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Du Bot, admirablement situé sur une hauteur qui lui donne une vue de
plusieurs lieues, Emile Souvestre nous en a fait cette description en 1836:
"Au sommet de la Montagne du Bot, on jouit d’un spectacle merveilleux. Sur
la droite, on a Rumengol, la forêt du Cranou, Hanvec avec ses montagnes
tristes et polies, au-dessous de soi, la petite ville du Faou et les
campagnes qui l’avoisinent, à gauche, Landévennec, couvert de ses épais
taillis, en face la rivière du Faou, la rade de Brest, les îles qui bordent
ses rivages et les ruisseaux qui viennent s’y jeter". L'entrée du Bot est
commandée par une grille au travers de laquelle on voit le manoir en
perspective, importante construction d’où se dégage une impression de
grandeur et de calme. On a relevé sur un pignon la date de 1730, mais la
façade principale a été rebâtie en 1845. Un perron, flanqué de part et
d’autre de six fenêtres hautes et larges, mène au château. En outre, un
fronton présente les armoiries des familles qui possédèrent cette terre.
Dans les environs s’élevait autrefois une chapelle dédiée à saint
Jean-Baptiste. Des noms apparaissent dans les vieux documents de seigneurs
du Bot vivant au XVe siècle: Hervé (Réformation de 1426), Even, Jacob, époux
d'Anne de Pilguen (1485). En mai 1562, à la Montre de l’Evêché de
Cornouaille, Auffray du Bot, mari de Fiacrette de la Boixière, ne comparaît
pas. Son serviteur, Guillaume Noblet, dit qu’il est malade. On le juge
néanmoins "défault". En 1591, au temps des Guerres de la Ligue, Auffray est
fait prisonnier par un parti de catholiques. On exige de lui une si forte
rançon qu’il doit aliéner sa terre du Bot, laquelle ne reviendra dans cette
famille qu'un siècle plus tard. Son fils, Hervé, seigneur des Salles, est
Capitaine de la paroisse de Rosnoën, en 1635, et son autre fils, Jacques,
Conseiller du Roi et son bailli au siège royal de Châteaulin. Les Du Bot
portent "d'argent à la fasce de gueules" et comme devise: "En vous,
Seigneur, est mon espoir".
En 1738, on célébrait, en la chapelle du château, le mariage de
Marie-Josèphe du Bot avec Louis Billoart, seigneur de Kerlérec, dernier
Gouverneur de la Louisiane. Puis, c’est en 1758 l’union de Françoise-Marie
et de Gilles-René Conen de Saint-Luc, Conseiller au Parlement de Bretagne.
La mariée, future héritière du Bot, est la fille de Charles-Jacques,
seigneur du dit lieu, Enseigne et, par la suite, Capitaine des Vaisseaux du
Roi au département de Brest, et de Charlotte-Elisabeth de Barrin de La
Galissonnière, dont le frère, Marquis de Franenteau, sera Maréchal des Camps
et Armées du Roi. Gilles Conen de Saint-Luc a trente-sept ans, étant né en
1721, à Rennes. Françoise-Marie du Bot n’en a que quinze. Les Saint-Luc
habitent Rennes où naissent leurs sept enfants, dont l’un meurt en bas âge.
L’aînée, au destin pathétique, Victoire, naquit en 1761. Mais le Comte de
Saint-Luc est bientôt mêlé à la lutte entre les Etats de Bretagne et le
Pouvoir royal, portant notamment sur les impôts nouveaux. Au premier plan,
on voit s’opposer La Chalotais, Procureur Général du Parlement de Rennes, et
le Duc d’Aiguillon, Gouverneur. La situation se dégradant, on convoque le
Parlement, en 1765, à Versailles. Quatre-vingt-cinq membres démissionnent,
douze restent fidèles au Roi. Parmi ceux-ci figure Gilles Conen de Saint-Luc,
président à mortier (du nom de la toque ou bonnet de velours porté par ces
magistrats). Ils forment cette cour restreinte que le populaire appelle
ironiquement bailliage d’Aiguillon et qui fonctionne ainsi pendant quatre
ans. Le Parlement rétabli, l'opinion n'oublie pas pour autant les "ifs",
gens restés en place dont on continue à critiquer le comportement comme
ayant été contraire aux intérêts des Bretons.
En 1774, après la mort de Louis XV, La Chalotais revient et Gilles de
Saint-Luc, de même que ses collègues, connaîtront les vexations. On placarde
sur sa porte: "Carrosse, mortier, livrée à vendre". Sa position devient si
difficile qu’il démissionne et, quittant Rennes, s’installe au Bot avec sa
famille. Il faut croire que l’ancien président n’en veut pas de trop au
mortier qui lui a valu d’être tourmenté, puisqu'il obtient, en récompense de
sa fidélité au Roi et en vertu d’une tradition ancienne, de le porter
encore, mais en cimier dans ses armes. Louis XVI lui accorde en outre une
pension. Au Bot, le Comte de Saint-Luc administre son domaine en réservant
une part de son temps aux dévotions vers lesquelles il est porté, ainsi que
toute sa famille. Le Bot a son chapelain: l’abbé Hervé-Rolland Le Guillou de
Penanros, qui participe aussi à l’éducation des enfants. La règle que
suivent les Saint-Luc les conduit à pratiquer la charité dans le pays.
Victoire, l’aînée, âme passionnée, attirée par la vie religieuse, s’inflige
de douloureuses mortifications. Ses proches lui donnent entre autres
sobriquets celui de "Mademoiselle-le-rude-saint". Elle compose des
cantiques, écrit des pièces pour le petit théâtre familial du Bot.
Monseigneur Conen de Saint-Luc, évêque de Quimper, frère de l’ancien
président, vient de temps à autre au château. En 1782, Victoire entre à la
Retraite à Quimper, institution fondée par des demoiselles de la noblesse
pour enseigner en français et en breton, aux adultes et aux enfants, les
pratiques de la religion. Sous la Révolution, Le Bot est suspect. On le
soupçonne d’héberger des prêtres réfractaires. Le Comte de Saint-Luc est
plusieurs fois inquiété. Ses fils Ange et Athanase ont émigré. Victoire, de
son côté, ne cache pas sa réprobation pour le nouveau régime. En octobre
1793, l’ancien président à mortier, son épouse et Victoire sont arrêtés,
emprisonnés à Carhaix, transférés à Quimper, puis à Paris. Ils sont
condamnés à mort le 19 juillet 1794 et guillotinés. Ange Conen de Saint-Luc,
débarqué à Quiberon avec les émigrés en 1795, est fusillé à Vannes.
Athanase, Officier de Marine, a failli faire partie de cette expédition.
Il rentre en France sous le Consulat, s’installe au Bot et s’y plaît.
Royaliste, il ne fait rien cependant contre l’Empire. Il est même membre du
Conseil Général et reçoit en son château les préfets Miollis, Bouvier
Dumolard, puis Abrial. À la chute de l’Empire, il est à Paris et assiste à
l’accession de Louis XVIII. La fidélité au Roi, de sa famille et la sienne
propre, lui valent d'obtenir sa nomination de Préfet du Finistère. Il est
installé le 22 juin 1814, juste à temps pour recevoir le duc et la duchesse
d'Angoulême, en visite dans le département. Il se prépare à une
administration loyale, qui débute par la révocation de quelques maires
opposés au régime; mais l’épreuve n’est pasterminée: Napoléon est rentré à
Paris. Les détracteurs du Préfet de Saint-Luc diront que le 20 mars il
n’était pas fier, s'étant caché "sous un jupon". Toutefois, il démissionne,
refusant de prêter serment à l’usurpateur. Retiré au Bot, il voudrait
trouver des consolations dans la vie champêtre. Il ne demande plus à Dieu
que "sa serpette, son râteau et quelques livres". Mais les circonstances
font qu’il ne peut goûter les charmes du printemps, et la secousse qu’il
vient de subir le laisse dans un état de stupeur inexplicable. Le retour de
Louis XVIII le trouve non pas à Paris cette fois, mais en prison pour avoir
cherché à gagner Jersey. On le libère. Toutefois on l’oublie dans les
nominations de préfets. Il se fait élire député du Finitère et siège dans la
majorité de la Chambre Introuvable. Il ne cesse de faire des démarches
auprès du duc d'Angoulême, auprès de Louis XVIII qui le reçoit en audience
privée et promet de l’employer. Il finit par être nommé préfet, non pas du
Finistère comme il le désirait, mais des Côtes-du-Nord en mai 1816.
Il finit par préférer la population des Côtes-du-Nord à celle du Finistère
où il n’a pas laissé que des amis. Jean-Louis-Amand-Fortuné, Marquis de
Ploeuc, dont il a épousé la fille unique, Jeanne-Rose, ne lui fait pas bonne
presse; cependant, il évite de parler, en dehors du cercle familial, des
différends avec ses proches. Quand le Préfet de Saint-Luc peut se libérer,
il accourt à sa campagne et "Fouette, cocher, au Bot, au Bot, au Bot". La
victoire de la tendance libérale provoque sa destitution, mais ses amis des
Côtes-du-Nord et parmi ceux-ci l’abbé Jean-Marie de Lamennais, avec lequel
il entretenait d’excellentes relations à Saint-Brieuc, le font élire député
de ce département en 1820. L'année d’après, il a la douleur de perdre, à
quelques jours d'’intervalle, au Bot, deux de ses enfants, la petite
Léocadie et son frère Alfred. En février 1822, il obtient la Préfecture du
Lot, département royaliste, où il est accueilli en "Saint-Luc, digne
évangéliste de la légitimité...". Puis, en 1823, il est nommé Préfet du
Loir-et-Cher. L’année d’après, toujours grâce à Lamennais et ses amis, il
est réélu député des Côtes-du-Nord. En 1830, il est Préfet de la Mayenne,
mais il n’y reste que quelques mois car, fidèle à Charles X, il refuse de
servir Louis-Philippe. Le Comte de Saint-Luc se retire en son manoir du Bot
où il s'éteint en 1844. Outre Léocadie et Alfred, il avait eu d’autres
enfants: Athanase, en 1806, Fortuné, en 1808, Herminie, en 1809, Emile, en
1812. Le Comte Emile de Saint-Luc meurt en 1898. Son neveu, Gaston,
propriétaire du Guilguiffin, hérite du Bot et, après sa mort et celle de son
épouse, vers 1930, le château passe à la famille Henriot. (1)
château du Bot 29590 Pont-de-Buis-lès-Quimerch,
propriété privée, ne se visite pas.
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