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A quatre kilomètres au sud-ouest de la tour du Guardès
et sur l'autre rive de la Baïse, se dressent, en plein pays de Fezensac, les
ruines encore très imposantes du château de Pardaillan. Si ce n'est là le
berceau primitif de la puissante famille dont les branches multiples
jetèrent sur la Gascogne un si vif éclat, ne datant, ainsi que l'indique son
appareil, que du XIIIe siècle, et s'il faut aller le chercher un peu plus
bas, sur les bords de la Baïse, à l'antique refuge de la Tourraque, appelé
dans les plus anciens actes Pardaillan-Vieil, c'est ce lieu de Pardaillan
toutefois, dont ils étaient possesseurs depuis les temps les plus reculés,
qui très certainement lui donna son nom. On le trouve mentionné au IXe
siècle, et, dès le Xe, il est indiqué dans les vieux cartulaires comme un
des plus puissants de la contrée. On sait qu'au moyen-âge la baronnie de
Pardaillan formait, avec celles de Montaut, de Montesquiou et d'Arbéchan de
l'isle, la troisième des quatre grandes baronnies de l'Armagnac. Le château
de Pardaillan qui porte leur nom est à lui seul l'équi alent de deux ou
trois de ces châteaux contemporains, tels que ceux du Tauzia, de Masencôme,
de La Gardère, et dont les plans peuvent être comparés. Ses ruines très
imposantes couvrent un promontoire de près de quatre vingt dix mètres de
longueur sur trente de largeur, qui est partout défendu par des pentes
rapides. La destruction de cette forteresse est malheureusement trop
complète pour qu'il soit possible de l'étudier dans tous ses détails. Les
tours et les corps de logis sont rasés dans le plein du premier étage;
l'aire du rez-de-chaussée est ensevelie sous trois à cinq mètres de
décombres; certains raccords entre les plus grandes pièces, certaines
divisions ne pour raient être constatés qu'au moyen de fouilles. Mais il
serait encore très difficile de déterminer la destination de chaque salle,
et la restitution des étagesresterait conjecturale. La description de l'état
actuel ne pourra donner qu'une faible idée de ce bel ouvrage d'architecture.
Un vieux chemin aboutit à la façade sud-est. Sur ce point, le promontoire se
présente dans le sens de sa longueur. Avant d'atteindre la porte, ouverte
dans une tour carrée, on rencontre des terrassements élevés en forme de
bastion, à l'extérieur d'un fossé aujourd'hui comblé. L'ancien pont
s'appuyait sur un premier réduit, percé de petites meurtrières rondes,
appropriées aux armes à feu. Cet ouvrage en ruines, de même que le bastion,
ne paraît pas dater du moyen-âge; il est peut-être du XVIe siècle. La porte
à cintre brisé, correspond à un couloir voûté en berceau brisé, sans trace
de herse et de mâchicoulis. Elle est défendue par la tour carrée qui la
surmonte, et, sur la droite, par la tour, refaite sur des fondations
anciennes. Elle n'a pas de flanquement sur la gauche. On pénètre dans une
cour intérieure ou baille, longue de 55 mètres et large de 26 à 30 mètres.
Les courtines qui la défendent, d'une grande épaisseur, ont une hauteur de 5
à 6 mètres. Comme à l'extérieur, les pentes, retaillées de main d'homme, ont
une hauteur égale, et, s'il faut tenir compte de l'escarpe des fossés
aujourd'hui comblés, on constate que les remparts étaient assez élevés pour
braver les échelades. La courtine sur le front sud-ouest est à peu près
intacte. Son chemin de ronde est apparent et les merlons seuls ont été
détruits. Douze meurtrières, espacées de 4 en 4 mètres, la défendent. Elles
ne sont pas à hauteur d'homme, et pour les atteindre il fallait gravir trois
ou quatre marches d'un escalier de bois. Elles affectent la forme d'une
niche à plein cintre; dans leur fond plat s'ouvrent les embrasures, larges
de 0,60 mètre et réduites, à l'extérieur, à de très petites rainures en
croix. La courtine sur le front nord-est a été complètement reconstruite en
appareil irrégulier, dont la mauvaise façon accuse l'époque moderne,
peut-être le XVIe siècle. Dans cette restauration on n'a ménagé aucune
meurtrière. Parmi quelques fragments anciens apparaissent des portions de
niches pareilles à celles de l'autre courtine, ce qui porte à croire que ces
deux clôtures avaient des défenses toutes semblables.
Pour en finir avec la description de la baille, signalons deux meurtrières
dans les murailles, et un puits. Tout le long de la courtine à l'intérieur,
au-dessous du chemin de ronde, des arrachements de pierre ont été opérés à
des intervalles réguliers dans le but de loger des poutres. Ce ne sont ni
des trous de boulin, ni des coulisses pour des hourds. On a dû adosser
autrefois à cette muraille des bangards qui ont pu servir de corps de logis
pour des réfugiés ou pour des écuries. Une tour pleine, élevée dans l'axe de
la première entrée, défendait la porte du château proprement dit. Son
couloir est voûté en berceau brisé, légèrement surbaissé. Cette ruine est
devenue pareille, dans son isolement, à un arc de triomphe antique. Son
appareil est superbe, et son front se couronne d'arbustes sauvages. Un
passage étroit, mais fort élevé, avait été ménagé entre ce mur de refend et
la courtine. Il n'y a pas de point de raccord entre ce rez-de-chaussée de la
tour et la courtine et les clôtures du corps de logis ; mais ces
communications étaient forcées; et, au dire des vieillards, la tour se
reliait de tous côtés aux chemins de ronde des courtines et du château. Il
faut croire que ces communications, à la hauteur du premier étage, étaient
établies au moyen de ponts volants; nous rechercherons la raison de cette
disposition singulière. Sur le front nord-ouest, les pentes sont moins
abruptes qu'au sud-ouest et au nord est. Ce fut donc de ce côté qu'on éleva
le plus fort ouvrage de défense, une tour à peu près carrée, qui déborde et
commande les courtines. L'aire du rez-de-chaussée de celte tour est fort
basse et le premier étage correspond à peu près au niveau du sol de la
baille. La construction du château de Pardaillan tout entière révèle une
grande unité; d'où l'on peut conclure qu'il fut élevé tout d'une pièce. Des
documents permettront peut-être de déterminer les dates de la construction
et de la destruction de ce château de Pardaillan. S'il fallait se prononcer
on pourrait admettre que le château fut construit tout entier aux environs
de l'an 1300. Une de ses grandes courtines, complètement détruite, fut
refaite au XVIe ou au XVIIe siècle. La forme des brèches ouvertes dans le
corps de logis et la démolition de tous les étages supérieurs prouvent que
le château n'a pas été ruiné par l'action du temps, mais démantelé.
L'enquête que nous avons faite dans le pays ainsi que les documents
historiques que nous avons pu recueillir, corroborent que le château de
Pardaillan n'a pas été démoli, ainsi que d'aucuns pouvaient jusqu'à ce jour
le croire, ni du temps des guerres anglaises, ni à l'époque des guerres de
religion, pas même par ordre supérieur du cardinal de Richelieu, il exista
intact, ou a peu près, jusqu'à la Révolution. Naguère encore une femme,
morte centenaire, affirmait avoir dansé toute jeune dans ses immenses
salles. Et ce n'est que tout de suite après la tourmente révolutionnaire,
pendant laquelle la tradition veut qu'il ait été incendié, que des
entrepreneurs l'achetèrent momentanément et ne se firent aucun scrupule de
le démolir pièce à pièce, mettant successivement en vente ses bois, ses
charpentes, ses toitures et jusqu'aux anciennes pierres de ses antiques
murailles. Quant à l'ouvrage avancé, ainsi que les adjonctions modernes,
nous ne pouvons, faute de documents, indiquer à quelle époque ces
réparations furent faites. Mais dans les premières années du XVIe siècle le
château de Pardaillan passa de la branche aînée des barons de Pardaillan
dans celle de Panjas, de même qu'au début du XVIIe siècle il devint, à la
suite d'une alliance, la propriété des comtes de Parabère. Il est donc
permis de supposer que ce fut, ou le célèbre M. de Panjas, l'ami de Monluc
et plus tard d'Henri IV, ou bien le nouveau propriétaire Henri de Beaudéan
de Parabère, qui tint à honneur de relever le berceau à moitié ruiné par le
temps de ses illustres ancêtres et de le maintenir en un état digne de son
nom.
L'origine des Pardaillan se perd dans la nuit du moyen-âge. Aussi haut que
peuvent remonter les rares cartulaires qui nous ont été conservés sur ces
époques lointaines des premiers siècles de l'histoire féodale de la
Gascogne, nous les voyons jouissant dans le pays d'une autorité sans
conteste; et leur nom se trouve inscrit sur le même pied que celui des
comtes d'Armagnac et de Fezensac. Leurs alliances sont si nobles, leur
puissance si considérable, qu'il n'est pas téméraire de les considérer,
sinon comme des descendants de Pepin, roi d'Aquitaine, du moins comme des
cadets de ces mêmes comtes de Fezensac au Xe siècle, et de rattacher par
suite leur souche à celle des anciens ducs de Gascogne. Il y a deux terres
de Pardaillan, l'une dans le Haut-Languedoc, diocèse de Saint-Pons, l'autre
appelée Pardaillan-Betbézé, l'une des quatre plus anciennes baronnies du
comté d'Armagnac, où elle est située, diocèse d'Auch. Cette dernière est
celle dont nous retraçons l'histoire. Les deux noms de Pardaillan et de
Betbézé furent réunis depuis le XIIIe siècle, et c'est comme tels que nous
les trouvons accolés dans presque tous les actes antérieurs à la Révolution.
Lorsque, à cette lointaine époque, les seigneurs de Pardaillan abandonnèrent
leur ancienne résidence et qu'ils construisirent le château actuel, ils
choisirent pour son assiette l'extrémité du promontoire, au-dessus duquel
s'élevaient le petit village de Pardaillan et, à côté, sur la partie la plus
haute du plateau, le château de Betbézé, dont le souvenir n'est conservé que
par la tradition. Dépendant de la baronnie de Pardaillan, ce lieu de Betbézé
donna ainsi son nom au nouveau château, lequel, pour se distinguer du vieux
château de Pardaillan, situé plus bas, prit désormais le nom de
Pardaillan-Betbézé, c'est-à-dire Belle-Vue.
Le cartulaire de Condom, si heureusement reproduit par Larcher dans son
Glanage Condomois, est un des plus anciens recueils qui parlent des premiers
seigneurs de Pardaillan. C'est ainsi qu'il cite un Hugues de Pardaillan,
accordant de précieux avantages à l'église de Condom. En 1070, le Père
Anselme cite un Pons de Pardaillan, époux de Navarre de Luppé, et déjà
possesseur de la ville de Gondrin et des terres de Justian, de Cacarens et
de Cazeneuve. La même année, Dom Brugèles rappelle une donation d'un Odon de
Pardaillan au monastère de Saint Mont. Entin ce même Odon de Par daillan,
qui vivait en 1070, aurait pris part à la première Croisade. De ces seuls
faits il résulte que, dès le XIe siècle, la famille de Pardaillan avait fait
son apparition dans le pays et qu'il existait même déjà à cette époque un
château de Pardaillan, antérieur par conséquent de plus de deux siècles à
celui dont on voit encore les ruines. Au XIIIe siècle, les détails abondent;
et, sans établir exactement la filiation de ces premiers seigneurs de
Pardaillan, nous les suivons pour ainsi dire à chaque pas de leur vie si
mouvementée de soldats. Alliés aux plus grandes familles, ils occupent les
charges les plus importantes. En 1215, le 8 juin, Eudes ou Odon de
Pardaillan est présent à l'hommage solennel que Géraud, comte d'Armagnac et
de Fezensac, rend à Simon, comte de Montfort, pour les comtés d'Armagnac, de
Fezensac, le Fezensaguet et tout ce qu'il possède dans le Magnoac. En 1244,
Odon de Pardaillan est présent au mariage de messire Géraud de Forcés, avec
dame Alpays, fille de Jourdain de l'Isle. Tous les documents de cette époque
rapportent qu'Odet ou Odon de Pardaillan, fils de Bernard, fut choisi par
les nobles d'Armagnac et de Fezensac, réunis solennellement à Justian, en
l'année 1276 afin d'aller comme député demander des coutumes au comte
d'Armagnac pour le pays de Fezensac. Les démarches du sire de Pardaillan
eurent un plein succès, et il obtint de Bernard d'Armagnac, non seulement
des coutumes pour le comté de Fezensac, mais même des franchises spéciales
pour sa baronnie et château de Pardaillan-Betbézé, et notamment la faculté
d'ériger des fourches patibulaires.
Le 11 des calendes d'avril 1320, noble homme Bernard de Pardelhan,
damoiseau, avoue tenir en fief et hommage du comte d'Armagnac, Fezensac et
Rodez, sa baronnie de Pardelhan, avec toute ce qu'il possède en Fezensac. Le
24 octobre 1327, Bernard de Pardaillan épouse Ciboye de Mauvesin, fille
unique d'Arnaud-Guillem de Mauvesin, vicomte de Juliac. La future lui
apportait en dot la vicomté de Juliac et de Mauvesin, sur les confins de
l'Armagnac et des Landes. Cette terre, dont les Pardaillan allaient faire
une de leurs principales résidences, était un des plus riches domaines de la
Gascogne. La date de la mort de Bernard de Pardaillan reste incertaine. Nous
pensons que ce serait Bernard de Pardaillan qui aurait construit, au cours
de son existence, le château de Pardaillan-Belbézé en Fezensac, tel que nous
le retrouvons encore ajourd'hui. Son caractère architectonique, ses
multiples détails de défense, son appareil, concordent pour attribuer comme
date à sa construction soit les dernières années du XIIIe siècle, soit
plutôt les premières années du XIVe. Se contenta-t-il d'agrandir la demeure
primitive de ses pères et de l'entourer de ces épaisses courtines qui la
rendaient presque imprenable? On peut encore le croire. De son mariage avec
la vicomtesse de Juliac, Bernard de Pardaillan ne laissa qu'une fille,
Esdarmonde, qui hérita de toutes les terres de son père. D'abord mariée, en
1341, à Guillaume de Podenas, damoiseau, que l'on dit être mort, deux mois
après son union, elle convola bientôt en secondes noces. Son choix fut plus
heureux, puisqu'elle s'allia à la plus grande famille de la Gascogne.
Elle épousa le 15 septembre 1347, Marie-Roger d'Armagnac, vicomte de
Fezensaguet et de Lavardens, fils puîné de Gaston d'Armagnac, et de Mathe de
Béarn. Et comme conséquence, nous allons voir la descendance mâle des
d'Armagnac se perpétuer, durant deux siècles, sous le nom de Pardaillan. Ce
n'est donc plus en fait la famille de Pardaillan directe qui va se trouver
propriétaire de la baronnie de ce nom, mais bien la puissante race des
comtes d'Armagnac. Il semble, à dater de ce moment, que les nouveaux
seigneurs de Pardaillan aient peu habité leur fief patrimonial. Le château
de Pardaillan-Betbézé, en effet, fut souvent délaissé par eux pour leurs
terres du Bas-Armagnac. C'est au château de Béroy qu'ils paraissent avoir
établi leur principale résidence. C'est là que vint habiter après son
mariage la comtesse Esclarmonde et qu'elle reçut son maître et seigneur,
Roger de Pardaillan-Armagnac. Onze ans après son mariage il trouvait la mort
en 1359 dans un combat singulier avec le sire de Nançay. Roger d'Armagnac
laissait trois enfants: Lebours de Pardaillan, à qui échut le fief de
Lavardens, qui mourut jeune; Bertrand, qui va continuer la race; Bernard,
qui devint seigneur de Moncrabeau. En 1359, Bertrand était encore trop jeune
pour gérer lui même ses vastes domaines. Ce fut à sa mère qu'incomba cette
lourde charge, et l'histoire nous apprend qu'elle s'en acquitta avec
énergie. Son fils Bertrand devint à sa majorité seigneur de Pardaillan et
vicomte de Juliac. En 1378, il reconnaît tenir en fief noble du comte
d'Armagnac le lieu de Pardaillan. Bertrand de Pardaillan demeura tranquille
en ses domaines durant la fin de son existence. De son mariage avec Angline
d'Antin, qu'il avait épousée le 30 novembre 1386, il n'eut, en outre de sa
fille Jacquette, mariée au seigneur de Faudoas, qu'un seul fils Jean, qui
hérita de tous ses domaines. La vie de Jean 1er de Pardaillan ne fut pas
très longue. L'époque où il succédait à sou père est une des plus tristes de
l'histoire de France; et on sait ce que coûta à notre malheureux pays la
déplorable querelle entre les Armagnacs et des Bourguignons, dont ne profita
que trop l'invasion anglaise. A peine en état de porter les armes, Jean de
Pardaillan suivit à Paris son parent, le connétable d'Armagnac.
Avant de quitter l'Armagnac, il avait épousé sa belle-soeur Jeanne de
Faudoas, à laquelle il avait été fiancé dès le 2 février 1411. Cette
dernière fille de Louis de Faudoas, chevalier, seigneur de Montégut, de
Saint-Paul, etc., et d'Ondine de Barbazan, apporta en dot 4,000 florins. Le
mariage de Jean 1er de Pardaillan avec Jeanne de Fau doas s'effectua dans
les vastes salles du château de Pardaillau-Belbézé,au diocèse d'Auch. Il
nous soit impossible de vérifier à quelle date et de quelle manière Jean de
Pardaillan trouva la mort, nous devons reconnaître qu'à partir de cette
époque son nom ne se retrouve plus nulle part. Il laissait trois enfants de
son mariage avec Jeanne de Faudoas: Jean II, qui va suivre; Bernard, époux
de Clarmontine de Labatut, à qui échut la seigneurie de Panjas et qui va
devenir le chef de la branche latérale des Pardaillan Panjas, à qui revint
plus tard la baronnie de Pardaillan; et Bernard, marié à Béliette de
Verduzan. Jean II de Pardaillan n'avait que quatre ans, lorsque mourut
tragiquement son père, assassiné dans les rues de Paris par la faction
bourguignonne, en 1418. Le 31 août 1451, il rend hommage pour ses terres et
notamment pour la baronnie de Pardaillan au comte d'Armagnac. Le 16 février
1453, Jean de Pardelhan, chevalier, vicomte de Juliac et baron de Pardelhan,
épousa Sibylle de Castelbajac, fille de Bernard de Castelbajac. Dans ce
contrat, Jean de Pardaillan fait donation au premier enfant mâle qui naîtra
de son mariage de la vicomté de Juliac et du lieu de Lias. Jean II de
Pardaillan n'eut qu'un fils, Bernard, qui lui succéda. Dès la mort de son
père, il se hâta de venir prendre possession de ses vastes domaines. Nous
ignorons la date exacte de son décès. Le Père Anselme se contente d'écrire
que Bernard de Pardaillan, seigneur de Pardaillan et vicomte de Juliac,
mourut avant l'année 1522. M. Romieu au contraire donne comme date de sa
mort l'année 1496, c'est-à-dire celle qui suivit la bataille de Fornoue. Sur
quel document se base-t-il?
De son mariage avec Jeanne de Caumont-Lauzun, fille de Jean Adam Nompar de
Caumont, baron de Lauzun et de Jeanne de Goth, Bernard de Pardaillan eut
quatre enfants: Jacques qui continua la race; Anne, que nous verrons appelée
à recueillir la baronnie de Pardaillan, qu'elle apporta dans une maison
étrangère; puis Jeanne et Marie, religieuses en la ville de Condom. Jacques
de Pardaillan mourut encore jeune, et comme tous ses ancêtres de mort
tragique. Il ne se maria pas; ce qui ne l'empêcha pas, selon un usage trop
répandu parmi ces grands seigneurs féodaux, d'avoir de nombreux enfants
illégitimes. D'après son testament, du 5 août 1532, Jacques de Pardaillan
laissait un fils et une fille naturels qui y sont mentionnés; en outre, il
instituait pour son héritière universelle Anne de Pardaillan, sa soeur,
qualifiée dame de Beaucaire. La succession de Jacques de Pardaillan échut
donc à sa soeur Anne, laquelle, mariée en 1524, apporta les immenses
domaines de la puissante famille de Pardaillan dans la famille de son mari,
François de Béarn, baron de Gerderest. Ainsi s'éteignit, faute de
descendants mâles, la branche des Par daillan-Juliac, et avec elle la
descendance directe de Roger d'Armagnac, pour se perpétuer d'abord dans
celle des seigneurs de Gerderest, puis dans la branche collatérale des
Pardaillan de Panjas. Nous trouvons ensuite Catherine de Pardaillan qui
épousa en premières noces, par contrat du 15 avril 1609, Gédéon d'Astarac,
baron de Fontrailles, mort en 1610; puis, en secondes noces et par contrat
du 13 novembre 1611, Henri de Beaudéan, comte de Parabère, à qui elle
apporta, comme bien dotal, la baronnie de Pardaillan et par suite la tour du
Guardès. Ainsi passa dans une famille étrangère, mais toujours par voie
d'alliance, le vieux fief de Pardaillan. Ainsi s'éteignit, avec
François-Jean-Charles, dernier rejeton de la descendance de Roger d'Armagnac
cette branche aînée des Pardaillan Juliac-Panjas, dont beaucoup de membres,
on l'a vu, périrent de mort tragique, mais qui, pendant six siècles,
servirent fidèlement leur pays et méritèrent les hautes récompenses qui leur
furent octroyées.
Non moins noble ni moins ancienne était la famille dans laquelle le mariage
de Catherine de Pardaillan fit entrer le vieux fief de ses ancêtres. Henri
de Beaudéan était né en l'année 1593. Très jeune, à peine âgé de dix-huit
ans, il épousa, le 13 novembre 1611, Catherine de Pardaillan, et qui par
contrat de mariage lui apporta la moitié des biens de son père le comte de
Panjas, dont la terre de Pardaillan faisait partie. Ce ne fut cependant qu'à
la mort de son beau-père, arrivée en 1616, qu'il prit le titre de baron de
Pardaillan. Nommé d'abord capitaine de cent hommes d'armes, il paraît en
Vendée, au moment de la levée de boucliers des années 1620-1622, pour
maintenir le pays en l'obéissance du roi; ce qui lui était d'autant plus
facile, qu'il professait la religion protestante. Henri de Beaudéan mourut
le 11 janvier 1653. De son mariage avec Catherine de Pardaillan, il laissait
onze enfants: Jean, qui va suivre; Alexandre, qui succéda à Jean; Philippe,
chevalier de l'ordre de Saint Jean de Jérusalem, en 1637, tué au combat de
Retimo; César, abbé de Saint-Vincent de Metz, mort en 1678; Charles-Louis,
mort sans alliance; Achille, chevalier de Malte, tué en duel; Henri, appelé
le chevalier de Parabère, mort en 1678, sans alliance; Louise, mariée en
1633 à David, comte de Senillac, marquisd'Azerac; Catherine-Bérénice, mariée
le 1er août 1649 à Louis Bouchard d'Aubeterre; Charlotte, abbesse de La
Mothe Sainte-Heraye, où elle est morte; et enfin Catherine, première abbesse
de La Mothe Sainte-Heraye, abbaye fondée et dotée par Henri de Beaudéan, son
père, à la nomination des seigneurs comtes de Parabère. Jean de Beaudéan,
fils aîné d'Henri, ne devint donc comte de Parabère et seigneur de
Pardaillan qu'à la mort de son père, en 1653. Il est qualifié de comte de
Parabère, marquis de La Mothe Sainte-Heraye, premier baron d'Armagnac, baron
de Pardaillan; et il succéda à son père comme lieutenant général du Haut
Poitou. Mais il ne parait avoir joué aucun rôle militaire important.
Jean de Beaudéan se maria deux fois. En premières noces, le 31 octobre 1642,
il épousa Henriette de Voisins de Montault, fille aînée de François de
Voisins, baron de Montault, qualifié de premier baron de l'Armagnac. À la
mort d'Henriette, arrivée à Paris en 1680, Jean de Beaudéan épousa Françoise
de Sancerre, dont il n'eut aucun enfant. Jean de Parabère mourut le 12 mars
1695, âgé de 80 ans. Ce fut son frère cadet, Alexandre, qui lui succéda.
Alexandre de Beaudéan ne resta que sept ans comte de Parabère et seigneur de
Pardaillan. Il avait en effet 75 ans lorsqu'il hérita de son frère. Il
mourut, âgé à son tour de 83 ans, le 28 juin 1702. Sa femme Jeanne-Thérèse
de Mayaud lui avait donné huit enfants. Ce fut César-Alexandre de Beaudéan,
comte de Parabère, qui, au décès de son père Alexandre et à défaut de son
frère aîné, mort aux armées, prit en 1702 le titre de baron de Pardaillan.
Ce fut lui qui eut le peu enviable honneur d'épouser, neuf ans après,
Marie-Madeleine de La Vieuville, si célèbre dans les fastes de la Régence
sous le nom, désormais historique, de Comtesse de Parabère. Comme cette
dernière devint par son mariage, et plus encore à la mort de son époux, dame
de Pardaillan et par suite châtelaine du château de Pardaillan et de la tour
du Guardès, qu'elle ne visita jamais, hâtons-nous de le dire, et dont elle
ignora peut-être même jusqu'à l'existence. Dans les cinq premières années
qui suivirent son union avec César-Alexandre de Beaudéan, la comtesse de
Parabère eut trois enfants; Louis-Barnabé, né le 14 mars 4714; Louis Henri,
né le 15 mars 1715, d'abord ecclésiastique, puis nommé le chevalier de
Parabère, lieutenant des vaisseaux du Roi, mort le 28 septembre 1746; et
Gabrielle-Anne, née au mois d'octobre 1716, huit mois après la mort de son
père, et mariée le 18 juillet 1735 à Frédéric-Rodolphe de Rothembourg,
mestre de camp de cavalerie dans l'armée française, entré au service du roi
de Prusse, mort en 1752. Madame la comtesse de Parabère mourut le 14 août
1755.
Louis-Barnabé de Beaudéan, comte de Parabère et baron de Pardaillan, est
qualifié de seigneur de Beauran-sur-Oise, chanoine d'honneur né de la
cathédrale d'Auch, capitaine au régiment royal des carabiniers et chevalier
de l'Ordre de Saint Louis. Il se maria deux fois: en premières noces avec
Françoise-Claire de Gourgues, morte sans enfants, le 13 décembre 1757; en
secondes noces, le 18 mars 1760, avec Jeanne-Claude-Bernardine Gagne de
Périgny, fille de Philibert Bernard de Périgny, président à mortier au
Parlement de Bourgogne, et de Jeanne Marie Thénet de Ragy. Il est qualifié
dans les dénombrements de la baronnie de Pardaillan, de "puissant seigneur
noble Louis-Barnabé de Beau déan de Parabère, baron de Pardaillan".
Louis-Barnabé de Baudéan mourut le 31 mars 1791. Il y fut inhumé. De
son second mariage, il laissait deux enfants: Alexandre-César, né en 1766 et
Adélaïde Julie-Amélie, née en 1770. Alexandre-César de Baudéan fut le
dernier comte de Parabère et aussi le dernier baron de Pardaillan. Il avait
vingt cinq ans lorsque mourut son père, lui laissant, avec ces deux litres,
les deux terres qui portaient ces noms. Mais il n'en jouit pas longtemps. La
Révolution marchait déjà à grands pas. A peine investi de ses domaines, il
fut mis dans l'alternative, ou de rester en France pour affronter la lutte
avec des armes bien inégales, ou de suivre ses semblables dans l'émigration.
Le comte de Parabère se décida pour ce dernier parti, et il prit en cette
année 1791 le chemin de l'exil. En vertu des lois de la République, ses
terres furent aussitôt confisquées et ses domaines mis en vente comme biens
nationaux. L'antique baronnie de Pardaillan fut divisée, et chacune de ses
métairies mise aux enchères et adjugée au plus offrant.
C'est ainsi que le 11 janvier 1793 (an II de la République) les officiers
municipaux de la commune de Beaucaire vinrent dresser au château même de
Pardaillan un premier inventaire des meubles, effets, capitaux, etc., du
citoyen Alexandre-César Baudéan-Parabère, ci-devant habitant Paris, émigré;
et que le 23 janvier suivant ils montèrent à la tour du Guardès, où ils
trouvèrent une paire de boeufs, deux paires de vaches, vingt brebis et un
bélier, une truie, une charrette, plus trente sacs de blé, un sac de farine
et un sac d'avoine. Les ventes se succédant les unes aux autres à la suite
de surenchères qu'y mettaient chaque fois de nombreux compétiteurs; si bien
que, huit ans après, la plupart des lots n'étaient pas encore définitivement
acquis. Le 12 messidor an VIII, (1er juillet 1800), fut vendu au citoyen
Laroche fils aîné, négociant à Condom, pour le prix de 2,139,000 francs, le
ci-devant château de Pardaillan, situé dans la commune de Pardaillan,
consistant en une maison très délabrée, grange, écurie et cours, avec moulin
à eau. Après avoir été en grande partie démoli à cette époque, brûlé même,
au dire de quelques-uns, lors des plus mauvaises heures de la Terreur, et
laissé tel jusqu'à nos jours, le château de Pardaillan est devenu en dernier
lieu la propriété de la famille Capuron, qui l'a acheté avec la métairie
attenante de Matalin à M. de La Chapelle, en l'année 1826, et qui, en la
personne de M. Jules Capuron, le possèdait encore au début du XXe siècle.
Depuis la Révolution, les vieux châteaux n'ont plus d'histoire. Toute vie
propre s'est retirée d'eux, comme des cités, des bourgs et des provinces,
par l'effet d'une centralisation excessive au chef-lieu. Heureux ceux qui,
comme Pardaillan et le Guardès, voient encore leurs murs debout, pouvant
rendre quelques derniers services agricoles. (1)
château de Pardaillan 32410 Beaucaire, propriété privée, ne se visite pas,
vestiges bien visibles de la route.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions chaleureusement
Monsieur Maxime Kopp pour les photos qu'il nous a adressées afin d'illustrer
cet historique.
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dans le Gers" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
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