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Après la bataille de Taillebourg, Henri III, roi
d'Angleterre, fuyant devant saint Louis, se retira à Bordeaux où le roi de
France et son armée, arrêtés par une maladie contagieuse, ne purent le
poursuivre. Henri resta quelque temps à Bordeaux et dans les environs pour
refaire son armée et réveiller l'enthousiasme quelque peu refroidi des
Gascons. Pendant qu'il était à Bordeaux, il fit, le 28 août 1242, un traité
d'alliance avec Raimond, comte de Toulouse. Les premiers barons de
l'Aquitaine jurèrent d'observer ce traité. Parmi eux se trouvait un
Guillaume de Fargues. C'est jusqu'à présent le plus ancien seigneur connu de
cette localité. Il ne possédait pas cette seigneurie en totalité, puisque,
le 25 septembre et le 12 novembre de la même année, le roi d'Angleterre
donna rendez-vous aux seigneurs de Fargues dans la ville de Sainte-Bazeille.
On trouve dans les actes de la même époque un Gaillard de Fargues,
damoiseau, qui paraît avoir été frère de Guillaume. Au commencement de
novembre 1256, Gaillard et Guillaume de Fargues, et d'autres grands
seigneurs de Gascogne, se portèrent garants du serment de fidélité que
Gaillard de Solers avait fait au roi d'Angleterre. Gaillard de Fargues
s'engagea de nouveau, en 1262, à maintenir un traité passé entre le roi
d'Angleterre et Garcias-Arnaud de Navailles. Gaillard, qui était en 1277
seigneur d'Arbanats et de Portets, devait, en 1286, faire hommage pour
certaines terres et dîmes à l'archevêque de Bordeaux, au nom de sa femme
Marquèze; il fit aussi hommage au sénéchal d'Agenais pour certaines terres
qu'il possédait dans cette sénéchaussée. En 1294, il reçut du roi
d'Angleterre une lettre semblable à celle qui fut écrite à Arnaud de
Blanquefort. Guillaume et Gaillard de Fargues ne furent pas les seuls
personnages de ce nom connus au XIIIe siècle; on trouve encore un Assant de
Fargues, qui le 19 mars 1274, avoua tenir du roi d'Angleterre ce qu'il
possédait dans les paroisses de Sauternes, de Bommes et de Pujols, et
reconnut qu'il devait le suivre à la guerre.
Vers le milieu du XIIIe siècle, une sœur de Clément V épousa Guillaume de
Fargues, qui eut, entre autres enfants, Raymond-Guillaume de Fargues créé
cardinal par le pape en 1310. Raymond-Guillaume succéda à son père, au moins
pour une portion, dans la seigneurie de Fargues; et désirant avoir une
habitation à lui, à l'exemple de son oncle et de ses cousins, il fit bâtir,
en 1306, à côté du vieux manoir qu'avaient habité ses ancêtres, une nouvelle
demeure qu'on appela, par comparaison, castet Neu. Le cardinal de Fargues
dut avoir un frère portant le même nom que lui. C'est du moins ce que
paraissent prouver les Actes de Rymer; car nous y voyons que, dès le 14
février 1312, Édouard II écrit une lettre semblable à ces deux personnages:
le premier est qualifié cardinal de Sainte-Marie la Neuve, et l'autre est
appelé seigneur Guillaume-Raymond de Fargues. En outre, dans ces mêmes Actes
de Rymer, le cardinal ne porte que le prénom Raymond, et l'autre qui était
aussi neveu de Clément V, porte deux prénoms, Guillaume-Raymond. Ceci donne
à penser que le château vieux fut habité par ce dernier, qui était le vrai
seigneur de Fargues. Le cardinal suivit presque toujours le pape, fut très
souvent en voyage, et possédait des domaines considérables en Angleterre,
ainsi que le prouvent encore ces mêmes Actes de Rymer, où nous voyons aussi
que cette seigneurie était divisée, probablement entre les frères, puisque,
le 17 juillet 1315, le roi Édouard II écrivit, non au seigneur, mais aux
seigneurs de Fargues. Le cardinal de Fargues mourut le 5 octobre 1346. Le
1er juin 1342, Édouard III fit payer à Raymond de Fargues les gages qu'il
lui devait pour lui et pour les hommes qu'il avait fournis. En 1340, un
Amanieu de Fargues était doyen de Saint-André de Bordeaux. Un autre Amanieu
de Fargues avait eu une fille dont Auger de La Mote, chevalier, était
tuteur. A partir de 1352, le seigneur de Fargues ne prend plus que le prénom
de Raymond; il est assez probable que Guillaume-Raymond n'avait pas tardé à
rejoindre dans la tombe son frère le cardinal, et que son fils lui avait
succédé.
Le 9 juillet 1363, il vint faire hommage au prince de Galles dans la
cathédrale de Saint-André de Bordeaux; il se trouve aussi parmi les députés
que la ville de La Réole envoya pour la même cérémonie. Nous trouvons, dans
la même année, un Bertrand de Fargues, seigneur de Mauvesin, qui se rendit
le 4 août à Sainte-Foy pour faire hommage au même prince. Il était déjà
seigneur de Mauvesin en 1359. La famille des Fargues du Bazadais s'éteignit
dans la personne de Raymond, ou bien le roi d'Angleterre lui confisqua son
château, qu'il donna, le le, octobre 1380, à Pierre de La Mote. Cette
seigneurie était, le 14 juin 1435, au pouvoir de Gaston de Faix, comte de
Longueville et de Bénauges, captal de Buch, qui la donna en dot, avec les
deux châteaux, le vieux et le neuf, à Jeannette, sa fille naturelle, qui
épousait Jeannot de Montferrand, fils de François de Montferrand, seigneur
d'Uza. Il paraît qu'alors cette seigneurie était encore divisée, car Charles
d'Albret, dans l'hommage qu'il fit, en 1470, à Charles, duc de Guienne, de
tout ce qu'il tenait dans la sénéchaussée de Bazadais, se qualifie seigneur,
pour un tiers, de Fargues. Pierre de Lur ayant épousé, par contrat passé au
château de Ribérac le 21 août 1472, Isabelle de Montferrand, vicomtesse d'Uza,
dame de Fargues et autres lieux, devint seigneur de Fargues. Depuis cette
époque, cette seigneurie n'est pas sortie des mains de la famille de
Lur-Saluces, et Fargues appartenait encore à la fin du XIXe siècle à M.
Romain Bertrand, marquis de Lur-Saluces, descendant en ligne directe de
Pierre de Lur et d'Isabelle de Montferrand. Comme on le voit, l'histoire de
Fargues se réduit à la succession de ses seigneurs. Aucun fait intéressant
ne paraît s'y rattacher. On raconte cependant que, pendant les guerres de
religion et pendant celles de la Fronde, la ville de Langon ayant été
assiégée, les habitants apeurés se retirèrent dans le château de Fargues et
dans l'abbaye du Rivet. On raconte aussi que le château de Fargues devint la
proie des flammes par l'imprudence d'un domestique, pendant la nuit du 24 au
25 mai 1687. Il était depuis cette époque inhabitable, et n'eut par
conséquent rien à souffrir des vandales de 1793. Cependant, vers 1750, deux
prêtres, l'un nommé Minvielle et l'autre Dutasta, qui desservaient l'église
paroissiale, logeaient dans le château de Fargues et occupaient des chambres
dont le feu avait sans doute respecté la couverture. A cette époque, la
juridiction de la baronnie de Fargues ne s'étendait que sur cette paroisse.
Nous avons vu que les anciens titres signalent, dans la paroisse de Fargues,
deux châteaux de ce nom, le vieux et le nouveau; nous avons vu également
que, après la construction du nouveau, le vieux ne fut pas abandonné
puisqu'il subsistait encore au milieu du XVe siècle. Le "nouveau château"
est une masse à peu près carrée, dont trois angles sont flanqués de
tourelles octogones, et le quatrième d'une grosse tour carrée, qui devait
servir de donjon. Des fossés, dont il ne reste plus qu'une portion au
sud-ouest, protégeaient trois côtés de ce carré. Une terrasse, au niveau du
fond de ces fossés, existe encore devant le quatrième côté, celui du
nord-est; elle sépare le château d'une vaste basse-cour, entourée elle-même
de courtines crénelées, contre lesquelles s'appuient les bâtiments
d'exploitation. Une tour ronde à l'angle oriental, à l'angle nord une petite
chapelle carrée, et au milieu de la courtine qui les relie une porte
surmontée d'une tour carrée à un étage, sont les seuls ornements de cette
basse-cour. De hautes terrasses, qui cachent la base des murs sud-est et
sud-ouest du château jusqu'à la hauteur du premier étage, relient entre eux
des bastions carrés placés en face des tourelles. Un de ces bastions, celui
du sud, servait de chapelle. Les murs de la basse-cour, les bastions et les
hautes terrasses, sont d'une époque bien plus récente que le corps du
château, bâti par le cardinal Raymond de Fargues au commencement du XIVe
siècle. La porte de la basse-cour est en plein-cintre, accostée de deux
pilastres à bossages, et surmontée d'une fenêtre cruciforme ouverte sous un
fronton brisé et éclairant le premier étage où se rendait la justice, et
que, pour cela, on appelle l'Audience. La tour ronde est percée de
meurtrières pour armes à feu. L'ouverture de la petite chapelle carrée de
l'angle nord fait face à une belle allée d'ormes qui, de l'église de
Fargues, se dirige en ligne droite vers le château. Elle est maintenant
abandonnée. On y voit cependant encore un autel privé, depuis longtemps, de
sa pierre sacrée. Le bastion de l'est servait de prison. Dans le donjon, un
escalier à vis dessert les étages qui sont dotés de latrines et de
cheminées. Un puits est creusé à gauche de l’entrée. À l’intérieur de
l’édifice sont disposées des salles qui servent probablement de magasins.
Ces ruines témoignent de l'un des plus beaux exemples d'architecture
militaire de la fin du Moyen-Age. (1)
Éléments protégés MH : les vestiges du logis, les communs, l'allée de pins
et le nymphée du château : inscription par arrêté du 11 décembre 2007. (2)
château de Fargues 33210 Fargues, tel. 05 57 98 04 20, propriété
viticole.
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