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On trouve un document daté de 1306, ou le
roi d'Angleterre, Edward 1er donne la permission au Cardinal de la Mothe de
bâtir une deuxième forteresse, le château Neuf de Roquetaillade. Le 22 juin
1559, le sieur Lahet, un des gens du roi attachés au Parlement de Guyenne,
entra dans la grande salle du palais de l'Ombrière, et déclara, au nom du
procureur-général, que de grandes assemblées de vassaux ou d'hommes d'armes
se faisaient en ce moment aux châteaux de Roquetaillade et de Noailhan; un
scandale, peut-être même de grands malheurs, allaient advenir, si l'on ne
s'empressait d'envoyer une députation chargée de ramener l'ordre. La
nouvelle n'était malheureusement que trop vraie. Roquetaillade et Noailhan,
comme à l'époque où les seigneurs jouissaient du droit de guerre privée,
allaient se trouver aux prises. Mgr Allemani, nouvellement promu à l'évêché
de Bazas, était sur le point de faire son entrée solennelle dans la ville.
Selon l'usage, c'était le premier baron du Bazadais qui devait, dans cette
circonstance, conduire par la bride la haquenée de Mgr Allemani. Or, ce
droit avait été exercé de tout temps par les seigneurs de Roquetaillade, qui
étaient, en effet, les premiers barons du pays. Mais, en 1559, une
difficulté s'était élevée. Roquetaillade avait changé de maîtres. Les
Lamothe, auxquels le château avait appartenu jus qu'alors, ne le possédaient
plus; ils avaient fait de Noailhan le siége de leur seigneurie, tandis que
le château paternel était devenu, par mariage, la propriété des si res de
Lansac. De là surgirent entre les nouveaux possesseurs et les fils des
anciens maîtres des prétentions qui faillirent provoquer des luttes
sanglantes, mais que l'intervention du Parlement vint heureusement prévenir.
Roquetaillade avait eu, onze années avant cette époque, à subir les
agressions des séditieux qui ravagèrent, en 1548, les nobles logis de la
province. Cette révolte, qui eut lieu à Bordeaux et dans les environs, aux
cris de: A bas les gabeleurs et vive Guyenne. Des bandes désordonnées de
paysans, armés de faux, de bâtons ferrés et d'arquebuses, se répandirent
dans les campagnes brûlant les châteaux et saccageant les terres.
Roquetaillade eut, comme les autres, à souffrir de leur passage; mais ses
fortes murailles, ses fossés taillés dans le roc, les six tours qui
défendaient son enceinte, et le donjon de trente cinq mètres de hauteur,
garni de créneaux et de meurtrières, qui domine encore ces colossales
constructions, résistèrent à leurs efforts. Roquetaillade appartient, comme
nous l'avons dit, à la brillante époque architecturale inaugurée par le pape
Clément, et dont Villandraut fut pour ainsi dire le modèle. Roquetaillade,
bâti vers l'année 1306 par le cardinal de Lamothe, offre à peu près l'aspect
qu'il présentait au moyen âge: c'est le plus beau monument militaire de
notre province. Cinq siècles ont passé sur ces tours noircies par le temps;
quinze ou vingt générations ont vécu sous ces voûtes ogivales; la conquête
de Charles VII, les guerres de religion, la Fronde, et, enfin, la Révolution
française, ont successivement passé devant cette enceinte et l'ont toujours
respectée.
En 1793, cependant, des hordes semblables à celles qui avaient ravagé le
Mirail avaient paru sous ses murs. Les hommes qui les composaient étaient
armés de leviers, de piques et de haches; ils arrivaient de Bazas et
venaient de recevoir, à raison de 25 sols par jour, le prix de la démolition
qu'ils avaient ordre d'accomplir. Le danger était sérieux. Grâce à sa
présence d'es prit, M. le marquis d'Uzert de Lansac sauva ce bel édifice,
qui, par une sorte de miracle, nous est ainsi parvenu presque entier. Les
niveleurs avaient déjà entamé l'une des six tours. "On vous donne, leur dit
à peu près en ces termes M. de Lansac, 25 sols par jour pour démolir le
château; c'est beaucoup d'ouvrage pour bien peu d'argent. J'ai quelque chose
de mieux à vous proposer: laissez là provisoirement ces vieux murs que vous
aurez toujours le temps d'abattre, et venez faire un tour dans mes chais;
vous y pourrez goûter le bon vin de Roquetaillade". Les démolisseurs avaient
reçu 25 sols pour travailler; on leur offrait du vin pour ne rien faire; ils
prirent le vin comme ils avaient reçu l'argent, et ils le trouvèrent si bon,
dit l'histoire, que tours, donjons et créneaux furent bientôt oubliés. Le
château échappa ainsi à leurs mains, comme il avait déjà échappé à celles
des Routiers, des Coiironnaiix, des Guîtres, des Religionnaires et des
autres partisans qui remplirent pendant plusieurs années le Bazadais de
leurs déprédation.
Nous avons déjà dit comment la seigneurie de Roquetaillade, qui avait
appartenu pendant plus de deux siècles aux Lamothe, seigneurs de Langon,
passa aux Lansac. Ceux-ci la léguèrent aux d'Uzert de Berad, à charge de
prendre les armes des Lansac, comme les Lansac avaient pris celles des
Lamothe. L'homme d'esprit et de ressources qui sauva, en 1793, le manoir,
était alors le chef de cette famille. Roquetaillade était au milieu du XIXe
siècle la propriété de sa petite-fille, Madame Le Blanc de Mauvezin, issue
du mariage de Mademoiselle de Lansac d'Uzert avec M. de Laboyrie. Si le
vieux castel des premiers barons du Bazadais est encore debout, si on le
retrouve avec ses grandes salles de vingt mètres de longueur, ses cheminées
gigantesques aux antiques sculptures, ses herses, ses barbacanes et tout
l'attirail militaire de la féodalité, les anciennes institutions ont, en
revanche, tout-à-fait disparu. Elles ne sont point cependant, sous le
rapport historique, sans intérêt pour nous. Roquetaillade présentait, dans
les derniers siècles, l'image d'un petit État qui avait ses lois, ses mœurs,
et même son gouvernement. Autour du château était une vaste enceinte, dans
l'intérieur de laquelle s'élevait une petite ville dont le château était
pour ainsi dire la capitale. Des obligations réciproques liaient les uns aux
autres les maîtres du château et les habitants de la cité. Les habitants,
par exemple, devaient, à tour de rôle, faire le guet à Roquetaillade. Les
seigneurs, de leur côté, leur fournissaient le vin toutes les fois qu'ils
étaient en corvée. Les mêmes seigneurs ne pouvaient, d'après la loi qui les
engageait vis-à-vis de leurs tenanciers, imposer à ceux-ci d'autres charges
ou d'autres usages, à moins qu'ils ne voulussent bien y consentir. (1)
Éléments protégés MH : les ruines du château vieux et le château neuf avec
sa chapelle : classement par arrêté du 12 octobre 1976. Le parc du château
comprenant l'ensemble des vestiges de l'enceinte médiévale avec la
barbacane, les berges et le ruisseau du Pesquey, le chalet du XIXe siècle et
le pigeonnier du Crampet : inscription par arrêté du 7 novembre 2002 (2)
château de Roquetaillade 33210 Mazères, tél. 05 56 76 14
16, ouvert toute l'année, son musée conserve la mémoire rurale de la région
bazadaise.
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