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Les vastes prairies qui entourent le
Neubourg revêtent aux époques des semailles, et surtout de la moisson, une
splendeur et une poésie dont les plateaux de la Beauce seuls pourraient
donner une idée, s'ils étaient moins uniformes et moins dénués de verdure.
Avant d'arriver à ce chef-lieu canton, au moment où l'on touche aux confins
de son territoire, le voyageur qui vient de Louviers par la route, découvre,
à main droite, le village de Marbeuf et les toitures élevées du château qui
domine les exploitations rurales éparses. De grandes avenues de chênes
rayonnent au loin dans la plaine et viennent aboutir à un très beau parc aux
séculaires ombrages. La construction du château primitif, avec fossés et
pont-levis, remonte à l'an 1050; transformé à différentes époques, il
revêtit ses dispositions actuelles au cours du XVIIe siècle; il comprenait
alors une chapelle, qui a disparu à l'époque de la Révolution. Les
appartements renferment un fort beau mobilier d'une réelle valeur
artistique, des tableaux de maîtres et des portraits d'ancêtres signés de
peintres célèbres. Vers la fin du XIe siècle, la terre de Marbeuf, fief
relevant des ducs de Normandie, faisait partie de l'apanage des comtes de
Gisors. L'un de ces seigneurs, Geoffroy, portait le surnom de Riche et sa
femme le prénom de Richilde. Leur fils, Thibault dit Paganus, vulgairement
Payen, c'est à dire chef du pays, n'eut pour héritière qu'une fille qui
porta la terre, par un mariage, dans la maison de Trye, d'où elle sortit par
deux autres mariages pour entrer dans celles des Tourne bu et des Garlande,
par égales portions.
Mais le château et sa baronnie restèrent toujours dans la dépendance des
seigneurs de Gisors, en vertu d'une réserve expresse stipulée par Thibault.
Dans le dénombrement des fiefs, en 1210, Marbeuf, plein fief de haubert avec
manoir seigneurial est "sujet" à cinq fiefs de chevalier. Jean de Tournebu,
marié à Isabeau de Beaumont, laquelle avait pour aïeul Richard de Crosville,
hérita du domaine de Marbeuf et des menus droits que comportait sa
possession, outre celui de faire exécuter les sentences de son sénéchal sans
en référer au duc ni au roi, ses suzerains. De cette époque et jusqu'à la
fin du XVIIIe siècle, par suite de donations qu'il serait trop long
d'énumérer ici, les seigneurs de Marbeuf ont toujours possédé les deux tiers
de cette terre, et les religieux du Bée l'autre tiers. Jean et Jacques d'Achey
furent les héritiers de Jean de Tournebu. Jean, premier du nom, eut en
partage le manoir et la seigneurie de Marbeuf; il en fit hommage en 1487.
Cette terre se transmit dans cette famille jus qu'en 1752. Les d'Achey
comptaient dans leurs alliances les Béthune-Bouillon-Créqui. Tout le domaine
de Marbeuf appartenait, en 1763, à François de P. de Renneville-d'Erneville
qui prenait les titres de chevalier, seigneur-châtelain et patron du
Tilleul-Plichon, de Gouy, Port-Saint-Ouen, les Authieux,
Tourville-la-Rivière, Soran et Dacy, grand pannetier "hérédial" de
Normandie, franc-juge dans les forêts (1), seigneur et patron de Marbeuf,
Saint-Aubin-d Écrosville et d'Asseville.
Mort le 6 juillet 1793, François de Renneville-d'Erneville laissa deux fils:
François-Félix, seigneur de Gouy, du Tilleul, de Marbeuf, seigneur
haut-justicier de la terre du Boulai, chanoine de la cathédrale de Rouen,
docteur en théologie de la maison de Sorbonne; il est mort en 1826 (2). La
tour de l'église de Marbeuf, de style roman, est percée de deux ouvertures,
dont l'une, de forme ogivale à pointe très élevée, doit avoir été ouverte au
XVe siècle, au moment de la réparation de cette tour, coïncidant
vraisemblablement avec la reconstruction presque totale de la nef,
reconstruction suivie d'une consécration qui remonte à 1477. On remarque
au-dessus de la fenêtre, une corniche à modillons composés de curieuses
figures grimaçantes. La tour est surmontée d'une flèche polygonale qui ne
manque pas d'élégance. On trouve dans le chœur, côté de l'épître, un tombeau
qui est celui de Guy d'Achey, chevalier, lequel succomba aux blessures
reçues pendant le siège d' Amiens. Il est représenté armé de toutes pièces,
étendu sur la pierre; la tête, les mains et les pieds sont en marbre blanc.
A l'entour du socle, des strophes nombreuses en méchants vers exaltent la
valeur du défunt à la guerre. Pendant les tourmentes de la Terreur, les
habitants transportèrent ce monument dans la tour du clocher; ils réussirent
ainsi à le préserver de la furie de destruction des révolutionnaires. On
remarque, en outre, dans le chœur, du même côté, un écusson peint aux armes
de Marbeuf et d'Erneville. (3)
(1) Il est présumable que ce titre, qui pourrait, à première vue, prêter
à une double entente, était transmis aux seigneurs de Marbeuf de titulaire
en titulaire, depuis Guillaume III de Tournebu, lequel assistait, le 4
juillet 1394, en qualité de franc jugeur, aux Plaids dits "de la Forêt du
Neubourg".
(2) Par son énergie et sa présence d'esprit, il conserva, malgré les édits
de confiscation des biens, une grande partie du domaine de Marbeuf et
quelques parcelles de Saint-Aubin-d'Écrosville, à son frère aîné, Laurent,
chevalier de Saint Louis, lequel, à l'âge de dix-huit ans, prit du service
aux grenadiers de France, où il fit plusieurs campagnes de la guerre de Sept
ans; passa ensuite dans les compagnies rouges de la Garde du roi et fut
marié, le 3 vendémiaire an XII, à Barbe-Françoise de Franqueville; il mourut
le 2 décembre 1812, laissant pour héritière sa fille Anne-Barbe, laquelle
épousa, le 24 mai 1831, Adolphe, comte Odoard du Hazey, ancien
garde-du-corps du roi Charles X, qu'il accompagna jusqu'à Cherbourg. Adolphe
Odoard était fils de Philippe-François, comte Odoard du Hazey, ancien page à
la cour de Louis XVI, colonel, gentilhomme de la chambre du roi.
Michel-Louis-Placide et François-Robert, ses cousins, furent témoins de son
mariage. Les enfants d'Anne de Marbeuf sont François-Gaston, comte Odoard du
Hazey, marquis de Versainville, marié à Clémence-Sophie-Joséphine-marie
Grandin de l'Éprevier. Il eut en partage la terre de Saint-Hilaire (Folleville),
Versainville et plusieurs autres terres; et Joséphine-Barbe Odoard du Hazey,
qui épousa Ferry-Paul-Alexandre, marquis de Mailly-Nesle, mort le 11
décembre 1872 au château de Mondragon. Cette dernière eut pour sa part
d'héritage la terre de Marbeuf, le domaine de Saint-Hilaire (Fréville) et
d'autres biens, et fit augmenter et restaurer le château de Marbeuf; ses
enfants sont: Arnauld, marquis de Mailly-Nesle, prince d'Orange, ancien
officier de cavalerie, marié à Suzanne de Cibéins; Henriette, qui a épousé
le comte Aimery de La Rochefoucauld; Robert, comte de Mailly-Nesle; et
Blanche, mariée à Raoul de Coëtnempren, comte de Kersaint.
(3) source: La Normandie Monumentale et Pittoresque, (Eure) Lemale & Cie.
Imprimeurs, Éduteurs, achevé d'imprimer le 25 septembre 1897.
château de Marbeuf 27110 Marbeuf, propriété privée, ne se visite pas.
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