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Château de Conches (Eure)
 
 

    Quel est le voyageur qui, avant d'entrer dans Conches, n'a pas aperçu à sa droite, sur le coteau qui borde la ville de ce côté, un vieux donjon dont les ruines, enveloppées d'un lierre toujours vert, présentent un aspect si pittoresque. C'est l'ancien château fort des comtes de Conches. A la vue de ces pans de murailles, de ces quartiers de tours qui se dressent encore d'une manière effrayante au-dessus de leur profond escarpement, on se sent porté à demander au passé le récit des guerres, des assauts, des belles apertises d'armes dont cette forteresse fut témoin; mais quand nous voulons consulter nos historiens sur ces monuments des temps chevaleresques, notre curiosité est souvent peu satisfaite. Ceux qui se sont occupés de recueillir les annales de l'histoire de Normandie n'ont pu tout dire, et en voici la raison donnée par un de nos chroniqueurs: "Qui voudrait faire mencion de tous les vaillans hommes, et des vaillances qui ont esté faictes durant le recouvrement de la duché de Normandie, ce serait trop laucunement faire mémoire" (E. de Monstrelet). Il faut donc se contenter du petit nombre de renseignements offerts sur les petites localités par l'histoire générale. Ce que celle-ci n'a pu nous dire, c'est à l'histoire particulière à nous l'apprendre. Mais pour cela faire, après avoir glané dans les chroniques, il faut fouiller dans les archives locales: heureux quand elles fournissent de quoi augmenter la petite portion de documents donnés par les historiens. Nous avons consulté à l'égard du château de Conches et les livres et les titres; quelque peu nombreux que soient nos matériaux, ils en diront assez, nous le pensons, pour intéresser à ses ruines les amis de notre histoire locale.
La forteresse des comtes de Conches se composait d'une grosse tour centrale ou donjon, de forme circulaire, escortée de cinq tours liées entre elles par une épaisse muraille. Cet ensemble de fortifications, placé sur une éminence conique, au bord d'un coteau rapide qui domine à l'est la vallée, se trouvait défendu du côté de la ville par de larges et profonds fossés, et c'est par là aussi qu'était établi un pont-levis pour correspondre avec les habitants. La position de cette forteresse était tellement avantageuse que les historiens l'ont mentionnée comme une des bonnes places fortes de la province. C'est à Roger II de Toëny, quatrième comte de Conches, qu'on en attribue la construction (vers 1173). "Il fit aussi construire à main gauche, dit une histoire manuscrite, le château (d'habitation) qui déborde sur la côte. On voit encore la fenêtre et la porte de la maison basse, du côté de la fontaine. La haute muraille qui allait rendre depuis la cave jusqu'aux jardins contigus de l'église (de Sainte-Foi) est à demi abattue, et il est sûr que les quatre Toëny (comtes de Conches) et autres ont logé dans la chambre où le concierge met aujourd'hui son cheval. On croit que Roger mourut dans ce château". Déjà bien avant cette époque, Roger 1er avait fait clore la ville de bonnes murailles, munies de deux portes défendues chacune par deux tours. De sorte que Conches, avec tout cet appareil de fortifications, n'était pas autrefois une pauvre bicoque, comme on pourrait le penser en voyant aujourd'hui son peu d'importance. La citadelle dont cette ville était protégée excita plus d'une fois l'envie des hauts et puissants seigneurs ses voisins. Elle prit une part active dans nos guerres anglo-normandes.
A peine cette forteresse fut-elle achevée, que Philippe-Auguste vint en faire le siège. Ce monarque s'était transporté en Normandie pour enlever plusieurs places fortes au duc Richard qui avait violé le traité de 1195. "Doncques Auguste tout transporté de colère et plein de mauvaises volontez, dit le curé de Meneval, porte tout incontinent ses armes contre le château de Conches, et le prit après quelques attaques". Et ainsi fit-il de plusieurs forteresses. Après la mort de Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre, qui s'était emparé du trône d'Angleterre et avait fait avec le roi de France un traité par lequel la limite des deux Etats était fixée entre Évreux et le Neubourg, eut, comme dépendant du territoire normand, Conches et son château fort. Il n'en jouit pas longtemps, car cet indigne usurpateur ayant lâchement assassiné le prince Arthur duc de Bretagne, celui qui aurait dû succéder au roi Richard, les nobles seigneurs normands se soulevèrent contre le meurtrier et s'unirent à Philippe pour lui enlever toutes ses places. Le roi de France saisit avec empressement cette occasion de se rendre entièrement maître de la Normandie. Il s'y transporta avec toute son armée, cum toto exercitu, disent les chroniqueurs, prit Conches, Couc has cepit, Andely et Vau, Conehas eepit, Andelyet Vaudreuil (1203). Philippe-Auguste étant parvenu à réunir la Normandie au royaume de France en 1204, prit de sages mesures pour empêcher, au moins sous son règne, le retour des Anglais dans la province qu'il venait de conquérir.
Il fit raser certaines forteresses inutiles et mit la main sur toutes celles des comtes et des barons normands qui avaient soutenu le parti des Anglais. C'est ainsi que le château fort et le domaine du comte de Conches, Roger de Toëny, furent confisqués par le roi et donnés, par charte authentique de 1204, à Robert de Courtenay, bouteiller de France, son cousin. De cette maison ils passèrent, par alliance, dans celle d'Artois, sur qui ils furent encore confisqués et réunis au domaine de la couronne; ensuite donnés par le roi Jean à Charles le Mauvais, qui les annexa au comté de Beaumont-le-Roger. C'est alors que la Normandie, qui pendant quelques années avait joui d'un peu de calme, fut troublée par l'invasion d'Édouard III, en 1346. Les sourdes menées du roi de Navarre, ses intrigues avec l'Anglais, firent de cette province un théâtre de discordes et de guerres désastreuses. Les châteaux forts reprirent plus que jamais leur attitude menaçante; celui de Conches qui, jusque-là, était reste sans action et appartenait alors au comte d'Évreux, Charles le Mauvais, comme il a été dit plus haut, "fut moult fortifié et garni de bons gens d'armes". Il va se présenter de nouveau sur la scène, prêtant la solidité de ses épaisses murailles et l'avantage de sa position pour soutenir le roi de Navarre dans ses pernicieux desseins. En 1355, le roi Jean, qui faisait tous ses efforts pour chasser les Anglais de la Normandie, informé que Charles le Mauvais était allé à Avignon se concerter avec les députés d'Angleterre, profita de l'absence de son gendre pour aller surprendre ses places fortes; Conches, nullement préparé à une attaque, se laissa prendre avec son château; mais Évreux, Pont-Audemer, herbourg, Avranches, Mortain et quelques autres villes mieux gardées, résistèrent, "La garnison d'Évreux fit plus, dit Le Brasseur (Histoire du comté d'Évreux),car ayant su que les troupes du roi Jean n'étaient pas considérables, elle commença à courir sur ses terres et surprit le château de Conches".
Mais cet historien oublie de dire, avec notre chroniqueur Froissart, que ce fut avec l'assistance d'une troupe de Navarrois venant de Pont-Audemer que cette prise eut lieu, et voici ce qu'il dit: "Ceux qui, de par le roi de Navarre, estoient au chastel d'Évreux et au Ponteaudemer, pilloient tout le pays d'environ, et vinrent aucuns des Navarrois au chastel de Conches qui estoit pour lors en la main du roi Jehan de France, et le prindrent les dits Navarrois, et le garnirent bien de vivres et de gens d'armes, et plusieurs autres choses firent les gens du roi de Navarre contre les gens du roi de France". En 1356, le roi Jean fait arrêter Charles le Mauvais à Rouen, et pendant qu'il le tient prisonnier, il s'empare de quelques-unes de ses places fortes, dont Conches fut du nombre. Philippe de Navarre, instruit de la captivité de son frère, écrit au roi de France pour lui reprocher d'avoir, contre les lois de l'honneur et de toute bonne chevalerie, surpris lâchement son frère au milieu d'un festin, et d'avoir fait décapiter les chevaliers qui l'accompagnaient. Il déclare qu'il renonce désormais à toute foi, service et hommage envers lui, et qu'il poursuivra de tout son pouvoir la vengeance de cette trahison et la délivrance de son frère. A cette lettre était jointe une déclaration par laquelle quatre chevaliers, sujets du roi de Navarre, renoncent pour la même cause à toute obéissance et tout service envers le roi Jean. La menace de Philippe eut un prompt effet: à sa demande, le duc de Lancastre descend sur la fin de juin de cette même année, en Norman die, où ces deux chefs ayant réuni leurs armes, traversent Lisieux et Le Bec, secourent Pont-Audemer, assiè gent, pillent et brûlent Évreux, Mortagne et Verneuil. Conches, dans cette occurrence, éprouva un rude assaut; la garnison du roi Jean fut massacrée en partie, le manoir des comtes, ainsi que l'abbaye, devint la proie des flammes.
Nous apprenons par un document que le château de Conches fut attaqué en 1363 par les gens d'armes de Bertrand Duguesclin. On ne dit pas s'il fut pris; on sait seulement que l'église et les lieux claustraux de l'abbaye de Saint-Pierre furent ruinés. Un an après, Conches et son château furent donnés, avec le comté de Longueville, à Bertrand Duguesclin par le roi Charles V, qui les avait confisqués sur le captal de Buch, lieutenant de Charles le Mauvais; mais le captal ayant repris la forteresse quelques années après (1371), Bertrand vint l'assiéger. Ce fut alors un rude siège; car le captal de Buch, qui s'y attendait, avait moult fortifié et muni de provisions la ville et le château. Il y avait placé une nombreuse garnison, composée de tous bons compagnons, et commandée par deux chevaliers de grande vaillance; l'un était Archambault de Gresly, son oncle, et l'autre Garcie-Arnault de Salins, capitaine de Breteuil. Et les nobles chevaliers et écuyers qui devaient garde au château en temps de guerre, ou qui tenaient le parti de Charles le Mauvais, vinrent soutenir Conches de leurs épées. Le connétable Bertrand, de son côté, avait avec lui trente et un chevaliers bacheliers et deux cent dix huit écuyers. Il faisait beau voir tous ces vaillants hommes de guerre couverts d'armures brillantes, au nombre de près de trois cents, sans compter un grand nombre de varlets, de pages et de servants d'armes, les uns à pied, les autres à cheval, tous impatients de combattre sous les yeux du plus brave, du plus intrépide des chevaliers, leur chef Duguesclin, dont le nom était leur cri de guerre.
Le château fut attaqué avec vigueur: "Là eut grand assaut et dur"; car de part et d'autre, il y avait fine fleur de chevalerie. Il nous faudrait la plume de Froissart Tew, raconter les belles apertises d'armes qui se firent à ce siège. Bornons-nous donc à dire que les assiégée capitulèrent après une longue et courageuse résistance. Les nobles et vaillants défenseurs de la forteresse se retirèrent la vie sauve, et Duguesclin s'empara de la place pour le roi de France. Depuis ce siège mémorable, le domaine de Conches fit retour à la couronne. Il en fut encore distrait à l'époque de l'invasion anglaise de 1417, où la Normandie vit tous ses châteaux forts tomber au pouvoir de Henri V. La forteresse de Conches fut gardée par une bonne garnison d'Anglais; on s'occupa de la remettre en état, et nous voyons qu'en 1423, on répara le pont-levis qui communique de la ville au donjon. Guillot Delos, qui cette même année en était capitaine et gouverneur, reçoit soixante sous tournois pour son logis et ses ustensiles. En 1424, Jean, duc de Bedfort, régent de France, commet Jehan Arthur, capitaine de Conches, pour recevoir les montres (revues) des garnisons de Dreux et de Damville. Le château, en 1438, est encore occupe par une compagnie anglaise de cinq lances équestres, cinq lances pédestres et trente archers, tous commandés par Henri Standich, écuyer. En 1440. il est attaqué et pris par les Français; Jean de Floques en est fait gouverneur. C'est ce vaillant capitaine qui enleva Beaumont-le-Roger et la ville d'Évreux aux Anglais, qu'il tailla en pièces. Mais Conches fut bientôt repris sur lui par le général anglais Talbot (1441), et la forteresse dans laquelle se trouvait, en 1445, une garnison de quatre lances équestres, six lances pédestres et vingt-deux archers, fut, en 1449, emportée d'assaut par le bailli d'Évreux, Robert de Floques, qui en chassa tous les Anglais.
Voilà quels ont été les principaux assauts du château de Conches pendant l'invasion des Anglais. Son rôle n'est pas fini; dans nos guerres civiles, il fut aussi assiégé. En 1590, c'est le comte de Tavannes, gouverneur de la Normandie pour la Ligue, qui se présente devant Conches; mais il est repoussé à coups de canon par ses vaillants habitants, qui tenaient pour Henri IV. C'est là que le seigneur de Falandres, fameux ligueur, fut tué d'une arquebusade. Dans la même année, le château supporta un nouvel assaut par les ligueurs d'Évreux: ceux-ci, au nombre de 5000, s'étant réunis au duc de Montpensier après la prise d'Harcourt, vinrent attaquer la ville. Le château ne put leur opposer qu'une faible défense. La ville fut pillée et saccagée, ainsi que l'abbaye; ils ruinèrent le donjon et le vieux manoir des comtes. C'est sans doute à dater de cette époque que la forteresse de Conches, qui passa avec le comté, en 1651, par contrat d'échange, dans la maison de Bouillon, ne se releva plus de ses ruines; à moins que les guerres de la Fronde qui troublèrent encore la Normandie, en 1649, n'aient fait relever quelques pans de ses murailles et remaçonner ses tours. Toujours est-il qu'elle ne reprit plus son aspect formidable du moyen âge. Elle se reposa donc, sous les ducs de Bouillon, des pénibles fatigues de la guerre. Sa carrière militaire avait été bien remplie, et puis les temps avaient changé. Les fortifications disparaissaient de l'intérieur de la France, pour ne plus désormais se dresser menaçantes que sur les frontières. Les villes remplaçaient leurs hautes murailles d'enceinte par d'agréables boulevards; les forteresses cédaient, en beaucoup d'endroits, la place à d'élégantes maisons de plaisance; enfin s'effaçaient partout les fortifications inutiles. Conches, si bien fortifié au moyen âge, a vu renverser ses murs de défense. Son vieux donjon, abrité sous le lierre, se dressera encore longtemps pour montrer au voyageur quelle fut l'importance militaire de cette petite ville qui, autrefois, avait le titre de comté. (1)

Éléments protégés MH : les ruines du donjon : classement par arrêté du 12 juillet 1886.

château de Conches, place Aristide Briand, 27190 Conches-en-Ouche. Tel : 02 32 30 76 42, vestiges, propriétés de la commune, visite des extérieurs.

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    source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Eure) Lemale & Cie. Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.

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