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Le château de Bénauge occupe une position trop
stratégique pour que, dès les temps les plus reculés, il n'ait pas servi
d'assiette à une forteresse chargée de protéger et de surveiller le pays
qu'elle dominait. Les Gaulois, les Romains et, après eux, tous les peuples
qui se sont succédé sur le sol de l'Entre-deux-Mers,ont dû habiter cette
position si facile à fortifier. Les heureux possesseurs de ce pic isolé
devinrent de puissants seigneurs dès l'origine de la féodalité, puisque au
XIe siècle on les trouve à la tête de la noblesse d'Aquitaine et contractant
des alliances avec les plus grandes familles de l'époque. Guillaume-Amanieu,
seigneur de Bénauge, possédait à Saint-Macaire un péage qu'il céda à saint
Gérard, abbé de La Sauve. Il avait marié sa fille Vitapoy à Guillaume
Taillefer II, comte d'Angoulême, en lui donnant pour dot le comté de Bénauge.
Dans le milieu du XIIe siècle, la vicomté de Bénauge passa dans la famille
de Gavarret par le mariage d'une fille de Guillaume Taillefer avec Guillaume
Amanieu de Gavarret, vicomte de Bezaumes. Son fils Pierre 1er, paraît avoir
formé un mariage dans la maison de Bouville, dont il joignit le nom au sien.
Pierre II du nom, fils de Pierre 1er, épousa, vers 1210, Guillemette, dont
les troubadours du temps ont célébré la coquetterie et la beauté. En 1238,
Henri de Trubeville, sénéchal d'Aquitaine, vendit à Guillemette, vicomtesse
de Bénauge, les paroisses de Cadillac, de Loupiac et de Sainte-Croix du
Mont, et les hommes du roi francs et libres de toute servitude. Cette vente
illégale fut probablement régularisée plus tard. Guillemette était veuve en
1240, et paraît avoir conservé quelque temps après la mort de son mari la
direction de ses seigneuries; en effet, le 12 novembre 1240, elle reçut une
lettre du roi d'Angleterre datée de La Réole, lettre qui lui réclamait le
service militaire, et lui enjoignait d'envoyer à La Sauve, le dimanche après
la fête de Saint-André, les hommes qu'elle devait fournir. Le 5 mai 1240,
son fils Bernard de Bouville avait reçu une lettre du même monarque, lui
ordonnant de se rendre à Pons, le jeudi après la Pentecôte, accompagné de
sept chevaliers. Henri, vaincu à Taillebourg, s'enfuit dans le Bordelais.
Comme seigneur de Saint-Macaire, Bernard de Bouville et sa mère Guillemette
prétendaient avoir le droit de haute justice sur cette ville. Cabbaye de
Sainte-Croix, de son côté, avait la même prétention. Le roi, pour couper
court à la discussion, la prit pour lui et la donna ensuite à l'abbaye.
Bernard dut céder, mais il ne pardonna pas, et l'occasion de se venger de
son souverain ne tarda pas à se présenter. Henri III avait envoyé Simon de
Montfort, comte de Leycester, pour gouverner la Guienne: celui-ci traita les
Gascons en peuple conquis; ils se révoltèrent, et le seigneur de Bénauge fut
un des chefs de cette révolte. Son château, un des derniers attaqués,
résista près d'un mois au roi d'Angleterre, et ne fut pris qu'après des
travaux et des frais infinis. Ainsi, le château de Bénauge resta dans les
domaines de la couronne d'Angleterre pendant treize ans. Le 2 janvier 1266,
Henri III le donna à Jean de Grailly avec toutes ses dépendances. Ce
seigneur, originaire du pays de Gex, avait rendu de grands services au roi
d'Angleterre et possédait toute sa confiance; aussi en obtint-il de grandes
faveurs. A peine possesseur de la vicomté de Bénauge, en 1267, il rebâtit le
château, qui devait avoir beaucoup souffert lors du siège de 1253. Jean de
Grailly et ses successeurs y établirent des châtelains chargés de garder le
château et de distribuer la justice. La plupart de ces officiers avaient le
titre de chevaliers et possédaient des pouvoirs très étendus. Le 2 mars
1277, des lettres patentes sont scellées du sceau de Jacques de Salleneuve,
chevalier, châtelain de Bénauge. Le 7 février 1285 et le 13 janvier 1286, on
le trouve nommé dans les actes de vente à côté du roi d'Angleterre et de
Jean de Grailly. Le 25 janvier 1298, sous Pierre II de Grailly, un acte de
vente est fait entre les mains de P. de Bochi, châtelain de Cadillac, où se
tenait alors la Cour de Bénauge. Le 21 septembre 1322, Hélies de Labatseube,
damoiseau, châtelain de Bénauge, juge un procès dans la bastide de Cadillac.
Le 19 janvier 1368, messire Pierre-Arnaut de Lamensans, chevalier, châtelain
de Bénauge et de Cadillac, est nommé parmi les témoins d'une transaction
passée entre Jean III de Grailly, captal de Buch, et Guiraude de Ségur, dame
de Loupiac, fille de Bernard de Ségur, chevalier, seigneur dudit lieu.
La famille de Grailly a été une des plus illustres en Guienne; c'est à elle
qu'appartient le fameux captal de Buch, qui a joué un si grand rôle pendant
le XIVe siècle. Sa généalogie a été faite à plusieurs reprises. Jean III de
Grailly, est devenu célèbre sous le nom de Captal de Buch, hérita de toutes
les seigneuries que son père possédait en Guienne. Le roi d'Angleterre, à
qui il rendait d'éminents services, lui restitua en 1355 tous les droits que
les seigneurs de Bénauge possédaient autrefois dans cette vicomté. Le captal
de Buch, qui a jeté un si grand éclat sur la famille de Grailly, assistait à
la prise de Bergerac, sous les ordres du comte de Derby, et il y fut fait
chevalier sur le champ de bataille. Le captal de Buch fut fait prisonnier à
Soubise, par Yvain de Galles, il mourut dans la Tour du Temple, à Paris,
sans avoir été marié. Tous ses biens passèrent à son oncle Archarnbaud,
second fils de Pierre II et d'Assalhide de Bordeaux. Archambaud, comme ses
prédécesseurs, resta toujours fidèle à la cause de l'Angleterre. Il épousa,
au château de Civrac, Isabelle de Foix, fille de Roger-Bernard de Foix. En
1399, Mathieu de Castelbon, frère d'Isabelle, qui avait hérité de son cousin
Gaston Phœbus des comtés de Foix et de Béarn, mourut sans enfants, laissant
tous ses biens à sa sœur, à la condition que son époux Archambaud et leurs
enfants prendraient les noms et armes de Foix. Gaston de Foix, leur
troisième fils, eut pour apanage les biens de Guienne, et devint ainsi
seigneur de la vicomté de Bénauge qui, en sa faveur, fut érigée en comté le
18 juin 1426. Dans les temps difficiles qu'il eut à traverser, Gaston de
Foix ne faillit pas un instant et resta toujours fidèle à la couronne
d'Angleterre, à qui sa famille devait toute sa grandeur. En 1451, ne pouvant
se résoudre à passer au service du roi de France, il fit un traité
particulier avec Dunois, vendit ses terres de Guienne, d'accord avec son
fils Jean de Foix, pour 84,000 écus d'or, à Gaston de Foix, son neveu, fils
de son frère aîné Jean, et au comte de Dunois, qui, peu de temps après,
revendit sa portion à son co-acquéreur. Gaston se retira ensuite à Meille,
petite ville d'Aragon dont il était aussi seigneur, et y mourut.
Son fils Jean de Foix prit part à la révolte de 1452, fut fait prisonnier à
la bataille de Castillon. Banni de France, il se retira en Angleterre,
laissant son fils aîné en France, sous la tutelle de son cousin Gaston de
Foix. Cependant, le château de Bénauge, dont la garnison était composée
d'Anglais et de Gascons, résistait toujours, et fut une des dernières places
qui reçut une garnison française; il ne se rendit que par composition. En
septembre 1453, Charles VII confirma le traité fait pour la réduction de
cette forteresse. Jean de Foix avait épousé Marguerite de Pôle, nièce et
héritière de Guillaume de Pole, duc de Suffolk. Henri VI lui donna en
présent de noce le comté de Candale, avec la réserve que le titre de comte
de Candale serait transmis dans leur descendance. Il devint ainsi la tige de
l'illustre maison de Foix-Candale. Après dix ans d'exil, Louis XI le fit
solliciter de revenir en France, où il rentra. Il promit obéissance au roi,
racheta ses terres, et fut de nouveau seigneur de Bénauge. Gaston de Foix,
son fils, lui succéda dans toutes ses seigneuries. Comme grand sénéchal de
Guienne, il convoqua le 12 septembre 1491, par ordre du roi, dans la ville
de Bordeaux, le ban et l'arrière-ban de toute la noblesse de Guienne. Le
comté de Bénauge passa ensuite à son fils Gaston IV, de celui-ci à Frédéric
de Foix-Candale. Homme entreprenant, Frédéric, dévoué à la cause catholique,
forma à Cadillac en 1565, malgré les édits de pacification, une ligue connue
sous le nom de ligue du traité de Cadillac, pour faire une guerre à outrance
aux huguenots. Ses intrigues compromirent sa fortune. Il engagea plusieurs
de ses terres: celles de Cadillac et de Bénauge furent saisies en 1563, et
vendues à François d'Aubusson; mais François Monsieur de Foix, évêque
d'Aire, frère de Frédéric, les racheta en exerçant le retrait lignager, et
les laissa à son neveu Henri de Foix-Candale, fils de Frédéric, sa vie
durant. Henri fut tué au siége de Sommières en 1573. Il ne laissa que deux
filles: Marguerite, qui épousa le duc d'Épernon, et Françoise, qui se fit
religieuse. François Monsieur de Foix, évêque d'Aire, avait donné à sa nièce
Marguerite, lors de son mariage avec le duc d'Épernon, la terre de Bénauge
et d'autres seigneuries. Dans son testament, il déclare vouloir que le
premier né des enfants mâles de cette union porte le nom de Foix-Candale,
qu'il succède à tous les biens, droits et prérogatives qu'il avait donnés
autrefois et qu'il laisse actuellement à la mère, ainsi que tous les
premiers nés à l'avenir de la descendance de sa nièce.
Jean-Louis Nogaret de La Valette, duc d'Épernon, devint ainsi seigneur de
Bénauge. Marguerite mourut à vingt six ans, laissant trois enfants dont
Henri de Nogaret, qui mourut sans postérité; Bernard, duc de La Valette,
puis duc d'Epernon, qui succéda à son père; et le cardinal Louis de La
Valette. Bernard mourut en 1661, après son fils unique Louis-Charles Gaston
de Foix, prince de Candale, qui ne fut pas marié. De cette façon, et d'après
le testament de l'évêque d'Aire, la terre de Bénauge devait revenir aux
descendants de son frère Charles de Foix, seigneur de Villefranche, et à
Gaston-Jean-Baptiste de Foix-Candale, qui mourut jeune, n'eut qu'une fille
qui lui succéda et qui mourut elle-même enfant. Son oncle, frère de son
père, hérita ainsi du comté de Bénauge; mais il mourut sans avoir été marié,
le 14 mars 1671. Son frère le plus jeune, Henri-Charles de Foix, lui
succéda. Les deux ducs d'Épernon avaient laissé de nombreuses dettes; en
1678, le comté de Bénauge fut divisé et vendu à plusieurs seigneurs; enfin,
au commencement du XVIIIe siècle, Henri vendit toutes ses terres de Guienne.
Ce comté fut acheté par Étienne de Gombault, conseiller au Parlement de
Bordeaux. Celui-ci avait épousé Marie-Angélique de Gasc, et de cette union
naquit Angélique-Jacquette de Gombault, qui porta le comté de Bénauges en
dot à François de Wavrans, chevalier, marquis de Boursin. C'est de cette
dernière que l'on parle encore dans le pays en l'appelant la méchante
comtesse, à raison des nombreux procès qu'elle avait eus avec ses vassaux et
de son extrême fierté. Jacquette de Gombault laissa un fils, qui épousa
Marie-Jeanne-Claude de Lange de Comnène Ce dernier eut un fils qui mourut
sans postérité dans l'émigration, et une fille qui épousa un industriel de
l'Alsace nommé Frédéric Wendel. Le gouvernement républicain fit le partage
de la terre de Bénauge; "il en vendit la moitié qu'aurait pu amender le
jeune comte émigré, et le fils de M. Wendel aliéna, l'autre moitié par lui
recueillie du chef de sa mère". Depuis cette époque, le château de Bénauge,
après avoir passé par plusieurs mains, était la propriété d'un honorables
négociants de Bordeaux, M. Antoine Pourman. (1)
Éléments protégés MH : château avec vallum, lices, terrasses, sol et
sous-sol : inscription par arrêté du 1er septembre 1995 (2)
château de Benauge 33760 Arbis, tél : 05 56 23 62 64, ouvert au public,
actuellement les visites se font sur rendez-vous toute l'année et pendant
les journées du patrimoine. Ce château occupe le sommet d'une colline de
l'Entre Deux Mers, c'est l'une des forteresses les plus importantes de la
Gironde, combinant fossé, vallum, lices, terrasses, donjon, chapelle, deux
enceintes renforcées de tours et bâtiments divers. Il constitue un témoin
majeur de la fortification médiévale en Aquitaine.
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Crédit photos : Henry Salomé sous licence Creative
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