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Un château
fort ainsi qu'un important bourg sont attestés à Frazé dès le XIe siècle. À
l’instar de l’abbaye voisine de Thiron, la forteresse et la cité sont mises
à sac en 1428 par Thomas de Montaigu, comte de Salisbury, général en chef
des troupes anglaises allant assiéger Orléans. Propriété d’Anne Gaudin,
veuve de Jean seigneur de Moulhard, la terre et seigneurie de Frazé sont
vendues le 13 juillet 1486 à Florentin Girard, seigneur de Barenton, et
Marie Chollet son épouse, veuve de Geoffroi de Courcillon, pour la somme de
huit cents écus d’or. En 1493, le même Florentin Girard adresse une demande
à son seigneur suzerain, Jean, duc de Nemours, comte de Castres et de
Beaufort, vicomte de Châtellerault et de Montique, seigneur de Sablé, de La
Ferté-Bernard et de Brou, pour obtenir la permission de rebâtir le château
fort et la "ville" de Frazé et les fortifier. Le seigneur suzerain lui
accorde de bonne grâce par lettre du 29 avril 1493 en "reconnaissance des
grands et recommandables services qu’il lui avait rendus". Transcrit par
Charles Métais, ce document est riche d’enseignements quant à l’état de la
ville de Frazé qui était "close, considérable et très populeuse autrefois,
le château était très fortifié: les remparts étant entièrement détruits par
la guerre et la vétusté, il ne restait alors de la cité que de vieilles
murailles et de vieux fossés en ruine".
Lettre de Jean, duc de Nemours pour réparer les ravages commis par les
Anglais à Frazé. Archives du diocèse de Chartres: "Jehann duc de Nemours,
comte de Castres, de Beaufort et de Saint-Florentin et de Martigné, seigneur
de Mayenne, de Sablé, de la Ferté-Bernard et de Brou, pair de France, à tous
ceulx qui es presentes lettres verront, salut. Savoir faisons nous avoir
reçeu humble supplication de notre très cher et grand ami, messire Florentin
Girard, chevalier, entr'autres ses seigneuries, du lieu et seigneuries de
Frazé, assis en notre baronnie de Brou au Perche-Gouet et tenue de nous à
foy et homaige et à devoir de rachapt à cause de notre dite baronnie de
Brou; auquel lieu de Frazé auroit ou tems, ville clouse et place forte, come
il dit, que sont depuis par le temps des guerres et autrement cheuz en
décadence et ruyne, tellement qu'il n'y a plus que les vieilles murailles et
vielz foussez et que par faute de relever et réédifier ladite place et ville
forte n'y converse plus ne habite que très peu de gens, là où pour le tems
passé souloit avoir et demourer grand nombre et quantité de peuple. A
l'occasion de quoy le pays lors estoit grandement augmenté et amelioré par
la conversacion, residence et demourance du peuple, qui y vouloit résider et
affluer ; à laquelle cause ledit suppliant desirant bien réédifier et
fortifier ladite place pour s'y loger luy, sa femme, famille et biens, si
nostre plaisir estoit luy en octroyer sur ce nostre congié et licence, de ce
faire humblement requerant iceles. Pour quoy nous, ces choses considérées,
et que nous avons esté duement informez de ce que dit est dans cet avis, sur
ce avec les gens de nostre conseil et aussi en consideration des grandes,
louables et recommandables services que iceluy chevalier nous a faits par cy
devant, fait et continue chaque jour, et que esperons il fera pour l'avenir.
Avons aussi seigneur de Barenton donné et octroyé, donnons et octroyons, de
grâce especial, par ces presentes, congié et licence, et avons consenti et
consentons qu'il puisse et luy loger luy et les siens presens et avenirs
toutes et quante fois que bon luy semblera, réedifier, bâtir et fortifier la
dicte place et maison forte tant de murailles, fossez à l'environ, pont
leviez, barbequannes et archivoltez que autres édifices diffensables,
appartenant à la place forte, sans toutefoys que à cause de ce, luy ne les
siens hoirs susdits, ne puissent pour advenir attribuer à eulx aucun droits
de guet, ne autres droits à nous ne à nos subjetz prejudiciables ne
dérogeant à notre dicte seigneurie de Brou et que ledit chevalier sera tenu
et les siens pour l'advenir bailler son adveu et dénombrement pardevant nous
ladicte terre et seigneurie de Frazé et ses appartenances et faire les
debvoirs de ladicte maison forte, pont leviez et appartenances d'icelle,
anciens et accoutumez à nous ou à nostre recept dudit lieu de Brou. Cy
mandons au capitaine, bailly, procureur et autres mes justiciers, officiers
et subjects dudict lieu de Brou qu'il appartiendra, que de notre presente
grâce, don, octroy, congié et licence ils et chacun d'eux souffrent et
laissent ledict chevalier et les siens hoirs et qui de luy auront cause pour
l'advenir, jouir et user plainement et paisiblement, sans lur faire mettre
ou donner, ny souffrir estre faict, mis ou donné aucun detour ou
empêchement, au contraire; car tel est notre plaisir et ainsi voulons estre
faict sans contredict. Temoing de ce nous avons faict sceller cesdictes
presentes de notre scel. Donné à la Tour le XXIXe jour d'apvril l'an de
grâce mil quatre cens quatre vingt treize".
Entre 1493 et 1510, Florentin Girard de Barenton fait reconstruire un
château très bien défendu, par tous les types de fortifications en usage à
cette époque. Ainsi, de larges fossés "bien muraillés" sont alors aménagés
autour de la vaste enceinte carrée où s’élève le château. L’eau de la
rivière de la Foussarde vient combler les fossés, tandis qu’au nord l’eau
d’un vaste étang baigne les murs du château. Pour entrer dans l’enceinte,
dans son angle sud-ouest, un châtelet encadré de deux tours et d’une facture
remarquable est construit, accompagné de son pont-levis. A l’intérieur,
l’édifice abrite des appartements assez confortables, ainsi qu’une prison au
niveau inférieur de la tour sud-est, et une chapelle au rez-de-chaussée de
la tour nord-ouest. Les trois autres angles devaient être défendus par des
tours circulaires dont il subsiste celle placée au sud-est, la tour dite
Saint-François (en référence à la cordelière en pierre sculptée de
Saint-François d’Assise qui ceinture toute cette partie de l'édifice). Au
nord-ouest, la tour a été reconstruite en 1780 pour Louis Lazare Thiroux d’Arconville,
tandis que la tour nord-est a été remplacée tardivement par une simple
échauguette. Des trois galeries qui formaient les côtés sud, est et ouest du
quadrilatère, seule celle reliant le châtelet à la tour nord-ouest demeure.
Le logis seigneurial occupait le côté nord et fermait la haute cour. Le
puits de l’actuelle cour se trouvait dans les anciennes cuisines du logis.
Ce dernier a été détruit entre 1740 et 1750 par le propriétaire d’alors,
Louis de Neuville, marquis de Villeroy.
Quelques marchés passés consignés dans le notariat de Frazé témoignent de
cette campagne de construction: marché de maçonnerie passé le 30 juillet
15023 pour la réalisation "d’une lucarne sur la toiture du portail",
certainement celle qui éclaire le comble du logis-porte: marché de
maçonnerie passé le 7 juillet 15044 pour la construction d’une des trois
tours. Au sud-ouest du château, Florentin Girard fait construire de vastes
communs organisés autour d’une basse-cour, et entourés de larges et profonds
fossés alimentés par les eaux de la Foussarde. Témoigne de ce chantier la
charpente des actuelles écuries (fonction initiale du bâtiment non connue)
dont la dendrochronologie situe la construction aux années 1514-1515. Les
autres bâtiments ont été reconstruits ou profondément réaménagés par la
suite. Au décès de Florentin, la terre et seigneurie de Frazé passe par
droit d’héritage en 1526 à son fils Louis Girard de Barenton. Sa fille
Jacqueline épouse en 1540 Charles d’O, seigneur de Vérigny et fait ainsi
passer le domaine de Frazé entre les mains de la famille d’O. Ces derniers
conduisent l’agrandissement du château à partir du milieu du XVIe siècle,
comme l’indique la date 1560 portée sur le linteau d’une porte du bâtiment
nord de la basse-cour qui marque certainement son réaménagement. Les
traumatismes de la guerre de Cent Ans étant loin derrière en cette époque
pacifiée, la période est propice aux travaux de réaménagement.
L’espace assez exigu de la haute cour est ainsi repensé par les seigneurs de
Frazé: d’anciens communs de la basse-cour sont modifiés pour accueillir des
appartements. Un commun est construit (ou reconstruit) en alignement des
actuelles écuries préexistantes en 1576 ou 1577. Entre 1584 et 1586,
Jacqueline Girard de Barenton, femme de Charles d’O de Vérigny, fait appel à
Jean Métézeau, marchand maçon à Dreux. Disciple de Philibert de l’Orme et
membre de cette illustre famille drouaise de maîtres maçons et maîtres
d’œuvre, Jean Métézeau est chargé de la construction (ou reconstruction in
situ) d’un logis-porte appelé "portail du bourg" et d’une galerie accolée
qui n’existe plus de nos jours, remplacée par une construction plus tardive.
Incomplets, les documents d’archives conservés dans le notariat de Frazé
font tout de même état des travaux de la "descente de cave par-dessous la
vis du pavillon du portail" en août 1585 ainsi que de travaux sur la
"galerie du château de Frazé" en juillet 1586. Vers 1600, Marie de Conan,
fille de Nicolas de Conan, seigneur de Rabestan et de Marie d’O de Vérigny,
hérite de la terre et seigneurie de Frazé et épouse Hector de Chivré. Leur
fille, Françoise Marguerite de Chivré, épouse Antoine duc de Gramont,
maréchal de France et gouverneur du royaume de Navarre en pays de Béarn, des
villes et château de Bayonne et autres pays adjacents. La seigneurie passe
alors entre les mains de la famille Gramont.
Entre 1664 et 1671, le château subit une nouvelle campagne de travaux
commanditée par sa propriétaire, Françoise Marguerite de Gramont. Elle
concerne essentiellement le logis-porte appelé "pavillon du bourg",
l’ancienne galerie accolée et le logis seigneurial réaménagé. Les nombreux
marchés passés avec les artisans sont conservés dans le notariat de Frazé:
marché de maçonnerie passé avec Nicolas Levasseur, marchand maçon, le 15
novembre 1664: rehaussement d’un niveau habitable au pavillon du bourg
(construction d’une cheminée dans une chambre, travaux de finition dans
cette chambre, pavage, cloisonnement) pour 70 livres et 100 sols; marché de
maçonnerie passé avec Vincent Lussart, marchand maçon demeurant à la Haye
paroisse de Dampierre, le 8 septembre 1665 (restauration de l’orangerie du
château qui se trouvait dans le parc) pour 20 livres; marché de maçonnerie
passé avec Vincent Lussart, marchand maçon, le 20 janvier 1669 (aménagement
des appartements de madame, de monsieur) pour 220 livres; marché de
charpente passé avec Noël Moullin, charpentier demeurant au Fay paroisse de
Frazé, le 24 février 1669 (réalisation de la charpente et de la couverture
de deux petits cabinets, de la charpente au-dessus de la chambre des filles,
de la charpente d’un garde-fou au pont-levis, ainsi que la réalisation d’une
pêcherie dans l’étang); marché de menuiserie passé avec Jean Pinson,
demeurant à Illiers-Combray, le 4 mars 1669 (réalisation de portes, de
fenêtres et de meubles pour la chambre des filles et la chambre de madame,
pour 60 livres et 30 sols).
Dans un marché pour la réfection des toitures du château passé avec Jacques
Sainsot, charpentier à Frazé, le 7 avril 169317, est précisée la nature des
couvertures en ardoise, en tuile et en bardeau. En 1693, Catherine Charlotte
de Gramont hérite de ses parents du domaine de Frazé. Elle épouse Louis
François duc de Bouflère, maréchal de France et gouverneur de Lille en
Flandre. Cet illustre personnage fut également gouverneur général des
provinces et pays d’Alsace, du comté de Bourgogne, de la Champagne, du
Hainault, de Namur, de Liège entre autres lieux. Le 26 mars 1740, devant
maître Brouand, notaire à Paris, Gabriel Louis de Neuville, marquis de
Villeroi, gouverneur de Lyon, fait l’acquisition de la terre et seigneurie
de Frazé par son tuteur nommé Vignier. C’est d’ailleurs sous la minorité de
Gabriel Louis de Neuville que l’ancien logis seigneurial (dans la haute
cour) a été détruit en 1747. Un acte décrivant l’édifice avant sa
destruction fait mention de plusieurs croisées à six panneaux de petits
verres à plomb. Proviennent de la démolition 31700 ardoises, 33000 briques,
132 pieds cubes de pierre dure et 2500 pieds cubes de pierre tendre. En
1765, devant maître Clos, notaire à Paris, M. de Villeroi vend le domaine de
Frazé à Louis Lazare Thiroux d’Arconville, président du parlement et
seigneur d’Arconville, Chassant, Saint-Laurent et autres lieux moyennant la
somme de 23000 livres. Ce dernier fait réaliser dans les années 1780 une
série de plans géométriques des seigneuries de Frazé, la Ferrière, le
Châtelier et la Flohorie, ainsi que deux plans du château et des
aménagements paysagers conservés au château de Frazé.
Fort instructive, cette série de plan permet de restituer aussi bien
l’ensemble des constructions que les jardins et bosquets à la veille de la
Révolution: si les bâtiments de la haute cour sont tels qu’on les connaît
aujourd’hui, les douves qui l’entouraient étaient en eau. Au sud-est de la
basse-cour, se trouvait un colombier de dimensions assez importantes. À
l’ouest de la basse-cour, se situait un bâtiment agricole qui fermait la
cour, ainsi qu’un corps de passage permettant d’accéder au parc. Ces
bâtiments ont été détruits au XIXe siècle. Dans les années 1770–1780,
Thiroux d’Arconville procède vraisemblablement à d’importants travaux au
pavillon du bourg: rehaussement d’un étage carré aux corps de bâtiments nord
et sud, ainsi que des petits pavillons est (éléments rendus visibles par la
différence de brique employée: flammée et calibrée en partie supérieure,
orangée et moins cuite en partie inférieure; de même pour la pierre de
taille calcaire plus calibrée en partie supérieure) et réfection entière des
façades ouest de ces corps de bâtiment dans le style néo-classique, en vogue
à l'époque. Le domaine reste dans le giron des Thiroux, d’Arconville puis de
Gervilliers, tout au long du XIXe siècle, sans qu’il n’y ait de campagnes de
travaux notables à l’exception d’entretien de toitures et des destructions
précitées. Les douves séparant la haute de la basse-cour sont tout de même
comblées, et le pont-levis permettant l’accès au châtelet supprimé.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le domaine est démantelé. Joseph
Dulong de Rosnay achète le château en 1893 et reconstitue le domaine par
achats successifs jusqu’aux années 1900. S’ensuit une importante campagne de
restauration, qui dure jusqu’à l’Entre-deux-guerres. Les communs sont les
premiers bâtiments restaurés: les reprises de maçonnerie en sous-œuvre
concernent quelques parties de murs en brique ainsi que les encadrements
d’ouverture en pierre de taille calcaire, refaits à l’identique. Plusieurs
portes et fenêtres ont probablement été percés recevant des huisseries
faites sur le modèle de celles qui existaient, alors déposées et entreposées
dans le comble des remises où elles se trouvent toujours. Les communs sont
réaménagés à la même époque en remise à voitures, atelier et écuries à
boxes. Une pièce sera quelques années plus tard dédié à un espace
muséographique où le propriétaire, fin connaisseur et collectionneur
"d’antiquités", exposera ses acquisitions. Dulong de Rosnay fait également
restaurer l’ancien commun remanié en habitation en 1560 (date portée sur le
linteau d’une porte). Les pierres d’encadrements des baies en calcaire et
les frontons triangulaires, trop abîmés, sont restitués à l’identique. Le
pavillon du bourg est entièrement réaménagé. Dulong de Rosnay fait ainsi
clore l’ancien corps de passage, et en fait son bureau. Il fait également
reprendre l’escalier extérieur permettant l’accès à la partie nord du
bâtiment. Les toitures de chaque édifice sont rigoureusement restaurées.
Dulong de Rosnay ne se préoccupe pas que des bâtiments. Lors de l’achat du
château, seul le parc était clos d’un mur maçonné. Il fait clore non
seulement les devants du château sur la place (muret surmonté d’une grille
en fer forgé), mais aussi toute la partie comprise de part et d’autre de la
Foussarde sur environ deux kilomètres. Des grilles de portails réalisées à
la maréchalerie-serrurerie Riguet au bourg de Frazé, permettent l’accès dans
cette partie close. Les anciennes douves au pied des tours sont recreusées.
La terre ainsi récupérée est transférée dans l’ancien jardin au nord-ouest.
Elle est étendue sur cette partie en terrasse entre le bras de la rivière et
l’ancien étang devenu prairie, du fait de la suppression de l'ancienne digue
remplacée par un pont vers 1850. Sur cette terrasse de 200 mètres environ,
le propriétaire souhaitait établir un jardin "à la française"; projet avorté
en 1914 à cause de la guerre. En prolongement de la terrasse, une allée
boisée est plantée. Pour remplacer l’ancien jardin, un nouveau
potager-verger est créé, ex nihilo, le long de la route de Luigny, au
sud-ouest de l’ensemble. Partiellement close de hauts murs, la parcelle
accueille des serres. La partie la plus remarquable reste la broderie de
buis de la cour d’honneur, en forme de palme, est conçue et réalisée en
1906-1907 par Charles Brossard. Il en avait dressé le plan d’après une
tapisserie ancienne de Beauvais. Au décès de Joseph Dulong de Rosnay en
1939, la propriété échoit aux héritiers, les La Sayette et les Chevron
Villette. Les actuels propriétaires, M. et Mme de Loture, ont entretenu le
domaine (réfection de toutes les toitures) et fait construire une extension
jouxtant la tour nord-ouest de l’ancienne haute cour, au quatrième quart du
XXe siècle.
L’enceinte carrée de l’ancien château, jadis entourée de douves en eau,
comprenait le châtelet à l’angle sud-ouest, trois tours aux trois autres
angles, dont la tour Saint-François au sud-est, l’imposant logis seigneurial
occupant le côté nord et trois galeries aux trois autres côtés. De cette
configuration, il subsiste le châtelet, la galerie ouest, la tour nord-ouest
reconstruite en 1780, la tour Saint-François et une échauguette en lieu et
place de l’ancienne tour carrée à l’angle nord-est. Le châtelet se compose
d’un corps de passage encadré de deux tours circulaires. Au centre, le corps
de passage est à deux portes, l’une piétonne et l’autre charretière. Le
franchissement des douves s’effectuait au moyen d’un pont-levis d’environ
trois mètres de long. Une fois abaissé, celui-ci venait s’appuyer sur une
avancée maçonnée. Le tablier mobile en bois, actionné par un système de
poulies, de cordes et de grandes poutres, venait fermer l’entrée à la haute
cour en cas de siège. Il subsiste de ce dispositif les longs trous
d’encadrements où logeaient les grandes poutres, une fois le tablier relevé.
Le châtelet s’élève sur quatre niveaux: un étage de soubassement, un
rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et deux niveaux de comble. L’accès
au bâtiment se fait par deux portes, l’une au sud vers la tour sud-est,
l’autre au nord vers la tour nord-ouest. Un escalier en vis dans-œuvre placé
dans la tour nord-ouest dessert chaque niveau.
La tour sud-est abrite au niveau inférieur une prison, au rez-de-chaussée la
salle de garde chauffée par une cheminée sans décor, une probable ancienne
chambre à l’étage carré, transformée en salle de bain vers 1900 et chauffée
par une petite cheminée de style Directoire. Dans la tour nord-ouest se
trouve la chapelle, au rez-de-chaussée légèrement surélevé. L’étage du corps
central, au-dessus du corps de passage, est occupé par la salle du portier
chauffée par une cheminée monumentale en pierre de taille calcaire, aux
piédroits moulurés et aux corbeaux en pyramide inversée. Une coursière à
mâchicoulis occupe le pourtour du premier étage de comble. De plan
quadrangulaire, la petite chapelle seigneuriale est percée de trois baies en
plein cintre aux larges embrasures permettant un éclairage optimum. Des
vestiges de vitraux (époque inconnue) les ferment. L’autel, initialement
placé contre le mur opposé, a été transféré à l’ouest, obstruant une
archère-canonnière. Deux pierres d’encadrement intérieures de la baie du
côté de l’autel sont prolongées de corbeaux visant à recevoir des statues,
une niche-crédence est aménagée dans le mur nord. La pièce est couverte
d’une voûte d’ogives à nervures moulurées. Ces dernières reposent sur des
culots sculptés de personnages et de bestiaire (lion, corbeaux enserrant un
porcelet). La clé de voûte est sculptée de deux animaux fantastiques portant
les armoiries de la famille Girard de Barenton ("de gueules à Trois béliers
d’argent, accornée de sinople").
À l’exception des baies en plein cintre de la chapelle seigneuriale, toutes
les ouvertures à fonction d’éclairage ou de passage sont quadrangulaires. À
fonction défensive, de nombreuses archères-canonnières et autres bouches à
feu sont présentes dans chaque pièce et couvrent tous les angles de tir vers
l’extérieur de l’enceinte. L’essentiel de l’effort décoratif concerne la
partie supérieure de la façade de l'édifice faisant face à la basse-cour.
Les assises en linteau disposées entre chaque console à ressauts en
quart-de-rond sont ornées de trilobes en bas-relief. Les mâchicoulis sont
ajourés de baies aux chambranles moulurés, régulièrement disposées. Donnant
sur l’ancien pont-levis, l'unique travée du corps central comprend trois
ouvertures: deux fenêtres et une lucarne richement ornées qui conservent les
traces de meneaux et traverses disparus. Les linteaux des deux fenêtres sont
ornés de deux doubles accolades. Ces dernières reposent sur des
culs-de-lampe figurés (bestiaire: chien ou lion) finement sculptés. Sous la
fenêtre inférieure, un bas-relief composé d’une grande accolade jalonnée de
choux frisés, encadrée de pinacles et reposant sur des culs-de-lampe
représentant des musiciens orne la façade. Entre les deux fenêtres des deux
derniers niveaux, trois personnages sont finement sculptés en partie basse
des consoles : une femme encadrée d’un musicien (flutiste) et d’un
personnage fantastique. La lucarne à pignon à rampants sculptés de choux
frisés, est encadrée de pinacles amortis de culots, également sculptés de
choux frisés.
Les murs du châtelet, dont la base présente un fruit régulier et qui
baignaient dans l’eau des douves, sont en pierre de taille de grison, roche
imperméable et non-gélive. Ce même matériau est également utilisé au niveau
de la grande arche en plein cintre donnant sur l’ancienne haute cour. Les
autres murs sont en pierre de taille calcaire en ce qui concerne le parement
extérieur et, le plus souvent, en brique pour les parements intérieurs. Sous
l’étage de comble, du pan de bois cloisonne les mâchicoulis de l'étage
supérieur des tours. La porte piétonne du corps de passage conserve une
huisserie remontant probablement au XVIIe siècle. Similaire à celle du
manoir de Carcahut, elle dispose d’imposantes ferrures et pentures et est
renforcée côté intérieur par des traverses en bois placées en croisillon.
Les toits, en pavillon pour le corps central et coniques pour les tours,
sont couverts en ardoise et coiffés d’épis et crêtes de faîtage en zinc. La
galerie ouest relie le châtelet à la tour nord-ouest. En rez-de-chaussée,
deux lucarnes pendantes richement ornées l’éclairent: en pignon à rampants
sculptés ornés de choux frisés et de crossettes sculptées de bestiaires
(lions, chiens, etc.). Bien qu’il subsiste une souche placée en prolongement
du mur ouest, la cheminée a été détruite à une époque inconnue. À
l’intérieur, la charpente à chevrons formant fermes est en partie apparente.
Au niveau du soubassement, les murs sont en pierre de taille de grison côté
douves, en pierre de taille de calcaire côté cour. L’élévation est en
brique. Une porte placée à l’est permet, via un emmarchement à quatre
degrés, d’accéder à une cave.
La tour nord-ouest de la haute cour a été reconstruite en 1780 en conservant
le soubassement en pierre de taille de grison. Tout élément défensif et
décoratif a disparu au profit d'une construction sobre en moellon de
calcaire, de silex et de grison, percée d’ouvertures aux encadrements en
brique. L’édifice est coiffé d’un toit conique couvert en ardoise.
L’extension, en rez-de-chaussée surélevé sur cave, possède des ouvertures en
pierre de taille calcaire. Son toit à longs pans et à croupe est également
couvert en ardoise. La tour Saint-François, placée au sud-est de la haute
cour, est de plan circulaire. Son soubassement, à l’instar des bâtiments
précédents, est en pierre de taille de grison. Les dispositifs défensifs
ainsi que leurs décors sont identiques à ceux du châtelet (mâchicoulis,
archères-canonnières, bouches à feu). Mais l’effort décoratif concerne
également la maçonnerie du parement extérieur: cinq lits de pierre de taille
calcaire alternent avec des lits de briques, orangées et brunes, dans un jeu
polychromique. Le rang médian de pierre de taille est orné d’une cordelière
torsadée et nouée, en référence à saint François et aux habits des
franciscains. L’accès se fait par un escalier extérieur droit à cinq degrés
donnant sur la porte de la tourelle accolée à la tour et renfermant une vis
en pierre de taille calcaire. L’escalier intérieur dessert les trois
niveaux: rez-de-chaussée, étage et le premier étage de comble. Seule la
salle de l’étage dispose d’une cheminée.
Le pavillon dit du bourg se situe dans l’ancienne basse-cour, en lieu et
place des communs attestés au premier quart du XVIe siècle. L’édifice actuel
résulte de plusieurs campagnes de construction et réaménagement:
construction du "portail du bourg" et d’une galerie accolée entre 1584 et
1586 pour Jacqueline Girard de Barenton (réalisée par Jean Métézeau, maître
maçon à Dreux); réaménagement du "pavillon du bourg" (rehaussement, création
d’un escalier, percement de nouvelles ouvertures) et construction de deux
petits pavillons contre la façade est de la galerie entre 1664 et 1671 pour
Françoise Marguerite de Gramont; rehaussement d’un niveau de l’ancienne
galerie et des petits pavillons et aménagement pour y accueillir les
appartements seigneuriaux entre 1770 et 1780 pour Louis Lazarre Thiroux d’Arconville;
réaménagement pour Joseph Dulong de Rosnay à la fin du XIXe siècle ou au
début du XXe siècle. Le bâtiment comprend trois corps principaux alignés et
deux petits avant-corps (pavillons), situés contre la façade est du corps
nord. Le corps central est l’ancien corps de passage (logis-porte)
permettant d’accéder depuis le bourg dans l’ancienne basse-cour (cour
d’honneur par la suite). Clôturé par Dulong de Rosnay qui en avait fait son
bureau, il était percé au rez-de-chaussée d’une porte charretière et d’une
porte piétonne en plein cintre. Le premier étage était réservé au logement
du portier (salle et chambre). En façade est, il est encadré de deux
tourelles. Si les dispositifs défensifs sont bien moins impressionnants que
ceux du châtelet ou de la tour Saint-François, ils n’en sont pas pour autant
inexistants. De petites ouvertures assimilables à des bouches à feu sont
présentes au rez-de-chaussée et au niveau des tourelles protégeant l’entrée.
Le corps sud, qui date vraisemblablement de la campagne de travaux réalisée
entre 1770 et 1780, est en rez-de-chaussée surmonté d’un étage carré. Ses
façades est et ouest sont rythmées par trois travées d’ouvertures, le pignon
sud par deux travées. Datant de la même époque, l'aile nord s’élève sur
trois niveaux (cave, rez-de-chaussée et un étage carré surmonté d’un
comble). Subsiste très certainement de l’ancienne galerie, la partie
inférieure du mur est jusqu’au haut du rez-de-chaussée surélevé; la
différence de brique entre les deux niveaux, montrant le rehaussement
tardif, est bien visible. Un escalier extérieur à sept degrés permet l’accès
à l’édifice à l’ouest. Cette même façade est ordonnancée à sept travées
prolongées au niveau du comble par sept lucarnes à la capucine. Les travées
sont séparées par des pilastres ouvragés légèrement saillants, en pierre de
taille calcaire. En façade est, deux pavillons de plan carré sont accolés à
la façade. À l’exception des cinq fenêtres du pignon nord en brique, toutes
les ouvertures possèdent des encadrements en pierre de taille calcaire. Les
chaînages d’angle sont également en pierre de taille calcaire, tout comme
les corniches moulurées et le bandeau séparant les deux niveaux du
logis-porte. Les soubassements sont majoritairement en pierre de taille de
grison, sauf en façade principale du corps nord où ils sont en pierre de
taille de roussard, un grès ferrugineux très dur extrait des carrières de
Saint-Denis-d’Authou. Le décor géométrique de la mise en œuvre en brique est
obtenu par le jeu chromatique des briques orangées ou brunes. Les toits à
longs pans et à croupe (pignon nord), en pavillon (coiffant les deux petits
pavillons et le logis-porte) ou en dôme (tourelles) sont couverts en
ardoise.
Vraisemblablement construite au début du XVIe siècle, la tour nord-ouest de
la basse-cour est de plan circulaire, et servait à protéger l’angle
nord-ouest de la basse-cour. Des ouvertures de type archère-canonnière et
des bouches à feu percées dans des pierres monolithes de calcaire couvraient
tous les angles de tir. Les traces d’arrachement de murs partant vers le sud
et vers l’est sont encore bien visibles. Édifiée en brique sur un
soubassement en pierre de taille de grison, la tour s’élève sur trois
niveaux, surmontés d’une corniche moulurée. L’ensemble est coiffé d’un toit
conique, coyauté en partie basse et galbé au faîtage, couvert en ardoise.
Placé au sud de l’ancienne basse-cour, les communs consistent en deux
bâtiments alignés. Leur fonction initiale reste inconnue. Dulong de Rosnay
les a fait réaménager à la fin du XIXe siècle en écuries à boxes et sellerie
et remises à voitures. Pour cela, il a fait procéder à des reprises de
maçonnerie en sous-œuvre, perçant de nouvelles ouvertures et remplaçant
d’anciennes sur le modèle de celles préexistantes. La partie ouest (écurie
et sellerie) est la plus ancienne conservée. Comprise entre deux pignons
découverts à rampants sculptés, l’ancien pignon est devenant pas la suite un
mur de refend , elle possède une charpente remontant aux années 1514-151520.
Les quatre fermes à poinçons longs et à deux entraits retroussés sont
contreventées par deux rangs de pannes de chaque côté, ainsi qu’une faîtière
et une sous-faîtière. Ces deux dernières sont reliées entre elles par des
croix de Saint-André. Un système de blochets et de jambes de force comprises
entre les sablières intérieure et extérieure renforce la structure des
chevrons en partie basse.
Le château d’eau se trouve au sud-ouest de l’ensemble, de l’autre côté du
bras dévié de la Foussarde, au bord de la route reliant Frazé à Luigny.
Cette construction qui ressemble à un colombier, a été érigée par Dulong de
Rosnay pour alimenter en eau les bâtiments d’habitation, les communs ainsi
que les serres et parcelles potagère et fruitière. Construit en moellon de
silex, il est accessible par une porte en remploi (décor de style
classique). En plein cintre, elle est encadrée de pilastres à chapiteaux
portant une corniche et un fronton triangulaire, couronné de vases sculptés.
Le portail sud-ouest, tout comme le précédent bâtiment, il est l’œuvre de
Dulong de Rosnay. Il est percé de deux portes en plein cintre, l’une
charretière, l’autre piétonne. La maçonnerie en moellon de silex est
surmontée de créneaux en pierre de taille calcaire, même matériau que celui
utilisé pour les ouvertures et les chaînages d’angle. Les aménagements
paysagers sont à mettre à l’actif de Dulong de Rosnay, à la fin du premier
quart du XXe siècle. Le jardin le plus visible et le plus contemplé est
celui de la cour d’honneur. Les espaces enherbés y sont entourés de bordures
et de topiaires de buis. Au nord-est, un parterre de buis matérialise au sol
une palme. Au nord-ouest de l’ensemble, les anciens jardins potagers
transformés en promenade entre le bras dérivé de la Foussarde et la prairie
humide sont agrémentés de statues en béton moulé. Toute la partie ouest du
domaine est occupée par un parc arboré. (1)
Éléments protégés MH: le château ainsi que ses communs et son parc :
classement par arrêté du 24 novembre 1948.
château
de Frazé 28160 Frazé, tél. 02 37 29 56 76, ouvert au public, visites du 13
avril au 30 septembre les dimanches de 15h à 18h. Le 11 août 2024 ce château
était fermé et le téléphone ne répondait pas !!!
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concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions Monsieur Patrick
Deysson pour les photos qu'il nous a adressées pour illustrer cette page.
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