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e magnifique palais de Gaillon, que le premier
cardinal dAmboise avait fait élever de 1502 à 1510 et qui devint la
résidence favorite de ses successeurs au siège archiépiscopal de Rouen, ses
parcs et ses jardins, n'existai ent plus à la fin du XIXe siècle. Saisis
comme propriété ecclésiastique, à la suite du décret de la Convention du 20
août 1792, ils ne tardèrent pas à devenir la proie des spéculateurs.
Quelques amis des arts essayèrent bien, en l'an V, de sauver cette merveille
des rives de la Seine, et l'ingénieur en chef du département de l'Eure fut
chargé de faire un rapport sur leurs réclamations. Mais le chef-d'œuvre des
grands artistes de la Renaissance et les bâtiments construits plus tard, sur
les dessins de l'architecte Mansart, ne parurent à ce fonctionnaire qu'un
assemblage gothique; dont on avait tort de demander la conservation; ils
furent condamnés à être vendus. Les statues, les marbres, les menuiseries
disparurent dans un encan général. Alexandre Lenoir obtint seulement
d'acheter, en 1802, pour le compte du gouvernement; le portail et les belles
galeries de la cour principale, encore en place à cette époque, les
boiseries de la chapelle et diverses sculptures, qui furent transportés à
Paris, au musée des Petits-Augustins, devenu depuis le Palais des
Beaux-Arts. Quelques débris employés dans sa construction sont les derniers
restes des galeries, dont la plus grande partie, longtemps délaissée dans
les chantiers des Petits-Augustins, a fini par être détruite; mais on peut
admirer dans la cour de ce palais le portail de Gaillon, qui en est l'un des
principaux ornements. Les superbes boiseries de la chapelle ont été
arrangées et utilisées pour la restauration de l'église abbatiale de
Saint-Denis.
Un grand bas-relief en marbre représentant saint Georges terrassant le
dragon, et la partie supérieure de la fontaine du jardin ont été recueillis
au Louvre dans le musée de la sculpture française. Le touriste qui voudrait
visiter à la fin du XIXe siècle la place où s'élevait la demeure des
archevêques de Rouen, n'y rencontrerait plus guère que le pavillon d'entrée,
avec ses tourelles et ses bas-reliefs, maintenant fort altérés, une chapelle
basse, où la savante combinaison des nervures en pierre des culs-de-lampe
aux armes d'Amboise et plusieurs figurines appellent l'attention, et une
tour qui plonge dans les fossés. Les ingénieurs chargés en 1812 des travaux
de construction nécessaires pour transformer les ruines de Gaillon en une
maison de détention, s'étaient attachés à modifier entièrement ce qui
restait debout et à supprimer la grande galerie, qui tout entière avait
échappé jusque-là aux destructeurs. Ce n'est donc plus que dans les anciens
documents, les peintures et les vieilles gravures que revivent les souvenirs
et les traces de ce château vraiment royal, dont Androuet du Cerceau et
Israël Silvestre ont donné de curieux dessins et de jolies vues, que
Piganiol de la Force a visité et décrit vers 1715 et sur lequel M. Deville a
publié, en 1850, un important ouvrage, avec les comptes des travaux exécutés
par les ordres de Georges 1er d'Amboise.
Au XIIe siècle, Gaillon avait une forteresse que Philippe-Auguste enleva à
Thomas Braket pour la donner, en récompense de ses services, à Cadoc, chef
de routiers à sa solde. Châtelain d'abord, puis propriétaire définitif du
château, Cadoc en fit graver sur son sceau une vue évidemment incomplète,
avec le donjon et l'enceinte des murailles, qui devaient, comme dans les
autres châteaux normands, être défendus par des tours et des fossés.
Philippe-Auguste était à Gaillon lorsqu'il partit pour aller au siège du
Château-Gaillard; il y revint en 1207 et en 1208, et, quelques années après,
se brouilla avec son ancien compagnon d'armes, dont la rapacité causa la
ruine. Cadoc, ayant refusé de payer 14200 livres, fut jeté en prison et n'en
sortit que sous la minorité de Saint Louis, en 1227, en abandonnant au roi
sa forteresse et en lui restituant toutes les chartes des donations qui lui
avaient été faites. En 1262, Saint Louis, en échange des moulins et du
vivier que les archevêques de Rouen possédaient dans cette ville et de 4000
livres tournois, céda à son conseiller et ami, l'archevêque Eudes Rigaud, le
château et la ville de Gaillon, en se réservant le droit d'y mettre
garnison, en cas de guerre en Normandie. Le registre des visites pastorales
de Rigaucl constate qu'il visitait souvent son nouveau château, où il reçut
Saint Louis le 16 décembre 1263, en 1264 et plusieurs autres fois, le légat
du Pape, Simon, cardinal de Sainte-Cécile, en janvier 1260, et l'évêque
d'Albano, représentant le Saint-Siège, en juin 1269, et où il mourut en
1275. Guillaume de Durefort, en mai 1320, y donna l'hospitalité au roi
Philippe le Long. Mais la tranquille possession des archevêques fut troublée
au XVe siècle par les Anglais, qui assiégèrent Gaillon, en 1424, et le
prirent, après une faible résistance.
Tout ce que l'archevêque Jean de la Roche-Taillée put obtenir du duc de
Bedford fut que son habitation personnelle, les salles et les chambres
seraient conservées; quant au donjon et autres tours, aux murailles, ponts,
tourelles et guérites, ils furent rasés et les fossés comblés. Le château
resta en ruines jusqu'en 1456, où le cardinal d'Estouteville en fit déblayer
les décombres pour jeter les fondements d'un nouveau manoir, auquel on
travailla pendant plusieurs années. Le cardinal d'Amboise réalisa, sur des
plans beaucoup plus grandioses, les projets de son prédécesseur et consacra
aux dépenses de construction, d'après les comptes de l'archeveché, 153600
livres, somme équivalente, en tenant compte de la valeur relative de
l'argent, à environ trois millions de la monnaie de nos jours. Georges
d'Amboise, devenu archevêque de Rouen, en 1494, suivit peu après Charles
VIII en Italie, et à l'avènement de Louis XII, les affaires de l'Etat
l'absorbèrent trop pour qu'il pût s'occuper beaucoup de Gaillon. Ce ne fut
réellement qu'en 1502 que les grands travaux commencèrent, pour prendre un
développement extraordinaire, surtout à partir de 1507, et finir à la mort
du cardinal, arrivée le 25 mai 1510. Les deniers versés par les Génois, en
expiation de leur révolte, et que Louis XII abandonna à son ministre,
contribuèrent, dit-on, au paiement des constructions; mais, si l'on excepte
trois artistes italiens et quelques français, le monument fut l'œuvre
presque exclusive des sculpteurs, des architectes et des peintres normands,
de Rouen et des environs, qui surent le bâtir et l'orner avec les formes les
plus élégantes de la Renaissance et du style ogival.
Georges II d'Amboise, auquel son oncle laissa par testament deux millions
d'or et les meubles de Gaillon. Le château et la terre restant la propriété
de l'archevêché, ne paraît avoir eu à dépenser, pour l'achèvement du palais,
que des sommes peu importantes, si l'on en croit les comptes de son
trésorier. Ce palais, construit sur une pointe de terre élevée, avait une
forme triangulaire. Entouré de fossés de toutes parts, il communiquait à
l'extérieur par un pont-levis placé entre deux tours basses plongeant dans
les fossés et la porte d'un pavillon carré, flanqué de tourelles et appuyé à
droite et à gauche sur des corps de bâtiments. La façade extérieure de ce
pavillon, qui existe encore en partie, se fait remarquer par la richesse de
la composition et de l'ornementation. Aux deux côtés de l'arcade servant
d'entrée à une première cour, de forme irrégulière, deux colonnes à fût
cannelé supportent une longue architrave avec chimères et arabesques. A
gauche de cette porte, une petite poterne basse est percée dans un panneau,
dont le surplus est couvert par des pilastres. A droite, une fenêtre à
croisillons est couronnée par une coquille. Deux fenêtres superposées, à
croisillons avec pilastres, s'ouvrent aux deux étages supérieurs; une arcade
surbaissée se dessine entre elles, et c'est probablement là, dans deux
niches, séparées par des colonnettes à jour, que se trouvaient les deux
figures de Louis XII et de Georges d'Amboise. Trois autres fenêtres,
également superposées, couronnées de coquilles et reliées par une chaîne de
pilastres, servent à éclairer les deux ailes de cette façade, détachées en
avant-corps. La décoration de la façade intérieure ne diffère pas
sensiblement de celle que nous venons de décrire. Deux figures d'anges, dans
la niche du deuxième étage, supportaient un écusson, mutilé en 1793.
Les ornements contemporains de Georges d'Amboise ont fait place, dans
l'arcade, à une longue inscription latine que Nicolas Colbert y a fait
graver, à la fin du XVIIe siècle. Elle rappelle les souvenirs de Saint
Louis, d'Eudes Rigaud et du cardinal d'Estouteville, et célébré les beautés
de Gaillon, créées par Georges d'Amboise et augmentées par le cardinal de
Bourbon et François de Harlay. A gauche de la première cour, se trouvaient
les murailles et la tourelle de l'ancien corps de logis du cardinal
d'Estouteville, que Pierre Delorme fut chargé de remanier pour les
harmoniser avec les constructions nouvelles. Deux figures d'anges et un
couronnement ogival festonné surmontaient la porte de la tourelle. On
passait de cette cour dans la grande cour par le portail, qui a été
transporté au palais des Beaux-Arts. Il n'était pas dans une position
isolée, comme on le voit actuellement, mais faisait partie d'un corps de
bâtiment dont il formait l'entrée. Les ouvertures latérales, accompagnant
l'arcade centrale étaient les fenêtres du bâtiment lui-même. M. Deville,
dans les dessins de l'atlas de son ouvrage, a restitué à l'arcade supérieure
sa première ornementation. Cette arcade, au lieu d'être à jour, servait
d'encadrement à un écusson portant les armoiries du cardinal d'Amboise.
L'harmonie de la composition de ce portail, œuvre du rouennais Pierre Fain,
est en rapport avec la délicatesse et le fini de ses ornements. Commencé en
1508 et achevé au mois de septembre 1509, il était au point de partage des
deux cours et formait la clôture de la cour "où est l'entrée de Gennes",
long bas-relief en marbre, représentant la bataille de Gênes, en avril 1507,
et la reddition de cette ville, à laquelle Georges d'Amboise eut la plus
grande part.
Dans la grande cour était le principal corps d'habitation, appelé la "grant
maison", qui en constituait l'un des côtés, regardant le sud-ouest. Les
principaux appartements se composaient, d'après les indications des comptes,
de la grande salle, la chambre de cuir doré, la chambre de parement et celle
de velours vert. Sur sa façade étaient sculptés de petits piliers, coupant
une chaîne d'archivoltes à anses de panier, garnies de nacelles renversées.
Du côté regardant la campagne, il présentait une riche galerie à jour
surmontée d'une terrasse. Huit piliers en marbre, à bases et chapiteaux en
pierre de Vernon, en supportaient les arceaux et "neuf anticquailles
envoiées par Prégent", ou médaillons en marbre de personnages de
l'antiquité, somptueusement encadrées, accompagnaient les archivoltes des
arcades. On accédait à ce bâtiment par deux escaliers extérieurs placés à
deux angles opposés de la cour. Une grande tour ronde, aujourd'hui dénudée
et privée de sa toiture élancée, flanquait ces bâtiments du coté des fossés.
Dans cette tour, on avait établi la chambre et le cabinet du cardinal
d'Amboise, avec leurs merveilleuses boiseries, éblouissantes d'or et d'azur.
La chapelle se dressait à l'opposé; on y entrait par la galerie, qui partait
de la tour et du cabinet des archevêques, et par l'escalier appelé "la grant
viz", placé à l'un des angles de la cour centrale et dont on admirait la
décoration et les sculptures extérieures, avec le saint Georges en cuivre
qui en couronnait le faîte et les pendentifs intérieurs. Cette chapelle
était cruciforme, son abside ronde mordait sur le fossé. Au centre
s'élançait un clocher, surmonté d'un campanile à jour, nommé la Syrène. Plus
bas étaient rangées des Sibylles. Trois de ces figures avaient été
exécutées, en 1509, par le rouennais Guillaume de Bourges. Dix-huit fenêtres
à rangs superposés étaient ornées de vitraux peints, dont Félibien, au
commencement du XVIIIe siècle, vantait la beauté et dont on a attribué
l'exécution à deux maîtres verriers, Antoine Chenesson, d'Orléans, et Jean
Barbe, de Rouen.
Les murailles de cette chapelle avaient été enrichies de peintures par André
Solario, peintre milanais, élève de Léonard de Vinci, que le cardinal
d'Amboise avait appelé en Normandie. Douze figures d'apôtres, en albâtre,
dues au ciseau d'Antoine Just, étaient placées dans la nef, tandis que le
grand bas-relief en marbre de Michel Coulombe, qui est au musée du Louvre,
décorait l'autel, tout en marbre et couvert des plus riches sculptures. Les
stalles en menuiserie étaient les plus beaux ornements de la chapelle. Le
bâtiment regardant le nord-est dans la cour, s'appelait maison de Pierre
Delorme, du nom du maître maçon qui l'avait construit. Cet architecte y
avait allié l'ancien style au nouveau et garni l'entre-deux des fenêtres de
médaillons avec cartouches. Un pavillon carré à l'angle de la cour portait
le même nom et était destiné à servir de communication entre la cour du
château, le jardin et le parc. Il était flanqué, du côté du jardin, de deux
grosses tours, et, du côté de la cour, de deux tourelles en encorbellement,
terminées par un toit aigu et un épi en plomb. Quatre élégantes lucarnes
alternant avec ces quatre clochetons, donnaient un aspect des plus
pittoresques à la toiture en plomb travaillé de ce pavillon. L'ensemble des
bâtiments de la cour principale était complété par deux corps de galeries en
regard, ouvertes au rez-de-chaussée et fermées à l'étage supérieur, qui
s'étendaient, l'une de l'escalier de la tour au pavillon et l'autre du grand
escalier de la chapelle à la maison Pierre Delorme. Au rez-de-chaussée
ouvert de la première galerie, onze colonnes, semées de fleurs de lys,
supportaient des arcades, au-dessus desquelles on voyait le long bas-relief
en marbre représentant la bataille de Gênes et l'entrée des Français dans
cette ville. Dans la galerie basse étaient fixées des têtes de cerfs en
bois, peintes au naturel, qui se détachaient sur un fond de verdure, travail
du peintre rouennais Richard du Hay, qui avait aussi rehaussé d'or les
caissons du plafond. L'artiste et Pierre le Plastrier avaient également été
chargés de peindre et de dorer la galerie haute "les courbes, les ogives et
les rencos d'or et d'azur, les rondeaux et les lettres, qui sont et seront
semés en toute ladite gallerie et d'estoffer le manteau de la cheminee" qui
se dressait à l'une de ses extrémités. A l'extérieur, les trumeaux des
fenêtres étaient garnis de médaillons en marbre, entourés d'une riche
bordure et représentant les douze Césars et les impératrices, en compagnie
desquels paraissaient Louis XII et le cardinal d'Amboise, dont les noms
étaient écrits sur des cartouches. Un peu plus haut se dressaient des
lucarnes pyramidales, chargées de clochetons, de crères et de dentelles.
Dans la seconde galerie, on retrouvait la même richesse d'ornements et les
médaillons terminant la série des douze Césars, mais avec quelques
différences. Au lieu de colonnes fleurdelisées, des pilastres prismatiques,
semés d'arabesques sur leurs pans, portaient de doubles arceaux, divisés par
une tête de pilastre, suspendue à vide, en forme de pendentif. Une frise à
enroulements, mariés à des figures allégoriques, courait au-dessus de ces
arceaux. Les fenêtres à croisillons de la galerie supérieure, encadrées de
pilastres couverts d'arabesques, s'appuyaient sur cette frise. Une double
corniche, dans le même style, régnait dans la partie supérieure. Au point
central de la cour, s'élevait une superbe fontaine de marbre. Elle se
composait de deux vasques superposées portées par des colonnes contre
lesquelles étaient adossés des groupes de femmes nues aux formes élégantes.
En sortant du château, on se trouvait sur une vaste esplanade, qui le
séparait des jardins. De là l'œil découvrait la vallée de la Seine, des
coteaux chargés de vignes et de bois et une étendue de pays de plusieurs
lieues. Andely et le Château-Gaillard apparaissaient dans le lointain. Le
jardin d'agrément ou parterre était fermé sur deux de ses côtés par un mur,
et sur les autres par une suite de bâtiments et une immense galerie de cinq
arcades ou portes monumentales avec trente-six fenêtres, surmontées de
riches lucarnes en pi erre. L'intérieur était garni de lambris en bois
admirablement sculptés. Lyenard de Feschal et Jehan Testefort, de Rouen,
avaient peint et doré toutes les murailles de cette galerie, ainsi que la
volière du jardin, les murs, les poteaux et les treilles, moyennant la somme
de 1500 livres tournois. Un immense parc s'étendait à la suite des jardins
et couronnait les hauteurs voisines.
Retenu par les affaires de l'Etat, le premier cardinal d'Amboise ne résida
guère dans ces somptueux bâtiments. On peut même dire, si on ne consulte que
les registres de ses comptes, qu'il ne fit que les entrevoir, dans de courts
voyages et une douzaine de fois. En janvier 1505, il y attendait la venue de
Louis XII, qui devait passer avec lui le jour des Rois; en octobre 1509, il
y tomba sérieusement malade et en repartit à la fin de novembre pour n'y
plus revenir. Il n'en fut pas de même de son neveu, Georges II, qui sortait
peu de son château. Le 19 juin 1523, François 1er lui écrivait pour se
plaindre de ce qu'il n'avait reçu aucune lettre de lui depuis son départ de
la Cour. "Vous povez considérer, lui disait-il, si je me doy contenter aussi
de ce que ne bougez de Gaillon et deveriez estre à Rouen pour faire
diligenter l'affere qui me touche et à mon royaulme plus que vous ne
pensez". Il s'agissait de subsides demandés pour la guerre d'Italie au
clergé de Normandie, qui faisait la sourde oreille et finit par s'exécuter,
le roi ayant passé des prières aux menaces. Le successeur du second cardinal
d'Amboise, Charles de Bourbon, le roi de la Ligue, faisait également de
Gaillon sa résidence ordinaire. A l'automne de 1566, il y reçut Charles IX
et sa mère, Catherine de Médicis, et fit représenter devant eux, dans le
grand pavillon du parc, appelé pour la circonstance l'Ile heureuse, des
pièces allégoriques: Thetys, Francine, Les Ombres, comédie en cinq actes;
Les Naïades ou Naissance du Roy, Charlot, et la Lucrece en cinq actes. Ces
pièces avaient été composées, à la demande du cardinal de Bourbon, par un
poète rouennais, Nicolas Filleul. On les imprima à Rouen, chez Georges
Loyselet, avec dédicace à Catherine de Médicis, sous le titre: "Les Théâtres
de Gaillon à la Royne".
Plus tard, en 1578, Henri III fut aussi l'hôte du cardinal. L'ambassadeur
vénitien Lippomano, qui l'accompagnait, appela Gaillon un lieu de délices et
le compara aux palais enchantés de Morgane et d'Alcine. Le cardinal de
Bourbon fit faire des travaux et des embellissements à Gaillon. La vaste
esplanade, qui séparait le corps du château du jardin, fut fermée à son
extrémité nord-est par une galerie basse. Androuet du Cerceau, qui vit
élever ces constructions, en 1576, parle de cette terrasse "que Monsieur le
cardinal de Bourbon à présent fait approprier d'édifices tant au niveau
dudit logis que au pied de la terrace, adjoustant à ce bas une gallerie
d'assez belle ordonnance, selon l'antique, qui regarde le val". Le même
cardinal avait fondé dans le voisinage une chartreuse, l'une des plus belles
de France, connue sous le nom de Chartreuse de Gaillon. Ce fut dans le riche
et élégant pavillon, appelé d'abord la Maison Blanche, puis l'Ile heureuse,
où Charles IX avait entendu les pastorales rimées du poète Filleul, et qui
avait donné asile à Henri III en 1578 et en 1584, que fut résolue la Ligue.
On l'appela alors Pavillon de la Ligue, nom auquel on substitua plus tard
celui de Parnasse de Gaillon. Enlevé quelques années après à son château, le
roi de la Ligue alla de prison en prison s'éteindre à Fontenay-le-Comte, le
15 mai 1590. Son neveu, le cardinal de Vendôme, lui succéda et mourut
lui-même, en 1594. Henri IV, qui avait pu apprécier les beautés de Gaillon,
dans un séjour qu'il y fit en février 1590, désira, après la mort du second
cardinal de Bourbon, se faire céder ce château; mais la négociation,
conduite par Sully, ne réussit pas, et le roi nomma au siège de Rouen, son
frère naturel, Charles III de Bourbon. Il revint à Gaillon, en octobre 1596,
avec les princes de Conti, de Montpensier, de Nemours, de Mayenne et autres
seigneurs et, en août 1603, avec la reine Marie de Médicis. En novembre
1596, le cardinal de Florence, légat du Pape, y reçut l'hospitalité, avant
de se rendre à Rouen, pour assister à l'entrée de Henri IV.
Les successeurs des princes de Bourbon, qui ont laissé le plus de traces de
leur séjour à Gaillon, sont le cardinal de Joyeuse, qui répara les désastres
que le feu avait fait subir à la Chartreuse, dont il réédifia l'église,
François de Harlay, arrière-neveu des cardinaux d'Amboise, et Nicolas
Colbert. François de Harlay, en novembre 1617, reçut à Gaillon Louis XIII et
son frère Gaston, qui, avant de se rendre à Rouen pour l'Assemblée des
notables, y passèrent dix jours et s'y donnèrent les ébats de la chasse, dit
le Mercure François. Le 21 décembre 1639, le chancelier Séguier, le maréchal
de Gassion et leur suite, envoyés en Normandie par le cardinal de Richelieu
pour châtier les gens de Rouen, s'arrêtèrent quelques jours à Gaillon. Logés
et régalés avec une magnificence incroyable, raconte le secrétaire du
chancelier, ils ne se pressèrent pas de partir. Le chancelier resta chez
l'archevêque, pour y attendre les députations du Parlement et du corps de
ville de Rouen. Il se promenait dans le château et le parc, et se récréa
fort à voir certaines machines... Le 20 février 1650, François de Harlay fit
les honneurs de son château à Louis XIV, à sa mère Anne d'Autriche, et au
cardinal Mazarin, qui venaient pacifier la Normandie. François de Harlay
vivait habituellement à Gaillon, travaillant de sept à huit heures par jour
au milieu de ses livres et de sa belle bibliothèque. L'archevêque Nicolas
Colbert, fils du ministre de Louis XIV, exécuta à Gaillon des travaux
considérables, qui portèrent sur les bâtiments accessoires du château.
Mansart en donna les dessins. La galerie basse, construite par le cardinal
de Bourbon, fut surmontée d'un étage avec arcade à jour et flanquée à l'une
de ses extrémités d'un pavillon carré, et à l'autre d'une orangerie en
amphithéâtre contenant, en 1715, plus de trois cents orangers. Le Nôtre
traça le plan d'un nouveau parc, pour l'établissement duquel il fallut
abattre près de 2800 pieds de vieux chênes.
Le chapitre de Rouen avait voulu s'opposer à la destruction de ces arbres
superbes, âgés de deux cents ans, mais Nicolas Colbert s'adressa à Louis XIV.
Le roi, sur le rapport d'experts, qui déclarèrent que l'exécution des
projets de Le Nôtre ferait du parc de Gaillon l'un des plus beaux du
royaume, accorda, le 10 novembre 1691, l'autorisation demandée. Le plan,
dressé et gravé en 1748, par Le Tellier, nous montre ce parc avec ses
longues avenues parallèles et diagonales disposées et taillées à la
française, son rond-point, d'où rayonnaient douze allées, chacune plantée
d'arbres d'une essence unique, dont elle portait le nom, ses maisonnettes de
gardes et sa ferme appelée la Ménagerie. Le château de Gaillon reçut encore,
en 1785, la visite de Franklin, qui fut l'hôte du cardinal de La
Rochefoucauld, et, en 1786, celle de Louis XVI. Ces visites furent les
dernières dont on ait conservé le souvenir. La Rochefoucauld avait fait
peindre par Hiibért Robert une grande vue du château de Gaillon, tableau de
9 pieds 6 pouces sur 12 pieds 8 pouces, qui est encore dans la salle des
États, à l'archevêché de Rouen. A quelques années de là, le dernier
archevêque de Rouen qui ait habité Gaillon, devait partir pour l'exil et
mourir sur la terre étrangère (1).
Le château de Gaillon sera vendu comme
bien national et connaîtra la pioche des démolisseurs. Alexandre Lenoir,
conservateur du Musée des Petits Augustins, fera remonter différentes pièces
de l’édifice dans la cour des Beaux Arts. La merveille allait devenir par
les soins de Napoléon 1er, un pénitencier signant ainsi sa déchéance. En
1901, fermeture du centre pénitencier, place à l'armée. En 1925, le château
est vendu aux enchères par les soins de l'État. C'est à ce moment qu'il est
acquis par un propriétaire privé. Puis la seconde guerre mondiale venue, le
château de Gaillon servira à nouveau de prison sous l'occupation allemande.
En 1949, le château est vendu aux enchères à différents propriétaires
privés, le 13 mai 1970 acquisition du château par l'État, expropriation de
la propriétaire du moment, et en 1977 le château de Gaillon renaît de ses
ruines.
Éléments protégés MH: le château : classement par liste de 1862. Le terrain
situé au nord-ouest du château qui faisait partie de la composition de
l'ancien parc : classement par arrêté du 8 septembre 1965. L'assiette
foncière des anciens jardins et les éléments subsistants de la clôture,
ainsi que les vestiges archéologiques connus ou à découvrir, y compris la
partie de parc vendue avec le château en 1797, à l'exclusion des parties
déjà classées : inscription par arrêté du 8 février 1996 (2)
château de Gaillon 27600 Gaillon, tel. 02 32 53 08 25, ouvert au public,
visites d'avril à octobre, horaires, voir le site du château de Gaillon :
http://www.chateaugaillon.com.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Licence photos©webmaster
B-E : les
photos ci-dessous sont interdites à la publication sur Internet, pour
un autre usage nous contacter.
Nous remercions chaleureusement Monsieur Vincent Tournaire,
du site : http://webtournaire.com/paramoteurparapente.htm, pour les
photos aériennes qu'il nous a adressées. (photos interdites à la
publication))
A voir sur cette page "châteaux
de l'Eure" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
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