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Dans ses Annales d'Aquitaine, Jean Bouchet s'exprime ainsi: "Il est bien
vray qu'il y eut un duc Aymon qui eut quatre fils, l'un desquels estoit
appelé Reynaud de Montauban, et s'en alla ledit Reynaud en Gascongne, où le
roy (Charlemagne) lui donna un chasteau appelé Montauban". Jean Bouchet est
ici un peu trop crédule et se rappelait probablement le roman des Quatre
fils Aymon, dont la seconde partie se passe en Gascogne. Ces quatre preux,
en se rendant en Espagne, s'arrêtent, dit la chanson de Geste, chez le roi
de Gascogne Yon, qui les retient, leur donne une terre sur les bords de la
Dordogne, ou ils bâtissent un château qu'ils appellent Montauban. Bientôt
une ville se forme à l'ombre de ses tours; les habitants, au nombre de huit
cents familles, reconnaissent les quatre frères pour leurs seigneurs.
Charlemagne, en revenant de Saint-Jacques de Compostelle, avise la nouvelle
forteresse, et apprend qu'elle sert de refuge à ses mortels ennemis; il veut
exiger d'Yon qu'ils lui soient livrés; le roi de Bordeaux refuse;
Charlemagne, à la tête de ses douze pairs, assiège le château, etc. Cela
prouve qu'à l'époque où a été composé la dernière partie du roman, à la fin
du XIIIe siècle probablement, le château de Cubzac était une forteresse très
importante. Ce qu'il y a de positif, c'est que l'immense emplacement qu'il
occupe a d'abord servi d'oppidum antérieurement à l'époque romaine. Cet
emplacement était un lieu trop bien fortifié par la nature pour qu'on
n'admette pas, avec toutes les réserves possibles, que les Mérovingiens
l'ont habité; les ruines qui restent démontrent qu'au XIIIe siècle c'était
une forteresse très importante. A cette époque seulement, nous pouvons
abandonner les légendes, les romans, les traditions, les probabilités, pour
entrer dans le domaine de l'histoire.
En 1206, en effet, "le roi d'Angleterre Jean réunit une armée nombreuse à
Portsmouth, dans la semaine de la Pentecôte, et s'étant embarqué le septième
jour avant les calendes de juillet, il aborda à La Rochelle le septième jour
avant les ides de juillet. A cette nouvelle, les habitants de ce pays se
réjouirent, et se rendirent avec empressement auprès du roi et lui firent de
grandes promesses d'aide et de secours. Le roi s'avança alors avec plus de
confiance, et soumit à ses lois une grande partie de cette contrée; enfin,
il parut devant Montauban, château très fort ou s'étaient enfermés tous les
nobles et chevaliers du pays, et surtout beaucoup de seigneurs du royaume
ennemi. Le roi Jean se disposa aussitôt à en faire le siége. Pendant quinze
jours, ses pierriers, ses balistes, ses machines battirent les murs en
brèche. Les chevaliers anglais montent à l'assaut, et le château si bien
fortifié de Montauban fut pris, lui dont jadis Charlemagne n'avait pu
s'emparer après un siège de sept ans Ce château fut pris le jour de
Saint-Pierre dit aux Liens". Dans le milieu du même siècle, en 1252, le
château des Quatre Fils Aymon fut encore témoin d'un fait mémorable. Les
Gascons s'étant révoltés contre la tyrannie de leur gouverneur Simon de
Montfort, comte de Leycester, celui-ci, d'abord encouragé par le roi
d'Angleterre, mit le pays à feu et à sang. Les Gascons se décidèrent alors à
envoyer à Londres des députés pour exposer leurs griefs. Le roi leur annonça
qu'il avait concédé la Gascogne à Édouard, son fils aîné. Ils accueillirent
cette nouvelle avec joie, prêtèrent serment de fidélité à leur nouveau
seigneur, et regagnèrent leur pays.
Pendant ce temps, Simon, entouré d'une armée nombreuse, était préparé à les
bien recevoir. Ils rassemblèrent néanmoins les ennemis du comte, et se
trouvant asse nombreux pour l'attaquer, ils marchèrent à sa rencontre. Après
plusieurs combats, ou suivant Mathieu Paris, la chance lui fut favorable, il
se réfugia à la hâte dans le château de Montauban; là, manquant de vivres et
d'une garnison suffisante, il fut obligé de rendre les prisonniers qu'il
avait faits dans les combats précédents. Depuis lors, jusqu'au XIVe siècle,
le château des Quatre Fils Aymon reste dans l'oubli. En 1316, il se trouve
sur la liste des domaines du duc d'Albret occupés par les Anglais. Cette
date cependant est donnée comme douteuse dans les Archives historiques de la
Gironde. Quoi qu'il en soit, Cubzac et son port furent concédés, le 1er juin
1341, par le roi d'Angleterre à Bérard d'Albret, qui, le 7 octobre de la
même année, en rendit hommage. Quarante ans après, le 10 juillet 1344, la
châtellenie de Cubzac et le droit de passage avaient été donnés à Pierre de
La Mote. Le 28 juin 1384-85, le château de Cubzac et le domaine de Cubzaguès
furent concédés à Nicholas Arches par Richard II. En 1399, Henri IV donna le
château à Jean de Grailly, fils aîné d'Archambauld de Grailly. La
châtellenie de Cubzac, avec le droit de passage du port du même lieu, furent
cédés en 1409 à Hugon Brouart, écuyer. Celui-ci en obtient deux nouvelles
donations: une en 1411, et une autre en 1415. Vers le milieu du XVe siècle,
le château et le domaine de Cubzac furent donnés à Jean de Foix, pour prix
de ses services. Le droit de passage de la Dordogne, qui était une source de
revenus considérables, appartenait ordinairement, sauf de rares exceptions,
au seigneur de la localité. Depuis longtemps le château des Quatre Fils
Aymon n'a plus d'importance, même comme forteresse; il était déjà ruiné au
commencement du XVIe siècle, et ce que nous connaissons de son histoire
commence et finit réellement avec le XIIIe siècle. (1)
Éléments protégés MH : les ruines du château des Quatre-Fils-Aymon :
inscription par arrêté du 31 août 1938. (2)
château des
Quatre Fils Aymon 33240 Cubzac-les-Ponts, accès libre toute l'année,
vestiges.
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