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A la sortie de Rosporden,
Kerminy se signale sur la route de Tourc’h par son bois de haute futaie. En
retrait, comme il convient, voici le château composé d'un corps de logis et
ses dépendances, dans le style du XVIIe, d’un appareil soigné, dont le
principal ornement réside dans l'alternance des frontons triangulaires et
demi-circulaires de ses lucarnes. Les vestiges de l’ancien château ont été
arasés au début du XIXe siècle, sous le règne de Joseph de Kermorial, noble
d’extraction: un brave, de toute manière, puisqu’il était présent à
Austerlitz. Dans le voisinage, une chapelle domestique dédiée a la
Sainte-Famille, restaurée au XVIIIe siècle, puis en 1870, conserve une porte
gothique à crossettes et fleurons surmontée d’un écusson aux armes des
Kerminihy, qui y ont célébré aux jours heureux, baptêmes et mariages. A ces
vieilles pierres de Kerminy s’est longtemps attaché le souvenir d’un
officier des Vaisseaux du Roy, mort presque centenaire à Quimper, au début
du siècle dernier, sous le nom de Kerjan-Kerjan, et dont le fantôme bourru
se plaisait, dit-on, à revenir intempestivement au manoir dans sa propre
chambre. Cette terre, jadis dans la paroisse d’Elliant, dont Rosporden était
une trêve, fut érigée en seigneurie, avec droit de justice, moyenne et
basse, rendue en audience le jeudi. Les documents nous révèlent, à partir de
1379, l’existence d’un seigneur de Kerminihy (Kaermenec’hy), Alain, écuyer
dans la garnison du château de Cong (Concarneau) et l’on note ses
descendants en 1426, 1444, 1481: Guézennec, Raoul, Henry. Quant a
l’importance de leur fief, signalons qu’il tient sur vingt-six villages des
paroisses d’Elliant et de Tource’h principalement. Les armes de ces
Kerminihy, inscrites dans les églises et chapelles de Tourc’h, de Rosporden...,
sont "d’argent à trois mollettes de gueules" et leur devise: "Vive Dieu".
Le nom s’éteint avec Françoise qui, sur la fin du XVe siècle, épouse Alain
du Plessis, sieur de Missirien, et les représentants de cette famille,
héritiers directs ou collatéraux, conservent la seigneurie de Kerminihy tout
au long du XVIe siècle: Laurent, époux de Blaisine Richard, Rolland, Jehan
et Pierre. Celui-ci, époux de Barbe Toulanlan, habite en 1599 le manoir. Ils
ont deux filles. L’aînée s’unit a René de La Marche, la cadette à Claude
Autret et de ce mariage naît Guy Autret de Missirien, généalogiste et
hagiographe. Pierre du Plessis meurt vers 1608, laissant Kerminihy à sa
petite-fille Renée de La Marche qui, deux ans plus tard, contracte mariage
avec Auffray du Chastel, fils de Francois du Chastel, Marquis de Mesle,
seigneur de Chateaugal et de Landeleau, fort riche et opulent. Le manoir et
la terre de Kerminihy furent ensuite vendus à Marc-Antoine Le Pappe, écuyer,
seigneur du Bois-de-La-Haye, dont la famille a sa souche a Plougasnou et
blasonne "d’argent à la corneille de sable becquée et membrée de gueules
traversée d’une lance de sable en barre, la pointe en haut", et son épouse
Ursule L’Honoré. Dans le manoir l’abbé Denis Le Flohic, futur recteur de
Tourc’h, est précepteur des enfants Le Pappe. Antoine René Le Pappe succède
à son père vers 1679. Gendarme de la Garde du Roi, il s’unit à
Marie-Elisabeth Le Livec qui lui donne seize enfants (le dernier né en
1693): treize fils et trois filles. C’est ce Le Pappe qui construit le corps
de logis actuel. Il meurt en 1694 et, cette même année, Kerminihy cesse
d’être juridiction seigneuriale. La famille Le Pappe a été condamnée à une
amende de 900 livres pour usurpation de noblesse.
L’aîné des Le Pappe, Jean-Baptiste, la tête de la famille, devient en 1710,
Conseiller du Roi et procureur en la sénéchaussée. Il porte volontiers le
titre de sieur de Kerminihy, mais cette propriété échoit en partage à son
frère Pierre et a sa soeur Anne-Hyacinthe. La dame douairière de Kerminihy,
Marie-Elisabeth Le Livec, disparait en 1714. Pierre Le Pappe, qui s’intitule
sieur de Leslau, dispose du corps de logis construit par son père, mais il
s’installe bientôt avec son épouse, Jeanne Le Floc’h, dans la paroisse de
Lothéa, prés de Quimperlé. Anne-Hyacinthe habite le vieux château avec son
donjon. Elle a les droits, les honneurs et les prééminences qui s’attachent
a la seigneurie de Kerminihy. Elle s’allie, en 1718, avec Joseph-François de
La Marche, seigneur de Kerfors, issu de la même famille que, jadis, la
Marquise du Chastel. Ils restent à Kerminihy qui offre le confort relatif de
sept chambres, antichambres et cabinet, outre la salle et la cuisine.
Toutefois, leur situation n’apparaît pas brillante si l'on en juge par un
inventaire fait à la mort, en 1734, du seigneur de Kerfors et de Kerminihy.
L’ainée des demoiselles de La Marche, Marie-Louise, Dame de Kerminihy,
s’unit en 1760, a l'age de trente-huit ans, à Francois-Christophe de Kerjan,
quarante-cinq ans, d’une famille d’ancienne noblesse originaire du Léon qui
porte "d’argent à la tour couverte de sable". La bénédiction nuptiale est
donnée par le vicaire de Tréguier, Jean-Francois de La Marche, Lieutenant de
dragons avant d’entrer au Séminaire, futur et dernier évêque du Léon. Ses
diocésains le gratifièrent du surnom: "l’évéque des pommes de terre",
marquant ainsi à leur façon leur reconnaissance à celui qui fit connaitre et
encouragea cette culture. La dame douairière de Kerminihy, Anne-Hyacinthe Le
Pappe, veuve de Joseph-François de La Marche, meurt en 1764.
Francois-Christophe de Kerjan fait carrière dans la Marine. En 1772, il a le
grade de Capitaine des Vaisseaux du Roy, tout en étant membre de la loge
maçonnique "La Parfaite Union" à Quimper, ce qui est plutôt alors une
référence mondaine. Son origine, sa carrière, lui valent d’être arrêté par
les révolutionnaires, mais on le libéré après quelques jours seulement de
détention, probablement en raison de son âge. Il s’éteint en 1812 l'âge de
96 ans (la dame de Kerminihy est décédée en 1802). Que pouvait vouloir de
plus le fantôme de Kerjan-Kerjan en revenant au manoir? Les Kerjan avaient
perdu leur fille unique, Marie-Hyacinthe, en 1790. Sept ans plus tôt, le 10
juin 1783, la chapelle de Kerminihy avait vu la célébration de ses
fiançailles avec Francois-Pierre de Kermorial, seigneur de Kermorvan,
Chevalier de Saint-Louis, dont la famille blasonnait "d’azur au greslier
d’argent, accompagné de trois fleurs de lys de même". La nouvelle dame de
Kermorial avait hérité de la partie du manoir bâtie a la fin du XVIIe siècle
par Antoine-René Le Pappe. Quant à Kermorial, il était parmi les volontaires
engagés dans la Guerre d’Indépendance américaine qui servirent dans les
escadres parties de Brest, commandées par d’Estaing, de Grasse, Guichen...
Veuf avec trois jeunes enfants, Kermorial convola avec Hyacinthe de Silguy,
puis avec une veuve Paviot. Son fils ainé, Joseph-Francois, né en 1784,
s’engage dans l’armée de l’Ouest. Il gravit tous les échelons sur les champs
de bataille. Il épouse à Morlaix Appoline-Marie de Kermellec, fille d’un
Capitaine de Cavalerie, ancien garde du corps de Louis XVI, et s’installe à
Kerminihy dans le seul bâtiment habitable, bâti un siècle auparavant. Il
fait démolir les ruines du vieux château, il meurt en 1833, âgé de 47 ans.
Sa veuve et ses quatre enfants se trouvent dans une situation difficile et
le château de Kerminihy et ses dépendances sont vendus judiciairement au
faïencier quimpérois Eloury. Hélas les bâtiments se délabrent, les bois sont
mis en coupe. Mais la propriété change heureusement bientôt de mains. M.
Avril, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, à l’occasion d’une étude
sur le tracé de la ligne de chemin de fer reliant à partir de 1862 le
chef-lieu du Finistère à Paris, s’intéresse à Kerminihy. Sa famille a donné,
en Bretagne et à Quimper, des fonctionnaires des Finances, un zouave
pontifical, le Commandant Avril, combattant de Crimée et du Mexique,
mortellement blessé à Saint-Privat en 1870. M. et Mme Avril entreprennent de
remettre Kerminihy en état, ainsi que sa chapelle depuis longtemps
abandonnée, et de faire des plantations. La fille des propriétaires a épousé
Edouard de Villiers du Terrage, d’une famille originaire de la Champagne,
jeune adjoint de l’Ingénieur Avril et qui terminera sa carrière comme
Ingénieur Général des Ponts et Chaussées. De cette union naît le Baron Marc
de Villiers, auteur d’ouvrages d’Histoire. Grâce aux de Villiers se
constitue le domaine forestier de Kerminy, connu aujourd’hui par la variété,
la beauté, la rareté de ses essences, sujets exotiques importés autrefois
par le Baron de Villiers, ambassadeur. Le domaine de Kerminy compte
aujourd’hui quelque 5.000 variétés. Le Baron de Villiers est décédé en 1936,
et Mme, née Cassin de La Loge, s’est éteinte il y a quelques années. Kerminy
appartient aujourd’hui à M. le Comte de Pluvié, d’une famille originaire du
Morbihan, et Madame, née de Villiers du Terrage, qui poursuivent l’oeuvre
entreprise par leurs prédécesseurs. (1)
château de Kerminy 29140 Rosporden, propriété privée, ne se visite pas.
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