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Le château Margaux est attesté dès le
XIIe siècle, époque à laquelle il porte le nom de château La Mothe. Il
appartient alors aux seigneurs d'Albret puis passe aux mains de la famille
de Montferrand. Les références relayées par les ouvrages du XIXe siècle sont
souvent contradictoires. Selon les recherches menées par Caroline Le Mao, la
seigneurie passe par mariage à Jean de Durfort, seigneur de Duras,
Blanquefort et Villandraut. "C'était au XIVe siècle, un château fort, qui
paraît avoir été la propriété des ducs d'Aquitaine. Au XVe siècle, il était
à la famille de Montferrant et relevait de la châtellenie de Blanquefort; en
1447, messire François De Montferrant, premier baron de la Guyenne, était
seigneur de "La Motte Margaux". Après la conquête française, Montferrant fut
exilé et le château de Margaux fut donné à noble homme Thomas de Durfort,
qui le garda une trentaine d´années et le vendit, le 25 mars 1480, à Jehan
Gimel, citoyen de Bordeaux. Dix ans après, Jehan Gimel était mort, et à la
convocation faite au château de Puy-Paulin, en 1491, figura le sieur Lamotte
de Margaux, "qui estait mineur" et probablement son fils; il fut dispensé de
fournir un archier. Un écrivain œnologue a représenté le château de cette
époque comme un donjon superbe, entouré d'épaisses murailles, flanqué de
courtines, de tours et de contreforts, isolé du terre-plein par un fossé de
25 à 30 mètres de large, communiquant par de vastes canaux à la Gironde et
ayant résisté à des sièges et à des assauts réitérés... L'imagination a joué
un grand rôle dans cette description fantaisiste.
L'histoire est muette sur ces assauts et ces fortifications, et la
description la plus ancienne du château Margaux dit que c'était "un bâtiment
à double corps de logis, élevé de deux étages, ayant deux pavillons aux
angles et entouré de fossés en bon état". Dans le XVIe siècle ce château
était à la famille d'Aulède, et quelques-uns de ses membres sont qualifiés
"barons de Margaux". L'un d'eux s'allia à la famille de Lestonnat et ajouta
ce nom au sien. Pierre d'Aulède de Lestonnat fut baron de Margaux dans la
première moitié du XVIIe siècle et testa en 1653. son fils, Jean-Denis d'Aulède
de Lestonnat devint, par sa mort, baron de Margaux et se maria, en 1654, à
la demoiselle Thérèze de Pontac, dame de Haut-Brion, alliant du même coup
l'un des premiers crûs du Médoc, avec le premier crû des Graves. M. d'Aulède
fut un homme remarquable; il était chevalier, baron de Margaux, seigneur de
Haut-Brion et du Cros dans Loupiac, conseiller du roi et président à
mortier: en 1672, il fut nommé premier président du Parlement de Guyenne et
prêta son serment le 30 juillet, devant toutes les chambres assemblées. Ce
fût là (La Réole) que le premier président, qui avait deux filles, maria
l'une d'elles, Catherine d'Aulède, à François-Joseph, comte de Fumel; le
mariage eut lieu le 2 août; la jeune épouse reçut une dot de cent mille
livres. Six ans après son mari fut assassiné à La Réole et la laissa veuve
avec quatre enfants.
M. Denis d'Aulède de Lestonnat mourut en 1694, et sa fille Catherine devint
dame de Margaux; puis Louis de Fumel, son fils aîné devint, comme héritier
de sa mère, baron de Margaux, seigneur de Haut-Brion et autres lieux. Ce
seigneur habita souvent son château de Margaux, testa à celui de Haut-Brion,
le 21 septembre 1749 et mourut le 10 décembre. Il laissa trois fils: Louis,
qui mourut garçon, à trente ans; Félix de Fumel, qui fut évêque, et Joseph
de Fumel, le plus illustre des seigneurs de Haut-Brion et de Margaux. Il se
maria, en 1748, avec une demoiselle de Conty, dont le père était seigneur d'Argicourt,
en Picardie. Il en eut une fille, nommée Marie-Louise-Elisabeth de Fumel,
qu'il maria avec le chevalier du Barry, dit comte d'Argicourt, de la famille
de sa mère et qui était capitaine des Suisses du comte d'Artois. Il est
probable que château Margaux fut donné en dot à sa femme, car il en
jouissait du vivant de son beau-père, M. de Fumel. On attribue à d'Argicourt
la restauration du château, dont il laissa cependant les servitudes en assez
mauvais état. Outre son domaine, M. d'Argicourt avait droit de haute,
moyenne et basse justice sur toute l'étendue de sa paroisse et il conserva
ce droit jusqu'à la Révolution; puis lorsque celle-ci devint menaçante, il
abandonna Élisabeth sa femme, la seigneurie de Margaux, sa place de colonel
de cavalerie et partit pour l'étranger.
Pendant la Terreur, M. Joseph de Fumel fut arrêté. Son domaine de Margaux
fut saisi par l'État et affermé par cinq maisons anglaises, moyennant 24000
francs par année, à la charge par elles de pour voir à tous les frais.
Enfin, M. d'Argicourt ne rentrant pas, les agents du domaine le mirent en
vente, et le 6 prairial an IV, les experts Bichon et Lalande, assisté du
citoyen Leydet, procureur de la commune et de la citoyenne Laure Fumel,
adjudicataire, allèrent estimer le domaine et le château. Ils firent de leur
expertise un procès-verbal où le château est appelé la Maison du
cultivateur; il y est parlé de ses fossés, de ses pavillons, mais non des
pièces intérieures: il y est dit que les servitudes sont en mauvais état et
que les chais et cuviers "ont besoin des plus grandes réparations". Dans ce
cuvier étaient des pressoirs, 23 cuves, 20 douils et 11 gargouilles;
ailleurs, dans les parcs et les granges, étaient de beaux immeubles par
destination, parmi lesquels 14 bœufs et 8 charrettes. Le domaine s'étendait
sur les communes de Margaux, Cantenac, Labarde, Arsac et Soussans; il y
avait un jardin, un parc de tilleuls, un lavoir, un vivier, un moulin à
vent, un île sur la Gironde et des prairies, terres, vignes, bois et landes.
Le tout fut estimé un million, quarante-huit mille huit cent treize francs,
et le 16 Prairial suivant, la citoyenne Laure Fumel l'acheta pour cette
somme, sans qu'il y ait eu adjudication. La nouvelle propriétaire du château
Margaux, Made moiselle Augustine-Laure de Fumel, descendait de cette famille
et était veuve du baron de Brane, qui fut, de son vivant, conseiller au
Parlement de bordeaux.
Elle épousa plus tard, M. Langsdroff, négociant à Bordeaux et ce dernier
dirigea pendant quelque temps l'un des plus beaux vignobles de la Gironde;
mais sous le Directoire, M. d'Argicourt étant parvenu à se faire rayer de la
liste des émigrés, rentrant en France. Alors, il prit des arrangements avec
Madame Langsdroff, sa parente, et le château Margaux fut vendu en 1802 à M.
Bertrand Douat, marquis de La Colonilla, qui le paya 651000 francs. Le
marquis de La Colonilla le démolit et éleva à sa place le château actuel qui
est une espèce d'édifice grec, avec frontispice, des colonnes, des
sculptures et une avenue digne d'un palais. Il le possédait en 1826, et
cette année là il contracta, avec une maison américaine, un abonnement de
dix années pour la vente de ses vins; par suite de ce contrat, non seulement
le commerce de Bordeaux n'eut rien à voir dans ce cellier de premier ordre,
mais le commerce européen en fut complètement privé. Après la mort de M. de
La Colonilla, le château fut vendu, en 1836 à M. Aguado, marquis de Las
Marismas, pour la somme de 1300000 francs, et ce nouveau propriétaire
afferma aussi sa récolte trois fois pour neuf ou dix ans. En 1879, le
château est vendu au comte Pillet-Will puis son gendre le duc de la
Trémoille lui succède. En 1925, le domaine est acquis par une Société civile
administrée par Pierre Ginestet. Depuis 1977, la famille Mentzelopoulos est
propriétaire de l'ensemble. C'est à cette époque que la décoration
intérieure est modifiée par le décorateur Henri Samuel et que le parc est
réaménagé.
Le château est isolé au milieu d'un océan de verdure et de fleurs; en avant
est une large allée qui va de l'escalier à une grille monumentale; sur les
autres côtés sont de vastes pelouses, des massifs d'arbustes, parmi lesquels
circulent des allées sinueuses et sablées et le ruisseau qui y trace de
gracieux contours; à l'ouest, se dessinent les grands arbres du parc; à
l'Est, se déroulent des prairies qui s'étendent jusqu'à la Gironde. Toutes
ces richesses végétales font de château Margaux un séjour ravissant. On
accède au château par une allée bordée de platanes et une grille qui sépare
nettement le logis des bâtiments de dépendances qui l'entourent. La demeure
est composée d'un étage de soubassement, d'un rez-de-chaussée surélevé, d'un
étage carré et d'un étage en surcroît, le tout couvert d'un toit à croupes
en ardoise. La façade principale (sud) compte neuf travées, les trois
centrales étant séparées par des pilastres à chapiteaux ioniques et
précédées d'un péristyle avec plafond à caissons sculptés et à colonnes
ioniques, soutenant un fronton triangulaire à modillons. On accède au
rez-de-chaussée surélevé par un escalier droit en pierre sous lequel est
ménagé un passage permettant d'entrer dans les espaces de service situés en
soubassement. Ce niveau est traité en bossage continu et séparé du
rez-de-chaussée surélevé par un larmier. Une imposante corniche à modillons
délimite, quant à elle, l'étage carré de l'étage en surcroît et s'aligne sur
la base du fronton central également à modillons. Les baies sont à linteau
droit exceptées les trois portes centrales en plein-cintre du
rez-de-chaussée. A ce niveau les fenêtres sont surmontées d'une corniche; à
l'étage, elles sont dotées d'appuis saillants.
La façade postérieure (nord), sur jardin, se distingue de la façade
principale par l'absence de portique: les trois travées centrales sont ici
surmontées d'un entablement, couronné d'un garde-corps et supporté par des
pilastres à chapiteaux ioniques. L'escalier diffère également: le
rez-de-chaussée surélevé est accessible par un escalier en fer à cheval à
une volée avec terrasse à balustrade. Les façades latérales sont organisées
selon cinq travées et reprennent le même traitement que les façades
principale et postérieure. L'intérieur du château est tout à fait grandiose,
quoique peu étendu; au rez-de-chaussée sont des pièces voûtées, des
vestibules, des cuisines, des servitudes, des caveaux, tout ce qui est
nécessaire à un grand ménage. A la hauteur du perron sont les appartements,
salle de billard, salons, salle à manger; le tout meublé avec un luxe
asiatique, décoré de tableaux de maîtres, comme un musée; le vestibule qui
précède ces appartements est orné de statues et de panoplies. Au deuxième
étage sont des chambres de maître, meublées avec goût, puis la bibliothèque
qui possède de bons ouvrages et une pendule du XVIe siècle ; au troisième
étage sont des pièces peu intéressantes et un balcon d'où la vue s'étend sur
Blaye, la Gironde et les coteaux du Bourgeais. Les servitudes sont
complètement isolées du château et en dehors de la grille; elles forment un
vrai village, composé d'échoppes uniformes, où logent une trentaine de
familles, au milieu desquelles trône la maison élégante du régisseur:
viennent ensuite les écuries, les étables, les remises, les granges, les
hangars, les serres, les orangeries et autres servitudes; tout cela est
neuf, vaste et largement agencé.
A l'est de la grille du château est le quartier vinicole, composé de quatre
corps de bâtiments, entourant une cour; là, sont les magasins de merreins et
de cercles, les ateliers de tonnellerie, les cuviers et les chais. Le cuvier
a des pressoirs en pierre et une vingtaine de cuves, écoulant de 12 à 15
tonneaux. Le chai est des plus curieux du Médoc, il est grand, très élevé,
peut contenir 300 tonneaux en sôle, et est séparé en deux par une longue
rangée de colonnes d'un bel effet: ce chai date au moins du siècle dernier.
Autour du château s'étend une vaste propriété, consistant principalement en
prairies et en vignes: le vignoble s'étend sur deux grands plateaux, séparés
par le petit vallon où s'élève le château; puis, il y a une infinité de
petites pièces détachées dans les vignobles de Margaux, de Cantenac et de
Soussans, parmi lesquelles, celle de Virefougasse, qui donne des produits
hors ligne. Il y a enfin le vignoble de la Palus, qui se récolte à part.
Château Margaux fournit annuellement de 80 à 100 tonneaux, premier vin, 15 à
20 tonneaux, vin de presse et 40 à 50 tonneaux, vin de palus. M. Franck a
donné le relevé suivant, pendant les dix premières années du présent règne.
Le domaine du château Margaux est un des plus beaux de la Gironde; "c'est le
Petit Versailles de la contrée; il trône au milieu des crûs secondaires qui
l'environnent, comme un roi parmi ses vassaux".
Éléments protégés MH : l'ensemble des façades et des toitures du château
Margaux et des communs : classement par arrêté du 5 juillet 1965.
château Margaux 33460 Margaux, tel. 05 57 88 83 83, propriété viticole,
visites des chais sur rendez-vous, dégustation réservée uniquement aux
professionnels...
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