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Le château de Sainte Mère peut être
considéré comme le prototype de ce que nous avons appelé les Châteaux
Gascons, il est en effet daté et intact, ou à peu près, tel qu'il se
trouvait à l'époque de sa construction: mérites que n'ont pas ses
semblables, sauf toutefois le château de La Gardère, spécimen le plus achevé
de ces curieuses petites forteresses, établies dans le dernier quart du
XIIIe siècle, le long de la frontière de l'Armagnac ou de la Lomagne et du
Coudomois. On n'ignore pas qu'en 1279, l'Agenais, par le traité d'Amiens,
fut restitué au roi d'Angleterre, et que le 6 août de cette année, dans le
cloître des Dominicains d'Agen fut solennellement prêté le serment de
fidélité de tous les seigneurs et vassaux des alentours. De ce fait, les
possessions anglaises englobèrent en Gascogne toute la bailli e d'oulre-Garonne
dépendante de l'Agenais, qui forma lus tard, en 1317, le diocèse de Condom,
et s'étendirent jusqu'à la Lomagne, à l'est, et aux terres du comte
d'Armagnac, au sud et à l'ouest. Le château de Sainte-Mère fut construit par
l'évêque de Lectoure, Géraud de Monlezun, dans le dernier quart du XIIIe
siècle. La Gallia christiana est formelle à cet égard. Le chanoine Monlezun
dans son Histoire de la Gascogne, confirme ce fait; mais il ne peut assigner
une date fixe à la mort de Géraud de Monlezun; le nécrologe de Lectoure la
plaçant au 3 avril, sans indiquer l'année. Nous savons pertinemment que
Géraud de Monlezun accorda, le 5 mars 1273, aux habitants de Lectoure un
contrat de paréage, auquel il admit le roi d'Angleterre, qu'il est mentionné
en 1277 dans le Cartulaire de l'abbaye de Gimont: que deux ans plus tard, en
1279, il assiste au concile provincial d'Auch; enfin, qu'on le retrouve dans
plusieurs autres actes jusqu'en 1290, année à partir de laquelle l'évêché de
Lectoure est occupé par son successeur Pierre de Ferière, doyen du
Puy-en-Velay et chancelier du roi de Sicile, qui résida très peu dans son
diocèse et passa tout son temps à la cour de Naples.
De ces faits, on peut donc déduire et conclure en toute certitude que Géraud
de Monlezun fut évêque de Lcctoure de 1272 à 1290, et que le château de
Sainte-Mère fut construit par lui dans ce laps de temps et plus
particulièrement autour de l'année 1280. Le château de Sainte-Mère constitue
donc, du côté que nous appellerons français, un poste stratégique de
première importance, se reliant, à l'ouest, aux châteaux de Castex, du
Caslera-Lectourois, de Lectoure, de Terraube, etc. et du côté du levant, à
ceux de Rouillac, de Fieux, de Miradoux, de Flammarens, et plus au sud aux
châteaux gascons, encore si caractéristiques de Gazaupouy et de Plieux. Par
là, son étude offre donc un intérêt tout particulier, ce château se
présentant comme un des spécimens les mieux conservés de ce genre
d'architecture militaire médiévale, encore très peu connu et spécial à la
Gascogne. Le château de Sainte-Mère, désigné sous le nom de domus dans le
nécrologe de Lectoure, était bien cependant un Castrum dans toute
l'acception du mot. L'ensemble comprenait en effet non seulement le château
proprement dit, mais aussi l'église et le village, le tout enferme dans une
enceinte fortifiée d'assez minimes proportions, aujourd'hui aux trois quarts
détruite, mais dont il est facile de retrouver les contours. Seule, demeure
debout une porte en tiers-point, surmontée, toujours d'après l'usage
constant du pays, d'une tour carrée à deux étages, défendue par une
bretèche, et sur le devant de laquelle sont sculptées, dans un écusson, les
armes de Béguier de Maignaut, évêque de Leetoure de 1366 à 1385.
Mgr de Carsalade du Pont, détenteur du manuscrit original du Cartulaire des
chapellenies de Leetoure, en conclut que si ces armoiries ont été apposées
au moment de la construction de la tour, cette tour, ainsi que les remparts
attenants, est postérieure de près de cent ans à la construction du château
proprement dit. Comme les châteaux de Masencôme, du Tauzia, de La Gardère,
etc. le château de Sainte-Mère est une simple cella rectangulaire, de quinze
mètres de haut, possédant un rez-de-chaussée et trois étages, et flanquée,
aux deux extrémités de sa face nord, de deux tours carrées, faisant saillie
à l'est et à l'ouest, d'inégales dimensions. Vu de ce côté, cet édifice
produit un effet grandiose, véritablement saisissant. Rattachées, sans
aucune séparation apparente, au corps de bâtiment principal, les deux tours
prolongent ainsi de près du double celle façade septentrionale, dont
l'admirable parement, en appareil moyen, et les lignes hardies d'une pureté
merveilleuse, se détachent, sévères et imposantes. sur le ciel bleu de
Gascogne. Contrairement à l'usage généralement établi, les deux tours de
Sainte-Mère se dressent sur le prolongement de la même façade, et ne sont
pas diagonalement opposées. Ce qui s'explique facilement, la face nord étant
celle qui est tournée du côté par où peut venir l'ennemi, et vers lequel
doivent converger l'attention des guetteurs. Aussi n'est-elle percée que de
très rares ouvertures.
Le corps de logis ne renferme, à chacun de ses trois étages, qu'une seule
grande salle longue de 15 mètres, large de 7,70 mètres et variable de
hauteur. C'est ainsi qu'au rez-de-chaussée, elle n est que de 3 mètres, au
premier de 3,50 mètres, au second de 4 mètres. Quant au troisième et dernier
étage, en partie démoli, elle ne devait guère dépasser 4 mètres, ce qui fait
une hauteur totale de 14 à 15 mètres. On accède au rez-de-chaussée de la
grande salle par une petite porte de deux mètres de haut sur un de large,
percée dans le mur oriental et sous la protection immédiate de la grosse
tour. Cette porte existait-elle au début? Il est permis de se le demander,
les règles de l'époque exigeant que le rez-de-chaussée de tous ces châteaux
fût, à l'extérieur, hermétiquement clos, et que, sauf d'assez rares
exceptions, on ne pût, y pénétrer qu'à l'intérieur au moyen d'échelles. Bien
que les montants et les claveaux aient été aujourd'hui enlevés et qu'il soit
difficile d'en préciser le caractère, il nous souvient de l'avoir vue, il y
a plus de vingt ans, encore intacte et cintrée; ce qui prouverait sa haute
antiquité. En dehors de cette baie, le rez-de-chaussée est clos de tous
côtés. Il n'était ajouré que par d'étroites meurtrières à rainures droites,
sans ébrasement: une au midi et deux au nord. Une ouverture extérieure sur
la face ouest de la petite tour aboutit seule, par un conduit bâti dans le
mur en forme de tuyau de cheminée, au premier étage de cette tour.
Vraisemblablement un déversoir, soit pour un évier, soit pour des latrines.
Le rez-de-chaussée était recouvert d'un plancher, supporté par une longue
rangée de corbeaux, qui subsistent encore le long des murs et qui
soutenaient la salle du premier étage.
Ce premier étage, semblable en tous points au rez-de-chaussée, n'était
ajouré, au nord et au midi, que par trois meurtrières à rainures droites,
très ébrasées à l'intérieur, ce qui permettait de recevoir un peu de
lumière. Triste pièce néanmoins, où ne se voit aucune trace de cheminée, et
qui devait servir de dortoir à la garnison et aux serviteurs de l'évèque. Au
dehors, d'innombrables trous de boulin sont percés tout autour de ce premier
étage. Nous ne nous les expliquons que comme destinés à recevoir des
poutrelles chargées de supporter des hangars, des auvents, et aussi des
balcons. Seule, était franchement éclairée, et par suite habitable, la
grande salle du second étage, elle servait tout à la fois de chambre à
coucher, de salon, de salle à manger, soit au chef de la troupe qui y tenait
garnison, soit à l'évêque lorsqu'il lui prenait fantaisie de venir
l'habiter. Au midi, la muraille est percée de deux larges baies. L'une, en
tiers-point, dont le montant de droite se voyait encore il y a quelques
années, était la porte du château. On y accédait, conformément aux règles du
temps, par un escalier volant, en bois, appliqué contre la muraille. Cet
escalier ou échelle mobile, dont la trace est visible le long du mur,
pouvait facilement être relevé, ou enlevé, en cas d'attaque, ce qui isolait
absolument les défenseurs du château. Il était protégé par la corniche que
l'on voit encore au-dessus, laquelle soutenait un auvent dont trois gros
trous de boulin supportaient les poutrelles. De l'autre côté de la porte,
toujours extérieurement, était adossé contre le mur un balcon, dont les
supports s'emmanchaient dans sept autres trous de boulin bien visibles. Ce
balcon était égaiement protégé par un auvent et une corniche en saillie,
encore apparente à la partie supérieure du mur. Travail postérieur à la
construction du château et qui ne doit son existence à quelque prélat
lectourois.
Au nord, la grande salle ne possédait primitivement aucune ouverture. Plus
tard, on ouvrit le mur en brèche et on y perça une large fenêtre à meneaux
croisés que l'étirement des moulures empêche de pouvoir dater exactement,
mais qui nous parait être du XVe siècle. C'est la seule modification
apportée à l'ordonnance primitive. Tout à fait à l'angle occidental, mais à
l'intérieur seulement, une petite porte à arc brisé est percée dans le mur.
Elle sert d'entrée à la petite tour. Sur la face ouest, se voit une
porte-fenètre en tiers-point, semblable à celle de la façade sud. Enfin, du
côté opposé, à l'est, la salle est ajourée par deux baies, portes-fenêtres
en tiers-point, dont l'une est identique aux précédentes, tandis que
l'autre, aujourd'hui murée, donnait accès dans la grande tour. Tout autour
de cette grande salle, mais au nord et au midi, il faut signaler, dans le
mur intérieur, des armoires en pierre, sortes de crédences aux niches
cintrées ou trilobées, à moulures délicates, destinées à renfermer les
objets mobiliers usuels. Enfin, contre le mur occidental, on distingue très
nettement la trace d'une cheminée dont les pieds-droits ont été enlevés, et
qui était surmontée d'une hotte conique. Au troisième étage, au-dessus, une
élégante corniche se déroulait tout autour de la grande salle. Elle faisait
chéneau et recevait les eaux des combles qui constituaient le troisième et
dernier étage du grand corps de logis. L'écoulement de ces eaux présentait
une disposition singulière. Il s'effectuait, par une seule gargouille
double, encore visible sur la face sud, de façon que, bouchée
intérieurement, cette gargouille rejetait les eaux en dehors, tandis que,
fermée à l'extérieur, elle les écoulait en dedans et approvisionnait ainsi
le château. Un chemin de ronde courait tout autour du corps de logis, à la
hauteur du troisième étage. On y accédait par une porte ouverte dans chacune
des deux tours.
La plus importante des deux tours de Sainte-Mère, tant par sa position que
par ses dimensions, est celle du levant. Elle est carrée, mesure 5,40 mètres
sur chaque côté, et atteint une hauteur de 27 mètres. C'est le donjon, le
dernier refuge des assiégés, qui servait à défendre en même temps la porte
d'entrée du rez-de-chaussée et ne présentait que le moins possible
d'ouvertures. Dans le bas, cette tour se trouvait, non seulement
hermétiquement close, mais pleine jusqu'à la hauteur de 1,50 mètre au-dessus
du sol. La porte qui y donne accès est toute moderne: car ce n'est que dans
ces derniers temps que l'on a déblayé la tour. Au-dessus, elle renferme
trois étages, correspondant à peu près à ceux du corps de logis. Le premier
n'était ajouré que par une étroite meurtrière à rainure droite sur la face
sud. Le second recevait le jour: au nord, par une archère en croix pattée,
large, mais trapue: au midi, par une autre meurtrière, aujourd'hui défaite:
à l'est enfin, par une fenêtre en tiers-point de même dimension que celle de
la grande salle, et comme elle, à arcature trilobée, ainsi que l'indique la
naissance des arcs. Ce deuxième étage était recouvert d'une voûte en berceau
plein cintre et communiquait de plain-pied, par la porte en tiers-point
aujourd'hui murée, avec la grande salle du château. C'était la seule entrée
du reste de la grosse tour, dont les étages n'étaient accessibles, par
mesure de précaution, qu'au moyen d'échelles. Pour atteindre les étages
supérieurs de la tour, l'accès était plus facile. Sur le chemin de ronde,
auquel il fallait toujours arriver, s'ouvrait à l'ouest de cette tour, une
porte en tiers-point, qui constituait l'entrée de ce premier étage
supérieur, éclairé et défendu sur chaque face par trois archères en croix,
très élancées. Contre le mur de la grande salle était percée une belle niche
en cintre brisé à deux compartiments. Enfin, dans un angle, se dresse encore
un petit escalier à vis, en pierre, qui mène à l'étage supérieur de la tour,
étage défendu au nord et au sud par deux meurtrières à rainure droite, et
ajouré à l'est par une autre fenêtre en tiers-point semblable à celle de
l'étage inférieur. On arrivait ainsi sur la plate-forme, qui était crénelée,
où flottait l'étendard du seigneur, et d'où la vue s'étendait sur tout le
pays de Lomagne.
La tour de l'ouest, de dimensions moindres, car elle ne mesure que 4 mètres
au couchant sur 2 au nord et au midi, présente à peu près les mêmes
dispositions défensives. Close au rez-de-chaussée et au premier étage, elle
n'était ajourée qu'au second par une meurtrière à rainure droite au nord, et
une en croix pattée à l'ouest, dont on voit à peine l'extrémité. Munie,
comme la grosse tour, d'une étroite porte en tiers point, communiquant avec
le chemin de ronde, elle renfermait également deux étages supérieurs, dont
le plus bas était défendu sur sa face ouest par une archère en croix simple,
étroite et élancée, et l'étage supérieur, sur sa face sud, par une petite
meurtrière, mais seulement verticale. Ainsi protégé par ses deux tours, le
château de Sainte Mère pouvait défier tout coup de main, mais non pas,
malgré ses défenses et son enceinte fortifiée, un siège en règle, surtout de
longue durée. Telle n'était pas, du reste, sa destination; le rôle de ces
forteresses, ainsi échelonnées, très rapprochées les unes des autres, le
long de la frontière, étant, nous ne cessons de le répéter, bien moins de
retenir l'ennemi que de surveiller ses mouvements, de le guetter nuit et
jour, et, par des signaux convenus, de prévenir les garnisons voisines, en
vue d'éviter toute surprise. Nous ne savons rien de l'histoire du château de
Sainte Mère, aucun document important concernant son existence ne nous étant
parvenu, malgré nos plus actives recherches.
Tout ce que nous pouvons dire, c'est que, du jour même de sa construction
jusqu'à la Révolution, il a appartenu aux évêques de Lectoure. Ceux-ci, au
moyen âge, en faisaient leur résidence d'été, comme les archevêques d'Auch,
ou encore les évêques de Condom, qui, avant de posséder Cassaigne, ne
craignaient point de villégiaturer dans leur sombre château de Laressingle.
Mais bientôt, sans doute, Sainte-Mère dut être trouvé par eux trop incommode
et, plutôt que de l'aménager, aux XVe et XVIe siècles, selon les goûts du
jour, comme le furent la plupart des châteaux gascons, ses propriétaires
préférèrent le laisser dans son premier état, se contentant de toucher les
dîmes et revenus des nombreuses fermes qui en dépendaient. Si l'art y a
perdu, l'archéologie y a gagné. Aussi devons-nous nous féliciter d'une telle
détermination. Une note du regretté Eugène Camoreyt nous apprend que le
château de Sainte-Mère fut incendié vers 1600. Nous ignorons la source où il
a puisé ce renseignement. Toujours est-il que depuis cette époque, peut-être
même plus tôt, il ne fut plus habité. En 1791, les évêques de Lectoure le
possédaient encore. Cette année, le 18 avril, "le vieux château de
Sainte-Mère, ci-devant joui par le ci-devant évêque de Lectoure, fut vendu
comme bien national, moyennant la somme de 300 livres". Peu après, les
nouveaux acquéreurs résolurent de le démolir. Après avoir enlevé les
toitures, les parapets du chemin de ronde et toute la partie supérieure, ils
s'attaquèrent aux murs; et. ainsi qu'on peut le voir encore par les grands
trous béants, ils essayèrent, soit par la sape, soit par la mine, de le
renverser entièrement. Mais la solidité des parements verticaux et des
blocages eut facilement raison de leur tentative, et l'œuvre de destruction
s'arrêta. (1)
Éléments protégés MH : les ruines du château : classement par arrêté du 19
juillet 1977. (2)
château-fort de Sainte Mère 32700 Sainte-Mère, vestiges, visite des
extérieurs uniquement.
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous. Nous remercions
chaleureusement Madame Cathy du site
http://lescreasdepatchie3340.centerblog.net/,
pour les photos du château de Ste Mère qu'elle nous a adressées pour
illustrer cette page.
A voir sur cette page "châteaux
dans le Gers" tous les châteaux répertoriés à ce jour
dans ce département. |
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