|
Au pied de la côte des Deux-Amants, à quelques pas
des rives de la Seine et non loin de l'Andelle, au milieu de beaux jardins
et de vieux arbres, s'élève le château de Canteloup, dans un petit vallon,
voisin autrefois de futaies où l'on entendait le hurlement des loups,
"cantus 1upi". Construit vers le commencement du XVIIe siècle, en briques et
pierres, flanqué de quatre tourelle d'angle en encorbellement, le château
présente, avec ses toits aigus et ses hautes cheminées, l'aspect des
édifices du temps de Henri IV et de Louis XIII. De la côte des Deux-Amants,
l'œil peut embrasser l'ensemble pittoresque de cette maison seigneuriale.
Elle a dû être édifiée par la famille Hallé, dont l'un des membres, Jacques
Hallé, seigneur du Val, échevin de Rouen, avait acheté, en 1608, de Henri de
Chaumont, le fief de Canteloup, le plus important des fiefs d'Amfreville-sous-les-Monts.
Le peintre Hackert, dans un tableau gravé par Dufour et désigné sous le nom
de "Deuxième vue de la ville de Pont-de-l'Arche", dédiée à Le Boucher
d'Ailly, seigneur d'Hocquincourt, a plaé au second plan le château de
Canteloup. L'artiste le fait figurer, entouré d'arbres et de rochers, sur
les bords de la Seine, assez près du Pont-de-l Arche, dans un paysage
composé par lui et où il s'est peu préoccupé d'exactitude locale. Les rives
de la Seine, en cet endroit, ont subi, il est vrai, bien des modifications
successives, et on retrouverait difficilement aujourd'hui, auprès de
Canteloup, ses contours tels que les avait peints Lantara dans sa jolie "Vue
du Prieuré des Deux-Amans", gravée par Picquenot, et qui fut dédiée à
Thiroux de Crosne, intendant de la généralité de Rouen. Le vallon de
Canteloup était autrefois moins étendu. Un bras de la Seine, maintenant
desséché et où l'on a trouvé, en 1841, le remarquable casque en acier,
recouvert à l'extérieur de plaques d'or et d'émaux et donné au Musée du
Louvre, le séparait d'une petite île, réunie depuis longtemps d'ailleurs à
la terre ferme.
La découverte de substructions antiques et des restes d'une tour ont même
fait supposer que cette île avait été l'ancienne Tornholm, tandis que la
grande île, sa voisine, aurait été l'Oscellus, occupée par les Normands en
857 et qui leur servit de campement jusqu'en 860. Il faut reconnaître qu'au
pied d'une côte, dont le sommet escarpé pouvait servir de vigie pour
surveiller les vallées de la Seine, de l'Eure et de l'Andelle, la position
stratégique était excellente. C'est à l'un des vieux manoirs, auquel le
château actuel de Canteloup a succédé, que se rattachent les souvenirs et
les légendes des Deux-Amants. Une tradition, qui existe depuis des siècles,
auprès de Canteloup et de Bonnemare, qu'ont recueillie l'Ermite en Normandie
et M. de Fallue dans son Histoire de Radepont, place à la fin du XIIe siècle
les amours tragiques de Mathilde de Canteloup et de Raoul de Bonnemare. Au
retour de la croisade entreprise par Philippe-Auguste et Richard Cœur de
Lion, Robert de Canteloup, qui y avait pris part, ne consentit à accorder la
main de sa fille Mathilde à son cousin Raoul que s'il la portait sur ses
épaules, sans s'arrêter, sans reprendre haleine, jusqu'au sommet de la côte.
L'amant croit qu'il pourra porter celle qu'il aime jusqu'au bout du monde;
il gravit toute la montagne, mais parvenu à sa cime, en faisant le dernier
pas, il rend son dernier soupir. Mathilde, désespérée, se précipite du haut
de la côte avec le corps de son ami et vient mourir aux pieds de son père.
Robert de Canteloup, pris d'un tardif repentir, aurait fondé, sous le nom
des Deux-Amants, un prieuré, où l'on faisait voir encore, vers la fin du
XVIIIe siècle, un vase en bois placé sous l'autel de l'église et qu'on
disait renfermer les cendres des amants.
Les amours de Raoul de Bonnemare et de Mathilde de Canteloup, dont le
tombeau était à l'abbaye de Fontaine-Guerard, appartiennent peut-être à
l'histoire, mais les légendes, transformées à travers les âges, ont mêlé
leurs noms à des récits dont l'origine est beaucoup plus lointaine. Le
prieuré des Deux-Amants existait déjà au Xe siècle, si l'on en croit une
note provenant du cabinet de d'Hozier et relative à la généalogie des
Roncherolles. Pierre de Roncherolles, mort le 13 août 980, y avait été
enterré, et il était question dans son épitaphe de conventions entre lui et
les religieux, inscrites dans les chartes. Béatrix de Roncherolles avait
fait dans ce prieuré une fondation en 1031, et Roger de Roncherolles, qui
vivait en 1070, lui avait donné la dîme de ses moulins en 1120, année où il
mourut le 30 septembre. Sa tombe était à côté du grand autel, tandis que
celle de son fils Thibault, mort en 1140, se trouvait dans la chapelle, à
main droite du monastère. Louis le Gros, monté sur le trône en 1108, fit aux
religieux une donation, à laquelle Guillaume de Canteloup ajouta, vers 1130,
le moulin de Canteloup. Il est probable que, comme les Roncherolles, les
Canteloup avaient choisi le prieuré comme lieu de sépulture; du moins, deux
personnages de cette famille, contemporains de Richard Cœur de Lion, y
furent enterrés: Baudouin de Canteloup, fils ou petit-fils de Guillaume, et
Jourdain de Canteloup, connu seulement pour avoir, en 1203, fait don au roi
Jean d'un palefroi, afin d'obtenir la création d'une foire à Amfreville.
Millin, dans ses Antiquités Nationales, a reproduit une pierre tombale qu'on
lui a dit être celle de Baudouin de Canteloup. L'existence du prieuré sous
le nom des Deux-Amants, avant 980, fait reporter à une époque antérieure
l'aventure des jeunes amoureux, qui a donné son nom à la côte. (1)
Aujourd'hui, le château de Canteloup présente un corps de bâtiment
rectangulaire à deux étages, cantonné aux angles par quatre poivrières. Un
soubassement et des chaînes en pierres de taille structurent les façades en
briques. La silhouette gracieuse du château est accentuée par la toiture
haute en ardoises et par la couverture effilée des tourelles. Un clocheton
et des lucarnes complètent les toitures. La chapelle et les communs datent
également du XVIIe siècle. Au début du XXe siècle, un incendie détruit les
combles du château. A ce sinistre succède la dégradation des intérieurs par
les troupes d'occupation en1940-1944. Après la guerre, l'édifice est divisé
en logement pour le personnel de la verrerie de Romilly. Depuis 1960, le
domaine a bénéficié de restaurations qui l'ont mis en valeur. Situé au bord
d'un ancien bras asséché de la Seine, le château possède un cadre boisé avec
son parc arboré et le coteau voisin. Le domaine donne des vues sur les
champs en bord de Seine, ainsi que sur les hameaux de Canteloup et du Val
Pitant. Malgré la proximité de l'écluse de Pose-Amfreville, l'environnement
a conservé un cadre rural préservé.
Éléments protégés MH: les façades et les toitures et les parties suivantes
à l'intérieur: le rez-de-chaussée et l'escalier, le cellier (en sous-sol du
chemin de Romilly), la chapelle et le commun sud-est: inscription par arrêté
du 2 décembre 1997 (2)
château de Canteloup 27380
Amfreville-sous-les-Monts, propriété privée, visite des extérieurs
uniquement, du 1er août au 31 août.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous.
Crédit photos : Michel Chéron sous licence Creative
Commons
A voir sur cette page "châteaux
de l'Eure" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
|