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On remarque, au-dessus des poétiques ruines
de l'abbaye de Flaran, un épais massif de grands arbres dont les ramures
séculaires abritent un antique château qu'il est tout d'abord malaisé de
définir. On n'entrevoit, en effet, qu'un amas de bâtisses, les unes carrées
ou rectangulaires, les autres rondes, polygonales, aux pignons plus ou moins
aigus et dont les formes multiples, enchevêtrées les unes dans les autres,
accusent chacune un style différent; c'est le château de Léberon. Mais si,
se rapprochant de ses respectables murs et pénétrant dans la grande cour
d'honneur, on étudie avec quelque attention les principaux caractères
architectoniques qui s'en détachent, tout porte la marque du XVIe siècle; et
à voir ces croisées aux moulures rondes ou prismatiques si délicates, ce
fronton qui couronne si élégamment la vieille porte de la tourelle servant
de cage d'escalier, celte admirable charpente de la grande salle d'armes,
ces briques émaillées et vernissées, ces meurtrières inoffensives, cet
appareil qui n'est plus celui des XIIIe et XIVe siècles, on en conclut que
le manoir des Gélasne ressemble en rien au Tauzia, à Masencôme, à La Gardère,
au Guardès, et qu'il leur est postérieur de deux cents ans au moins. Si en
l'examinant de plus près et à la suite de documents que nous avons
découverts, nous n'avions été amené à modifier entièrement notre première
manière de voir. Léberon n'est point le véritable nom du château qui nous
occupe. De tout temps et jusqu'à la fin du dernier siècle il n'a été connu
et désigné que sous celui de Flarambel, en latin Flarani Veteris (Flaran
Vieux), d'où on a fait Flaran vieil et Flarambel. Sa proximité, si
rapprochée, de l'antique monastère cistercien indique suffisamment cette
origine de son nom. Le fief patronymique de Léberon, la salle (aula), fort
modeste, ainsi dénommée, se trouvait à deux kilomètres plus au nord,
au-dessus des grands bois qui recouvraient tout le versant de la rive gauche
de la Baïse. Situé dans le Condomois et faisant partie de la juridiction de
Cassagne, il appartenait de très longue date aux Gélas. L'acte d'hommage
rendu le 24 octobre 1475 à Gui de Montbrun, évêque de Condom, et, à ce
titre, seigneur de Cassagne, par noble Pierre de Gélas, seigneur de Léberon,
nous fournit les indications sur l'existence au XVe siècle de cette petite
seigneurie de l'ancien Léberon, dite aula de Leberono.
Pierre de Gélas donne pour cet hommage au seigneur évêque, en outre du
baiser d'usage, une paire de gants de cuir noir, et il promet et jure en
même temps d'être à son égard bon et loyal vassal. Cette famille de Gélas,
que nous trouvons propriétaire, dans la seconde moitié du XVe siècle, de
cette petite salle de Léberon dans la juridiction de Cassagne, était une
branche collatérale de l'illustre famille de Gélas, existant depuis le
commencement du XIIe siècle, et dont la branche aînée était brillamment
représentée, pendant les guerres anglaises, par les seigneurs de Bonas et de
Rozès. Ce fut un cadet de cette puissante race qui dut, pour des motifs à
nous inconnus, se fixer sur le territoire de Cassagne, dans cette salle de
Léberon, qui lui échut probablement en partage. Quoi qu'il en soit, nous
voyons ce fait établi par le testament de Blanche de Bourrouillan, veuve de
Pierre de Gélas, écrit le 15 mai 1507 dans la salle de Cantemerle, près le
lieu de Cassagne, diocèse de Condom, et par lequel elle désire "être
enterrée dans l'église de la bienheureuse Vierge Marie de Cassagne, lègue
plusieurs sommes aux églises et monastères de Condom, donne à son fils Jean
une maison sise dans le lieu de Cassagne, confrontant avec la muraille dudit
lieu; plus une autre maison dans le même lieu; et institue pour son héritier
universel son fils aîné André de Gélas, à qui elle lègue en même temps la
salle noble de Léberon". Pierre de Gélas rendit hommage, le 22 avril 1489, à
Antoine de Pompadour. Son fils, André de Gélas, en fit autant le 30
septembre 1498 à Jean Marre, évêque de Condom, pour cette même salle de
Léberon et d'autres maisons et pièces de terre dans le lieu de Cassagne,
toujours sous la condition du baiser d'usage et d'une paire de gants en cuir
noir.
Ce fut ce fils aîné de Pierre de Gélas, seigneur de Léberon, et de Blanche
de Bourrouillan, André de Gélas, qui se rendit acquéreur, par contrat du 5
mars 1508, de la terre et sei gneurie de Flarambel. La terre de Flarambel
appartenait à cette époque à la branche des Castelbajac, qualifiés seigneurs
de Maignaut. Ceux-ci la tenaient à leur tour des seigneurs d'Aure. Vers le
milieu du XVe siècle, en effet, Pierre-Armand de Castelbajac, second fils de
Bernard V de Castelbajac, épousa sa cousine Bertrande d'Aure, dame de
Cardaillac, au diocèse de Comminges. Devenue veuve, cette dernière fit un
échange avec son parent Manaud d'Aure. Elle lui donna sa terre de Cardaillac
et elle reçut de lui les seigneuries de Maignaut et de Flarambel, avec la
moitié de la seigneurie de Roques et du Busca. Son fils Bertrand de
Castelbajac, qui épousa Marguerite d'Astarac, hérita de sa mère en 1483, et
il approuva l'échange fait par elle des seigneuries précitées. Qualifié de
seigneur de Maignaut et de Flarambel, il eut, en 1495, de longs démêlés avec
les habitants de Roques au sujet de celte ville, qui ne se terminèrent que
par l'achat complet de celte seigneurie en 1515. Mais le seul acte de lui
que nous ayons à retenir ici est la vente faite, d'accord avec son fils Jean
de Castelbajac "de toute la dîme des grains, vin et fruits du territoire de
Fla rambel aux syndics de l'église cathédrale de Condom, Manaud de Ferrabouc
et Jean de Prayssac, moines de Saint Pierre de Condom, pour la somme de 130
écus, comptant 108 ardits par écu". L'acte, passé au lieu de Maignaut porte
la date du 24 avril 1492. Maître de sa fortune au décès de son père, ce Jean
de Castelbajac, seigneur de Maignaut et de Flarambel, renouvela quelques
années plus tard la vente précédente. C'est ainsi qu'il vend, d'accord avec
son fils Bertrand, lle 5 mars 1508, à André de Gélas, seigneur de Léberon,
la totalité de la seigneurie de Flarambel avec le château, pigeonnier,
moulin, prés, bois et terres avoisinantes; et il subroge ledit seigneur de
Léberon à tous les droits qu'il peut avoir sur cette seigneurie.
Cet acte, capital pour l'histoire du château qui nous occupe, fut retenu par
Antoine Gardelle, notaire de Valence. Usant aussitôt du droit auquel il
était subrogé par cette
vente, le nouveau seigneur de Flarambel, André de Gélas de Léberon, acheta à
noble et vénérable personne Hérard de Grossolles, comme ayant-droit de noble
Jean de Castetbajac et de Bertrand son fils, la dîme que Jean de Castelbajac
avait vendue précédemment audit Hérard de Grossolles dans l'étendue de la
juridiction et territoire de Flarambel. Ce nouvel acte porte la date du 15
mars 1508. Il fut conclu huit jours après la vente de la seigneurie. A dater
de cette année 1508, le château et la terre de Fla rambel, appartiennent
donc définitivement et en totalité à la branche cadette de la famille de
Gélas. En moins d'un siècle ce domaine avait été détenu par trois grandes
familles différentes, les seigneurs d'Aure qui le possédaient dès le XIVe
siècle, puis les Castelbajac, seigneurs de Maignaut, enfin les Léberon. Le
château de Flarambel tombait en ruines. Rarement ou pas du tout habité par
sesseigneurs, qui résidaient au loin dans des demeures plus somptueuses, il
ne contenait à cette époque qu'un seul corps de logis carré, défendu, selon
l'usage du XIIIe siècle, à ses deux angles ouest, par deux tours rondes.
Soit qu'il ne formât à l'intérieur qu'une seule grande salle, ou qu'il eût
été divisé par un ou deux murs de refend, il n'était ajouré que par
d'étroites meurtrières, dont quelques-unes, encore bien conservées, portent
la marque du commencement du XIVe siècle. Une enceinte carrée, comme le
corps principal, et protégée par des fossés toujours remplis d'eau,
l'entourait des quatre côtés.
C'est par l'étude de ce grand corps de logis, qui nous a été conservé, que
nous pouvons rattacher le vieux château de Flarambel aux constructions
élevées entre l'Armagnac et le Condomois à l'époque de l'occupation
anglaise. La courtine occidentale et les deux tours, qui la flanquent à
chacune de ses extrémités, ont encore tous les caractères du commencement du
XIVe siècle. Si l'appareil n'est plus aussi régulier, aussi solide, aussi
parfait qu'au Tauzia, quelques traces d'archères en croix pattée sont encore
assez visibles pour que nous puissions faire remonter à cette époque cette
partie, la plus ancienne du château. C'est donc ce corps de logis qui
constitue le vieux manoir de Flarambel qu'achetèrent en 1508 les Gélas, et
qui, deux siècles avant, avait été bâti sur cette pointe extrême du comté
d'Armagnac, à cinq cents mètres à peine de la frontière anglaise, sur
l'ordre, peut-être, du chef du parti national et grâce à l'argent des
seigneurs d'Aure, dont il pouvait être, dès cette époque, la propriété. Son
assiette était très habilement choisie pour se relier avec Masencôme, Le
Guardès et Valence, et tenir en observation le Tauzia, la vallée de la Baïse
au nord, et, avec elle, la grande route de Condom. Lorsque André de Gélas
acheta, dans l'intention de l'habiter, cette sombre forteresse, tout danger
était depuis longtemps passé. Aussi s'empressa-t-il de la modifier
entièrement. De triste et ennuyeuse caserne qu'elle était, il chercha à en
faire un séjour agréable. A cet effet, il perça les murailles de larges
fenêtres à meneaux par où l'air et la lumière pussent facilement pénétrer.
Puis il éventra la courtine est et y adossa cette élégante tourelle
octogonale, à pignon aigu, pour servir de cage à un superbe escalier à vis
de Saint-Gille. Ses descendants continuèrent son oeuvre. Ce fut quelques 20
ans après que fut ajouté le corridor, destiné à relier l'ancien corps de
logis à la vaste salle d'armes ou salle d'honneur, que surmonta une
magnifique charpente. Enfin, toujours plus tard, fut appuyé également contre
le mur d'enceinte primitif le long corps de logis, qui renferme une immense
salle contre les parois de laquelle se distinguent des peintures murales du
plus haut intérêt.
Telles sont donc, à première vue, les annexes successives qui vinrent
agrandir le château de Flarambel, et dont les principales virent le jour au
XVIe siècle, c'est-à-dire à l'époque la plus florissante de la Renaissance.
Pénétrons maintenant dans l'intérieur du château et appliquons-nous à en
faire ressortir les principales beautés. L'entrée principale est au nord,
percée dans le mur d'enceinte, et très probablement défendue autrefois par
un pont-levis qui se relevait sur les fossés. Puis se trouve la cour
d'honneur, d'où se dressent, à droite la vieille construction du XIVe
siècle, en face et à gauche les adjonctions postérieures. Le vieux château
de Flarambel était autrefois beaucoup plus élevé. Il n'était ajouré qu'à sa
partie supérieure, à laquelle on n'accédait que par un escalier extérieur ou
plutôt un pont mobile en bois. Plus tard, au XVIe siècle, on aménagea des
ouvertures à tous les étages, après avoir toutefois fait tomber le second
étage qui menaçait ruine. La façade nord est percée en effet, au
rez-de-chaussée, d'une croisée à meneau vertical, encadrée de moulures
prismatiques du commencement du XVIe siècle, et d'une porte moderne; puis,
au premier étage, de deux fenêtres à meneaux croisés, également ornées de
moulures prismatiques. La tour ronde, la partie la plus ancienne du château
et en très forte saillie, n'est percée que de deux meurtrières remaniées
plus tard pour les armes à feu, dont l'une, dirigée vers l'est, défend la
façade nord, tandis que l'autre, tournée vers le midi, correspond à celle de
la tour, afin de protéger avec elle toute la courtine ouest. Cette courtine
occidentale est donc demeurée dans son état primitif. Elle est reliée à la
façade méridionale par la tour, semblable à la tour ronde, et percée de
meurtrières, remplacées par des croisées à moulures prismatiques du début du
XVIe siècle.
Cette façade sud n'a au rez-de-chaussée qu'une fenêtre à meneau vertical.
Les quatre croisées du premier étage sont inégales. L'une est murée, l'autre
ressemble à celles de la tour; les deux dernières, plus larges, sont coupées
par un double meneau croisé. Elles servent à éclairer un passage, qui relie
l'ancien château à la construction du XVIe siècle. A l'intérieur, le château
carré de Flarambel fut restauré à l'arrivée des Gélas. On y accède
aujourd'hui par la belle porte Renaissance, percée dans l'élégante tourelle
octogonale. Cette porte, dont le battant est recouvert encore de ses clous
primitifs, est couronnée d'une accolade surmontée d'un fleuron et accostée
de deux pinacles. Les armes des Gélas étaient sculptées sur le panneau. Ils
portaient d'azur au lion d'or, armé et lampassé de gueules. Cimier: un lion
de même. Devise: Virtute duce. Support: deux lions aussi d'or, armés et
lampassés de gueules. Deux murs de refend, qui se croisent, divisent en
quatre grandes salles le vieux corps de logis. La salle la plus spacieuse, a
toujours servi, au rez-de-chaussée, de cuisine. On y admire encore une belle
cheminée du commencement du XVe siècle, qui pourrait bien avoir été dressée
par les plus anciens seigneurs. Les autres salles ainsi que les deux tours
rondes, ne présentent, à ce même rez-de-chaussée, aucune particularité.
Ensuite on sort de l'ancien château et l'on pénètre dans les constructions
modernes du XVIe siècle, par un couloir éclairé au nord et au midi, par deux
larges croisées à double meneau, garnies encore de leurs vitraux primitifs
et contre lesquelles on remarque des panneaux de fine menuiserie, décorés de
jolis clous à tête losangée. La grande salle constitue, au premier étage, la
partie la plus imposante et la plus belle du château. Peu de temps après
qu'ils eurent élevé cette belle salle, les seigneurs de Gélas étendirent du
côté de l'est leurs constructions; et, profitant toujours du mur d'enceinte
qui n'avait plus sa raison d'être, ils le surélevèrent et y adossèrent
l'aile, dont la galerie intérieure, sans nul mur de refend, ne mesure pas
moins de trente-deux mètres de long, éclairée par trois croisées.
Aussitôt après avoir acheté la seigneurie et le château de Flarambel, André
de Gélas, seigneur de Léberon, s'y installa avec toute sa famille. Fils de
Pierre de Gélas et de Blanche de Bourrouillan, dont les résidences
habituelles étaient Condom et Cassagne, il avait épousé, en 1499, Marguerite
de Lamothe d'Arriès, dont il eut trois enfants: François, qui suit; André de
Gélas, dit le capitaine Léberon, seigneur de Moussaron et de Caubet, marié
en premières noces à Marguerite de Gensac, laquelle testa en sa faveur, le
24 août 1572, dans la salle noble de Moussaron, puis à Charlotte d'Estang.
Sans enfants d'aucune de ces deux femmes, il testa lui-même plus tard en
faveur de Lysander de Gélas, son petit-neveu; et enfin Marguerite, qui
épousa Roger de Larée, seigneur de La Rivière. Nous voyons qu'en 1520, André
de Gélas habitait le château de Flarambel et qu'une de ses principales
occupations était d'augmenter l'étendue de ses possessions. André de Gélas
dut mourir vers 1535. Son fils aîné François lui succéda et devint, à sa
mort, seigneur de Léberon et de Flarambel. Epoux d'Anne de
Montesquiou-Lasséran-Masencôme, la propre soeur du maréchal Blaise de
Monluc, François de Gélas en eut quatre enfants: Antoine, le fameux neveu de
Monluc, continua la filiation; Charles, abbé de Sainte-Ruffe, puis évêque de
Valence et de Die en 1560; Marguerite, qui épousa, le 16 juin 1566, Jean de
Puységur, écuyer, seigneur de Montaut, un des cent gentilshommes de la
maison du Roi, et qui reçut comme dot, de son frère Antoine, alors chef de
la famille, la somme de 2,200 livres tournois; et enfin Anne, mariée plus
tard à Bertrand d'Astugues, seigneur de Rezengues. Antoine de Gélas,
seigneur de Léberon, chevalier de l'Ordre du Roi, gentilhomme de la Chambre
de Sa Majesté, épousa, le 7 décembre 1561, Antoinette de Pavet, dame de
Montpeiran et des Eymeries.
Il en eut cinq enfants dont Lysander, qui suit; Fabien Agésilas, tige de la
branche des Gélas du Dauphiné; Pierre André, abbé commendataire de Flaran,
évêque de Condom, puis de Valence et de Die; Quitterie, mariée à Jacques de
Larée, seigneur de La Rivière; et Marguerite, mariée à son cousin Joseph de
Gélas, seigneur de Rozès. Antoine de Gélas demeura paisiblement au château
de Fla rambel jusqu'à l'année 1567. Mais à celte époque, les troubles
religieux s'étant ravivés et toute la noblesse de Gascogne ayant repris les
armes, il s'enrôla dans l'armée de son oncle, q'il ne quitta plus. La veille
de son départ, il fit son testament dans son château de Léberon: "Sachent
tous ceux à qui il appartiendra que moy, Antoine de Léberon, ay faict et
arresté et signé de mon seing accoustumé mon testament; lequel, s'il advient
par le vouloir de Dieu que je meure au voyage que j'entre prends, je veulx
que soit executé en la même forme, etc. Sur ce, il nomme son fils ainé
Lysander de Gélas son héritier universel; il lègue à chacun de ses deux
autres fils, Pierre-André et Agésilas, la somme de 1,000 écus; il nomme sa
femme Antoinette de Pavet usufruitière de tous ses biens, et il déclare en
même temps qu'il la laisse enceinte: si elle donne le jour à un enfant mâle,
il veut que ledit enfant ait, comme ses deux frères, la somme de 1,000 écus;
si c'est une fille, il lui donne 3,000 livres en argent et 500 louis pour
ses accoutrements nuptiaux; enfin il ordonne qu'après son décès, sa femme,
vive en viduité, chasteté et bien gouvernant le bien de ses enfants".
Antoine de Gélas mourut le 30 mars 1579, en la ville de Condom. Lysander de
Gélas fut le digne fils de son père. Sa bravoure à toute épreuve, le courage
et le sang-froid qu'il montra en maintes occasions, son dévouement à la
cause du roi de France et de la religion catholique, lui valurent l'amitié
d'Henri III, puis du duc d'Anjou son frère, et plus tard, après la
pacification, celle d'Henri IV. Lysander de Gélas porte à leur faite la
gloire et la grandeur de sa maison.
Devenu maréchal de camp des armées du Roi, Lysander de Gélas, seigneur de
Léberon et de Flarambel, épousa à Albi demoiselle Ambroise de Voisins, fille
et héritière de feu messire François de Voisins, seigneur et baron d'Ambres,
en partie, vicomte de Lautrec et chevalier de l'ordre du Roi. La future
reçut en dot la somme de 2,000 écus, plus 2,500 autres écus que son mari lui
constitua. Si ce dernier venait à mourir avant elle, les pactes de mariage
portent "qu'elle jouira pleinement de la maison noble de Flarambel". C'est à
la suite de cette union avec la demoiselle de Voisins que les seigneurs de
Léberon devinrent possesseurs du marquisat d'Ambres, prirent dans la suite
le titre de vicomtes de Lautrec, et qu'ils abandonnèrent peu à peu leurs
terres de Gascogne pour se fixer dans leurs domaines, beaucoup plus
importants, du Languedoc. Lysander de Gélas, néanmoins, en dehors du temps
qu'il passa à l'armée, continua de résider avec toute sa famille au château
de Flarambel, que l'on voit déjà désigné dans certains actes, quoique rares,
de château de Léberon. C'est de là que sont datés tous les contrats et
documents que nous fournissent à foison, durant sa vie, les archives de sa
famille. Le 16 juillet 1597, Lysander de Gélas "donne quittance aux consuls
de Condom pour la somme de 1,500 escus sol à eux prétés par Hector de
Pardaillan, qui avait cédé sa créance audit seigneur de Léberon". C'est au
début du XVIIe siècle que les trois filles de Lysander de Gélas
contractèrent mariage au château de Léberon, où d'ordinaire elles
résidaient. Le 7 octobre 1618, Françoise de Gélas épouse noble Antoine du
Chemin, baron de Lauraët et de Pouypardin. Trois ans après, ce fut le tour
de Marguerite de Gélas, qui épousa, le 17 avril 1621, noble Corbeyran d'Astorg,
vicomte de Larboust, et qui reçut en dot la somme de 12,000 livres. Enfin,
le 12 janvier 1622, la troisième fille, Charlotte de Gélas, épousa Melchior
de Saint-Pastour.
Le vieux château de Flarambel était donc toujours habité. C'est Lysanderde
Gélas, ou peut-être même son père Antoine, le fameux neveu de Monluc, qui,
durant les quelques heures que les dures nécessités de la guerre leur
permettaient de passer dans leur manoir, le restaurèrent et l'embellirent.
Un des derniers actes de Lysander de Gélas, nommé le 27 janvier 1625
maréchal de camp des armées du Roi, fut l'hommage solennel rendu par lui, le
20 novembre 1624, à l'évêque de Condom Antoine de Cous, pour la seigneurie
et la salle de Léberon: "Laquelle salle contient le labourage de deux paires
de boeufs, un bois, un pré, une vigne, un pigeonnier et une garenne; avec
une paire de gants cuir noir et un baiser à la joue d'hommage, payable à
chacun seigneur mouvant". Lysander de Gélas mourut en 1626 ou au début de
1627. En outre des trois filles il laissait trois fils: Hector, qui suit;
Charles-Jacques de Gélas, évêque de Valence et de Die; et enfin Jean de
Gélas, seigneur de Montpeyran, capitaine d'une compagnie de chevau-légers,
blessé grièvement au siège mémorable de Tonneins, en 1622. A partir d'Hectorde
Gélas, fils aîné de Lysander, le château de Léberon devint inhabité. Ses
hautes fonctions militaires, son riche mariage, ses possessions chaque jour
plus nombreuses dans le midi de la France, lui firent abandonner le vieux
berceau de sa famille et préférer ses magnifiques résidences du Languedoc.
C'est au château d'Ambres principale ment qu'il résida. La terre de Léberon,
qui seule nous importe, demeura néanmoins à Hector de Gélas. De son mariage,
le 8 septembre 1627 avec Suzanne de Vignolles, dame de Vignolles et de
Lahire, qui ne mourut à Lavaur qu'à l'âge de quatre-vingts ans, son
testament datant du 30 juin 1682, Hector de Gélas laissait trois enfants:
François, qui suit; Marie-Françoise, qui épousa, le 4 janvier 1658, François
de La Rochefoucauld, duc d'Estissac; et Suzanne, morte à l'âge de douze ans.
Le 21 octobre 1646, la dame de Vignolles rend hommage au Roi pour la terre
et seigneurie de Flarambel, le greffe de la ville de Valence, plus les
terres, bois, prés, vignes, où était anciennement la maison de Léberon. Son
fils, François de Gélas, marquis de Léberon et de Vignolles, vicomte de
Lautrec, n'eut pas moins que ses ancêtres de brillants états de service.
Marié le 25 février 1671 à Charlotte de Vernon de Bonneuil, François de
Gélas en eut quatre enfants. Son fils aîné François, vicomte de Lautrec,
mourut à trente-trois ans au siège de Brescia (1705), sans avoir été marié.
C'est son troisième enfant, Daniel-François, qui continua la race. François
de Gélas mourut à Paris, le 1er mars 1721, à l'âge de quatre vingt un ans.
Il fut le dernier seigneur de Gélas propriétaire de Léberon. Ce fut lui, en
effet, qui aliéna en Armagnac et en Condomois, la plupart des domaines de
ses ancêtres. Le 17 février 1717, il vendit à noble Gaston de Courtade,
capitaine, habitant de Condom, le vieux château de Flarambel. Le contrat de
vente porte que le marquis d'Ambres, absent, mais représenté par Jean
Marignac, avocat, demeurant à Valence, aliène à noble Gaston de Courtade la
terre et seigneurie noble de Flarambel, autrement dite de Léberon, sise dans
la sénéchaussée d'Armagnac et comté de Fezensac, avec haute, moyenne et
basse justice; plus la métairie appelée de Léberon, sise en la juridiction
de Condom; plus la métairie dite à Las Branes, juridiction de Cassagne, ces
deux sous la juridiction de l'évêque de Condom; le moulin à eau de Graziac.
"Il fut en outre stipulé que ledit sieur acquéreur et ses descendants, ne
pourroient sous aucun prétexte que ce fut porter le nom de Léberon, mais
seulement qu'il leur seroit loisible, dans les contrats et actes qu'ils
passeroient, de prendre le titre de seigneurs de Léberon, se réservant ledit
seigneur marquis d'Ambres à perpétuité pour lui et ses descendants de
prendre le nom de Léberon".
Le château de Léberon passa donc, au début du XVIIIe siècle, en de nouvelles
mains. Il était resté deux cent neuf ans en la possession de la famille de
Gélas. Le 8 février 1738, prête serment de fidélité et fait acte de foi et
d'hommage "noble Gaston de Courtade, seigneur de Léberon et Flarambel,
chevalier de Saint-Louis, ancien capitaine au régiment des cuirassiers, en
faveur d'Emmanuel Henri-Timoléon de Cossé-Brissac, évêque de Condom et
seigneur de Cassagne, à raison de la maison et salle noble de Léberon, sises
dans ladite seigneurie de Cassagne", toujours comme dans l'ancien temps,
sous forme de la redevance d'une paire de gants de cuir noir et d'un baiser
sur la joue à chaque mutation d'évêque. Gaston de Courtade, seigneur de
Léberon, n'eut qu'une fille, Marie, qui hérita, à sa mort, de tous ses biens
et les apporta dans la famille de Melet. Le 16 septembre 1743, en en effet,
"dans le château noble et seigneurial de Léberon, en Armagnac, sénéchaussée
d'Auch, fut signé le contrat de mariage de noble Robert de Melet, écuyer,
seigneur de Fondelin, habitant la ville de Condom, fils de noble Pierre de
Melet, écuyer, seigneur de Fondelin, et de dame Marie de Courtade; et de
demoiselle Marie de Courtade, fille de noble Gaston de Courtade, seigneur du
présent lieu, habitant au présent château de Léberon, et de Marie du Puy".
La future apportait en dot 70,000livres. Cette année-là encore, sur la liste
des terres nobles de la vicomté de Fezensac nous relevons l'acte d'hommage
rendu au roi par noble Gaston de Courtade pour la terre de Flarambel. Puis,
en 1748 et 1753, ce sont "les héritiers de feu monsieur de Courtade". Enfin,
en 1763, rend seule hommage pour la même seigneurie de Léberon sa fille,
"Marie de Courtade, veuve de M. Melet de Fondelin". Ce fut peu de temps
avant celte 1763 que mourut le seigneur de Léberon, Robert de Melet.
S'étant pris de querelle avec son beau-frère, M. d'Anglade, pour des
questions d'intérêt, dit la tradition, le seigneur de Léberon et de Fondelin
fut attiré un soir par ce dernier hors des murs de Condom. Là, la dispute
s'envenimant, les deux beaux frères dégainèrent et M. de Melet fut blessé
mortellement. Sa veuve, qui ne mourut que le 24 février 1771, intenta, à la
suite de cet événement, un long procès à la famille d'Anglade, qui
finalement dut pour un assez long temps quitter le pays. La fille aînée de
Robert de Melet et de Marie de Courtade fut Anne de Melet, qui épousa, le 10
septembre 1765, Paul François-Philibert du Bouzet, comte de Marin, chevalier
de l'ordre de Saint-Louis, et qui apporta ainsi, à la fin du XVIIIe siècle,
à l'illustre famille de Marin les terres de Léberon et de Fondelin. Mais les
du Bouzet n'en demeurèrent pas longtemps propriétaires, car le comte de
Marin n'eut qu'une fille, Marie-Charlotte, qui épousa, le 13 mars 1782, le
marquis de Cugnac-Giversac et à qui revint tout l'héritage de ses parents.
En moins d'un siècle, le château de Léberon était donc passé successivement
aux mains des familles de Gélas, de Courtade, de Mélet, du Bouzet et de
Cugnac. Grâce à la marquise de Cugnac, qui ne quitta point ses terres
pendant la tourmente révolutionnaire, grâce surtout à son père le comte de
Marin, qui dut à sa popularité dont il jouissait de ne point partager le
sort de la plupart des gentilshommes de la contrée, les châteaux de Léberon
et de Fondelin ne furent point aliénés. Ils sont restés, depuis la fin du
XVIIIe siècle et jusqu'au début du XXe siècle, entre les mains de la famille
de Cugnac, dont le dernier descendant mâle, M. le marquis Amalric de
Cugnac-Giversac, mort à la fleur de l'âge sans postérité, en a transmis la
jouissance à sa mère Madame la marquise de Cugnac et la nue-propriété à sa
soeur Mademoiselle Blanche de Cugnac. Le château de Flarambel, dit de
Léberon, est une exploitation agricole, dont les vins rouges, à juste titre
renommés, constituent le principal produit. (1)
Éléments protégés MH : l'ensemble des façades et des toitures du château :
inscription par arrêté du 4 novembre. (2)
château
de Léberon 32100 Cassaigne, propriété privée, ne se visite pas.
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