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Le site occupé par le château d'Acquigny
ne le cède en rien aux sites ravissants de la riante vallée d'Eure. Un parc
d'une longue étendue fait non seulement le charme des habitants de ce
domaine, mais il réjouit l'œil du voyageur parcourant le chemin qui sépare
la côte de la rivière. Non loin de là l'Iton mêle ses eaux à celles de
l'Eure. De grands arbres variés, majestueux comme leur âge, procurent par
leurs frais ombrages une température vraiment désirable. C'est au milieu de
cette séduisante nature que s'élève le gracieux château bâti par Anne de
Laval sous le règne de François 1er. Son plan est assez étrange. Le
principal corps de logis se compose de deux longs bâtiments en équerre, et
dans la jonction de l'angle se trouve, au-dessus de l'entrée principale, une
tourelle en encorbellement, d'une construction svelte et richement décorée.
Des pavillons en terrasse garnis d'une balustrade à pilastres semblent avoir
été construits comme agrandissement et être d'une date plus récente que le
château. Anne de Laval avait épousé Louis de Silly, seigneur de la
Roche-Guyon, quand elle fit construire ce beau manoir. Elle était de
l'illustre famille des Montmorency, et déjà le connétable Mathieu de
Montmorency était propriétaire du domaine d'Acquigny en 1227. A la mort de
François de Silly, qui fut tué au siège de la Rochelle en 1627, son cousin,
Paul de Gondi, parent du cardinal de Retz, devint son héritier pour les
terres d'Acquigny et de Crève-Cœur à la Croix-Saint-Leufroy; mais bientôt il
vendit lui-même ces deux baronnies, la première à Leblanc du Rollet, et
celle de Crève-Cœur à Jacques des Hommets; c'était en 1646.
Dix ans après, Claude Le Roux, seigneur de Cambremont, conseiller au
Parlement de Rouen, devenait acquéreur d'Acquigny pour la somme de 186000
livres. Ce domaine est demeuré la propriété de cette famille jusqu'à la fin
du XIXe siècle, et il est habité actuellement par Madame la comtesse du
Manoir. Esprit-Marie-Robert Le Roux d'Esneval, chevalier vidame de
Normandie, baron d'Esneval et d'Acquigny, marquis de Grémonville, président
à mortier au Parlement de Normandie, devenu seigneur d'Acquigny, se
distingua par une munificence presque royale. D'ailleurs, disons-le en
passant, la maison d'Esneval a compté plusieurs alliances avec les membres
de la famille royale. Sa piété n'était pas moins grande que sa fortune. Ses
vertus, sa charité pour les pauvres, ainsi que les nombreuses églises qu'il
construisit ou répara, ont rendu son nom célèbre dans toute la Normandie. Il
avait une grande vénération pour les saints martyrs d'Acquigny et il voulut
la faire partager par toute la population. Nous savons que vers le Ve
siècle, saint Mauxe, évêque d'Italie, après avoir souffert pour la foi dans
son pays, s'était réfugié en Gaule, accompagné de son frère Vénérand, qui
était diacre, et de deux prêtres, Marc et Etherius. Poursuivi par le consul
Sabinus, il fut rejoint sur les bords de l'Eure, à Acquigny, où il eut la
tête tranchée ainsi que saint Vénérand et trente-huit des soldats que le
spectacle de la foi et du martyre du saint évêque avaient convertis.
L'endroit où ils furent exécutés ressemble aujourd'hui à une grande nef dont
les piliers sont autant de marronniers plus que séculaires, dont les
branches vigoureuses forment comme une voûte d'église. Une colonne surmontée
d'une croix et un autel en pierre sur lequel on place les saintes reliques
le jour du grand pèlerinage, complètent ce merveilleux sanctuaire qui ne
tient que de la nature sa richesse et sa majesté. Ce lieu porte le nom de
Clos Saint-Mauxe, ou Clos des Martyrs.
Non loin du château existait un ancien prieuré, dépendant de l'abbaye de
Conches, mais depuis longtemps abandonné. Le président d'Esneval s'en rendit
acquéreur pour le relever de ses ruines, et sur l'emplacement du tombeau des
martyrs il réédifia une chapelle, où les ossements des trente-huit
compagnons de saint Mauxe sont conservés dans un autel en bois sculpté. La
piété de M. d'Acquigny ne s'en tint pas là: peu de temps après il entreprit
la reconstruction de l'église même d'Acquigny. Elle fut terminée en 1756 et
Mgr Richard Dillon, évêque, vint en faire la bénédiction solennelle. En
1772, M. d'Acquigny ayant résigné ses fonctions de président à mortier au
Parlement de Normandie, se retira dans sa terre d'Acquigny pour s'y livrer
aux exercices de la piété chrétienne. Affilié aux religieux de la Trappe, il
voulut rapprocher le plus possible sa vie de la leur. Il fit construire tout
proche de l'église une demeure plus simple où il habitait avec son
domestique. De son appartement il communiquait dans une tribune donnant sur
la belle chapelle qu'il avait fait bâtir en l'honneur du Saint-Esprit, et
qui s'ouvre derrière le maître-autel de l'église. A côté de cette tribune,
on voit encore un petit oratoire où le vénérable président, prosterné aux
pieds du Crucifix et les yeux attachés sur une tête de mort, méditait les
vérités éternelles. Cette tête est celle de dom Rigobert Lévesque, mort en
odeur de sainteté le 14 novembre1679, entre les bras de l'abbé de Rancé.
C'est dans cette humble demeure que mourut, en 1788, le président d'Acquigny,
laissant à tous les siens le modèle d'une vie chrétienne et charitable. (1)
Du vaste parc à la française, il subsiste l’orangerie au briques pastel avec
sa collection d’agrumes, le potager verger entouré de canaux le grand
miroir, de vastes perspectives, de magnifiques arbres: platanes d’orient,
tilleuls et marronniers. Le parc romantique fut créé à la fin du XVIIIe
siècle, le réseau de canaux rectilignes et perpendiculaires fut complété par
une rivière serpentine où se reflètent dans les bassins le château, les
arbres de tailles spectaculaires, exotiques, et les arbustes. Inspiré par
"les rêveries d'un promeneur solitaire" de Jean-Jacques Rousseau et par
Goethe, un pont romantique, un chemin de roches, des cascatelles, et une
cascade monumentale agrémentent cette rêverie au fil de l'eau et de
l'histoire. Conçu à la fin du XVIIIe siècle, le parc paysager a été dessiné
afin de mettre en valeur le domaine. L'alternance toute en courbe des
pelouses, des bosquets d'arbres, d'arbustes à fleurs pour toutes les saisons
et le plans d'eau constitue un paysage harmonieux tout en douceur. Dans ce
site, chaleur et eau se conjuguent pour permettre la plantation en pleine
terre de plantes de régions chaudes et un développement inhabituel aux
arbres, exceptionnels par leur taille et leur rareté : platanes qui
atteignent jusqu'à 47 m de hauteur ou jusqu'à 8 m de circonférence, pins
laricio, séquoias, cyprès de Louisiane, hêtres pourpres, et sophoras du
Japon offerts par Jussieu au Président d'Acquigny en 1768... La diversité
des essences est renouvelée lors des plantations par de nombreuses plantes
de collection, cèdres du Liban ou de l'Himalaya, féviers d'Amérique,
tulipiers de Virginie, pins parasol, agrumes en pleine terre, mûriers,
micocouliers, arbousiers ou arbres aux fraises, metaséquoïa glyptostroboïdès
et ginkobiloba, des variétés de bouleaux, cercidiphyllum ou arbres au
caramel, arbres aux mouchoirs.
Éléments protégés MH : le château, à l'exception des parties classées :
inscription par arrêté du 17 avril 1926. Les façades et les toitures du
château : classement par arrêté du 17 septembre 1946. Les façades et les
toitures des communs : inscription par arrêté du 6 août 1951. L'ensemble du
domaine (bâti et non bâti), y compris le réseau hydraulique, à savoir : le
parc en totalité, les sols et les plantations, y compris les murs et les
portails, les canaux, la rivière, les ponts et les vannages et l'enclos du
cimetière, ainsi que les terres et les prairies jouxtant le château au sud
et à l'ouest, les façades et les toitures du commun nord et de la ferme du
château, le bâtiment de l'orangerie, en totalité, le bras canalisé de l'Iton
depuis son origine, le vannage des Portelles au lieu-dit les Planches,
jusqu'au pont situé dans l'axe de l'avenue de l'église: inscription par
arrêté du 20 août 1993 (2)
château d'Acquigny, 1 rue Aristide Briand 27400 Acquigny,
Tél. 02 32 50 23 31, ouvert les week-ends et jours fériés, du 1er dimanche
d'avril à fin octobre de 14h à 18h. Ouvert tous les jours en juillet et
août, de 14h à 19h. Visite libre ou guidée (14h30, 15h30, 16h30, 17h30).
Groupes: ouverture toute l’année sur rendez-vous. Scolaires visites adaptées
à l’âge des enfants.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement Madame
Hélène d'Esneval pour les photos qu'elle nous a
adressées afin d'illustrer cette page.
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dans ce département. |
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