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Lorsque saint Gérard
fonda, à la fin du XIe siècle, l'abbaye de La Sauve-Majeure, le pays
d'Entre-deux-Mers, couvert en grande partie de forêts, était loin d'être
habité comme il le fut cent ans après. Cependant une forteresse existait
dans la paroisse de Camarsac, et le seigneur qui la possédait envoya, à
l'exemple d'une grande quantité de ses voisins, ses fils à saint Gérard pour
les élever. Le château d'alors, s'il occupait l'emplacement de la forteresse
actuelle, ne lui ressemblait certainement en aucune façon. Celui que l'on
voyait, il y a quelque temps, date des premières années du XIVe siècle. Une
tradition en attribue bien l'agrandissement au prince de Galles; mais s'il y
fit des restaurations, ce ne fut pas à celui du XIe siècle, mais à celui du
début du XIVe. Au commencement du XVe siècle, il appartenait à Brunet d'Aillan,
qui le vendit en 1407 à Monot de Canteloup, écuyer, seigneur de Carignan. A
cette époque, le château de Camarsac faillit être rasé. En effet lorsque
Jean de Neville gouvernait la Guienne comme lieutenant du roi d'Angleterre,
vers 1377, les Français, sous la conduite du duc d'Anjou et de Bertrand Du
Guesclin, s'emparèrent d'une grande quantité de forteresses où ils
laissèrent des garnisons: celle qu'ils avaient mise dans Camarsac ravageait
tout le pays d'Entre-deux-Mers, au milieu duquel s'élève le château, et
gênait beaucoup les Bordelais, qui en firent le siège à leurs dépens et le
prirent; puis, après mûre délibération et sur l'avis du lieutenant, le
démantelèrent. Il resta en ruine jusqu'au jour où il fut acheté par Monot de
Canteloup, qui, avec ses frères, entreprit, en 1408, d'en rétablir les
fortifications; mais "le lieutenant de maire de Bordeaux et les jurats
présentèrent requête au sénéchal de Guienne et aux seigneurs du Conseil
royal, et leur exposèrent que la restauration du château de Camarsac leur
paraissait préjudiciable au bien public, attendu que n'y ayant pas de quoi
subsister, et ledit lieu n'ayant aucune rente, il fallait que Monot et ses
frères pillassent le bled, le vin, la viande, l'avoine et le foin pour
subsister, et qu'ils battissent, comme ils faisaient, ceux qui ne voulaient
pas leur en donner, et que, par cette raison, ils le suppliaient de ne point
permettre ces réparations".
Le sénéchal n'ayant pas répondu à cette requête, les jurats délibérèrent de
poursuivre l'affaire par voie de plaidoirie, et, en attendant, de défendre
aux Canteloup de continuer lesdites réparations, et que s'ils n'obéissaient
pas, le peuple serait convoqué pour donner son avis relativement aux
circonstances. Monot de Canteloup, pour prévenir les suites de cette
délibération, présenta au sénéchal une requête dans laquelle il exposait que
lui et ses frères avaient toujours été fidèles sujets du roi d'Angleterre;
qu'ils n'avaient jamais volé ni pillé; que le bien de Camarsac leur
appartenait; qu'il y avait des terres, des vignes, des pâturages, des bois,
des rentes et autres revenus capables d'alimenter honnêtement le seigneur
qui demeurait dans ledit lieu avec sa famille; que quand il serait vrai
qu'il n'y eût aucun revenu, ils étaient assez riches d'ailleurs pour s'en
passer et soutenir honnêtement leur état sans faire tort à personne; qu'ils
promettaient non seulement de tenir ladite forteresse dans l'obéissance du
roi, mais encore de la garnir tellement de munitions de bouche 'et de
guerre, qu'elle n'aurait rien à craindre de l'ennemi; en conséquence, qu'il
le supplie de laisser subsister la permission qu'il a donnée de continuer
les réparations, étant de droit que chacun puisse réparer sa maison. Les
jurats ayant eu communication de cette requête, et imaginant, avec raison,
que si cette affaire se plaidait, les Canteloup auraient le temps, avant
qu'elle fût finie, d'achever les réparations qu'ils pressaient vivement, ils
allèrent en corps à Saint-André trouver le sénéchal pour requérir qu'avant
tout il fît surseoir auxdites réparations. Alors le sénéchal, de l'avis de
son Conseil, défendit aux Canteloup, sous peine de cinq cens marcs d'argent,
de continuer lesdites réparations, et envoya le prévôt de l'Ombrière, un
notaire et un sergent d'armes pour constater l'état où elles étaient, et les
jurats firent publier son ordonnance à son de trompe. Le roi d'Angleterre,
instruit de cette affaire, avait fait arrêter les travaux, avec défense au
seigneur de les continuer sous peine de confiscation, et permission aux
bourgeois de Bordeaux de renverser les réparations entreprises et remettre
le château dans l'état où il était lorsque Monot l'avait acheté. Celui-ci ne
se tint pas pour battu; il adressa une supplique au roi, et Henri IV, par
une lettre datée de Westminster le 23 novembre 1409, ordonna au sénéchal de
Guienne de surseoir à l'exécution des ordres qu'il avait donnés jusqu'à ce
qu'il en ait décidé autrement.
Catherine de Canteloup, fille de Raymond de Canteloup, nièce ou petite-fille
de Monot, épousa, vers 1450, Bertrand de Gères, et lui apporta en dot le
château et la terre de Camarsac. Jean II de Gèrese, petit-fils de Bertrand,
se distingua par son zèle pour le service du roi. Il fut chargé par Burie,
lieutenant de Sa Majesté en Guienne, de convoquer les habitants de
l'Entre-deux-Mers pour dissiper les assemblées de ceux de la nouvelle
religion, et enlever leurs armes. Une mission semblable lui fut donnée, en
1567, par le sire de Villars, grand amiral de France. Le 17 septembre 1618,
le duc de Mayenne, en faveur des services rendus par Jean III de Gères,
l'exempta de loger les gens de guerre dans le château de Camarsac. Le 15
juillet 1680, la maison noble de Camarsac fat réunie au domaine du roi;
l'ordonnance en fut signifiée le 23 août de la même année à Lancelot de
Gères, et le 28 du même mois d'août, Jean Du Buisson, fermier général du
domaine, en prit possession par procuration. Le 14 novembre 1685 parut une
ordonnance du bureau des trésoriers de la généralité de Guienne, par
laquelle Sa Majesté fut maintenue dans la directité de la maison noble de
Camarsac, contre M. de Gourgues, maître des requêtes, lequel, en qualité de
marquis de Vayres, prétendait en être seigneur suzerain. Cependant, messire
Armand-Jacques de Gourgues exigeait l'hommage de Lancelot de Gères; et comme
celui-ci le refusait, le marquis de Vayres fit opérer une saisie féodale sur
le château de Camarsac, le 5 janvier 1686. Mais l'arrêt précédent fut
confirmé le 27 mars suivant, et Lancelot de Gères reçu à jouir par main
souveraine de la maison noble de Camarsac. D'ailleurs, dans une supplique de
François de Gères, fils de Lancelot, en date de janvier 1737, il est dit que
le roi est en possession immémoriale de la suzeraineté de la maison noble de
Camarsac, appartenances et dépendances. Le suppliant et ses auteurs
déclarent, de leur côté, être en possession immémoriale de ladite maison
noble, relevant à foi et hommage du roi, et précédemment du roi d'Angleterre
et du duc de Guienne. Cette possession immémoriale est attestée par des
hommages, dénombrements, saisies féodales; par un arrêt du Parlement de
Toulouse, par des ordonnances et jugements du bureau des trésoriers de la
généralité de Guienne, sentences de réunion au domaine, et autres pièces,
depuis la fin du XVe siècle, ce qui suppose une possession antérieure. Le
château de Camarsac appartenait à la fin du XIXe siècle à M. Auguste de
Gères-Camarsac.
Le château de Camarsac est situé au milieu de l'Entre-deux-Mers,sur un
promontoire qui s'avance dans la vallée du Gestas, gros ruisseau dont
l'embouchure est à Vayres et la source près de La Sauve-Majeure. Le coteau
qui lui sert d'assiette a des pentes peu rapides; mais lorsqu'on a construit
la forteresse, on a conservé au sommet du promontoire un emplacement carré,
séparé du plateau par une coupure AB, et taillé à pic des trois autres
côtés. Au milieu de cette plate-forme, on a construit une grosse tour
carrée, hors-d'œuvre, renforcée, sur trois de ses angles, par de gros
contreforts, et sur le quatrième, par une tourelle octogone engagée,
renfermant un escalier à vis. A partir du premier étage, trois tourelles,
une octogone et les deux autres rondes, s'élèvent sur les contreforts. Si
l'on en croit la description donnée parle Compte-Rendude la Commission des
Monuments historiques de la Gironde, année 1855, des amorces, près de la
porte d'entrée, prouveraient qu'il y a eu un pont-levis, et par conséquent
un fossé enveloppant cette tour. L’archère en croix pattée du château de
Camarsac, caractéristique du Sud-Ouest de la France, présente des extrémités
dotées d’étriers triangulaires. Les parties agricoles sont organisées autour
d'une cour carrée. Le pigeonnier rond est couvert d'une coupole avec dôme
rond et possédant un vaisseau. Restauré au commencement du XVe siècle, par
Monot de Canteloup. Plus tard, à la fin du XVIIIe siècle, messire Pierre de
Gères a ajouté un grand corps de logis, appuyé contre la façade méridionale,
qu'il dépasse à droite et à gauche. Vers 1858, M. Auguste de Gères Camarsac
a fait de grandes réparations, qui ont donné au château un grand aspect
décoratif, et en font une des plus belles résidences du Sud-Ouest de la
France. (1)
château de Camarsac 33750 Camarsac, tel. 06 35 46
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