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Kériolet, distant d’un kilomètre environ de ancien
bourg de Beuzec-Cong, n’était jadis qu un modeste manoir. Un Jehan de
Trévaré, sieur de Kéryollet, est représenté par son fils Herve, archer en
brigandine, à la Montre de 1481 de l’Evéché de Cornouaille. En 1536, on
trouve un Jehan de Keryollet, sieur de Portzambarz. Au XVIIe siècle, ce sont
les Corant qui s’intitulent sieurs de Kéryollet: Christophe... Jean-Louis
qui, en 1707, épouse, en la chapelle Notre-Dame du Guéodet à Quimper,
demoiselle Marie-Josèphe Pelletier. Puis Kériolet passe a la famille
Billette, représentée dans la région de Concarneau et Quimperlé, et qui
porte "de sable à trois fasces d’argent". En 1767, Jean-Pierre Billette,
sieur de Kérouel, fils d’un notaire royal et procureur a Concarneau,
lui-même Conseiller du Roi, "rapporteur au Point d’honneur" à Quimper, époux
de Pétronille Rannou, vend le manoir et la terre noble de Kériolet, pour la
somme de dix-neuf mille livres, a Jean-Vincent Euzéno de Kersalaun,
Lieutenant des Vaisseaux du Roy. Si l'on se réfère aux Chanoines Peyron et
Abgrall, c'est dans ce manoir que Messire Claude Marigo, recteur de
Beuzec-Conq, écrit sa célébre "Vie des Saints" (Buhez Ar Zent), publiée en
1752 chez Simon Périer, à Quimper et qui pendant prés de deux siècles sera
lue dans les familles paysannes avant la prière du soir. Toutefois, la
tradition orale le verra composant les deux volumes de son ouvrage sur une
table de pierre installée sous une tonnelle de laurier, dans le jardin du
presbytère.
L’histoire de Kériolet prend un tournant quand, sous le Second Empire, la
famille de Trédern, qui en est propriétaire, le vend a la princesse russe
Zénaide Narischkine, épouse, en secondes noces, de M. Charles Chauveau,
d’origine champenoise. La princesse est, dit-on, la fille d’un richissime
maître de forges et propriétaire de mines en Pologne. Elle possède un palais
au bord de la Neva, un superbe hôtel, avenue des Princes à Auteuil. Elle est
liée d’amitié avec la princesse Mathilde, fille de l’ex-Roi Jérôme. Son
premier mari, le Prince Boris Youssoupoff, était allié a la famille
impériale de Russie. Avec le Comte de Chauveau, elle entreprend de
transformer Kériolet, domaine qui couvre quarante-cinq hectares.
L’établissement du plan, la direction des travaux, sont confiés à
l'architecte diocésain Bigot. A partir de l’ancien manoir se bâtit le
château et, pratiquement pendant une vingtaine d’années, les propriétaires
ordonnent l’exécution de nouveaux aménagements ou de remaniements. Le cadre
est splendide et le château a fière apparence. Mais il a cédé au style
pompeux que les ans et surtout l’Histoire se sont occupé à atténuer, à
corriger en quelque sorte. Car les pierres trop riches et trop neuves se
voient ennoblies dès qu’elles ont des souvenirs et, ici, elles en ont a
conter. Renaissance et gothique, note médiévale d’une tour crénelée dite le
donjon, copie de celle du château de Rustéphan, d’échauguettes, d’un portail
d’entrée apparenté à celui du prieuré de Locamand en La Forêt-Fouesnant,
meneaux et vitraux rappelant ceux de La Trinité en Melgven, et a
l’intérieur, salle des gardes, jusqu’à la chambre du Roy, rien ne manque
pour l’illusion et l’agrément des yeux. L’ensemble se complété dune chapelle
domestique, cependant que deux statues, celle de la Duchesse Anne et celle
de Charles VIII, surgissent d’un parterre. Le Comte de Chauveau, Capitaine
de Cavalerie Territoriale et Conseiller Général, a de la prestance: il est
aimable et recherche visiblement la popularité. Kériolet a hébergé, on ne
sait trop quand, un certain lord Trotter, ami de Napoléon II, qu’il avait
aidé, dit-on, sur le chemin du pouvoir, et même auparavant, au moment de son
évasion du Fort de Ham.
Le Comte et la Comtesse de Chauveau rassemblent a Kériolet un véritable
trésor: remarquable collection de coiffes bretonnes, d’armes et d’armures,
de faïences de Rouen, de Strasbourg, de Nevers, de Delft, de tapisseries de
Flandres des XVIe et XVIIe siècles, de terres cuites vernissées de Hollande
et d’Allemagne, sans parler de manuscrits; plus de cinq cents allant de 1137
à 1824. Dans le parc on remarque une fontaine de Saint-Budoc (ou Buzeuc),
surmontée d’une niche destinée à abriter la statue du saint. Le Comte de
Chauveau meurt en 1889 et des complications d’ordre familial conduisent la
princesse à léguer le domaine de Keériolet au Département, a charge, pour
celui-ci, d’utiliser le château pour l’instruction artistique de la
population et des visiteurs et son pare pour la promenade, sans pouvoir
dénaturer, en aucune manière, les bâtiments, le mobilier, ou détruire les
ombrages. L’acte est passé devant notaire le 10 mai 1891 et, le 20 août
suivant, la donation est acceptée par le département qui en prend possession
le 28 octobre 1893. Celui-ci devait consacrer à l’entretien du château et du
parc les revenus qui pourraient provenir du domaine, à savoir des fermes et
des valeurs qu'il renfermait. Ainsi Kériolet devient un musée, que le
département enrichit par l’apport d’autres objets d’art. Il intéresse, et
pendant soixante années, reçoit de nombreux visiteurs. Son dernier gardien
sera Louis Salaün, sympathiquement connu, et qui semblait prédestiné à ce
rôle, étant né au château de Kérampuil en Carhaix ou son père était
jardinier.
Et bientôt, l'histoire de Kériolet occupe toute l’actualité. En effet, la
princesse Narischkine, comtesse de Chauveau, avait de son premier mariage,
un fils, Nicolas Youssoupoff, qui, lui-méme, resta veuf avec deux filles.
L’une mourut jeune et la seconde, Zénaïd, eut deux fils d’un autre
Youssoupoff, le Prince Félix. De cette union naquirent encore deux enfants,
dont l'un, Félix, du même prénom que son père, épousa Irina, nièce de
Nicolas II. Félix Youssoupoff ne perd pas de vue Kériolet. Il accuse, a
juste raison, le département du Finistère de n’avoir pas respecté les
dispositions testamentaires, en vendant, en 1893, le domaine du Moros, puis,
en 1902, une parcelle contiguë, en abattant des arbres, en vendant les
remarquables boiseries du premier étage, en disposant du mobilier... En
avril 1951, Félix Youssoupoff assigne le Préfet du Finistère, M. Jean
Laporte, en révocation de la donation. Il est débouté mais la Cour d’Appel
de Rouen infirme cette décision. Mais le Prince Youssoupoff n’est pas
attaché a ce château qu’a habité son aïeule. Ainsi le 4 mai 1960, le
voyons-nous faire ses adieux a Kériolet. Le château, son pare et sa futaie
ont été vendus à M. Guichard, industriel, la ferme à M. Yves Beulze,
cultivateur, le jardin à M. Costiou, horticulteur. Le Prince Youssoupoff
exprime en partant le regret que la ville de Concarneau n’ait pas donné
suite au projet d’acquisition qu’elle avait formé en vue d’y installer un
lycée. Toutefois, en 1955, la futaie de Kériolet a été classée site
pittoresque, afin que soient préserves ses ombrages. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures, la salle de garde avec
cheminée, vitraux et parties boisées : inscription par arrêté du 21 décembre
1984.
château de Keriolet 29900 Concarneau, tél. 02 98 97 36 50,
ouvert au public, visite tous les jours de juin à septembre de 10h30 à 13h
et de 14h à 18h. Vacances scolaires de Pâques à fin mai.
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