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La famille de Budos était
une des plus anciennes de la Guienne. Elle possédait la terre de ce nom
avant la construction du beau château dont les ruines sont un des ornements
de la Gironde. On trouve, en effet, qu'en 1273, un Géraud de Budos,
damoiseau, rendit hommage au roi d'Angleterre. Pierre de Budos, chevalier,
et peut-être son fils, est le premier nommé dans le Dictionnaire de la
Noblesse. Il est suivi de Raymond de Budos, chevalier, qui épousa Jeanne de
Goth, cinquième enfant de Béraud de Goth et d'Ida de Blanquefort, et par
conséquent sœur du pape Clément V. Son fils Raymond-Guillaume, baron de
Budos, était aussi seigneur de Caron et de l'Aunol et gouverneur d'Avignon.
C'est peu de temps après le sacre de Clément V que, ne pouvant plus se
contenter du petit château sur motte appelé le Castera qu'il possédait à
Budos, il demanda au roi d'Angleterre la permission d'en construire un
autre. Édouard 1er lui accorda cette permission. A peine le château fut-il
construit, u'Édouard II, roi d'Angleterre, étant à Avignon, accorda, le 15
mai 1309, à Raymond-Guillaume et à ses héritiers légitimes et à ses
successeurs, la haute et basse justice avec tous les droits royaux dans la
paroisse de Budos, "moyennant hommage-lige rendu au roi et à ses
successeurs, et une lance de fer neuf doré pour exporle à chaque changement
de seigneur". C'est probablement lui que le pape avait établi gouverneur de
Bénévent en 1307, et du comtat venaisin en 1309. Outre les terres, ce
seigneur possédait la tour de Bisqueytan, située dans la paroisse de
Saint-Quentin en Entre-deux-Mers. Il l'échangea, en 1317, pour la seigneurie
de La Motte d'Ayran, terre située à quelques lieues de Budos, sur la même
rive de la Garonne, et par conséquent bien plus à sa portée. Plus tard, le
13 février 1321, il acquit de Guillaume de Randon, seigneur de Saint-Luc, la
baronnie de Portes-Bertrand, fort considérable en Vivarais.
De sa première femme, Esclairmonde de La Motte, il eut trois fils, et de sa
seconde, Cécile de Baux, trois fi!s et deux filles. L'aîné des fils de la
première femme de Raymond-Guillaume, André, succéda à son père dans ses
seigneuries. Possédant des terres dans des localités soumises au roi de
France et à celui d'Angleterre, sa position était embarrassante, d'autant
plus qu'au milieu du XIVe siècle, époque où il vivait, ces deux nations se
faisaient une guerre acharnée entremêlée de trèves qu'on n'exécutait pas et
de: paix qui n'étaient pas de longue durée. Au commencement, il suivit le
parti des Anglais, puisqu'en 1330, Philippe de Valois lui confisqua pour ce
fait la baronnie de Portes, pour laquelle, en 1340, l'archevêque d'Auch et
Pierre de la Palu furent chargés par le roi de nommer un gouverneur. En
1341, Édouard III, roi d'Angleterre, prit sous sa protection ce seigneur et
ses possessions; en 1348, il lui permit de construire une maison-forte à
Ayran, situé dans la juridiction de la prévôté du château de l'Ombrière de
Bordeaux, et lui donna le droit de haute justice dans cette localité. Dix
ans plus tard (1358), il lui solda ses gages et ceux des hommes qu'il avait
fournis, probablement pour faire la guerre au roi de France, pour lequel il
prit parti sur la fin de sa vie. C'est Thibaut, l'aîné de cette belle et
grande lignée, qui succéda à son père. On le trouve sur la liste des
seigneurs gascons qui, en 1363, rendirent hommage au prince de Galles dans
la cathédrale de Bordeaux. A cette occasion, "il bailla pour esporle et
devoir deux lances". En 1377. Le duc d'Anjou et Du Guesclin parcouraient nos
contrées en triomphateurs. Les places qui leur résistaient étaient
immédiatement emportées. Thibaut fut un des premiers qui mit ses châteaux et
tout ce qu'il avait en l'obéissance de Charles V. Deux ans après, il vint en
personne à Montargis faire sa soumission au roi de France. Nous devons
supposer que les vingt et un frères de Thibaut, qui n'avaient peut-être pas
comme lui le même intérêt à ménager le roi anglais, passèrent après la mort
de leur père du côté de la France. Leur nom sont restés inconnus.
Il est probable qu'après avoir pris définitivement le parti de la France et
jusqu'à l'expulsion des Anglais, Thibaut de Budos ne résida pas dans ses
terres de Guienne, et que les rois d'Angleterre chargèrent de la garde du
château des seigneurs qui leur étaient fidèles. Au début du XVe siècle nous
trouvons André de Budos qui abandonne ses biens et héritages du Bordelais,
c'est qu'il y fut contraint par la force. En effet, en 1421, les Bordelais
désirant se débarrasser de quelques forteresses des environs qui tenaient
pour la France, décidèrent le 14 juin qu'ils attaqueraient Budos. André de
Budos jugea prudent de ne pas se laisser assiéger; et, après deux entrevues
avec Menaut de Fabars, il déclara qu'il livrerait son château et donnerait
son fils en otage, à la condition qu'on lui restituerait une terre située
dans le pays bordelais que son père avait vendue autrefois pour le service
du roi. Dès ce moment, le roi d'Angleterre prit possession du château de
Budos et en confia la garde à des capitaines dont il était sûr. Vers 1439,
Henri VI concéda au duc de Glocester les terres et le château de Budos. En
1447, Budos fut donné à Jean, comte de Foix, par suite du décès du comte de
Glocester. A André de Budos, qui avait été obligé de céder son château aux
Anglais, succéda Thibaut, son fils aîné, qui fut sous Louis XI capitaine de
deux compagnies, puis maître d'hôtel, conseiller et chambellan du roi
Charles VIII. Jean de Budos, son fils, servit aussi la France avec honneur;
il suivit en Italie François 1er; il rendit hommage au roi en 1533 pour
raison de la baronnie de Budos. Jacques de Budos, fils et héritier de Jean,
fut élevé près d'Anne de Montmorency, pair et connétable de France. En 1570,
Jacques de Budos fut fait chevalier de l'ordre de Saint-Michel. Sous Henri
III, en récompense de ses services et de sa fidélité, érigea sa baronnie de
Portes en vicomté et sa terre et seigneurie de Teyragues en baronnie. Henri
IV, reconnaissant les mérites du baron de Budos, l'associa en 1595 à l'ordre
de chevalerie du Saint-Esprit.
Mais déjà depuis assez longtemps, le château de Budos n'appartenait plus à
cette illustre famille. Jacques de Budos l'avait aliéné, le 7 juillet 1571,
à Raymond de La Roque, moyennant 30,000 livres. Pendant les guerres de
religion, le château de Budos, qui était considéré comme une place assez
forte, fut donné en garde à Louis de Lur, vicomte d'Uza. Le château fut si
bien gardé, qu'il resta toujours aux mains des catholiques. Pendant les
guerres de la Fronde, ses larges fossés et ses hautes murailles ne surent
pas le protéger. Laserre, qui avait d'abord suivi le drapeau du Parlement et
plus tard abandonné son service pour suivre le parti opposé, se saisit en
1652 du château de Budos, qu'il saccagea, pilla et en brûla les archives.
Balthazar envoya contre lui quelques troupes qui le rencontrèrent près de là
et le firent prisonnier . La seigneurie de Budos est restée dans la famille
de La Roque, depuis l'achat qu'en fit Raymond de La Roque jusqu'à la
Révolution. Elle appartenait alors à Charles-François-Armand de La Roque,
chevalier, baron de Budos et de Montferrand, qui émigra et mourut en 1825.
Le château de Budos fut vendu comme bien national. L'acquéreur en fit une
carrière, et ses belles ruines allaient totalement disparaître, quand, en
4841, la Commission des Monuments historiques de la Gironde en fut avertie.
Ces ruines furent classées comme monument historique de premier ordre.
Quelque temps après, le 20 août 1845, on fit comprendre au paysan à qui il
appartenait, et qui paraissait disposé à vendre encore ses ruines en détail,
qu'il s'exposait à de graves ennuis s'il passait outre et continuait les
démolitions. Il s'arrêta, et depuis lors pas une pierre n'a été enlevée. Le
10 avril 1860, M. le baron Léon de Brivazac, fils de demoiselle Delphine de
La Roque de Budos, fille unique du dernier baron de Budos et épouse de
messire Léon, baron de Brivazac, poussé par l'amour de l'art, excité par des
souvenirs de famille, a acheté le château de Budos et quelques journaux de
vignes qui l'entourent, afin de le mettre à l'abri du marteau des
démolisseurs. Nous espérons que ce noble exemple sera suivi, et que
plusieurs de nos belles ruines passeront entre les mains des descendants de
leurs anciens seigneurs.
Le château de Budos est bâti sur un plateau peu élevé, au pied du coteau sur
lequel est situé le village de Budos; il domine une plaine, cette position
exceptionnelle donne aux ruines de cette forteresse un aspect
extraordinairement imposant. Entre le bourg de Budos et le château, dans un
lieu complanté de vignes, sur le bord d'une prairie, existe une motte très
déformée appelée encore le Castera; c'est évidemment un ancien château,
peut-être celui qui a précédé le château actuel. Le plan du château de Budos
a la forme d'un quadrilatère de 55 mètres de long sur 45 mètres de large.
Chaque angle est renforcé d'une tour presque entièrement en saillie, trois
rondes, la quatrième octogone; celle-ci est dans l'angle occidental. Au
milieu de la façade, qui est tournée vers le sud-est, s'avance une tour
carrée sous laquelle passe la porte principale. Des tours semblables, mais
non saillantes, s'élevaient sur les trois autres façades. Les tours d'angles
et celle de la porte existent encore intactes; la paroi extérieure de celle
de la façade du nord ouest est la seule qui existe; mais il ne reste plus
rien de celles des deux autres façades. Les courtines nord-ouest et sud-est
sont seules entières. Le fossé qui entoure ces constructions a de 15 à 18
mètres de large à la gueule et 10 mètres au fond. La porte du château de
1306 était précédée d'une grande barbacane entourée de fossés; cette
barbacane était aussi large que le château lui-même. L porte était surmontée
d'une tour carrée fortifiée, avec un beffroi muni d'une cloche pour régler
la police intérieure et extérieure du fort. Leurs défenses principales
étaient portées au sommet crénelé, où l'on voit encore les traces des hourds
qui les couronnaient. Des meurtrières cruciformes à l'extérieur perçaient le
rez-de-chaussée des courtines et les étages des tours. La plupart de ces
meurtrières ont été déformées pour en faire, soit des fenêtres, soit des
embrasures pour des mousquets. Une cour carrée entourée d'appartements
occupait le milieu de l'enceinte; mais comme les tours n'avaient pas
d'escaliers particuliers, c'était par ces appartements qu'on entrait dans
leur rez-de-chaussée et dans leur premier étage, tandis qu'on pénétrait dans
le second par le chemin de ronde qui existait sur le sommet des courtines.
Les tours avaient donc, au dessus du rez-de-chaussée, deux étages qui
n'étaient séparés que par des planchers; un chemin de ronde crénelé
garnissait leur sommet. La prison, dans laquelle on entre par un orifice
carré percé au milieu de la voûte, se trouve sous le rez-de-chaussée de
celle de l'angle nord. Cette prison est voûtée en coupole et un peu plus
large que la tour. La tour octogone de l'angle occidental a été
métamorphosée en colombier, ainsi que le crénelage de celle de l'angle sud.
Les fenêtres des appartements devaient toutes donner sur la cour, car on
n'en voit pas dans les courtines qui sont encore debout, excepté de très
petites ouvertures dans la courtine du nord-est. Les cages des latrines,
fort nombreuses, sont en saillie sur la paroi extérieure de ces courtines ou
contre les tours, dans l'angle qu'elles forment avec les remparts. Il ne
reste de ces appartements que quelques fondations, permettant à peine de
tracer un plan de leurs anciennes dispositions. Outre la porte principale,
ouverte dans la courtine du sud-est, il existait une poterne dans la
courtine opposée. Une partie de ces eaux s'écoulaient aussi par la porte
principale et par des égouts qu'on retrouve dans le bas des courtines du
nord-est, où le sol du château est moins élevé que du côté opposé. La tour
qui protége la porte d'entrée est à peu près entière. Elle est carrée et se
compose, outre le couloir de la porte, de trois étages surmontés d'un chemin
de ronde crénelé. Après le tablier du pont-levis venait la herse, précédée
d'un assommoir desservi par des hommes postés derrière des créneaux. La
herse était suivie d'une porte dont les vantaux étaient maintenus par des
barres qui s'enfonçaient dans les murs latéraux. Après tout ce système de
défense qui existe dans le mur de façade, on se trouvait dans l'intérieur du
rez-de-chaussée, recouvert d'une voûte en berceau ogival. A droite et à
gauche de cette salle, des meurtrières, dont l'ouverture extérieure est
cruciforme et pattée, battaient en enfilade l'intérieur des fossés. A côté
des meurtrières s'ouvrent deux petites portes ogivales, qui permettaient aux
hommes de garde de passer sur les braies qui enveloppent la base du château.
Entre ces portes et les meurtrières existait une fermeture, une barrière
sans doute, dont l'existence est signalée par les rainures qui servaient à
assujétir les barres dans les parois.
Pour entrer dans la cour du château, il y avait une autre porte, consolidée
également par des barres. Les arcs, sur lesquels s'appuyaient les vantaux,
étaient ogivaux; ceux sous lesquels ils roulaient sont en cintre bombé. On
arrivait dans le second étage et sur le chemin de ronde, qui est au même
niveau, par le sommet des courtines, et on y entrait par une petite porte
ogivale en dehors et bombée en dedans. Là on trouve deux meurtrières, et du
côté de la cour une petite fenêtre trilobée. Le premier étage servait sans
doute d'arsenal; il n'est éclairé que par un soupirail à sections carrées
chanfreinées, très évasé en dedans, et placé au dessous de la fenêtre du
second étage. On descendait dans cette pièce par une trappe. Le chemin de
ronde est mâchicoulisé sur des consoles à trois assises; les angles coupés
reposent sur des culs-de-lampe. Les consoles étaient reliées par un arc
trilobé et supportaient un parapet n'existant plus. Plus tard, la meurtrière
a été transformée en cheminée, car toute la tour en était primitivement
dépourvue. On montait dans le troisième étage par une trappe au moyen d'une
échelle. Il n'était éclairé que par trois meurtrières: deux enfilent le
fossé, et la troisième est sur la façade. Une trappe s'ouvrait aussi dans le
plancher du chemin de ronde. Les solives du plancher du second étage
s'appuyaient sur des corbeaux en pierre, celles du troisième s'enfonçaient
dans les murs, et celles du chemin de ronde avaient pour appui les dalles de
ce même chemin, au niveau desquelles on voit les trous des solives des
hourds. Les créneaux étaient fermés par des volets, ce qui fait supposer que
la toiture aiguë s'appuyait sur le sommet du crénelage. Les créneaux en
occupaient les quatre faces. Tout le sommet des autres tours était aussi
crénelé; de sorte que les défenseurs pouvaient encore faire bien du mal à
des assaillants qui seraient parvenus à entrer dans la cour du château et
même à s'établir sur les courtines. Du sommet de cette belle tour, on
découvre un immense panorama. (1)
Éléments protégés MH : l'ensemble des ruines et le sous-sol sur lequel elles
sont implantées (lieu dit le Château) : inscription par arrêté du 16 mars
1988. (2)
château de Budos 33720 Budos, tél. 05 56 62 51 64, ouvert
au public, visites et dégustation du lundi au samedi de 8h à 12h et de14h à
19h dimanches et jours férié de 9h à 12h.
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