|
En 1265, il existe un château
dont l'entretien est réparti entre plusieurs communautés. En 1339 première
description du château dans les comptes de châtellenie d'Humbert II. Le 9
octobre 1587 prise du château par Lesdiguières qui avait amené, par Ceillac,
de l'artillerie démontée en fardeaux. En 1613 une commission instituée par
Lesdiguières rend compte du très mauvais état du fort. Quelques travaux sont
exécutés en 1614 et 1628. En 1633, pour réduire le grand nombre de petites
places fortes, le Conseil du Roi ordonne le rasement de Fort-Queyras. Mais
on se ravise et, le 24 avril, de Servien, Secrétaire d’État à la Guerre fait
savoir que "le roi a résolu de conserver le château de Queyras comme une
place importante à son service et à la sûreté de sa frontière". Mais les
populations locales, à forte proportion protestante, supportent mal la
présence du château, perçu comme un instrument d'oppression, et une source
de corvées et de réquisitions de toutes sortes: de 1634 à 1642, à tous les
niveaux d'instance, les habitants de la région essaient d'obtenir
l'exécution de l'arrêt de rasement de 1633, en vain. Le 10 avril 1638
rapport du duc de Créqui (le futur maréchal, et gendre de Lesdiguières)
rendant à nouveau compte du mauvais état du château. 6310 livres
d'améliorations sont ordonnées mais la mauvaise volonté des habitants fait
traîner les choses jusqu'en 1642. Trois ans après la révocation de l’Édit de
Nantes (1685), la guerre de la ligue d'Augsbourg s'ouvre en 1688. En 1680,
le duc de Savoie Victor Amédée II, jusque-là notre allié, change de camp, et
adhère à la coalition liguée contre la France.
L'évènement change profondément les données stratégiques en faisant surgir
une menace non négligeable sur une longue frontière dont l'organisation
défensive reposait surtout sur des places (Fenestrelle, Exilles, Pignerol,
Casal) situées sur le versant oriental des Alpes. En deçà, Briançon, Embrun,
Guillestre, Gap étaient de vieilles bicoques surannées où rien n'avait été
fait depuis Lesdiguières et dont on semblait croire qu'elles n'auraient
jamais à servir. Montdauphin n'existe pas encore. Bien renseigné, Louvois
avait pris des précautions et prescrit une série de travaux d'améliorations
de première urgence mais il meurt subitement en juillet 1691. Un premier
projet est dressé par Hüe de Langrune le 14 août 1691 et prévoit une caserne
à construire. Le 1er septembre, son collègue Delabat, en chef à Briançon,
propose, outre la caserne, un ravelin devant l'entrée, suivi, le 14 octobre,
d'un second projet de Langrune qui prévoit une enceinte nouvelle autour du
château. Mais la procédure des projets et des travaux est une chose, la
situation tactique en est une autre. L'insécurité s'est développée dans la
région, avec l'agitation des "barbets" et les infiltrations savoyardes. Le
lieutenant général marquis de Larray, qui commande le secteur, a fait à la
hâte remettre en état les chemins de ronde en planches du château, et mettre
en place un minimum d'approvisionnement en vivres et munitions (29 août
1691). En avril, M. de Lesches a été confirmé au commandement de la
garnison, en fait, une cinquantaine de miliciens dauphinois.
Hormis ces mesures d'urgence, aucun travail important n'a été réalisé au
château lorsque se déclenche l'offensive savoyarde. A la tête d'une armée
composite, comprenant des contingents allemands et des "religionnaires"
français, Victor-Amédée passe les Alpes au col de Larche puis (28-31 juillet
1692) le col de Vars et tombe sur Guillestre qu'il réduit en trois jours
avant de se tourner vers Embrun et Gap qu'il prend et dont il va dévaster
les environs. En même temps, une flanc garde, commandée par Schomberg (le
fils du maréchal) franchit la crête aux cols de Lacroix et Saint-Martin,
descend dans la vallée du Guil et investit Château-Queyras. Le village est
occupé le 4 août et les coalisés harcèlent le château et entament des
travaux d'approche. Sommé de se rendre, M. de Lesches rejette l'injonction.
Schomberg a amené, à dos de mulet, de l'artillerie légère, mais ne peut s'en
servir en raison des angles trop forts dus à la pente. Serrée de près la
garnison joue alors d'un expédient: un défenseur se glisse discrètement hors
du château et met le feu au village, les flammes embrasent les maisons,
obligeant les coalisés à en sortir et à se faire tirer au mousquet par les
défenseurs du château: six officiers et une cinquantaine de soldats sont
tués ou blessés (5 août). Les assaillants se replient sur Ville-Vieille,
sans doute pour se reformer et préparer une nouvelle attaque mais le
maréchal de Catinat, qui commande l'armée des Alpes, marche sur
Château-Queyras qu'il atteint le 7 août. Schomberg s'est replié sur le gros
de l'armée par Molines, Ceillac et Guillestre.
Catinat inspecte le château, fait un premier bilan des améliorations à
apporter et prescrit en premier lieu de réparer la citerne, dont Larray
s'était déjà plaint peu avant. Le retentissement de cette défense a sans
doute été déterminant dans la conservation de Château-Queyras comme place de
guerre. Cette campagne de 1692, par sa soudaineté, son ampleur et la
profondeur de sa pénétration à l'intérieur du royaume, a causé un émoi
considérable à la Cour. Aussi Louis XIV, désormais privé de Louvois,
décide-t-il d'envoyer Vauban inspecter la frontière du sud-est et dresser
les projets des améliorations indispensables pour combler les lacunes de
notre organisation. Le Commissaire général des fortifications est alors à
Namur qu'il a pris et dont il remet en état les ouvrages. Au reçu de l'ordre
royal, il passe le service à Cladech et part le 1er septembre pour une
longue tournée. Quittant Pignerol le 17 novembre, c'est au retour, à la fin
du même mois qu'il arrête le choix de la position du futur Montdauphin et
qu'il traite le cas de Château-Queyras. Le projet en est daté du 3 décembre,
élaboré avec l'ingénieur Richerand. Critiquant l'expédient de l'incendie
volontaire du village (qui a pourtant été déterminant) il définit assez bien
l'utilité de la petite place, comme "une des plus avancées vers le Piémont".
De plus le château fort est au milieu d'une région non dépourvue de
ressources et qui rapporte 180000 livres annuellement au trésor royal: il
est indispensable à sa protection, en particulier contre les incursions
des"barbets".
Les travaux commencent conduits par l'ingénieur Ricord, sous la direction de
Richerand, directeur des fortifications du Dauphiné. Le plan du 29 octobre
16931 fait apparaître la nouvelle enceinte en construction. Le même Ricord
donne, à la date du 17 janvier 1696, une "carte de la vallée du Queyras et
de ses environs", annotée "bonne dans son vieux genre" ainsi qu'un plan du
village d'Abriès, avec le projet de deux redoutes à mâchicoulis proposées
(non exécutées). Le traité de paix signé en 1696 avec le duc de Savoie, puis
la paix de Ryswick en 1697, améliora certainement les conditions de travail.
Le 19 octobre 1699, Richerand signe le projet pour 1700 sans rien changer
aux dispositions antérieures. La paix revenue depuis trois ans, Vauban put,
à loisir cette fois, faire une nouvelle tournée d'inspection sur les Alpes,
pour contrôler les travaux en cours. C'est par les gorges de la Combe, dont
le passage a été remis en état, qu'il arrive le 6 septembre à
Château-Queyras. Son projet, daté d'Embrun le 23 septembre, avec additif du
25 affine certaines dispositions du projet précédent, en modifie d'autres,
et insiste beaucoup sur la qualité des matériaux et les précautions
d'exécution. Il demande l'affectation d'un ingénieur "à dix écus par mois"
pour la conduite des travaux. Ce nouveau projet est estimé, sans indemnités
aux propriétaires, à 62392livres, susceptibles de s'étaler sur quatre ans.
L'ouverture, au printemps 1701, de la guerre de succession d'Espagne, suivit
de peu la seconde tournée de Vauban, qui n'était donc ni fortuite ni de
routine.
Après une trop courte paix de quatre ans, c'était une nouvelle suite de
treize ans de campagnes qui allait achever de ruiner l'économie du royaume.
Aussi le programme de modernisation du fort ne progressa-t-il que très
lentement, en raison surtout du manque de fonds et sans doute aussi du
caractère de poste secondaire de la place, en quelque sorte avancée de
l'élément principal: Montdauphin. Or, on sait que Vauban, à l'appui de la
demande des fonds de son projet de 1692 pour Montdauphin, avait avancé que
la nouvelle place permettrait de se passer de Gap, Embrun et
Château-Queyras. Il n'en fut rien et Château-Queyras continua à recevoir des
allocations, mais à vrai dire modiques. D'autre part, la situation militaire
et politique ne tarda pas à se détériorer: comme précédemment, Victor-Amédée
de Savoie, d'abord notre allié, ne tarda pas à changer de camp (1703),
réactivant le théâtre d'opérations du sud-est, confié à nouveau à Catinat.
Mais, excédé par le comportement de Victor-Amédée, le maréchal quitta son
commandement après avoir été placé en sous ordre de Villeroy. De 1704 à
1706, le sort des armes nous fut d'abord favorable: Montmélian et Nice
furent prises et rasées, la plupart des places du Piémont conquises. Mais,
sous le commandement de l'incapable La Feuillade, nous subîmes un grave
revers devant Turin, dont le siège dut être levé: les coalisés envahirent la
Provence mais furent arrêtés par le maréchal de Tessé sous les murs de
Toulon (1707) et durent, à leur tour, battre en retraite.
Mécontent de la mollesse de la poursuite, Louis XIV confia le commandement
au brillant Villars, qui, peu familier avec la guerre de montagne, se laissa
manœuvrer et perdit Exilles et Fenestrelle. Relevé à son tour, il passa son
commandement (1709) à l'habile et prudent Berwick qui réussit, avec des
effectifs réduits, à défendre victorieusement la frontière en 1709 et 1710.
En particulier, il arrêta, en 1710, près du col de Larche une réédition de
l'offensive de 1692, couvrant ainsi Montdauphin et Château-Queyras encore
fragiles. Les opérations se mirent ensuite en veilleuse jusqu'à la paix
d'Utrecht, en 1713, qui amena un important changement de tracé de la
frontière, en la ramenant à la crête topographique des Alpes, modifiant
ainsi les données stratégiques de la guerre en Briançonnais et Queyras. En
ce qui concerne Château-Queyras, on note qu'en 1703, la garnison se révèle
trop faible pour empêcher les "Barbets" de rançonner le Queyras. Il semble
que la "fausse-braie" et, en particulier, le front bastionné nord aient bien
été construits entre 1700 et 1705. En 1704 on paie les deux échauguettes du
front est. De 1706 à 1712, en raison de l'état des finances ruinées par la
guerre, les crédits alloués annuellement tombent de 4849 à 1786 livres. De
1715 à 1723 on n'a guère exécuté que des réparations: à ce moment, la place
a indéniablement gagné en puissance (avec les bastions du front nord) mais
manquait toujours de locaux à l'épreuve et, en particulier, d'un magasin à
poudre.
Un siècle après 1692, à la veille des guerres de la Révolution et de
l'Empire, qui n'affecteront pas directement Fort-Queyras, la place a ses
poudres à l'abri, une citerne convenable, une alimentation en eau
extérieure, mais susceptible d'être coupée dès l'investissement, une
protection relative par traverses contre le tir fichant de la mousqueterie.
Tout le sommet du plateau est ceinturé par une enceinte crénelée, mais le
manque de places logées limite les effectifs de la garnison, donc sa
capacité opérationnelle et son rayon d'action sur la vallée. En 1792-93, on
a remanié la face gauche du ravelin d'entrée pour augmenter l'angle du
saillant. Paradoxalement, le XIXe siècle va se montrer un peu plus généreux
avec l'ouvrage. Les années 1820-1830 voient s'exécuter de nombreuses
réparations et surtout d'améliorations des conditions de vie parfaitement
justifiées au cœur d'une région très dure, sans grandes ressources et isolée
une bonne partie de l'année. Par remaniement des locaux, la capacité du
logement est portée à 100 hommes soit une compagnie, trois poêles installés,
la literie renouvelée, les locaux blanchis à la chaux, planchers et
escaliers refaits, des lanternes d'éclairage posées. La conduite d'eau
extérieure est refaite en tuyaux de fonte ou de poterie. Une horloge est
installée dans un campanile en 1835. Cette première phase fut suivie d'une
seconde portant cette fois sur l'amélioration de la fortification proprement
dite, justifiée par des motifs connus depuis longtempsmais pris en compte
par une délibération du comité des fortifications en date du 20 mars 1838.
C'est ainsi qu'en 1841-42 est construite, sur la courtine du front bastionné
nord, la batterie constituée par cinq casemates à la Haxo, destinée à agir
sur le plateau du Rouet, puis, de 1842 à 43, sur le front sud, un ouvrage
identique, la batterie à quatre pièces, destiné à agir sur les replats
dangereux de la rive gauche du Guil. Une autre batterie, à ciel ouvert, fut
simultanément aménagée, à deux pièces bordant la cour dite de l'artillerie.
Ces onze positions de pièces, dont neuf sous casemates venaient s'ajouter
aux diverses positions à ciel ouvert aménagées antérieurement depuis 1692.
Ces travaux sont, en fait, les dernières améliorations du fort en tant
qu'ouvrage fortifié. En 1858, la crise de l'artillerie rayée accroît
brusquement les capacités de l'artillerie, face à la fortification
existante, dont l'artillerie de montagne premier adversaire de l'ouvrage.
Celui-ci devrait normalement être complètement réorganisé et, compte tenu de
son rôle secondaire, il n'en est pas question. Par contre, on y maintient
une garnison, d'autant que la route de la combe du Queyras est ouverte en
1855. Après 1870, les rapports se tendent assez vite entre la France et
l'Italie. Les Italiens créent des compagnies alpines, nous amenant à des
mesures analogues qui, par le jeu d'une sorte d'escalade, conduisent à
l'organisation, dès le temps de paix, d'une véritable armée des Alpes (la
VIIIe armée) dont les effectifs de guerre atteignent plus de 200000 hommes.
Situé entre le Briançonnais, au nord, et l'Ubaye, au sud, le Queyras
constitue une région spécifique, formée par la vallée du Guil et le réseau
palmé de ses affluents, encagés dans un système orographique très accusé. Au
nord la chaine Pic de Rochebune, Mont Viso forme barrière avec le versant
piémontais, avec quelques cols élevés praticables à pied seulement, tandis
qu'au sud la chaîne Viso formant en partie frontière, est échancrée de
quelques passages utilisables, dont le col d'Agnel, doté tout récemment
d'une route carrossable de liaison avec le Piémont, les cols Tronchet et
Girardin communiquant avec la Haute-Ubaye. Pays fermé, donc, ouvert
récemment au sud-ouest seulement sur la vallée de la Durance, à Guillestre,
au débouché d'une longue gorge étroite et profonde dite "combe du Queyras",
constituant le principal accès du pays mais resté longtemps d'une
circulation difficile et risquée. Le fort est constitué d'une enceinte
extérieure, constituant l'enceinte de combat, et renfermant divers bâtiments
et du château primitif, prolongé, à l'est, par sa basse cour. Sur la moitié
sud du périmètre, l'enceinte consiste en un simple mur percé de créneaux de
fusillade, descendant à l'est en gradins pour épouser la déclivité du rebord
du plateau. Le front nord-ouest comporte des flanquements plus réguliers, le
front nord est un front bastionné. Le château, partie la plus ancienne, a un
plan trapézoïdal flanqué d'une tour à chaque angle. Le "donjon" occupe à peu
près la moitié de la cour centrale, dans l'angle nord-est de l'enceinte,
sans faire saillie à l'extérieur. Ce gros bâtiment à plan légèrement en
losange et à quatre étages occupe l'angle nord-est de l'enceinte du château.
Il est cantonné de deux tourelles, l'une au nord-est commune à l'enceinte,
l'autre au sud-ouest enfermant l'escalier à vis desservant les étages. (1)
Éléments protégés MH : le fort de Château-Queyras (remparts et extérieur des
bâtiments), au sommet du verrou barrant la vallée du Guil, à l'entrée de la
gorge de la Combe : inscription par arrêté du 29 novembre 1948.
château-fort Queyras 05350 Château-Ville-Vieille. Tel. 04 92
21 98 58, ouvert au public, visites tous les jours, week ends et jours
fériés inclus : en mars, avril et novembre de 11h à 16h, en juillet et août
de 9h à 19h, en mai, juin, septembre et octobre de 10h 30 à 17h. Animations
au château: calligraphe prénoms public, maquilleuse d'enfants, forgeron en
démonstration, costumes pour photos, saynètes médiévales, démonstration de
combat, musique médiévale, spectacles de saltimbanques, initiation au public
à l'escrime et aux danses médiévales. En démonstration: tissage
passementerie, haubergier cottes de mailles, armurier, orfèvrerie et bijoux
et bien d'autres surprises attendent le public...
Ce site recense tous les châteaux de France, si vous possédez des documents
concernant ce château (architecture, historique, photos) ou si vous
constatez une erreur, contactez nous.
Nous remercions
chaleureusement M. Bernard Drarvé pour les photos qu'il nous a
adressées afin d'illustrer cette page (photos interdites à la publication).
A voir sur cette page "châteaux
des Hautes Alpes" tous les châteaux répertoriés à ce
jour dans ce département. |
|