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Château de Courtalain (Eure et Loir)
 
 

  Le château actuel de Courtalain remonte à l'année 1483. Il fut construit par Guillaume d'Avaugour et Perrette de Baïf, son épouse. L'antique donjon, ruiné par les guerres, n'était plus habitable et, du reste, le génie naissant de cette période de l'histoire qui devait jeter tant d'éclat et produire tant de chefs-d'oeuvre ne pouvait s'adresser en vain à d'aussi puissants et distingués personnages. En effet, Guillaume d'Avaugour occupait à la Cour de Louis XII la place de chambellan, et celle d'intendant auprès du célèbre Dunois, dit le bâtard d'Orléans, duc de Longueville. Quant à Perrette, elle était fille de Lazare de Baïf, ambassadeur à Venise et en Allemagne sous François 1er, et soeur de Jean-Antoine, l'un des poètes français les plus remarquables du XVIe siècle, et l'intime ami du vendômois Ronsard. L'oeuvre toutefois resta incomplète jusqu'au milieu du XIXe siècle, et c'est seulement en 1854 et 1855, que le duc Raoul de Montmorency eut recours à l'habile ciseau de M. Gaullier de Châteaudun pour en achever l'ornementation. Quelques modifications seulement y avaient été apportées. Le vieux donjon avait disparu dans le cours du XVIIe siècle. Deux cents hectares de terre labourable, prés et bois avaient été entourés de murs en 1745. Les fossés avaient été comblés, et la partie du manoir qui se trouvait à droite du pont-levis et séparée du corps de logis principal avait disparu,pour faire place a une construction assez originale, il est vrai, mais qui, selon nous, s'harmonise peu avec le style élégant et grandiose du reste de l'édifice Pour donner du château de Courtalain une idée un peu exacte, nous dirons donc successivement, et ce qu'il fût autrefois et ce qu'il est aujourd'hui. De ce qu'il fut autrefois, notre travail est ici des plus faciles. D'une part, en effet, nous possédons, le plan terrestre et figuratif de l'habitation et de son entourage, au moment de sa construction, et de l'autre la description qu'en a faite au XVIIIe siècle messire François de Montmorency, l'un de ses seigneurs.

Description du château de Courtalain par M. François de Montmorency: "Courtalain consiste et est situé sur une petite éminence faite exprès pour l'élever plus que le bourg; où il y a un gros chasteau qui n'est pas achevé, regardant le soleil levant, et une aile au couchant, ayant dans ses angles, dehors et dedans deux grosses tours, dont celle du dedans fait le degré. La cour peut contenir environ un demi arpent, étant un peu plus large que longue, ayant au nord une forte grosse tour non habitée, et l'ancienne demeure des seigneurs du lieu. Estant dans la cour, on entre dans le chasteau par la tour du degré. Après ce vestibule, on y trouve une salle de communication pour aller dans une antichambre de même grandeur, n'estant jadis toutes les deux qu'une même salle, et de là dans une grande chambre parquetée et lambrissée avec des tableaux de l'histoire de Cyrus, et un grand cabinet et des garde-robes; le tout ayant vue sur le bourg, au levant, et au couchant sur la cour. L'antichambre et la chambre sont percées des deux côtés. Voilà ce qui est à gauche dans la dite salle. A la main droite est un petit appartement imparfait, ayant un passage; un petit vestibule, une chambre, qui ont vue sur le dit bourg, au levant; et une garde-robe derrière, au couchant. Dans le dit passage il y a une office. Dans l'aile, ce sont les cuisines, la salle du commun et cabinet derrière. Voilà le rez-de-chaussée. Au-dessus de tout cela, est premièrement, pour y aller, un fort beau degré à noyau. L'on trouve d'abord une grande salle qui règne sur les deux pièces de dessous, c'est-à-dire de la salle et antichambre, au bout de laquelle est une grande chambre, cabinet et garde-robes. Le tout a la même vue que celui d'en bas. L'autre appartement est dans la tour, de même que celui d'en bas; ayant une petite chambre et une garde-robe qui se trouvent détachées des appartements, etc".

Tel était donc l'état du château de Courtalain du XVe siècle jusqu'à l'époque de la révolution; il fut alors entièrement dévasté; le mobilier fût vendu ou pillé; un maréchal établit sa forge dans la tour extérieure, un boucher s'installa dans le salon; la salle de billard fût convertie en abattoir. Quand le duc Anne Charles revint de l'exil, il eut tout à faire pour rendre habitable ce monceau de ruines. La question d'art fut ajournée indéfiniment. Elle ne fut reprise qu'en 1854 par le duc Anne Raoul. C'est cette restauration qu'il nous faut maintenant étudier. Il est juste de commencer notre visite par l'extérieur; en effet, c'est à l'embellissement de cette partie de l'édifice qu'a surtout songé le noble duc: fenêtres, lucarnes, cheminées,tout a été décoré par ses soins: le balcon lui-même n'a été construit qu'à cette époque. Rien n'a été négligé, il faut avouer pourtant que c'est à la façade de l'ouest, donnant sur la vallée de l'Yère que le génie de l'artiste s'est particulièrement appliqué. Aussi est-ce de ce côté que se dirige tout d'abord le touriste. Après un coup d'oeil rapide sur une section de mur assez négligée, défigurée même pour les besoins de l'intérieur, on arrive au centre, où l'on admire une belle panoplie, qui réunit tous les attributs de la chasse dominés par une tête de cerf, el ceux de la guerre séparés entre eux par un écusson aux armes de Montmorency et d'Avaugour, qui sont pour d'Avaugour d'argent au chef de gueules. L'écusson est supporté par deux enfants, dont l'un tient une épée et l'autre une balance. Au fronton de ce motif, se remarquent les armes de Montmorency avant Bouvines (1214) soit quatre alérions d'azur sur champ d'or accompagnée d'une étoile, et la légende: Dieu aide au premier baron chrestien. Les appuis de cette lucarne qui est géminée portent l'un les armes de Montmorency-Savoiê (Mathieu et Adèle de Savoie, veuve de Louis le Gros, roi de France; Savoie porte de gueules à la croix d'argent), l'autre Montmorency et France (François et Diane, légitimée de France). La lucarne de gauche offre à son fronton les armes de Montmorency et Angleterre (Mathieu et Olive d'Angleterre, 1126). L'appui porte celles de Montmorency-Luxembourg (Madeleine et Henri, ducs de Luxembourg, 1597). A l'appui de la petite lucarne de droite se voit l'écusson de Montmorency-Fosseux (Jean de Montmorency et Jeanne deFosseux, 1421).

On arrive alors à la grosse tour extérieure qui joint le balcon. A l'appui, de ce même côté de l'Ouest, on remarque les armes de Montmorency et Dreux (Mathieu IV, dit le Grand et Marie de Dreux, de sang royal, 1270). Puis, au-dessus de la fenêtre, les armes du dernier duc et de la dernière duchesse; et tout près une inscription relatant la restauration du château en 1854. En tournant à l'Est, on trouve une autre fenêtre qui porte en dessous les armes de Mathieu IV et de Jeanne de Levis-Mirepoix, sa seconde femme (Levis porte sur champ d'or trois chevrons de sable). Vient ensuite une grande fenêtre et, au-dessus, une niche qui reproduit en ronde-bosse le buste de saint Thibault, abbé des Vaux de Cernay, au-dessous du buste l'on voit les insignes du saint abbé, et les emblèmes de ce qu'il a quitté dans le monde, pour suivre sa vocation religieuse. Un chapelet est suspendu à la crosse abbatiale du saint. Le tout est accompagné d'une inscription, où on lit: SANCTUS THEOBALDUS, ABBAS DE VALLE CliRNAÏ 1247. Saint Thibault cumula les titres de capitaine, de religieux, et de poète. Selon Moréri il était fils de Bouchard V de Montmorency et de Laure de Hainaut, fille de Baudouin V. D'après d'autres historiens il aurait eu pour mère Mathilde de Châteaufort, de la noble maison dé Courtenay, issue du sang royal de France. Il naquit à Marly-Gallardon, au diocèse de Chartres, dont son père était seigneur; c'est là qu'il passa son enfance et sa première jeunesse. Son éducation fût des plus soignées. Nul gentilhomme ne savait mieux monter à cheval et faire les armes. Cependant, il ne négligeait pas ses devoirs religieux, et professait en particulier une dévotion profonde envers la très sainte Vierge. A la suite d'un tournois où il avait été miraculeusement protégé par celle qu'il appelait sa bonne mère et sa chère maîtresse, il quitta le monde et se retira dans l'abbaye des Vaux de Cernay, alors célèbre par la régularité et la ferveur de ses religieux. Il mourut en 1247, entouré de l'estime de tous. La reine Marguerite de Provence, épouse de saint Louis, l'avait en particulière vénération, et plus d'une fois on la vit visiter son humble cellule, puis prier à son tombeau.

A la suite se trouve une fenêtre de beaucoup moins grande dimension qui porte en appui les armes de Montmorency-Ponthieu. (Mathieu de Montmorency, et Marie de Ponthieu, fille d'Aline de France, soeur de Philippe-Auguste, 1238). La sculpture qui se voit au milieu de la grande cheminée de la grosse tour figure dans un encadrement grec d'environ un mètre de hauteur sur 80 centimètres de largeur, un sabre antique, semblable à la framée gauloise; la pointe se trouve au haut de l'encadrement; elle est accompagnée d'une couronne en feuilles de chêne. La garde est tenue par une main armée de gantelet. Des alérions accompagnent le sabre de chaque côté. Cette magnifique cheminée qui domine tout l'édifice apparaît donc au visiteur comme une sorte de dédicace du château lui même à l'illustre famille qui l'a si longtemps habité. L'on arrive alors à la façade du midi qui donne sur le bourg. Voici l'énumération des armoiries qui s'y trouvent: première lucarne près la tour: Mathieu II et Emme de Laval (1221). Appui: les armes de Guy de Montmorency, leur fils, souche de la branche de Montmorency-Laval, et celles de Philippa de Vitré, sa femme (1231). Seconde lucarne: tête de femme. Appui: Bouchard V et Laure de Hainault, descendante de Charlemagne par sa mère. Troisème lucarne: tête d'homme. Appui: Jacques de Montmorency et Philippa de Melun (1392). Quatrième lucarne, Charles de Montmorency et Perennelle de Villiers de Lisle Adam (1364). Appui: Louis de Montmorency et Mar guerite de Wastines (1462). Cette étude terminée, le visiteur passe à la cour du château. Il y remarque les armoiries suivantes: première lucarne, vers le nord, à gauche en entrant: Guillaume de Montmorency et Anne de Pot (1484). Armes de Pot: d'or à une fnsce d'azur. Appui: Philippe-Marie de Montmorency, prince de Rosbecq, mort en 1601, et Marie Philippe de Croy, son épouse (1611). Deuxième lucarne, à gauche de la tour de l'escalier: le connétable Anne de Montmorency, mort à la bataille de Saint-Denis (1567) et Madeleine de Savoie, son épouse (1526). Appui: Henri 1er de Montmorency et Louise de Budos (1593) Budos porte d'azur a trois bandes d'or. troisième lucarne, à droite de la dite tour: Henry II de Montmorency et Marie Félicité des Ursins (1412). Des Ursins porte bandé d'argent et de gueules de six, au chef d'argent chargé d'une rose de gueules soutenue d'or. Quatrième lucarne, près le pignon: le maréchal Christian Louis de Montmorency-Luxembourg et Madeleine de Clermont-Tallard de Luxembourg.

A la fin du XIXe siècle, l'on a ouvert entre les deux lucarnes qui dominent l'entablement une petite fenêtre dont le fronton porte les armes de M. le marquis et de Madame la marquise de Gontaut-Biron, derniers propriétaires du château. A la suite de la tour est un petit bâtiment avec galerie et terrasse, qui lui aussi n'est pas sans mérite. On y distingue, avant tout, un écusson aux armes de Montmorency après Bouvines, qui serait dû au ciseau de Jean Gougeon. Deux anges le supportent; sous leurs pieds, sont les lettres A M entre lacées; le cimier est surmonté, comme le sont généralement les armoiries des Montmorency, d'une tête de chien courant, aux oreilles pendantes. Et c'est ainsi que la restauration do château de Courtalain nous apparaît comme une oeuvre à la fois artistique et patriotique, puisqu'en fixant sur la pierre le souvenir de ses glorieux ancêtres, M. Raoul de Montmorency a redit à la postérité quelques-unes des plus belles pages de notre histoire nationale. Qu'il nous soit permis toutefois, avant de pénétrer dans l'intérieur de l'édifice, de considérer un instant la porte de la tour triangulaire avec ses pilastres et ses chapiteaux si délicatement sculptés. La frise en est d'un dessin très pur, et le couronnement, composé de plusieurs frontons ornés de jolis candélabres renferme de curieuses figurines pleines de vie, et d'expression. Les lettres A M entrelacées avec une épée en pal sont gravées sur le fronton central. Cette porte qui conduit directement à l'escalier monumental est à peu près sans utilité aujourd'hui. Elle a été remplacée par une autre beaucoup plus spacieuse qui n'a d'autre ornement que l'écusson des Montmorency; mais a l'avantage d'ouvrir sur l'antichambre. C'est donc par cette antichambre que nous allons commencer la visite que nous avons maintenant intention de faire à l'intérieurdu château.

Ce qui frappe avant tout dès l'entrée, c'est une large tapisserie où figurent les armoiries des derniers représentants de la famille Montmorency. Les leurs d'abord, unies à celles des ducs de Luxembourg qui n'en diffèrent du reste que par le lion de gueules debout, armé et couronné qu'elles portent en abîme, sur champ d'argent. C'est ensuite l'écu des princes de Bauffremont: vairé d'or et de gueules, avec leur devise: plus de deuil que de joie, et tout auprès celui des marquis de Gontaut-Biron: ècarlelé d'or et de gueules, avec la devise: périlsed in armis. C'est encore celui des ducs deRohan-Chabot: parti de gueules et d or, portant sur champ de gueules neuf macles posés trois, trois, trois et sur champ d'or trois chabots de gueules debout, posés deux, un avec la devise: concussus surgo. C'est enfin uni à un écusson des Montmorency, celui des comtes de Goyon-Matignon: écartelé d'argent et d'azur portant au 1er et au 4e un lion de gueules debout, armé, lampassé et couronne d'or, au 2e et au 3e, trois lys d'or, posés 3, 1, avec un bâton de gueules péri en abîme; au 2e un lamhel d'argent se voit en outre au sommet de cette partie de l'écu. Les armes de la dernière duchesse, unies à celles du duc son époux, ne figurent pas dans ce tableau, maison les trouve reproduites en divers endroits et particulièrement au-dessus de la porte d'entrée de cette même antichambre: elles sont écartelées: au 1er et 4e de cinq chevrons d'or et de gueules, et au 2e et au 3e d'un échiquier de gueules et d'or. Quatre scènes de chasse habilement reproduites, posées au dessus des portes, complètent la décoration de cette première pièce. Vient ensuite la salle de billard. De nombreux tableaux y fixent l'attention du connaisseur. C'est d'abord à droite, un Granet figurant l'intérieur d'une cellule de moine et puis revêtu de son armure un maréchal de France de la famille de Montmorêncy. A la suite on admire le duc de Bourgogne enfant et le Grand Condé; plusieurs Joseph Vernet, des vues du château de la Brosse autrefois propriété des Montmorency, des aquarelles et des estampes dont l'une représente à cheval le maréchal de Biron, décapité en 1602, et l'autre le comte Armand de Gontaut, ancien administrateur du canal de Suez. Enfin sur le billard une vieille tapisserie aux armes de Montmorency, et tout auprès un splendide buffet en bois d'ébène, orné de marqueterie d'une grande valeur, épave de la révolution.

De la salle de billard on passé au salon. A l'entrée on voit tout d'abord revêtu d'une armure de vieux chevalier, le duc Anne Léon II, et au-dessous Mme la princesse de Tingry, née de Segozan, puis le portrait en pied du célèbre Henri II de Montmorency, décapité à Toulouse, et ceux du dernier duc et de la dernière duchesse. Vient ensuite, sur un piédestal, le buste en bronze du maréchal de Biron, l'ami d'Henri IV, tué au siège d'Epernay, et après en costume de l'époque, Charlotte de Montmorency, femme d'Henri de Bourbon et mère du Grand Condé, et la duchesse de Longueville, sa fille, l'une des héroïnes de la Fronde, célèbre par l'empire qu'elle sut exercer sur tous ceux qui l'approchaient. En suivant on rencontre un très joli tableau, rappelant le mariage si honorable pour la famille de Montmorency de Mathieu 1er avec Adélaïde de Savoie, veuve de Louis le Gros, et mère de Louis VII dit le jeune; et au-dessous une châsse d'une grande valeur artistique, qui contient, posée sur un riche coussinet, l'épée du connétable Anne; et un peu plus loin les mains jointes et dans l'attitude d'un ascète, Guillaume de Montmorency déjà nommé, zélé serviteur de nos rois pendant plus de 60 ans, mort en 1581. Enfin aux quatre angles des murs ce sont les attributs des quatre arts libéraux; et dans le panneau qui fait face à la cheminée le portrait en grandeur naturelle de l'illustré maréchal de Luxembourg. En quittant le salon, on se rend à la bibliothèque en passant par une galerie, appelée petit salon, et qui renferme elle aussi plusieurs tableaux dus à d'habiles pinceaux: c'est d'abord, à gauche en entrant, la duchesse Charlotte de Montmorency Luxembourg, épouse du duc Anne Léon II entourée de ses cinq enfants encore en bas âge. C'est ensuite le baron de Breteuil, puis c'est le duc Anne Charles, et la duchesse Caroline, son épouse. Un peu plus loin, c'est le duc de Laval, Anne Adrien Pierre de Montmorency, seigneur de Montigny-le-Gannelqn, maréchal de camp, pair de France, tour à tour ambassadeur à Madrid, Rome, Vienne et Londres. Et à la suite, le comte Anne Joseph Thibault de Montmorency, à la fois oncle et beau-frère du dernier duc; la princesse de Tingry, et le duc de Rohan, grand-père de M. le marquis de Gontaut.

Enfin, au bout de cet intéressant musée de famille, on regarde, non sans admiration sur un beau piédestal le buste en marbre blanc de Son Altesse Royale, Mme Adélaïde de France, fille de Louis XV, morte à Trieste en 1800, donné par Son Altesse elle même au duc Anne Léon 1er, son chevalier d'honneur. De cette pièce on passe généralement à la bibliothèque. Mais cette visite a perdu de nos jours ses principaux attraits. Il est toutefois un objet précieux à plus d'un titre qui ne manque jamais de fixer l'intention des curieux; c'est une petite statue en albâtre sur le dos de laquelle on lit gravé par la main même de M. le marquis de Gontaut: "Statuette trouvée dans les décombres de l'église de Courtalain et donnée à M. de Gontaut en 1863". Elle représente une abbesse tenant d'une main un livre, signe de sa dignité, et de l'autre un vase avec des marguerites, et un long chapelet. "Albâtre ayant été peint; travail du XIIIe ou XIVe siècle". Quant à la salle à manger, la dernière pièce qui s'offre au visiteur, ce qu'on y admire avant tout, ce sont les dignes et gracieux tableaux de famille qui en ornent les murs. Ils sont si nombreux que nous sommes exposés à en oublier quelques uns. Nous noterons toutefois les suivants: le connétable Anne de Montmorency et Marguerite de Savoie, son épouse. Le maréchal Jacques de Goyon-Matignon, et messire Odet de Thorigny, l'un de ses descendants. Le prince de Montmorency-Rosbecq, et la duchesse Charlotte en costume de chasse; Madame de Tresson, née Charlotte de Montmorency; Madame la duchesse de Luxembourg, née Louise de CoIbert-Seignelay; Madame la duchesse de Villeroy, née Marie de Montmorency; et enfin de jolies images en pastel de tout jeunes enfants. Il n'y a pas longtemps encore, on ne quittait pas Courtalain sans faire une longue visite aux serres et aux jardins, cette visite ne se fait plus guère de nos jours. La culture des fleurs est devenue si commune !!!

Les seigneurs du château de Courtalain:

S'il en faut croire l'étymologie de son nom, évidemment empruntée aux deux mots latins: Curia Alani, le premier ou même toute une sérié de seigneurs de la localité auraient porté le nom d'Alain; leur notoriété fait défaut, il est vrai, mais d'après certains chroniqueurs cela doit venir dé ce que, dans l'origine, ils n'auraient été que les délégués des seigneurs de Montigny le Gannelon à l'administration, au gouvernement de cette portion de leur seigneurie. Ce sentiment, du reste, est loin d'être sans fondement. En effet, en 1030, Eudes II de Mohtigny possède encore à Courtalain certains droits de suzeraineté. Quelques années plus tard, en 1095, ce vasselage paraît avoir pris fin et le seigneur Guillaume semble avoir joui de tous ses droits. Il faut remarquer toutefois que ce personnage ne figure pas dans la liste des premiers seigneurs de Courtalain, donnée par notre savant prédécesseur, M. l'abbé Desvaux. Cela, du reste, n'a pas lieu de surprendre: puisqu'aucun dignitaire portant le nom d'Alain n'y figure. Quant aux premiers Borel qu'il a cités, rien n'indique avec évidence, qu'ils fussent seigneurs de Courtalain; il est incontestable qu'ils habitaient la contrée; mais on ne peut rien affirmer de plus. Pour ne rien préjuger, il paraît donc rationnel de ne point faire remonter la possession de la seigneurie par les Borel au delà de l'année 1150. En cette année, Courtalain aurait été donné par Guillaume d'Illiers, seigneur également de Bois-Ruffin à Eudes Borel III, son gendre, comme dot de Berthe d'Illiers, sa fille. Eudes eut pour successeur en 1169 Hugues IV son fils. Celui-ci dut mourir vers 1189 et laisser un fils en bas âge, sous la tutelle d'Agnès, sa mère. Agnès est connue principalement pour ses démêlés avec les gens de Saint-Pellerin. Dans l'un d'eux il s'agissait du droit de pressoir, qu'Agnès réclamait impérieusement; mais les moines de Saint-Hilaire, dont dépendait Saint-Pellerin, intervinrent, Agnès céda, et les gens de Saint-Pellerin furent autorisés à conduire leur vendange où bon leur semblerait.

En 1208, Courtalain avait encore changé de maître. La seigneurie avait pour titulaire Eudes IV. Celui-ci ne vécut pas non plus en paix avec ses difficiles voisins et, à diverses reprises, Jean de Montigny, en sa qualité de seigneur suzerain de Saint-Pellerin, dut faire acte d'autorité. Parmi les conventions stipulées entre les deux parties, les suivantes nous ont paru intéressantes à plus d'un titre: "Si une guerre sérieuse se déclare, les vassaux, dûment avertis et requis pour la défense du château, descendront à Courtalain et s'y joindront aux hommes d'armes. Quand l'ennemi sera en fuite, ils le poursuivront, mais avec droit de s'arrêter, sitôt qu'il ne leur restera plus que le temps de regagner leur logis avant la nuit. Les habitants de Saint-Pellerin seront tenus, en cas de guerre, de remettre au seigneur de Courtalain toute denrée alimentaire, destinée à être vendue. Comme gage, le seigneur leur donnera un objet d'un prix supérieur, objet qu'ils pourront vendre devant témoins, si, au bout d'un mois, le seigneur n'a ni rendu, ni soldé ce qui lui avait été confié". Nous avons rapporté ces sages conventions; parce qu'elles nous ont paru de nature à dissiper certains préjuges relatifs à cette période de notre histoire si diversement jugée. Tout en effet est ici prévu, réglé, rien n'est livré à l'arbitraire, et le seigneur le plus belliqueux est fatalement condamné a l'impuissance, à l'abandon, s'il songe à autre chose qu'à repousser l'ennemi. En 1217, Eudes IV prenait la croix et se disposait à passer en Terre-Sainte sous la conduite de Jean de Brienne. Mais le refus de subsides qu'il essuya de la part de ses indociles vassaux, et en particulier des gens de Saint-Pellerin le contraignit d'ajourner ou même d'abandonner son projet. Eudes IV eut pour successeur, vers 1240, Eudes V son fils. Ce seigneur et les suivants ne nous sont connus que par divers actes de donations et autres auxquels ils ont pris part; nous ne possédons donc aucun document qui les concerne en particulier. Nous savons seulement que cette famille Borel possédait encore Courtalain en 1371, et que le dernier seigneur de ce nom légua sa seigneurie à Isabelle de Rouvray, sa femme, issue de la fa mille des seigneurs de Rouvray près Illiers.

Cette Isabelle décéda sans enfants et transmit Courtalain à Jean de Rouvray, son frère ou son neveu, d'où il passa au fils de celui-ci aussi nommé Jean. L'année 1378 fut témoin d'un événement qui eut dans le pays Dunois un immense retentissement. Les châteaux de Courtalain et du Mée en Arrrou appartenant à Jean de Rouvray étaient mis sous le séquestre et lui-même était appréhendé de corps, comme soupçonné du meurtre de Guillaume de la Forêt, seigneur de Lanneray. Toutefois, après enquête son innocence fût reconnue. Il recouvra la liberté, ses biens lui furent rendus, et, en signe de réconciliation entre les deux familles, Jean de Rouvray fils épousa Gillette, fille de Guillaume. Jean de Rouvray, deuxième du nom, fut un brave militaire. En 1416, sous les ordres de Pierre et de Florent d'Illiers il prend part à la défense de Cbâteaudun assiégé par les Bourguignons et les Anglais. En 1421, il est retenu à Chartres comme prisonnier de guerre par les mêmes ennemis et doit payer 300 livres pour sa rançon. Enfin en 1427 au combat de Marchenoir il tombe entre les mains des Anglais, et reste prisonnier jusqu'à la trêve conclue plus tard entre Dunois et Suffolk. En cette même année 1427, Guillaume d'Avaugour, le futur possesseur de Courtalain, s'emparait pour le roi de France, du château de la Ferté-Bernard. A la même époque encore concurremment avec Jean de Rouvray, on trouve comme seigneur de Courtalain le sire Alain de Taillecoul, brave militaire, batailleur, célèbre entre tous par sa vaillance, son audace, ses prouesses, mais qui nous apparaît ici sans père, sans mère, sans généalogie. Voici, ce nous semble, l'explication de ce fait: Jean dé Rouvray, devenu veuf, épouse en secondes noces Jeanne de la Bruyère, fille de Pierre, seigneur de Bois-Ruffin, et lui laisse à sa mort Courtalain en partie. Devenue veuve à son tour, Jeanne de la Bruyère épouse en secondes noces Alain de Taillecoul, dont elle a deux enfants Jean et Marguerite. C'est donc en qualité d'époux de Jeanne de la Bruyère et de tuteur de ses enfants qu'Alain de Taillecoul aura possédé Courtalain.

Ce partage toutefois ne dura pas longtemps, car, à la mort de Jean de Taillecoul, fils d'Alain, décédé sans postérité, Marguerite, sa soeur, épousa Martin, fils ou neveu de Jean de Rouvray et par là remit Courtalain en la possession des Rouvray. De son mariage avec Martin de Rouvray, Marguerite de Taillecoul eut deux enfants, Martin et Catherine. S'il en faut croire l'abbé Bordas, ce Martin épousa Bertrande d'Illiers, l'une des filles de Pierre d'Illiers, seigneur de Bois-Ruffin et gouverneur de Châteaudun, et mourut sans enfants. Pour Catherine, elle épousa Louis d'Avaugour; et c'est de ce mariage que serait venue la possession de Courtalain par les d'Avaugour. Quoi qu'il en soit, devenue veuve de Martin de Rouvray, Marguerite de Taillecoul épousa en secondes noces Pierre d'Illiers, celui-là même dont nous venons de parler. Nous pensons qu'elle n'eût pas d'enfants de ce second mariage, et que, dès lors, ceux-là se trompent qui, se fondant sur un texte de Guillaume Laine, qu'ils interprétaient mal, l'ont donnée pour mère aux messires d'Illiers, Florent, le brave compagnon du célèbre Dunois. Miles, évêque de Chartres, et Louis, abbé de Bonneval. En effet, ils ont confondu Marguerite de Tâillecoul, troisième femme de Pierre d'Illiers, avec Marguerite de Machecoul qui fut la seconde. Le Gallia Christiana le dit formellement, et nous aimons à croire qu'il faut se ranger à son avis, l'a concordance des dates du reste l'exige impérieusement. Ce ne fût donc que transitoirement, et jusqu'à la majorité de Martin de Rouvray et de sa soeur Catherine que Pierre d'Illiers fût seigneur de Courtalain. Aussi Martin étant mort sans enfants, la seigneurie revint en entier à Catherine, et celle-ci, en s'unissant, comme nous le disions tout à l'heure, à Louis d'A vaugour, Confia Courtalain à cette noble et antique famille, d'origine bretonne. Louis d'Avaugour ne paraît pourtant pas avoir habité Courtalain; selon toutes les apparences, il lui aurait préféré Bois Ruffin, mieux fortifié sans doute, et moins exposé aux incursions des bandes ennemies. Il en fût de même de Marin, son successeur.

Quant à Guillaume lui-même, tout porte à croire qu'il n'en avait point encore fait sa résidence au moment de son mariage avec Perrette de Baif, et qu'il ne l'habita qu'après la construction du château actuel, c'est-à-dire vers 1483. D'après M. l'abbé Desvaux, dans la notice sur les d'Avaugour qu'il a publiée au tome quatrième des bulletins de la Société Dunoise, Guillaume aurait été remplacé à Courtalain par Pierre son fils aîné; celui-ci aurait épousé Mathurine de Saint-Paer, dont il aurait eu, vers 1498, un fils nommé Jacques, qui après la mort de son père, eut pour tuteur son oncle Benjamin, seigneur de Launay en Saumeray: il épousa, vers 1537, Catherine de la Baume, dont il eut six enfants: François et Jean, Jacqueline, Madeleine, Françoise et Madeleine la jeune. François, seigneur de Lauresse et de Courtalain, en sa qualité de fondateur présenta, en 1567 à l'évêque de Chartres, Pierre Quillier comme curé de sa paroisse. Il eût la douleur de voir en 1562 Courtalain assiégé, pris et pillé par les Huguenots. Jean d'Avaugour, son frère, le remplaça et comme lui mourut sans enfants. A sa mort en 1572, il légua ses biens à ses soeurs. Jacqueline, qui était l'aînée, eût en partage Courtalain, dont elle prit possession l'année suivante, 1573. Quelques années auparavant, en 1553, elle avait épousé Pierre de Montmorency, fils de Claude, baron de Fosseux, et d'Anne d'Aumont. Grâce à ce mariage la famille de Montmorency entra en possession du château et de la seigneurie de Courtalain. La possession lui en resta, sauf le temps de la révolution, jusqu'au milieu du XIXe siècle, et ne finit qu'à la mort du duc Anne Raoul, le dernier survivant de cette noble et illustre famille. Il convient donc que nous disions quelques mots, et tracions une biographie succincte de chacun de ces augustes personnages dont la notoriété a jeté sur Courtalain un si vif éclat. Ils sont au nombre de neuf: Pierre 1er, Anne, Pierre II, François, Léon, Anne-Léon 1er, Anne-Léon II, Anne-Charles-François et enfin Anne Raoul.

Pierre 1er de Montmorency se distingua principalement au siège de Metz en 1553. Il vécut sous le règne des rois Henri II, Charles IX et Henri III. Grâce à son crédit auprès de ce dernier roi, il obtint confirmation des privilèges précédemment concédés par François 1er relativement aux foires et marchés qui se tenaient à Courtalain. Anne de Montmorency avait suivi Henri IV au siège de Rouen en 1591, et y fût grièvement blessé; sa santé en fut compromise; il mourut l'année suivante. On croit généralement qu'il ne se trouvait pas à Courtalain en l'année 1586; sa présence, en effet, eût empêché le duc de Joyeuse de rançonner et mettre au pillage la ville et le château. Trois ans plus tard, en 1589, tout était réparé sans doute, car le roi Henri IV venait s'installer à Cdurtalain, en compagnie de son fidèle Sully, et de là harcelait les troupes de ligueurs, disséminées dans le Beauce, le Perche et l'Orléanais. Anne de Montmorency avait épousé Marie de Beaune, fille de Jean de Beaune, chevalier. Anne était mort jeune, Pierre II, son fils mourut plus jeune encore. Aussi, en dehors de ses titres nobiliaires, héritage de ses ancêtres, on ne lui en connaît pas d'autre que celui de chevalier de l'ordre du roi. Il avait épousé Charlotte du Val, fille de Germain du Val, capitaine du château du Louvre. Devenue veuve, celle-ci épousa en secondes noces Pierre de Beauxoncles, seigneur de Bois-Ruffin, Arrou et autres lieux, dont elle eût une fille nommée Charlotte qui mourut à la fleur de l'âge. François de Montmorency resté encore enfant sous la tutelle de sa mère, ce seigneur paraît s'être contenté de la vie bourgeoise. En effet, l'on ne connaît de lui que sa participation aux troubles delà Fronde, qui lui valut quelques mois de séjour à la Bastille et quelques années de relégation à Courtalain. Il avait épousé Elisabeth Harville des Ursins, fille d'Antoine des Ursins, marquis de Palaiseau.

Léon de Montmorency, né en 1664 n'avait que 20 ans à la mort de son père; et déjà les honneurs et les dignités semblaient s'être donné rendez-vous en sa personne. A cinq ans il était nommé page de la Chambre du roi, et successivement on le vit devenir lieutenant au gouvernement et bailliage du pays chartrain, capitaine dans le régiment de Roi infanterie, et enfin, à l'âge de 30 ans, colonel au régiment de Forez; malheureusement, les embarras financiers dont il avait hérité de son père ne lui permirent pas de soutenir l'éclat de son nom, il quitta donc le service militaire et se retira à Courtalain. Il y vécut jusqu'à un âge fort avancé, entouré de l'estime et de la vénération de tous; il avait épousé Marie-Madeleine de Poussemotte de l'Etoile de Montbriseuil, fille de Jean de l'Etoile de Montbriseuil. Anne Léon 1er de Montmorency, né à Courtalain le 14 septembre 1705, compte à son actif les plus beaux états de service. En effet, engagé en 1721 à l'âge de 16 ans, en qualité de guidon de la compagnie des gendarmes d'Anjou, on le retrouve en 1778, à l'âge de 57 ans, gouverneur des ville et château de Salins, commandant en chef pour sa majesté, dans les provinces de Poitou, Saintonge, Aunis et îles adjacentes. Pendant quinze ans, de 1733 à 1748, il assiste à douze sièges importants, et prend part à autant de batailles en rase campagne. Créé maréchal de camp à Fontenoy, sur le champ même de la bataille, il était bientôt après nommé lieutenant général et élevé à la dignité de commandeur des ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit; nommé menin de Monseigneur le Dauphin et chevalier d'honneur de Mesdames Henriette et Adélaïde de France, filles du roi. Anne Léon 1er avait épousé en premières noces Anne-Marie Barbe de Ville le 9 septembre 1730. Après un long veuvage, il épousa Marie-Madeleine Charette de Montebert, d'une antique maison de Bretagne. De son premier mariage, il avait eu un fils unique, nommé comme lui Anne Léon, qui le remplaça à Courtalain.

Anne Léon II eut un début des plus brillants dans les honneurs et la carrière militaire. Engagé d'abord comme guidon, on le voit en effet devenir successivement capitaine-lieutenant des gardes de la reine, maréchal des camps et armées du roi, menin de Monseigneur le Dauphin et enfin connétable héréditaire de la province de Normandie. Toutefois, sa carrière militaire finit avec le honteux traité de Paris. Il se retira alors à Courtalain, où il vécut dans l'obscurité, occupé exclusivement de bonnes oeuvres, jusqu'au moment où la révolution, devenue victorieuse, le força de prendre le chemin de l'exil. Il y mourut en 1799 miné par les chagrins et les privations. En 1773, il était baron de Brou, comme héritier de dame Anne Barbe de Courcelle, sa grand-mère. Il avait épousé en premières noces une fille du comte de Champagne. En secondes noces, il épousa Françoise-Charlotte de Montmorency-Luxembourg, fille de Charles-Anne Sigismond, déjà précédemment nommée. A la mort de Anne Léon II, le château de Courtalain, alors dévasté, fut destiné à son fils aîné, Anne-Charles-François; celui-ci n'avait que quinze ans à peine quand il entra comme garde du corps dans la compagnie de Luxembourg. A dix-sept ans, il était reçu dans le Colonel-Dragon, en qualité de cornette, grade correspondant à celui de capitaine dans l'organisation actuelle. Le 2 juin 1788, il épousait Anne-Louise Caroline de Goyon-Matignon, fille de Charles-Auguste et de Anne-Angélique le Tonnelier de Breteuil. Au moment de la révolution, il dut abandonner toutes ses espérances d'avenir; il en profita pour se donner tout entier aux siens. A diverses reprises, il s'exposa pour eux aux plus grands dangers. A la fin, convaincu qu'il se dévouait en pure perte, il quitta définitivement la France, et se retira à l'étranger. Toutefois, malgré les plus pressantes sollicitations, il refusa de prendre rang dans l'armée des émigrés. Il aimait trop son pays pour porter les armes contre ceux qui en dirigeaient les affaires. Aussi les portes de la France ne furent pas plutôt ouvertes à ses fidèles enfants qu'il se hâta d'y rentrer. Ses premiers soins furent naturellement consacrés à recueillir les débris de la fortune paternelle; mais il n'oublia pas pour cela le bien public. Porté au conseil général d'Eure-et-Loir, en 1801, il en conserva les honorables fonctions jusqu'en 1818.

Dès les premiers jours de l'empire, Napoléon qui voulait se rallier l'ancienne noblesse lui offrit le titre de comte et en même temps Madame de Montmorency était nommée dame du palais. Au moment de l'invasion, M. de Montmorency fut appelé au commandement de la garde nationale d'Eure-et-Loir, et bientôt après, sur la proposition même de l'empereur, nommé aide major du maréchal de Moncey, gouverneur de Paris. Il était installé à peine dans cette nouvelle fonction que l'empereur ordonnait au maréchal de quitter Paris; les trois collègues de M. de Montmorency démissionnaient alors, et lui seul restait chargé de là défense de la capitale. Il s'acquitta de cette tâche difficile et pénible en toute conscience et honneur. Sa conduite toutefois n'eût pas l'agrément du gouvernement provisoire qui se substitua à l'empereur; il fût relevé de ses fonctions et remplacé par le général Dessoles. Le procédé le froissa profondément, mais il se résigna, et son dévouement à la Restauration n'eût point à en souffrir; en 1827, il reçut en son château de Courtalain, avec toute la pompe qui convenait en pareille circonstance, Leurs Altesses Royrales mesdames la du chesse de Berry et la duchesse d'Angoulême. En 1830, il était pair dé France; c'était un esprit très libéral; aussi, malgré les sympathies dont il avait constamment entouré la branche aînée des Bourbons, il continua de siéger au milieu des nouveaux collègues dont on avait doté la Chambre Haute. Anne-Char!es-François de Montmorency mourut en 1846, profondément regretté de tous ceux qui l'avaient connu. Par son testament, il avait fondé quatre lits à l'hospice des incurables de Châteaudun. La duchesse l'avait précédé de quelques jours seulement dans la tombe. Anne-Charles François de Montmorency était, au moment de sa mort, commandeur de la Légion d'honneur.

Anne-Louis-Victor Raoul dernier survivant de la branche aînée des Montmorency naquit à Soleure en 1790. Rentré en France avec sa famille en 1800, on le vit dès 1807, à l'âge de 17 ans, embrasser la carrière des armes. Trois ans après, en 1810, il était sous-lieutenant, aide de camp du maréchal Davoust, et officier d'ordonnance de l'empereur. En 1809 il prenait part à la guerre contre l'Autriche. Mais bientôt une grave maladie le condamnait à l'inaction; l'empereur alors, pour lui donner un témoignage de son estime, le nommait son chambellan. En 1813, il était appelé à remplacer le duc son père, dans le commandement de la garde nationale du département d'Eure-et Loir. Au retour des Bourbons, Anne-Louis-Victor Raoul s'attacha à la fortune du duc d'Orléans, qui le fit son aide de camp. Toutefois dès 1820, lors de son mariage avec dame Euphémie Théodora-Valentinede Harchies, fille de Louis-François-Gabriel-Joseph de Harchies, marquis de Vlamestinche; et veuve de son oncle Thibault; il se renferma sans retour dans la vie privée. La révolution de 1830 l'affligea; toutefois, il ne crut pas devoir rompre et continua avec le roi Louis-Philippe les relations qu'il avait entretenues avec le duc d'Orléans. Les journées de février 1848 le trouvèrent en permanence aux Tuileries. Après la déchéance et l'exil du vieux roi, bien des fois il se rendit en Angleterre auprès de la famille royale. Il fut l'un des exécuteurs testamentaires de celui dont il avait été, jusqu'à ses derniers jours, le fidèle ami. Messire Raoul de Montmorency mourut à Courtalain en 1862. La duchesse l'avait précédé de deux ans dans la tombe. De concert, ils avaient construit en 1853 une splendide maison pour servir à la fois d'école et d'hospice. A sa mort, le bon duc légua à la commune de Courtalain un capital considérable; pour assurer à l'avenir la gratuité de l'école pour les filles de Courtalain et de Saint-Pellerin, et le soulagement des pauvres des mêmes localités.

Comme ses ancêtres, il a donc passé en faisant le bien. De son mariage avec dame Caroline de Goyon-Matignon, le duc Anne Charles avait eu trois enfants: le duc Raoul dont nous venons de parler, et deux filles, Elisabeth Laurence qui épousa le prince Pierre Théodore de Bauffremont, et Anne Louise Alix, qui épousa le duc de Valençay, Louis de Talleyrand Périgord. L'une et l'autre étaient mortes avant le duc, leur frère, et laissaient d'assez nombreux héritiers. Dans le désir de conserver intact à sa famille l'important domaine de Courtalain, M. de Montmorency crut devoir en disposer par testament, et le légua à la fille de sa soeur Elisabeth Laurence, née Félicie de Bauffremont, mariée, depuis quelques années déjà, au marquis Charles-Louis de Gontaut-Biron, sei gneur de Saint-Blancard. M. le marquis de Gontaut est mort le 29 août 1897, emportant d'unanimes regrets. C'était un homme de bien, fort distingué et fort instruit. Pendant la terrible guerre de 1870, M. de Gontaut exposa plusieurs fois sa liberté et sa vie pour sauver celles de ses administrés. La guerre finie, il paya largement les frais occasionnés à la commune par l'invasion. Les élections municipales qui suivirent ne lui furent cependant pas favorables, il ne recueillit qu'un nombre de voix presque dérisoire, mais il sût s'élever au-dessus de mesquines jalousies, et continua à se montrer bon et généreux. Sa veuve a gardé jusqu'au début du XXe siècle la possession et la jouissance du château et de ses dépendances; mais son grand âge ne lui permet plus d'y séjourner aussi longtemps que par le passé. Nous ne pouvons omettre de rappeler ici quel long tribut de dévouement et de gloire les deux illustres familles de Montmorency et de Gontaut ont payé à la France. En effet vingt-neuf Montmorency et dix-huit Gontaut sont morts sur les champs de bataille ou des suites de leur blessures. En terminant nous osons formuler un désir: une noble famille très répandue dans la contrée pendant les XVe, XVIe et XVIIe siècles a porté le nom et le titre de de Courtalain. On la trouve à la fois à Coupigny-Dangeau, Prasville, Civry, Chapelle-Guillaume, Gallardon, Lutz, Villours, Terminiers, le Bazoche, Gouet, Chapelle-Royale, Fains, le Favril, et la Houssaie en-Unverre. Nous serions donc très reconnaissant envers l'heureux savant qui nous renseignerait exactement sur l'origine de cette famille, et nous indiquerait à quelle branche des seigneurs de Courtalain il convient de la rattacher. En effet, jusqu'ici, la question est restée obscure; les plus érudits hésitent, doutent ou s'abstiennent. Quant à nous, nous inclinons pour les d'Illiers, malgré le peu de temps qu'ils ont passé à Courtalain. (1)

Éléments protégés MH: les façades et les toitures du château : inscription par arrêté du 9 juillet 1926. L'escalier en vis principal du château, les façades et les toitures des dépendances du XVIIIe siècle (pressoir, étables, écuries, remises à voitures, grange), le pavillon d'entrée de la cour des communs, les murs qui ferment cette cour avec leurs portails, le pavillon Caroline et son décor, les façades et les toitures de l'orangerie, les façades et les toitures de la briquetterie et les vestiges des fours, les façades et les toitures de la conciergerie vers la place de l'église, les pavillons du jardin potager et son mur de clôture et les douves : inscription par arrêté du 10 mai 1991. Les façades et les toitures du pavillon de garde, sur la route de Châtillon-en-Dunois : inscription par arrêté du 10 mai 1991. Le parc paysager constitué de sa prairie et des grandes perspectives autour du château et ses éléments édifiés non protégés : la glacière, le mur d'enceinte préservé autour des grands axes d'accès au château et aux douves, les façades et les toitures du pavillon de garde à l'entrée de l'allée d'accès aux douves: inscription par arrêté du 21 mai 1997 (2)

château de Courtalain 28290 Courtalain, tél. 02 37 98 80 25, ouvert au public, visites du 13 juillet au 23 août tous les jours de 10h à 11h et 14h, 15h, 16h, 17h, sauf le 15 août pas de visite. Hébergement en chambres d'hôtes et location de salle de séminaire.

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(1)     Courtalain : châteaux et seigneurs par l'abbé Louis-Ferdinand Chapron. Éditeur: Abbé Métais, Chartres (1901)
(2)
   
   source :  https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/

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