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Château de Broglie (Eure)
 
 

     Le château actuel s'élève sur l'emplacement d'une antique forteresse dont l'histoire est étroitement liée à celle de la Normandie; deux tours en subsistent qui portent encore la marque des assauts de Dunois. Ensuite et surtout, les constructions, d'une noble simplicité, qui s'y sont adossées, sont devenues, depuis près de deux siècles, la principale résidence d'une des plus illustres familles de France, et se sont lentement appropriées aux habitudes et aux goûts des grands serviteurs du pays qui viennent périodiquement y chercher asile, loin des luttes et des déceptions de la vie publique. Les noms de Chambrais et de Broglie ne pouvaient manquer de figurer dans un ouvrage élevé à la gloire de la province normande. Le bourg de Chambrais, qui a pris le nom de Broglie depuis la lettre royale de 1742, est un des plus anciens de la région: en 1024, il était qualifié de villa optima dans l'acte par lequel Richard II le cédait au comte de Vexin. La seigneurie qui s'y était constituée fut probablement donnée, vers 1071, par Guillaume le Conquérant, à Henri de Ferrières, son compagnon et son ami: du moins est-il certain que le fils de ce dernier, Henri, deuxième du nom, la possédait au commencement du XIIe siècle, et que pendant six cents ans elle fit partie du patrimoine de la Maison. La forteresse, établie au plus haut de la colline, suivit les vicissitudes de la province normande: enlevée par les Anglais en 1418, elle fut reprise par Dunois en 1449, et ne figure plus dès lors dans l'histoire qu'à l'époque des guerres de religion, où catholiques et protestants se livrèrent, en 1589, une furieuse bataille à l'ombre de ses murs.
En 1653, Chambrais appartenait à l'héritier de la maison de Ferrières, Eustache III, comte de Conflans, qui le vendit à Charles Le Comte de Nonant. Le gendre de celui-ci, Jacques Du Plessis, le revendit à Simon Arnaud, marquis de Pomponne. Enfin le château et ses dépendances furent acquis, en 1716, par François-Marie de Broglie, dans la famille duquel ils sont restés. Il est difficile de dire en quoi consistait, vers 1653, l'édifice qui servait de siège à la seigneurie. Dès le XVe siècle, les barons de Ferrières y avaient établi leur résidence, et la vieille forteresse, presque démantelée en 1449, avait dû être appropriée aux exigences de l'habitation. Mais rien n'autorise à croire que les nouvelles constructions aient eu grande importance: aucune trace n'en subsiste sur les lieux, ni aucun souvenir dans les annales du pays. La demeure proprement dite était sans doute peu seigneuriale, et c'est à la difficulté d'une réfection sur place, au milieu des ruines de l'ancien donjon, qu'il faut attribuer la hâte des deux acheteurs successifs à s'en dessaisir. Ils ont pourtant commencé un établissement nouveau, car la bâtisse proprement dite du château date sûrement du XVIIe siècle; mais elle était restée inachevée, n'ayant jamais eu plus d'un étage, et, selon toute vraisemblance, inhabitée jusqu'au dernier changement de propriétaire. Il ne semble pas que le comte de Broglie se soit beaucoup hâté de la mettre en état, puisque, huit ans après l'acquisition, il mourait dans sa terre de Buhy, et que le nouveau domaine n'apparaît guère comme résidence ordinaire de la famille qu'après l'exil de 1742.
Quoi qu'il en soit, les Broglie lui ont imposé leur nom comme le cachet de leur gloire, et nul de ceux qui visitent ce château ne saurait ignorer l'histoire de l'illustre race à qui notre province doit ce fleuron moderne ajouté à son antique couronne. Les Broglie sont originaires de Chieri ou Quiers en Piémont, où ils étaient connus depuis 960, sous le nom de Gribaldi; leur nom actuel, Broglia ou Broglio, ne remonte guère au delà de 1200. En France, où elle avait pris du service, la famille commence d'être célèbre au XVIIe siècle. Le chef de la lignée, François-Marie, premier du nom, est tué au siège de Valence, au moment où il allait devenir maréchal; son fils Victor-Maurice obtient le bâton en 1724; son petit-fils, qui devait porter plus haut encore le renom de ses aïeux, est l'acquéreur de Chambrais. Entré de bonne heure au service, il se signale au siège de Fribourg, en 1713, par une action d'éclat, qui lui vaut la faveur de Louis XIV. En 1724, il est ambassadeur en Angleterre, maréchal de France en 1734; il gagne les batailles de Parme et de Guastalla, qui amènent la paix de 1735. En 1740, il est envoyé en Bohême où, après avoir inutilement guerroyé, il s'enferme dans Prague et y soutient le siège fameux que l'on sait. C'est le jour même du suprême combat livré sous les murs de la ville (20 août 1742), que Louis XV élève la baronnie de Ferrières en duché de Broglie. Aussi avisé politique qu'habile général, il refuse de défendre la Bavière, pays ravagé où son armée est incapable de tenir, et la ramène presque intacte en France. Mais là, il est accueilli par la plus injuste des disgrâces, et se voit exilé dans son domaine de l'Eure, qu'il a tout juste le temps d'achever et d'embellir, car il meurt en 1745.
Il laissait cinq enfants: l'aîné, l'héritier du titre et de la terre, Victor-François, né en 1718, était déjà maréchal de camp lors de la mort de son père. Vainqueur à Bergen, à Corbeck, à Minden, créé prince héréditaire du Saint-Empire, il est fait maréchal de France en 1759, à quarante et un ans. Il devait, lui aussi, connaître le retour de la faveur royale: en 1761, après la défaite de Fillinghansen, dont Soubise et lui se rejettent la responsabilité, il est, à son tour, exilé à Broglie où il emploie ses loisirs à aménager le parc du château. Le roi ne tarde pas à le rappeler, et la carrière des honneurs se rouvre devant lui. En 1778, il commande le pays Messin; en 1789 il est ministre de la guerre. Renvoyé dans son gouvernement, il est assailli, à Metz, par une émeute qui l'oblige à chercher asile auprès de Joseph II. Son fils, qui est député à l'Assemblé, monte à la tribune pour justifier la conduite du vieux maréchal, a la joie de le faire absoudre: Broglie est maintenu dans tous ses honneurs et charges. Mais il ne lui plait pas de rentrer en grâce auprès de la Nation qui est en train d'abattre le trône des Bourbons, et il va rejoindre le comte d'Artois lorsque celui-ci se décide à émigrer; on le trouve à la tête d'une division de l'armée des Princes. Les événements se précipitent sans qu'il puisse rentrer en France, il meurt en 1804. Son fils, Charles-Louis-Victor, suit une autre voie, mais il n'y rencontre qu'une fin plus tragique: au retour d'Amérique, il est élu député aux États-Généraux, embrasse les idées nouvelles et part pour l'armée où il est maréchal de camp, en 1792. On l'accuse de trahison, et il monte sur l'échafaud le 25 juin 1794.
L'admirable lignée d'hommes que cette famille porte à sa tête n'est pas près de s'épuiser: la victime de Robespierre laisse plusieurs enfants dont l'aîné, Victor, est pair de France en 1814, puis Grand Maître de l'Université, ministre des affaires étrangères, ambassadeur à Londres, et hors tout cela, un des esprits les plus libéraux, un des plus brillants écrivains de son temps. En 1816, il épouse la fille de Madame de Staël, et de cette union qui semble fondre ensemble toutes les formes et toutes les raisons de supériorité possibles entre les hommes, naît, en 1821, le chef actuel de la famille, le duc Albert de Broglie, à qui incombait la lourde tâche de ne pas déroger à une pareille origine. M. le duc de Broglie est trop mêlé à l'histoire présente pour qu'il soit permis d'apprécier ici son role politique. On sait qu'il fut l'un des principaux inspirateurs et l'acteur principal des diverses tentatives que le parti conservateur de France risqua, de 1872 à 1877, pour s'emparer définitivement du pouvoir. Au cours des luttes et des crises où il défendait sa foi monarchique et religieuse, il a été en butte à bien des attaques et peut-être à quelques injures; mais l'idée n'est jamais venue à personne de mettre en doute sa haute sincérité, son énergie d'âme et son grand talent. Aux yeux même de ses adversaires, M. de Broglie reste un des rares hommes d'Etat du pays, et sa valeur personnelle le met vraiment hors de pair. A coté du duc son frère cadet doit être nommé, autant pour ses rares mérites qu'en raison de sa fin tragique qui a ému la France. Auguste-Théodore, prince de Broglie, était sorti de l'école Polytechnique avec le second rang et s'était senti attiré vers la marine.
Lieutenant de vaisseau en 1862, à vingt-huit ans, il avait quitté le service pour se consacrer à la profession religieuse, où sa science, ses talents et ses vertus avaient bientôt fait de lui une sorte de saint, vénéré de tous. Et, de fait, il est mort en martyr, tué par une folle envers laquelle il avait épuisé tous les trésors de son
angélique bonté. Il habitait souvent Broglie, avec ses neveux, dignes d'une si belle ascendance, et il y était chéri. Le château, qui réunit encore la famille, chaque année, aux approches de l'été, est aménagé pour les goûts de littérature et d'art qui sont héréditaires dans la maison, comme les talents militaires et l'amour de la vie publique. Les canons pris par le grand Maréchal et donnés par Louis XV après le combat de Sandershausen, ne sont plus là, car ils ont disparu pendant la tourmente révolutionnaire; mais il reste la bibliothèque riche de 20000 volumes, et la longue série des portraits de famille où Madame de Staël apparaît au milieu des guerriers en cuirasse. C'est dans ce rapprochement de gloires diverses, unies en une même race et tendant à un même but, la grandeur de la patrie française, que réside le véritable intérêt du château de Broglie, et pour cette raison l'on trouvera peut-être qu'il valait une visite. (1)

Éléments protégés MH : les façades et les toitures du château et des communs, le hall d'entrée, l'escalier avec sa cage et sa rampe, la chapelle, la bibliothèque des Ministres, la bibliothèque de Madame de Stael, le grand salon dit salon bleu, avec leur décor : inscription par arrêté du 25 février 1974. (2)

château de Broglie 27270 Broglie, propriété privée, ne se visite pas.

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source de la photo par satellite : https://www.google.fr/maps

 
 


(1)
    source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Eure) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
(2)    source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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