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Les origines de l'histoire de La Brède sont
aussi obscures que celles de la plupart des châteaux de la Guienne, et celle
de ses plus anciens seigneurs, qui portaient le nom de La Lande, commence
par une fable. En 1079, la ville de Bordeaux était assiégée par les
Navarrois. Comme le siège traînait en longueur, que les vivres manquaient
dans les deux camps, qu'aucun des deux partis n'était disposé à céder, et
que tous les deux désiraient la fin de la guerre, ils convinrent de remettre
leurs intérêts à deux champions. Si celui des Navarrois était vaincu,
ceux-ci lèveraient le siége; si, au contraire, il était vainqueur, la ville
de Bordeaux se rendrait à eux. Le champion des Navarrois était un homme
d'une force prodigieuse et d'une taille gigantesque. Le seigneur de La Lande
se présenta pour le combattre, et le vainquit. En conséquence de cette
prouesse, renouvelée des Hébreux et des Romains, la ville de Bordeaux
accorda plusieurs privilèges à la maison de La Lande, entre autres le droit
de porter sa bannière et la franchise de l'hôtel qu'elle possédait dans la
rue Neuve. Le 13 février 1229, Henri III, roi d'Angleterre, prit sous sa
protection Arnaud (Arnulphus) de La Lande et plusieurs autres citoyens de
Bordeaux, qui, lors des troubles survenus dans la ville, avaient aidé de
tout leur pouvoir Henri de Trubleville, sénéchal de Gascogne. Un Gaillard de
La Lande, seigneur d'Artas et Cassac, fonda en 1264 le couvent des Carmes de
la ville de Bordeaux et demanda à y être enseveli. Ce Gaillard de La Lande,
qui était aussi seigneur de La Brède, ayant en 1283, commis un meurtre dans
Bordeaux, Guillaume Émari, habitant de cette ville, lieutenant du sénéchal,
fit saisir son château. Dans le temps qu'il était sous la main du roi, le
prévôt de l'Isle y vint à main armée, mit tout à feu et à sang, et fit pour
plus de deux mille livres de dommages. Le roi écrivit à l'abbé de
Saint-Maurin et à maître Bonnet de Saint-Quentin de prendre connaissance de
cette affaire, et de rendre bonne et brève justice, avec ordre au sénéchal
de Gascogne et à tous ceux qu'il requerrait de leur prêter main-forte.
Gaillard ne tarda pas à rentrer dans les bonnes grâces du roi d'Angleterre,
qui lui écrivit, le 12 juillet 1294, pour le remercier des bons services
qu'il lui avait rendus dans la guerre contre le roi de France, et pour
l'engager à continuer à lui être fidèle. Il est assez probable que le
château avait été ruiné par le prévôt de l'Isle, et que Gaillard fut obligé
de rebâtir sa forteresse; on trouve, en effet, dans la Chronique bordelaise,
que le château de La Brède fut bâti en 1306, sous le pontificat de Clément
V, pendant lequel on vit s'élever en Bordelais tant de belles constructions.
Gaillard de La Lande fit son testament le 5 avril 1313. Arnaud, son fils,
qui était seigneur de La Brède en 1324, reçut le 23 septembre de cette
année, une lettre du roi d'Angleterre semblable à celle qui était écrite le
même jour par le même monarque au seigneur de Langoiran. Il reçut également
trois autres lettres, qui avaient pour but de le louer de sa fidélité et de
lui demander la continuation de ses bons services: une d'Édouard II, le 18
mars 1325, et les deux autres d'Édouard III, le 10 mars 1328 et le 22 avril
1330. Arnaud, qui, comme ses ancêtres, était seigneur des villages d'Artras
et Cassac dans la paroisse de Grayan en Médoc, s'était pourvu auprès du roi
d'Angleterre à cause de certains démêlés qu'il avait avec ses tenanciers, à
propos du droit de justice de ces deux localités. Ce droit était onéreux
pour ceux de ses serfs ou tenanciers qui avaient l'humeur batailleuse; ils
devaient payer, pour une blessure qu'ils faisaient, la somme de 65 sols
bordelais. Un acte du 21 février 1308, dans lequel on voit que les habitants
de ces deux villages "qui du despuis (dit un autre acte du 5 août 1640) les
sables de la grand mer on couvert et perdeus", étaient obligés, en outre des
redevances pour le droit de pacage dues au seigneur, de donner, une fois par
an, le pain aux chiens du seigneur de Lesparre. Cet acte eut pour témoins:
Raimond Bion; Gaillard de Grézillac, damoiseau; Ayquem de La Caze; Arnaud
Ayquem Carpantier; Bernard de Segrat, damoiseau; Gombaud, damoiseau; Arnaud
de Donyssan et Pierre de Bideran, clerc.
On voit, dans un contrat de Fan 1330, que depuis quelque temps déjà Arnaud
de La Lande portait la bannière d'une compagnie commandée par le maire de
Bordeaux. Il était encore seigneur de La Brède en 1336. Son fils Jean fit
hommage au prince de Galles, dans la cathédrale de Bordeaux, le 9 juillet
1363. Lorsque ce même prince partit pour l'Angleterre en 1373, il lui jura
fidélité en compagnie d'autres grands barons de la Guienne. Jean de La
Lande, voulant se mettre en voyage, fit, le 28 octobre 1375, son testament,
dans lequel, après avoir fait quelques legs, il nomma héritier universel son
fils aîné Jean, qui le 9 août 1416, reçut une lettre d'Henri V, roi
d'Angleterre, qui lui recommandait de lui être toujours fidèle, et lui
annonçait en ces termes une victoire navale: "Et en droit des novelles de
mesme nostre voiage (loez en soit Dieux) fumes bien et sauvement arrivez en
les parties de France. Et un poy avant que nos prismes notre dit viage, nous
enformez que grande force de vesselx arraiez en manere, de guerre, furent en
la mer, pur nous faire le grief q'ils pooient; si envoiasmes certains noz
gens par devers, des queux feurent prinses quatre grandz carrakes, et
mistrent les autres à la fuyte. Et ce vous signifions à votre consolation.
Très chier et bien ame foial, Nostre Seigneur vous ait en garde". Jean de La
Lande avait épousé, le 26 janvier 1426, Jeanne de Foix, fille de Gaston de
Foix, captal de Buch. Sa fille unique, nommée Catherine, qui, vers 1 450,
avait épousé Gaston de l'Isle, seigneur de l'Isle et de La Rivière, hérita
de la seigneurie de La Brède, qui passa de cette façon dans la maison de
l'Isle. Le samedi 12 juin 1451, Pierre Berland, archevêque de Bordeaux;
Bertrand de Montferrand; Gaillard de Durfort, seigneur de Duras; Gadifer
Schartoise, maire de Bordeaux; Bernard Angevin, seigneur de Rauzan et de
Pujols; Guillaume Andron, seigneur de Lansac; Pierre du Boscat, signèrent le
traité passé avec Dunois pour la reddition de Bordeaux au roi de France.
Jean de La Lande, comme presque tous les seigneurs gascons, se rangea sous
la bannière de Talbot lorsqu'il débarqua en Médoc en 1452, et fut, comme
presque tous ses pairs, obligé de s'exiler après la bataille de Castillon;
mais Louis XI, par lettres patentes datées de Saint-Jean-de-Luz, le 30 avril
1463, lui accorda sa grâce, et lui rendit ses seigneuries, qui avaient été
données à Louis de Beaumont, chevalier, seigneur du Plessis, de La Mothe et
la Fourest, conseiller et chambellan du roi, sénéchal de Saintonge.
Jean de La Lande était mort en 1491, puisque, dans un titre du 15 avril de
cette année, sa fille Catherine se qualifiait dame de La Lande et de La
Brède. Cette seigneurie resta dans la famille de l'Isle jusqu'à la fin du
XVIe siècle. Le 9 novembre 1577, Françoise de l'Isle, troisième fille d'un
Gaston de l'Isle et de Bonaventure de Lur, fille de messire Pierre de Lur et
de Nicole de l'Isle, vicomte et vicomtesse d'Uza, épousa Jean de Penel,
écuyer, seigneur de Bano et de Coutures, et lui apporta en dot la terre de
La Brède. Les Penel durent prendre, pendant les troubles de la Fronde, le
parti du Parlement, puisque, si l'on en croit l'abbé O'Reilly dans son
Histoire de Bordeaux, le due d'Épernon vint attaquer La Brède en 1649.
Pierre de Penel, petit-fils de Françoise de l'Isle, n'eut de son mariage
avec Marie de Lasserre, qu'une fille, Marie-Françoise de Penel, qui épousa,
le 25 septembre 1686, messire Jacques de Secondat de Montesquieu. Leur fils,
Charles-Louis de Secondât de Montesquieu, né au château de La Brède le 18
janvier 1689, et mort à Paris le 10 février 1755, fut un des plus grands
génies dont s'honore la France. Montesquieu avait épousé Jeanne de Lartigue,
dont il eut trois enfants, un fils et deux filles. La seconde,
Marie-Josèphe-Denise, épousa, le 4 mars 1745, son cousin messire Godefroy de
Secondat, baron de Montignac et de Montesquieu, seigneur de Camon. Leur
arrière petit-fils, M. Charles de Secondat Montesquieu, était au milieu du
XIXe siècle propriétaire du château de La Brède.
Par la forme seule de l'ensemble de son plan, on peut assurer que le château
de La Brède est une des plus anciennes forteresses de la Gironde. Des eaux
abondantes qui sortent de terre, à 500 mètres environ à l'ouest, au lieu de
La Sesque, et une position intermédiaire entre les sables des Landes et les
terres fertiles, durent attirer l'attention des premiers habitants de la
contrée. Plus tard, à une époque dont l'histoire n'a pas conservé le
souvenir, on creusa de larges et profonds fossés circulaires dans le rocher
qui se rencontre en couches compactes à une petite profondeur; on rejeta la
terre et les pierres en dedans, et, sur cette motte, s'éleva la première
forteresse de La Brède. En même temps, plus tard peut-être, on enveloppa
aussi de fossés se reliant aux premiers, une vaste cour carrée. Ce vaste
ensemble fut enfin enveloppé d'un troisième fossé elliptique qui dut se
relier par quelque point au premier, pour donner passage à l'eau qui devait
le remplir. Le château date du XIIIe siècle et a subi plusieurs
reconstructions et modifications jusqu'au XIXe siècle. L'édifice présente un
plan polygonal à 17 côtés dont l'un, à l'ouest, est flanqué d'une grosse
tour. Suite à la destruction de la courtine, l'accès à la cour se fait en
franchissant trois ponts dormants ayant remplacé les anciens ponts-levis. A
l'intérieur, à l'étage les pièces se répartissent autour de la bibliothèque
de Montesquieu, seule partie restant du château reconstruit en 1306. De
l'autre côté de la bibliothèque, à l'ouest, se trouvent les appartements de
la fin du XIXe siècle, réalisés par Abadie. Un vaste domaine forestier
sillonné de canaux entoure le château. (1)
Éléments protégés MH : les façades et les toitures, la chambre de
Montesquieu, le salon, la bibliothèque, le châtelet, les douves, la partie
du parc comprenant les trois prairies qui entourent le château ainsi qu'une zone
boisée : classement par arrêté du 7 mai 2008. (2)
château de la Brède, avenue du château, 33650 La Brède, ouvert au public,
tél. 05 56 78 47 72, heures d'ouverture voir le site
http://www.chateaulabrede.com
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