, à prendre les
pierres du château de Montlhéry pour élever sa maison de Bellejambe,
l'entourer de fossés, la clore de murs. Ce Jérôme Le Maistre était
petit-fils de Geoffroy Le Maistre qui avait été prévôt de Montlhéry, de 1512
à 1546.
Armand Duplessis, évêque de Luçon, plus tard cardinal de Richelieu, avait
acquis la terre et comté de Limours qui relevait de Montlhéry; n'ayant pu
s'entendre avec François de Balsac d'Entragues, seigneur engagiste de la
comté et châtellenie, il eut recours à la reine Marie de Médicis, sa
bienfaitrice; il obtint d'elle, en 1603, que le domaine de Montlhéry fut de
nouveau mis en vente, et se le fit adjuger sous le nom de Catherine de
Médicis. C'est ainsi qu'il devint le septième seigneur engagiste de
Montlhéry. Mais en 1627 le roi Louis XIII, voulant accroître l'apanage de
son frère Gaston, acheta du cardinal de Richelieu son comté de Limours et
retira celui de Montlhéry pour les réunir au duché de Chartres. Gaston
d'Orléans devint donc seigneur engagiste de Montlhéry et il conserva la
terre et le comté jusqu'à sa mort, arrivée en 1660. Les prévôts ou
sous-baillis qui se succédèrent à Montlhéry pendant cette période furent en
1G02, Christophe Bagereau; en 1640, Jean Bagereau; en 1650, Michel Le
Routier, et après lui François de Dinan. Après la mort de Gaston d'Orléans
le roi Louis XIV, par lettres patentes en date du 19 juin 1662, laissa à
Marguerite de Lorraine, sa veuve, la jouissance et l'usufruit des domaines
de Montlhéry et de Limours, mais celle-ci, par contrat passé devant Lecarron
et Galois, notaires au Châtelet de Paris, le 29 juillet 1662, fit
rétrocession de ces mêmes domaines, à l'exception du château de Limours
qu'elle voulait habiter, à Guillaume de Lamoignon, premier président au
Parlement de Paris, qui devint ainsi le dixième seigneur apanagiste de
Montlhéry. A la mort de Guillaume de Lamoignon, en 1677, sa veuve devint
dame de Montlhéry et conserva la comté et châtellenie jusqu'en 1696. A cette
époque le 18 juillet, Jean Phélippeaux, conseiller d'État, devint seigneur
de Montlhéry moyennant 6600 livres; il devait jouir de tous les titres
honorifiques qui se rattachaient au domaine.
En novembre 1701, Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, se rendait en
Espagne où il allait régner sous le nom de Philippe V; traversant avec son
cortège Montlhéry, les habitants et ceux des environs le reçurent en habits
de fête, au son des cloches et au bruit de la mousqueterie. Le curé de
Montlhéry, Louis Chanceau, se présenta devant lui pour le haranguer. "Sire,
dit-il, les longues harangues sont incommodes et les harangueurs ennuyeux,
ainsje me contenterai de vous chanter tous les bourgeois de Châtres et ceux
de Montlhéry mènent fort grande joye en vous voyant ici; petit-fils de
Louis, que Dieu vous accompagne et qu'un prince si bon, don, don, cent ans
et par delà, là, là, règne sur les Espagnes". Le futur monarque, enchanté du
zèle chansonnier du digne curé, lui cria: "Bis, monsieur l'abbé" Celui- ci
obéit et répéta son couplet avec encore plus d'entrain. Le roi lui fit
donner en sa présence dix louis; le curé les ayant reçus dit à son tour:
"Bis, sire" et le roi trouvant le mot plaisant fit doubler la somme. En
1747, Jean-Louis Phélippeaux, chevalier, mestre de camp de cavalerie,
succéda à son père en qualité de seigneur engagiste de Montlhéry; il prenait
habituellement le nom de comte de Montlhéry et tirait du domaine environ
4.000 livres de revenus. Il mourut à Paris le 13 septembre 1763. Il avait
transporté les comté, châtellenie, justice et domaine de Montlhéry à
Philippe de Noailles, duc de Mouchy, qui en fut le dernier seigneur
engagiste. Cette vente avait été faite moyennant une rente annuelle de 1500
livres. Le comte de Noailles n'entra en possession qu'en 1764, encore eut-il
à repousser les prétentions du marquis de Gouffier dont la fille mineure
prétendait des droits sur la succession Phélippeaux; il fallut lui payer
72704 livres, plus 2212 livres d'intérêts. A son entrée en possession, le
comte de Noailles fit dresser, le 17 septembre 1764, un procès-verbal de
l'état du château, de l'auditoire, de la chapelle en dépendante, des halles
et des autres bâtiments du domaine de Montlhéry, par le sieur Danjan,
expert. En 1772, le comte de Noailles devenait propriétaire du domaine et
comté de Montlhéry par un échange qui eut lieu entre lui et le roi.
Le château offrait alors le triste aspect d'une ruine abandonnée et
délaissée. Voici ce que disent à son sujet les commissaires: "Le 9 juin 1771
nous nous sommes transportés à la dite Tour, que nous avons trouvée en
ruines et hors d'état d'en faire aucun usage. Sous l'emplacement de la dite
tour nous y avons reconnu des vestiges d'anciennes fortifications
entièrement détruites; lesquelles fortifications paraissent avoir environné
l'élévation sur laquelle se trouve située la dite Tour, et depuis la
destruction desquelles le terrain a été défriché. Ce fait, nous avons
procédé à la visite et reconnaissance des fossés et remparts de la ville, en
commençant par la porte dite de Montlhéry (la porte vers Saint-Michel), à
l'extérieur, et nous avons reconnu que la dite ville est entièrement
enceinte de murs, déboulés dans plusieurs parties et flanqués de plusieurs
bastions (tours), dont quelques uns ont été détruits; nous avons aussi
reconnu les vestiges de l'emplacement des dits fossés encore incultes du
côté de la porte de la ville, dite la porte de Paris". La fin du dernier
seigneur de Montlhéry est bien digne de pitié. Le maréchal de Mouchy, comte
de Noailles, avait épousé la fille de Louis de Séverac, marquis d'Arpajon; à
la mort de ce dernier, la comtesse de Noailles, son unique héritière,
apporta à son mari Arpajon, Saint-Germain, la Bretonnière, tout ce qui
constituait le marquisat de récente création. Le maréchal songeait à réunir
ces terres à son domaine de Montlhéry pour le faire ériger en duché, faveur
que les services qu'il avait rendus au roi et au pays devaient rendre
certaine lorsque éclata la Révolution française. Tous les biens du maréchal
de Mouchy, comte de Noailles, furent confisqués, plus tard vendus comme
biens nationaux, et parmi eux tout ce qui constituait l'ancien domaine de
Montlhéry. Arrêtés pendant la Terreur, le maréchal et sa femme, malgré les
souvenirs de bienfaisance qu'ils laissaient, furent traînés de prison en
prison et, le 17 juin 1794, leur tète tombait sur l'échafaud
révolutionnaire... (1)
En 1844 la commune avait acquis les terrains environnant la tour pour
établir une promenade publique. Les courtines cantonnées de quatre tours
rondes, aujourd'hui arasées, encadrent une plate-forme rectangulaire proche
d'un carré qui se prolonge vers le sud-est par une avancée triangulaire avec
au bout la tour maîtresse. Seule la Tour brûlée située au nord-ouest a
conservé plus que sa base talutée; elle est reconnaissable à ses reprises en
brique dues à Labrouste. La tour nord à droite de l'entrée a un fort dévers,
d'où son nom de Tour penchée. Des deux autres tours, est et sud, ne
subsistent que les maçonneries de soutènement. Les tours et les courtines
sud et est sont construites en pierre de taille assez régulière. Le donjon a
une hauteur de 30, 35 m et un diamètre de 9,60 m à la base. Sa partie basse
(rez-de-chaussée et premier étage) abrite deux salles superposées de plan
hexagonal, autrefois voûtées ; elles ont été édifiées avec un parement
externe en carreaux de grès très soigné alors que la maçonnerie interne,
enduite, est en matériaux plus légers (meulière et chaux). Au premier
niveau, à gauche de l'entrée un escalier rampant est aménagé dans
l'épaisseur de la paroi. Les quatre niveaux supérieurs abritent des salles
de plan carré autrefois planchéiées, avec latrines et cheminées; ils sont
parementés de carreaux et boutisses de grès tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur de la tour. Ces quatre étages sont distribués par une tourelle
d'escalier en vis établie hors-oeuvre au nord-est de la tour, à partir du
premier étage. Le pont enjambant le fossé est en béton armé. Sur l'esplanade
sont visibles: les fondations du corps de logis principal adossé contre la
courtine nord-ouest; à gauche de l'entrée, l'ancien puits (obturé); plus au
sud, dans l'axe de l'entrée du château, des vestiges d'un édicule à la
fonction inconnue sous lequel se trouvent des caves et souterrains. Vestiges
de chemin de ronde au quatrième étage.
Éléments protégés MH: les vestiges du château (le donjon, le puits, les
douves et la courtine): classement par liste de 1840 (2)
château fort de Montlhéry 91310 Montlhéry, propriété de l'État, vestiges.
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